A propos du débat scientifique : « la mémoire de l`eau

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A propos du débat scientifique : « la mémoire de l`eau
UNINE - Institut de psychologie et éducation
Raisonnements dans l’analyse de données en psychologie et en sciences de l’éducation, 07
A propos du débat scientifique : « la mémoire de l’eau »
Mira Canciu et Coralie Perritaz
Présentation
Le but de ce travail est d’apporter quelques éclairages sur la démarche scientifique en prenant
pour exemple un cas litigieux qui a été largement relayé par la presse, puis par Internet.
L’histoire
Selon l’encyclopédie libre Wikipédia, le terme de mémoire de l’eau concerne une controverse
médiatico-scientifique causée par la parution d’un article du médecin et biologiste renommé
Jacques Benveniste et de collègues dans le numéro de juin 1988 de la revue Nature. Il
s’intitulait Human Basophil Triggered by very dilute antiserum against igE1 (dégranulation
des basophiles humains provoquée par de hautes dilutions d’antiserum anti-igE).
L’article décrit la réaction de globules blancs (basophiles) au contact d'un anticorps et conclut
que les globules blancs continuent de présenter des réactions alors que l'anticorps est dilué au
point d'éliminer statistiquement toute molécule d'anti-IgE dans la solution. La réaction,
dégranulation, ou son absence sera mise en évidence grâce à une coloration des basophiles. Le
film des événements est illustré dans la figure 1.
Fig 1. Réaction des globules blancs avec les anticorps anti-IgE. Effet de dégranulation
De façon simplifiée (détails en annexe), l’opération consistait à diluer un produit dans de
l’eau à tel point que la solution finale ne contienne plus que des molécules d’eau puis, avec un
système hypersensible, constater que cette solution hautement diluée déclenchait une réaction
comme si des molécules initiales étaient encore présentes dans l’eau. D’où la déduction que
l’eau conservait une trace des molécules présentes au départ des dilutions.
Comme beaucoup de théories un peu folles, celle de la mémoire de l'eau n'est pas en avance
sur son temps et ne sera qu'un épisode, parmi d'autres moins "popularisés", de la vie
1
E. Davenas, F. Beauvais, J. Amara, M. Oberbaum, B. Robinzon, A. Miadonnai, A. Tedeschi, B. Pomeranz, P.
Fortner, P. Belon, J. Sainte-Laudy, B. Poitevin, J. Benveniste, Human basophil degranulation triggered by very
dilute antiserum against IgE, Nature 333, 816-818 (30 Jun 1988).
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scientifique (même si des intérêts financiers y étaient mêlés). Ce qui est intéressant c’est que
la revue Nature l’ait publiée. C’est pour cela que la controverse a pris de l’ampleur, car tous
les évènements scientifiques majeurs (avec force « reviewers ») apparaissent dans cette revue.
Mais une autre explication, plus psychologique, liée à la théorie de l'engagement, peut aussi
expliquer l’importance prise par la controverse. En effet, la théorie de l'engagement stipule
que (comme son nom l'indique) plus on est engagé dans quelque-chose (un acte, une cause,
etc) plus il est difficile d'en sortir et d'y mettre fin, plusieurs conditions doivent cependant être
réunies:
•
•
•
•
•
•
Il faut que la personne engagée soit libre (i.e. non contrainte)
Que les conséquences de son acte soient mises en relief
Que son acte ait un coût élevé (pas forcément financièrement)
Qu'il soit le plus visible possible, c'est-à-dire : qu'il soit public, que le caractère
explicite de sa signification soit souligné, qu'aucun retour en arrière ne soit
possible (ou qu'il soit difficile), que l'acte soit réalisé plusieurs fois.
Eviter toute justification d'ordre externe (par plus de promesses de récompense que
de menaces de punition)
Avancer une explication interne.
Lorsqu'on y regarde de plus près, l'histoire de la mémoire de l'eau et plus particulièrement
celle de son "découvreur", rassemble presque toutes les conditions requises pour que
l'engagement soit tel que Benveniste ne puisse plus revenir en arrière (celle due à la publicité
donnée à l’affaire étant d’après Wikipédia la plus importante), même s'il aurait dû se méfier
dès le doute installé. Le désir de marquer l'histoire des sciences, d'être célèbre, reconnu,
applaudi a peut-être été le plus fort. Et c'est réussi, dans une certaine mesure, mais plutôt par
le ridicule qui a également touché les laboratoires homéopathiques.
