ASSOCIATION ERDRE ET NATURE La Filonnière 44240 SUCE

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ASSOCIATION ERDRE ET NATURE La Filonnière 44240 SUCE
ASSOCIATION ERDRE ET NATURE
La Filonnière
44240 SUCE SUR ERDRE
Madame Chantal BONHOMME
La Filonnière
44240 SUCE SUR ERDRE
Monsieur Le Maire
Hôtel de ville
44240 SUCE sur ERDRE
Sucé le 5 octobre 2010
LR AR
Monsieur le Maire
C'est en ma qualité de Présidente de l'association « Erdre et Nature » enregistrée à la Préfecture sous le N°
W442004404 et au nom de cette dernière, ainsi qu'en ma qualité de riveraine de l'Erdre et en mon nom personnel
que je prends contact avec vous.
L'association et moi-même venons de prendre connaissance des récents articles parus dans OF des 25-26 septembre
et 29 septembre intitulés : « promenade au bord de l’Erdre : on avance ». « Sentier de l’Erdre : le coup de sifflet du
préfet ».
Ainsi que vous le savez, la question de la "servitude de marchepied" visée à l'actuel article L2131-2 du code de la
propriété des personnes publiques est source de vives inquiétudes pour un grand nombre de propriétaires riverains
de l'Erdre (environ 200 sur notre commune et adhérents à notre association) dont certaines maisons sont situées
entre 10 et 20 mètres des bords du cours d'eau.
Et, vous le savez aussi, cette question a déjà donné lieu à des graves altercations entre les collectifs de promeneurs
(manifestement soutenus par votre commune) et les riverains ainsi qu'à des exactions commises par ces mêmes
promeneurs au mépris de la propriété privée (destruction de biens privés notamment).
Vos fonctions de Maire et donc à ce titre d’officier de police judiciaire vous imposent de prendre les mesures de
nature à assurer le respect de l'ordre public et à faire cesser tous agissements illégaux. Notre association « Erdre et
Nature » est en droit d’attendre de votre part un minimum d’impartialité et en aucun cas de « prendre» la tête
d’une colonne de marcheurs. C’est donc précisément ce que, par la présente, l'association « Erdre et Nature » et
moi-même vous demandons de respecter.
En premier lieu, nul ne peut admettre qu'il soit porté atteinte à la propriété privée et à la tranquillité des riverains,
prétexte pris d'un texte (l'article L2131-2 visé ci-dessus) qui, contrairement à ce que votre commune considère à tort,
n'institue pas de "droit de passage" perpétuel au profit de quiconque souhaiterait se promener chez autrui.
En second lieu, même sans parler de la nature et de l'étendue de la servitude de l'article L2131-2, il est constant que le
texte est juridiquement inapplicable en l'état de sorte que nul ne peut, pour l'heure, en toute hypothèse s'y référer et
favoriser des comportements visant à forcer son application.
En troisième lieu, reste aussi la question primordiale de la sécurité et de la tranquillité publique, lesquelles ne sont, à
l'heure actuelle, plus assurées, avec finalement une exposition des personnes et des biens à des risques de
dommages.
Enfin, il est impératif d'examiner la situation au regard des évolutions législatives et constitutionnelles récentes.
L'ensemble de ces points est repris ci-dessous.
1/ La notion même de "servitude de marchepied" :
La loi sur l’eau et milieux aquatiques du 30 décembre 2006 a apporté des modifications tant au niveau du Code de
l’environnement (art L 211-7 et 211-12) que du Code de la Propriété des Personnes Publiques dans son article 2131-2
qui indique que la servitude de marchepied est à l'usage du gestionnaire du cours d'eau et des pêcheurs (cela existait
déjà avant la loi) mais aussi désormais des piétons.
Or, "piéton" ne signifie pas "promeneur" ni "marcheur" alors également que "le marchepied" n'est pas "la marche à
pied".
De fait, c'est au prix d'une interprétation erronée du texte que les collectifs de promeneurs rejoints en cela par votre
municipalité soutiennent le contraire, détournant ainsi l'esprit de la loi et la volonté du législateur.
A cet égard, vous vous souviendrez :
- qu'initialement (lors du premier vote du texte à l'Assemblée Nationale), la rédaction envisagée de l'article
L.2131-2 visait, non pas les "piétons", mais les "marcheurs" ou encore le "passage des marcheurs",
- que cette version a ensuite été amendée au Sénat ceci afin spécifiquement de "revenir sur l'extension aux
"marcheurs" du droit d'accès aux terrains privés riverains des cours d'eau et plans d'eau domaniaux" et que
c'est alors qu'a été introduite, en remplacement, la référence aux "piétons",
- que, se rangeant aux arguments du Sénat, l'Assemblée Nationale a entériné cette modification, renonçant
donc à accorder le bénéfice de la servitude de marchepied aux "marcheurs" pour ne le reconnaître qu'aux seuls
"piétons".
Ainsi, contrairement à ce qui peut être soutenu çà et là, le législateur n'a jamais entendu accorder sans discernement
un droit de passage à tout promeneur qui, simplement, désirerait marcher au bord de l'eau chez autrui.
