Taxis - Les Scop

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Taxis - Les Scop
PORTRAIT
GROUPE DE TAXIS GESCOP
Chauffeurs de taxi
et entrepreneurs avertis
D.R
Le groupe parisien Gescop qui compte 1 200 personnes constitue le 1 er
groupement français de taxis. La force de la coopérative tient au regroupement de travailleurs indépendants associés et à l'élaboration d'une véritable
stratégie d'entreprise basée sur la gestion démocratique.
Jean-François Morève, administrateur de Gescop, nous fait découvrir à travers
son propre parcours, la trajectoire d'une entreprise innovante.
que la profession y
était majoritairement hostile…»
Mais c'est surtout
la dimension entrepreneuriale
du
groupe Gescop qui
en impose. Il a
construit son développement en intégrant des activités
et des services - par
création, rachat, ou
De gauche à droite : Jean-François Morève (Gat), Claude
prises de participaMitaine (Taxicop); Jacques Taburel (Barco),
tion - nécessaires à
Guy Brillard (ex-Pdg de Barco),
l'exploitation de la
Joël Pruvot (Alpha-Taxis).
profession de taxi.
Création d'un centre comptable
Ceux qui pensent encore que la
assurant la gestion de la comptaforme coopérative est vieillotte et
bilité individuelle de chaque
peu performante vont devoir d'urchauffeur de taxi, d'une mutuelle
gence réviser leur jugement.
interne professionnelle, prise de
Gescop est de ces entreprises
participation dans la société Axyexemplaires, liant efficacité et
gest qui gère les besoins informainnovation. Innovation par le statiques du groupe, rachat du centut, grâce à la reconnaissance par
tral radio Alpha Taxis en 1988 qui,
l'Administration en 1976 du statut
après son informatisation en 1990,
de travailleur indépendant, qui,
est devenu aujourd'hui avec son
par extension, va leur permettre de
système de localisation automafonctionner en coopérative retique des véhicules par le GPS l'un
groupant des travailleurs indépendes plus performants du marché.
dants associés. Innovation dans
Rachat plus récemment d'un atel'exercice du métier. «Nous avons
lier de carrosserie et d'une société
toujours été à la pointe des évolud'installation de taximètres… Cette
tions de la profession, souligne
mise en commun de moyens et
Jean-François Morève, nous avons
une gestion méticuleuse permetété les premiers à nous équiper
tent d'amortir les aléas de la
d'un central radio informatisé,
conjoncture économique comme
nous avons aussi encouragé le
la forte baisse d'activité subie par
paiement par carte bancaire alors
la profession à la suite de la guerre
du Golfe persique en 1991. Les résultats ont été à la hauteur. Le bilan consolidé du groupe avoisine
les 450 millions de francs!
Une coopérative
de travailleurs
indépendants associés
Jean-François Morève, 50 ans au
compteur, peut afficher une légitime fierté. Rien ne prédestinait
cet autodidacte, « formé sur le terrain et grâce au cours du soir en
gestion de la Chambre de commerce » à co-animer le Gie ( groupement d'intérêt économique)
Gescop et à devenir l'un des virtuoses de la gestion coopérative.
C'est en effet comme boulangerpâtissier qu'il entreprend à 14 ans
son parcours professionnel. À 23
ans, ne s'imaginant pas passer sa
vie entière entre des diplomates et
des religieuses, il décide de devenir chauffeur de taxi, « par goût
de la liberté et du contact humain » explique-t-il. On est en
1971, il intègre la Compagnie des
taxis G7. Certains reçoivent l'appel de la mer, lui ce sera l'appel
du bitume… et du général de
Gaulle. Il adhère avec enthousiasme aux thèses de la participation gaulliste. Il devient militant
et animera à ce titre de 1981 à
1991 la section professionnelle
PARTICIPER 553 MARS 1998
RPR des taxis. Il cherche à « devenir acteur de sa propre vie, à
s'impliquer dans la vie d'une entreprise et dans la société ». La société Gat qu'il intègre en 1972 va
lui en donner l'occasion.