Mais comme on a pu constater en lisant ces pages traitant l’expérience, il y a beaucoup de
facteurs qui peuvent intervenir lorsqu’il s’agit d’une expérience révolutionnaire et dans cette,
affaire, outre les aspects de prestige, les aspects mercantiles ne doivent pas être exclus.
En effet, rappelons qu'un challenge de million de dollars proposé par James Randi attend
toujours d'être gagné par celui qui réussira à différencier une préparation homéopathique
d'une autre non homéopathique. Et ceci de quelque manière que ce soit : moyens chimiques
(analyse qualitative ou quantitative) ; biologiques (in vivo ou in vitro) ; physiques
(polarisation, analyse spectrale, microanalyse) ; métaphysiques (tarots, intuition, auras,
« Kirlian », hasard, communication avec les esprits) ou tout autre moyen. Pour l'instant
personne, selon Wikipédia, dans la communauté homéopathe pourtant la mieux placée, n’a
encore relevé ce défi.
On va voir par la suite, quels sont les enjeux courus par ce type d’expérience et à quel autre
domaine on peut faire référence.
Les enjeux
La mémoire de l’eau renvoie a des principes retrouvés dans l’homéopathie, qui se veut une
science, à la fois par ses principes énoncés comme des lois de la nature et par la mise en
œuvre régulière d’études cliniques visant à démontrer que les médicaments homéopathiques
ont des effets supérieurs à ceux de placebo.
Mais beaucoup de chimistes et de médecins estiment que l’homéopathie est une
« pseudoscience » puisque aucune des études cliniques réalisées n’a pu démontrer l’efficacité
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des traitements proposés. Ses principes de base sont donc généralement considérés comme
incompatibles avec le savoir scientifique actuel.
Mais la science n'étant pas dogmatique, quelques théories considérées comme farfelues ont
ensuite été (très rarement) intégrées au vu des éléments apportés par la suite, rien n'étant figé
pour l'éternité dans ce domaine.
Mais la « mémoire de l'eau » représentait autre chose qu’une idée farfelue. Pour les partisans
de l'homéopathie, la découverte de Benveniste était inespérée : le fait qu’une molécule diluée
à l'extrême puisse avoir un effet justifierait le mécanisme d'action des médicaments
homéopathiques.
Au-delà des enjeux et de la polémique, essayons d’analyser l’ensemble de la démarche en
rapport à la démarche scientifique « standard »2.
Les hypothèses
L’hypothèse de départ était que l’eau qui a été en contact avec une substance, conserve les
propriétés de cette substance alors que celle-ci ne s'y trouve statistiquement plus.
A la base de cette hypothèse il y a un raisonnement « à rebours » basé sur le constat que le
corps humain contient environ 80% d’eau. Elle représente la substance la plus conséquente du
corps donc elle doit forcément l’influencer. Le fait de « transformer » cette substance
influencera la quasi totalité du corps.
L’eau est le transporteur d’information. Il y a 10'000 molécules d’eau pour une molécule de
protéine dans l’organisme, alors tout message doit pouvoir passer par l’eau. Lorsque des
molécules déclenchent un effet biologique, ce ne sont pas elles qui transmettent le signal mais
l’eau « péri moléculaire », qui sert de relais et probablement d’amplificateur dit l’article de
Wikipedia consacré à l’homéopathie. C’est ce phénomène qui est résumé par l'eau qui peut
garder la « mémoire » du produit utilisé dans les premières dilutions.
L’hypothèse expérimentable que Benveniste voulait mettre à l’épreuve était que : les globules
blancs continuent de présenter des informations même quand l’anticorps est dilué au point
d’éliminer statistiquement toute molécule d’anti-igE dans la solution. Lors de l’examen de
l’hypothèse, le résultat était comme une confirmation (ou plutôt augmentation de degré de
confiance) du caractère plausible du principe de dilution de l’homéopathie. Il s’avère que le
test utilisé par Benveniste, n’était pas reconnu comme fiable et la réaction des globules blancs
ne fut pas mesurable avec des protocoles plus consensuels.