En réalité, la "servitude de marchepied", qui était déjà connue bien avant la réforme de 2006 et définie en
jurisprudence, n'a changé ni de nature ni d'objet avec le nouvel article L 2131-2 : il s'agit toujours de permettre à une
personne à pied de "prendre pied" si besoin sur la rive du cours d'eau, et ceci seulement en rapport avec la fonction
première et/ou l'utilité du cours d'eau.
Comme auparavant, il ne saurait s'agir d'un droit de passage perpétuel et continu pour la "marche à pied" qui aurait
été accordé à tout intéressé, sans considération pour sa qualité et sans lien avec une fonction précise ou, en tous cas,
liée à la présence du cours d'eau.
En clair, si le pêcheur à pied, le gestionnaire du cours d'eau ou encore celui qui y naviguait mais s'est trouvé contraint
de redevenir piéton bénéficient naturellement de la servitude car cela est en lien avec le cours d'eau lui même, il n'en
va pas de même d'un simple promeneur.
Aussi bien, l'interprétation contraire hâtivement proposée par certains n'est assurément pas exacte et aboutit, en
définitive, à détourner le sens de la loi que nous vous demandons donc de faire respecter, tout en protégeant par la
même occasion le droit de propriété.
Au demeurant, il est d'autant plus irréaliste de soutenir que le législateur aurait pu instituer un droit de passage sur
des propriétés privées au bénéfice de tout un chacun errant sans but précis alors :
-
qu'une servitude ne peut juridiquement être instituée qu'en lien avec une utilité et une fonction précise,
regardée comme justifiant l'atteinte au droit constitutionnel de propriété qu'elle occasionne,
-
qu'accorder un droit de passage général, perpétuel et absolu à toute personne quelle qu'elle soit aurait
abouti à affecter des parcelles privées à l'usage du public, soit finalement à une expropriation laquelle ne
peut pourtant se concevoir sans indemnité juste et équitable.
De fait, si la loi de 2006 devait réellement être lue comme le propose les collectifs de marcheurs ainsi que votre
commune, la loi serait assurément inconstitutionnelle...
2/ Inapplicabilité de l'article L 2131-2 du CPPP :
En toute hypothèse, même en mettant de côté l'essence véritable de la servitude de marchepied, reste que l'article
L.2131-2 est aujourd'hui juridiquement inapplicable de sorte que nul ne peut s'y référer ni favoriser des
comportements visant à forcer son application.
Il est constant que du point de vue matériel et pratique, la délimitation matérielle de la servitude dépend
intrinsèquement de la délimitation du domaine fluvial et donc de la limite des plus hautes eaux naturelles ("la hauteur
des eaux coulant à pleins bords avant de déborder" visée à l'art. L2111-9 du CPPP) ceci sans tenir compte des
interventions humaines ou des perturbations météorologiques exceptionnelles (CE, 28/02/1994, n°128887,
groupement foncier agricole des Combys c/ Préfet de l'Allier, Lebon).
Dès lors, pour que la servitude de marchepied puisse être effective et opposable sur notre commune, encore
faudrait-il que le domaine public fluvial soit délimité sur le territoire de Sucé.
Or, tel n'est pas le cas ainsi que vous le savez, de sorte que cette servitude de marchepied dont l'emprise n'est
même pas délimitée ne peut être ni invoquée ni opposée.
Bien plus, vous connaissez les problèmes que posent cette nécessaire délimitation préalable du domaine fluvial dès
lors qu'ayant une particularité peu commune pour un affluent de la Loire, l'Erdre ne se jette pas directement dans ce
fleuve si bien que c’est l’ouverture ou la fermeture de l’écluse qui détermine les plus hautes eaux de l’Erdre et aussi
les plus basses.
Dans ces conditions, nous voyons mal comment les limites du domaine fluvial pourraient être légalement déterminées
dans les conditions de l'article L2111-9 du CPPP au regard duquel il ne serait pas admissible que telle ou telle autorité
(laquelle d'ailleurs ?) fixe arbitrairement (selon quels critères ?) un niveau des eaux de référence.
Quoi qu'il en soit, reste que le domaine fluvial n'étant actuellement pas délimité, la servitude de marchepied ne
peut trouver application dans ces conditions indéterminées. De plus, l’adoption de la règle des plus hautes eaux,
conjuguée avec la fermeture de l’écluse aboutirait à rendre inutilisable l’ensemble des ports et aménagements de
tous ordres réalisés tant par la municipalité que par des particuliers (ex : terrain pour bateaux à Nort sur Erdre, la
Beaujoire…)
Enfin, d'un point de vue plus factuel, je rappelle que parmi le grand nombre de propriétaires (environ 200 sur notre
commune (adhérents à notre association) certains ont leurs maisons entre 10 et 20 mètres des bords de l’Erdre, si
bien que, pour eux plus encore que pour les autres, cette problématique de hauteur de l’eau – et donc d'emprise de la
servitude – est absolument capital, sauf à accepter de renoncer à toute intimité.