Dans le sillage des ordonnances
d'août 1967 sur la participation et
l'actionnariat dans les entreprises,
coup sur coup, trois sociétés de
taxi - Gat, Barco et Taxicop - se
transforment en sociétés anonymes coopératives après que les
porteurs de parts eurent cédé le
capital de ces sociétés aux salariés.
Dans la foulée, elles adhèrent à la
Cgscop. Le montage juridique est
astucieux. Le capital est fractionné
de façon à ce que chaque lot de
parts corresponde à une licence c'est-à-dire l'autorisation de stationnement qui permet d'exercer
la profession de taxi -. Dès lors les
règles de la dévolution démocratique du pouvoir peuvent s'appliquer. Une licence correspond à un
associé qui détient une voix.
Chaque sociétaire, chauffeur de
taxi, est lié à la coopérative par un
contrat d'intéressement. Statut
semblable, esprit identique; la Gat
rejoint en juin 1977 Barco et Taxicop au sein du Gie Gescop, l'organe de gestion, créé par les deux
coopératives en 1970. La direction
du Gie est assurée collégialement
par les trois présidents des Scop.
À la suite d'un sévère redressement
fiscal fin 1977 motivé par la remise en cause des recettes déclarées par les chauffeurs associés,
l'Administration fut à l'origine
d'un changement de statut rendu
possible grâce à un arrêté du ministère du Travail d'octobre 1976:
le statut «d'indépendant associé»
regroupés au sein d'une coopérative se substitua à celui de salarié.
Le nouveau statut combine un
compromis entre le salariat et l'artisanat. Sur le plan social, les coopérateurs sont assimilés à des salariés - ils cotisent au régime
général sur une base forfaitaire de
70% du plafond de la Sécurité sociale - mais sur le plan fiscal, ils
sont, comme l'artisan, assujetti au
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D.R
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Le Groupe parisien Gescop : 1200 personnes, dont ici quelques sociétaires
devant le château de Vincennes
Bic et à la Tva sur le chiffre d'affaires et possèdent un numéro de
Siret. Première conséquence, Gescop, qui ne regroupe plus que des
«indépendants associés», doit quitter la Cgscop dont l'appartenance à
l'époque «ne se concevait qu'avec
des salariés» explique J-F Morève.
Dépasser le salariat,
une voie d'avenir
Curieusement, la nouvelle organisation, non fondée sur le salariat,
va renforcer les liens entre les sociétaires et la coopérative. «Chaque
sociétaire a son compte courant individualisé, note J-F Morève, il
participe par sa quote-part aux
charges de la coopérative». En dépit des obligations «telles que l'adhésion obligatoire de tout sociétaire
au centre comptable Gescop, au
central radio, le sentiment d'appartenance s'est renforcé» s'étonne
encore J-F Morève. Mais ces devoirs vis-à-vis du groupe s'accompagnent de nombreux avantages
pour les sociétaires. L'optimisation
de la gestion, la possibilité de disposer d'un véhicule-relais en cas
de panne ou d'accident, l'engagement de solidarité de la coopérative auprès d'associés traversant
des difficultés personnelles, la reprise en interne de la gestion fi-
nancière des assurances de la flotte
des véhicules qui permet d'en limiter le coût, procurent de substantiels atouts et puis «ils ont la possibilité de contester cette gestion
puisqu'ils désignent eux-mêmes
leurs représentants lors des assemblées générales».
Autre atout et non des moindres,
le président de chaque société de
taxi « est obligatoirement un de
leurs pairs ». J-F Morève « a
roulé » vingt ans, de 1971 à 1991
avant de devenir directeur général de Gat. Pendant un an, il est
passé par tous les services avant
de succéder à Pierre Oudin à la
tête de l'entreprise en 1992. L'expérience, le capital humain, des
bases solides à partir desquelles
se transmettent les valeurs de
l'entreprise. C'est pour faire reconnaître ses spécificités auprès
des Pouvoirs publics que le groupe a créé une chambre syndicale
professionnelle. C'est pour défendre et partager ces valeurs,
qu'il a réintégré le giron de la
Confédération générale des Scop
en 1995. J-F Morève, administrateur de l'Ur parisienne, élu au
Conseil national du Mouvement
entend dynamiser cette nouvelle
forme de coopération, « une voie
d'avenir pour d'autres métiers ».
LL