Pour les scientifiques de Nature, cette découverte semble tellement incroyable qu'ils décident
de procéder à un test de vérification "en aveugle" : une équipe comprenant un magicien
professionnel (!), un expert des fraudes scientifiques. Le directeur de Nature lui-même, John
Maddox, est chargé de procéder à ce test. Il en ressort que les résultats ne sont pas probants,
mais le rapport indique qu'aucune tricherie n'a été décelée. Alfred Spira, un autre éminent
spécialiste de l'Inserm apporte d'ailleurs son soutien à Benveniste : pour lui, cette découverte
est "la plus importante depuis celle de Newton", et il lance un appel international pour réaliser
des recherches supplémentaires.3
Globalement, on observe donc une faiblesse au niveau des hypothèses théoriques, il n’existe
actuellement aucune théorie physique permettant d’expliquer une quelconque forme de l’eau
transporteur d’information (d’où est dérivé la mémoire de l’eau).
2
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Selon cours SEDRAD07
http://www.journaldunet.com/science/divers/dossiers/06/impostures/memoire-de-l-eau.shtml
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Mais surtout, c’est au niveau expérimental que la faille principale semble résider.
Expérimentalement, une seule expérience mettant en évidence la mémoire de l'eau a existé et
elle fut rapidement invalidée à cause de son protocole peu fiable. Elle a été reproduite en 1998
par un groupe de scientifiques conduit par le professeur Madeleine Ennis et aurait donné des
résultats positifs (étant une réplication de la procédure de Benveniste)
Pour certains scientifiques, la publication de Benveniste et collègues constitue un archétype
de non-respect de la méthode scientifique, tout comme la théorie de la fusion froide, elle aussi
publiée dans Nature. Et si l’information n’avait pas été portée par un chercheur brillant,
personne ne l’aurait prise au sérieux.
En étant dans l’impossibilité de trouver des critères objectifs pour la science, cette théorie a
été classée de pseudoscience (ce terme signifie qu’une connaissance ou une démarche non
scientifique a la prétention d’être scientifique)
Pour certains homéopathes, l’expérience était dès sa conception vouée à l'échec car elle ne
respectait pas le principe d'individualisation4 qui fait partie des fondements de l'homéopathie.
Les critiques et les conséquences
En définitives, les principales critiques de cette théorie sont de deux ordres :
1. protocole expérimental controversé
D'autres séries d'expériences n'arrivent pas à reproduire les résultats obtenus par Benveniste.
Car les basophiles ont tendance à dégranuler un peu n'importe comment dans des conditions
in vitro. De plus, certains basophiles ne sont pas visibles au microscope. Enfin, les pics de
dégranulation sont aléatoires. Bref : le test est difficilement interprétable. Et puis si l'eau avait
une "mémoire", pourquoi l'aurait-elle seulement pour les basophiles ?
2. Conflits d’intérêts
Le présupposé intérêt existant entre Benveniste et les laboratoires Boiron (spécialisé dans la
production de médicaments homéopathique) qui finançait les recherches de celui-ci a relevé
des questions.
Actuellement, la réglementation impose que l'efficacité d'un médicament soit prouvée par des
essais cliniques réalisés en double aveugle5 comme on l’a vu plus haut : l'effet du médicament
est comparé à celui de son placebo ou d'un médicament existant, sans que le médecin ou le
patient ne sachent lequel est prescrit. Pendant longtemps, arguant du principe d'adaptation au
patient, les homéopathes ont rejeté la méthodologie ordinaire de test d'efficacité (en effet, le
test en double aveugle est basé sur la constitution d'un groupe de patients présentant la même
maladie, alors que l'homéopathie entend soigner des patients et non traiter des maladies).
4
Ce principe d'individualisation est de fait mis à mal par les laboratoires homéopathiques eux-mêmes, qui
commercialisent et promeuvent publicitairement des médicaments homéopathiques vendus sans ordonnance,
identiques pour tous les malades, le plus connu étant l' Oscillococcinum, indiqué dans les "états grippaux".
5
Principe du double aveugle : principe de méthode scientifique en vertu duquel celui qui prend les mesures ne
doit pas connaître la provenance des échantillons, ni l'hypothèse qu'on cherche à vérifier. S'il y a des sujets
humains, ils ne doivent pas savoir exactement ce que l'on cherche à mesurer ou à démontrer. Il faut en effet
éviter que les résultats des observations soient influencés par les attentes des chercheurs.
(http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9moire_de_l'eau#Une_.22bonne.22_chose_pour_le_d.C3.A9bat_scientifi
que_.3F)
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La suite de l’expérience
Plus tard, Benveniste proposera une théorie micro-macrocosmique faisant une analogie entre
les trous noirs (et leurs propriétés) avec des "trous blancs" dans l'eau qui expliquerait la
mémoire de l'eau, et la publiera. La magie et l'ésotérisme entrent en fanfare par la grande
porte d'une théorie aux allures d'imposture scientifique. Ici, on n’entre pas dans une posture
de jugement. On a gardé les commentaires tels qu’ils sont.