3/ Les impératifs d'ordre public :
Les problèmes de sécurité posés par l'attitude des collectifs de promeneurs (qui tentent de forcer l'application de leur
lecture de l'article L2131-2 lequel est, on vient de le voir, est en toute hypothèse inapplicable en l'état) ont déjà été
portés à votre connaissance.
L'habitude a ainsi été prise d'organiser de grandes manifestations qui ne sont ni plus ni moins que des démonstrations
de force destinées à intimider et à forcer la main aux riverains.
Ont ainsi lieu des défilés de personnes agressives qui, scandant des slogans de lutte des classes parfaitement hors de
propos, n'hésitent pas à faire justice (leur idée de la justice) eux-mêmes, en abattant de la végétation, en détériorant
des clôtures (au risque, au surplus, de libérer les animaux qui y sont parqués) ou encore en invectivant et menaçant
les propriétaires et leurs familles.
Ainsi que cela était malheureusement prévisible, ces comportements inadmissibles – et obéissant uniquement à un
objectif de provocation puisque les proches sites ouverts au public ne sont que très peu fréquentés – ont déjà
dégénéré en affrontements, aboutissant à des blessures corporelles pour certains riverains.
Or, à ce jour, bien qu'avisée de tout ceci, votre commune n'a pris aucune mesure de nature à mettre un terme à ces
exactions.
Aujourd'hui plus que jamais, il est impératif que vous fassiez cesser cette situation et ces dérives, ce qui ne peut
passer que par une interdiction de passage de tiers sur les propriétés sucéennes riveraines de l'Erdre.
Au surplus, il faut aussi garder à l'esprit que les berges que les promeneurs empruntent ainsi en se prévalant d'une loi
qui ne leur en donne pas le droit, ne sont ni conçues ni aménagées pour supporter de telles manifestations, avec donc
des risques d'accidents pour les marcheurs (avec en prime, un délicat problème de responsabilité éventuelle des
propriétaires).
A ce sujet, on ne peut concevoir – et le législateur ne l'a pas envisagé ainsi – que des tiers passent là où il n'y avait pas
de chemin praticable et stabilisé, ce qui est bien souvent le cas sur le territoire de Sucé, étant d'ailleurs rappelé qu'il
ne préexiste pas de chemin de halage sauf sur le canal de Nantes à Brest.
4/ Règles constitutionnelles et évolution législative :
Comme évoqué précédemment, la situation actuelle contraint en définitive des propriétaires à apporter leurs terrains
à un usage public, sans condition ni indemnité.
Se trouve ainsi rompu le juste équilibre devant régner entre la sauvegarde du droit constitutionnel de propriété et les
exigences de « l’intérêt général », ainsi qu'a déjà eu l'occasion de le rappeler la cour européenne des droits de
l’homme ou encore les juridictions nationales sur le fondement de l’article 544 du code civil.
Par ailleurs, rappelons qu'alors que les exploitants agricoles sont tenus de respecter des obligations, notamment la
mise en place de parcelles enherbées en bordure des cours d'eau, le passage de nombreux marcheurs, impossibles à
identifier, risque d'interdire le respect de telles obligations avec, au final, un risque de pénalités et de retenues
financières.
Egalement, les exigences environnementales ne doivent non plus pas être négligées.
A ce titre, les riverains, dont moi-même et ceux adhérents à notre association, sont très inquiets de voir les propriétés
tant petites (quelques dizaines de mètres de l’Erdre) que grandes transformées en « marche à pied », bafouant le
droit à vivre dans un environnement équilibré, et provoquant la détérioration des arbres et paysages.
A ce titre, avant toute mise en œuvre éventuelle d'un passage récurrent dans ces endroits sensibles, une étude
d'impact serait ainsi indispensable et ceci doit de plus conduire à prendre immédiatement toute mesure pour mettre
un terme à la situation dommageable actuelle.
De même, l'intégration de la Charte de l’Environnement de 2004 dans le préambule de la Constitution (loi
er
constitutionnelle N° 2005-205 du 1 mars 2005) , la loi du 16 juillet 1976 sur la protection de la nature, la loi sur les
sites classés codifiée dans les articles L 341-1 à 342-22 du Code de l’environnement, et aujourd’hui la loi N° 2010-788
du 12 juillet 2010 dite Grenelle II sur la cartographie des trames vertes et bleues ainsi que des couverts permanents
sur une bande de 5 m le long de certains cours d’eau, constituent autant de normes supérieures imposant elles aussi
d'interdire le passage répété de promeneurs, serait-ce à titre de précaution.
Nous vous prions de croire, Monsieur Le Maire, à l’assurance de notre considération distinguée.
Chantal Bonhomme
Pour l'association, sa présidente :
Chantal Bonhomme
P.S. copie de cette lettre est adressée à notre avocat Nantais, Me Vincent CHUPIN
Copie de cette lettre est adressée à Monsieur le Ministre de l’intérieur
Copie de cette lettre est adressée à Monsieur le Préfet