« La mémoire de l'eau serait en fait un "vide blanc" ou plutôt un "trou blanc" formé (si on
peut s'exprimer ainsi) par la disparition de la molécule du produit dilué (sic), ces "trous
blancs" émettraient une onde électromagnétique faisant apparaître des hyperprotons. ». Mais
il ne s'arrête pas là : « l'onde ainsi émise par une dilution homéopathique (avec ses secousses
ou "succussions" bien entendu) serait susceptible d'être enregistrée sur un support magnétique
puis transmise à de l'eau pure dans le but de la "dynamiser" à son tour, puis ensuite de
dynamiser l'eau dynamisée, et ainsi de suite. Il s'agit de la guérison à distance évoquée. »
Arrivé à ce niveau, il semble que nous sommes au royaume des fées, des ectoplasmes ou de la
cabbale. L'Office des Brevets, quant à lui, ne s'y est pas trompé puisqu'il a toujours refusé
d'enregistrer les "inventions" de Benveniste et son "Procédé et dispositif de transmission sous
forme de signal de l'activité biologique d'une matière porteuse à une autre matière porteuse,
et de traitement d'un tel signal, et produit obtenu avec un tel procédé " malgré ses recours, et
ce pour cause d'insuffisance de l'exposé !6
Notre conclusion
On s’étonne que l’article ait été publié dans Nature, ce qui prouve qu’il n’est pas aussi évident
que cela d’utiliser un critère de démarcation entre science empirique et pseudoscience (ou
métaphysique).
On ne pense pas détenir toutes les vérités en nos mains, mais, en regardant cette expérience à
travers certains commentaires, on ne peut que douter de sa fiabilité.
Il serait intéressant de regarder plus en détail les relations entre Benveniste et Maddox
(directeur de l’entreprise homéopathique Boiron) car on pourrait trouver là certains réponses à
nos questions. Il est certain que cette expérience ne représente qu’une petite partie d’un tout
qui ne peut pas être démontré. Il faudrait également analyser de façon très fine,
psychologique, la posture de Benveniste, dernier signataire de l’article de Nature. A quel
niveau se situait sa conviction (théorique, expérimental). Avec plus de temps, nous aurions
peut-être pu consulter son ouvrage posthume (Benveniste, 2005).
On pense aussi qu’il ne faut pas être réticent à tout ce qu’il est nouveau mais qu’il faut essayer
de comprendre, de tester par soi-même, de chercher des preuves fiables avant d’émettre des
jugements de valeurs sur qui ou quoi que ce soit.
Bibliographie
http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9moire_de_l'eau
http://www.digibio.com/cgi-bin/node.pl?lg=fr&nd=n4_1
http://www.linternaute.com/science/divers/dossiers/06/impostures/memoire-de-l-eau.shtml
http://www.linternaute.com/science/divers/dossiers/06/impostures/memoire-de-l-eau.shtml
http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9moire_de_l'eau#Conflit_d.27int.C3.A9r.C3.AAt
6
http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9moire_de_l'eau#Exp.C3.A9rience_apparent.C3.A9e_:_la_technique_de_
thermoluminescence_par_Louis_Rey
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Benveniste, J. (2005). Ma vérité sur la mémoire de l'eau. Paris : Albin Michel. (avec la
collaboration de François Cote).
Annexe : Test de dégranulation des basophiles humains
Le « Test de dégranulation des basophiles humains » repose sur (logique) la « dégranulation
des basophiles », les basophiles sont des globules blancs contenant des granules porteurs de
différentes molécules dont l'histamine (hormone intervenant notamment dans les réactions
allergiques). L'histamine est donc libérée par les granules, eux-mêmes « largués » par les
basophiles, lorsque ces derniers sont mis en présence d'agents allergènes (poussières, pollen,
etc.). Le Test de Dégranulation des Basophiles Humains, in vitro, est réalisé par prélèvement
de sang sur un individu, sang que l'on met en présence avec un allergène, résultat : les
basophiles dégranulent (ils perdent leurs granules) montrant que l'individu est allergique à la
substance. Pour détecter la dégranulation, Benveniste propose de colorer les basophiles qui,
lorsqu'ils dégranulent, ne sont plus visibles au microscope alors que si aucune réaction ne se
produit, ils restent visibles au microscope sous la forme de petites boules colorées (en fait ils
se teintent lorsqu'ils ne dégranulent pas). Pour prouver la mémoire de l'eau, Benveniste, et son
assistant Poitevin, vont utiliser un anticorps, l'Anti-IgE qui a la propriété de faire dégranuler
tous les basophiles, qu'ils soient sensibles ou pas, et vont le porter à de très hautes dilutions
dignes de celles de l'homéopathie (avec la succussion ad hoc), 18CH (centésimale
Hahnemannienne), dans laquelle il ne pouvait plus rester une seule molécule d'Anti-IgE, or
Benveniste et son assistant affirmèrent avoir obtenu des dégranulations à cette dilution de
18CH, invoquant la "mémoire de l'eau" ou une "action d'une autre nature que moléculaire"
puisque plus une seule molécule d'Anti-IgE n'était présente pour participer à la réaction.
Le problème de l'efficacité du test est que, in vitro, les basophiles dégranulent a tout va et
qu'en plus, ils ne sont pas assez visibles au microscope et il fallait augmenter leur
concentration. Ajoutez à cela qu'en fait de dégranulation, il s'agissait plutôt d'achromasie (qui
n'est que le reflet d'une activité chimique sans dégagement d'histamine car si la dégranulation
peut modifier les propriétés de coloration, l'inverse n'est pas toujours vrai), et vous aurez un
parfait exemple d'expérience bancale dont le protocole est foireux. Sans oublier que les
véritables "inspirateurs", peut-être vaut-il mieux dire "mécènes" de ces expériences étaient,
cachés non sans arrière-pensées, les Laboratoires Boiron, hauts lieux de l'homéopathie, qui
voyaient là le moyen de rendre l'homéopathie plus scientifique et moins magique grâce à la
caution d'un chercheur de l'INSERM7.
Justement, Benveniste refusera toujours de vérifier sa formidable "découverte" sur d'autres
modèles que son boiteux « test de dégranulation », en dosant l'histamine libérée par les
basophiles par exemple ou d'autres moyens biochimiques, sans compter que puisque la
mémoire de l'eau se veut un phénomène physique universel, on devrait pouvoir mesurer sa
réalité par tout autre moyen que les globules blancs. Pourquoi s'en tenir aux seuls globules
blancs ? Le Docteur ne veut rien entendre, ce qui le décrédibilise encore plus. S'en suit toute
la litanie habituelle du savant incompris, condamné parce que novateur et visionnaire, le
syndrome Galilée dans toute sa splendeur, thème récurent, avec celui du Jésus persécuté puis
adulé par la foule.
Plus tard, Benveniste proposera une théorie micro-macrocosmique faisant une analogie entre
les trous noirs (et leurs propriétés) avec des "trous blancs" dans l'eau qui expliquerait la
mémoire de l'eau, et la publiera. La magie et l'ésotérisme entrent en fanfare par la grande
porte d'une théorie aux allures d'imposture scientifique. La mémoire de l'eau serait en fait un
"vide blanc" ou plutôt un "trou blanc" formé (si on peut s'exprimer ainsi) par la disparition de
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Extrait de http://www.digibio.com/cgi-bin/node.pl?lg=fr&nd=n4_1
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la molécule du produit dilué (sic), ces "trous blancs" émettraient une onde électromagnétique
faisant apparaître des hyperprotons. Mais il ne s'arrête pas là : l'onde ainsi émise par une
dilution homéopathique (avec ses secousses ou "succussions" bien entendu) serait susceptible
d'être enregistrée sur un support magnétique puis transmise à de l'eau pure dans le but de la
"dynamiser" à son tour, puis ensuite de dynamiser l'eau dynamisée, et ainsi de suite. Il s'agit
de la guérison à distance évoquée. Arrivés à ce niveau, nous sommes au royaume des fées,
des ectoplasmes ou de la cabbale. L'Office des Brevets, quant à lui, ne s'y est pas trompé
puisqu'il a toujours refusé d'enregistrer les "inventions" de Benveniste et son "Procédé et
dispositif de transmission sous forme de signal de l'activité biologique d'une matière porteuse
à une autre matière porteuse, et de traitement d'un tel signal, et produit obtenu avec un tel
procédé " malgré ses recours, et ce pour cause d'insuffisance de l'exposé
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