Le secret bancaire libanais résistera-t-il au blanchiment d

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Le secret bancaire libanais résistera-t-il au blanchiment d
Le secret bancaire libanais résistera-t-il au blanchiment
d’argent ?
Nouhad El Chalouhi - Chargée d’enseignement à la FGM
Le secret bancaire est profondément enraciné dans l’histoire et la culture de certains pays. A
l’origine le secret bancaire est né de la relation contractuelle qui unit une banque et son client.
Ainsi le secret bancaire est une simple obligation de discrétion du banquier visant à protéger
les intérêts de son client. La protection a ensuite été renforcée dans de nombreux pays par une
législation protégeant les droits des clients à la confidentialité financière car le constat est le
suivant : plus la discrétion bancaire est renforcée, plus les capitaux se trouvent à l’abri de
l’interventionnisme étatique et plus l’économie est prospère.
Autrement-dit, le secret bancaire existe dans tous les pays mais il s’applique selon des
conditions de techniques juridiques sensiblement différentes puisque les fondements du droit
au secret ne vont pas être les mêmes. Il existe ainsi un esprit différent pour chaque Etat
suivant des causes physiques comme la position géopolitique du pays ou la situation
économique et des causes morales comme la religion, les mœurs et coutumes. De ce fait,
certains pays vont limiter le secret bancaire à une simple obligation professionnelle, alors que
d’autre pays comme le Liban vont instaurer un régime juridique spécial d’un secret renforcé,
distinct du simple secret professionnel.
Inspiré du modèle Suisse, le secret bancaire libanais est même devenu plus absolu, plus
rigoureux que le secret bancaire Suisse. Le but de la loi du 3 Septembre 1956 sur le secret
bancaire avait plusieurs finalités. Une finalité économique car elle veut attirer les capitaux
étrangers, et une finalité politique en consolidant l’indépendance du Liban au niveau
internationale car à l’époque la jeune démocratie libanaise cherchait à s’affirmer par rapport à
ses pays voisins en adoptant un système économique des plus libérale car plus le secret
bancaire est extensif plus il attire les investissements étrangers. Pour cela, le secret bancaire
empêche toute demande d’investigation ou de renseignements des différentes autorités
administratives ou judiciaires, et n’admet que certaines dérogations à titre exceptionnel.
D’autre part, la législation bancaire libanaise est constituée par un ensemble de lois qui
régissent les opérations bancaires notamment le Code de Commerce de 1942, la loi sur le
compte-joint de 1961, le Code de la Monnaie et du crédit et la création de la Banque du Liban
de 1963.
Au fil des années, le secteur bancaire libanais s’est très bien construit en jouissant d’une
excellente réputation pour son professionnalisme et son sérieux puisque la violation du secret
bancaire par une banque conduit la Banque du Liban à prendre des sanctions administratives à
son encontre1. L’ « absolutisme » du secret bancaire libanais a rencontré des limites avec la
mondialisation et la libéralisation des marchés financiers qui ont commencé à ouvrir la voie à
des transactions bancaires transfrontalières, mais c’est surtout les progrès significatifs des
1
Article 208 du code de la monnaie et du crédit, qui autorise la Banque du Liban à radier la banque en cas de violation du secret bancaire.
1
techniques électroniques2 qui ont accéléré l’accès aux transactions bancaires transnationales
anonymes et instantanées. Ce constat favorise le développement de la criminalité financière
puisque l’absence d’accès aux renseignements bancaires contribue pour une part à la réussite
des techniques de blanchiment d’argent et d’autre part à faciliter les mouvements de ces fonds
à travers les frontières. Pour faire face à ce problème, a été mis en place en 1990 le Groupe
d’Action Financière internationale 3. Ainsi, le Liban a fait longtemps l’objet de vives critiques
internationales car le secret bancaire instauré dans le pays ne permettait pas de révéler la
présence ou non d’une opération de blanchiment d’argent puisqu’aucune législation ne le
prévoyait et de ce fait ne le sanctionnait. Il aura fallu attendre pour cela la loi n°318 relative à
la lutte contre le blanchiment d’argent de 2001 (I), pour qu’une première avancée soit
entreprise car le problème du blanchiment d’argent est aujourd’hui encore en constante
évolution (II).
Le Droit au secret bancaire tempéré par la lutte contre le
blanchiment d’argent
Le secret bancaire est un droit plus ou moins étendu suivant les législations propres à chaque
pays. Ce droit peut en effet être limité ou bien au contraire absolu comme c’est le cas au
Liban. Cette caractéristique a connu une remise en cause par l’émergence et la multiplicité du
blanchiment d’argent (A), tant au niveau national qu’international, conduisant à l’adoption de
restrictions plus ou moins conséquentes (B).
A. De l’émergence à la multiplicité d’opération de blanchiment d’argent
Le blanchiment d’argent trouve sa source et sa pluralité d’utilisations dans différentes
techniques de la criminalité financière 4. Cette diversité fait du blanchiment d’argent « une
technique criminelle dont l’action est la dissimulation de la provenance de l’argent acquis de
manière illégale, comme les activités mafieuses, le trafic de drogue ou d’armes (…), pour le
réinvestir dans des activités légales, comme la construction immobilière, la restauration,
(…) »5. Il existe plusieurs étapes dans le blanchiment d’argent sale, car on peut soit dissimuler
l’argent sale physiquement ou par différents procédés bancaires, soit le réinvestir petit à petit
dans des activités légales. C’est ainsi que l’origine de l’expression de blanchiment d’argent
trouve sa source, en Amérique dans les années 1930, dans la nécessité pour les mafieux de
dissimuler la provenance de leur agent sale 6. Les méthodes utilisées depuis ces années 1930
pour blanchir l’argent sale vont poser les fondations des techniques de blanchiments qui sont
encore utilisées aujourd’hui mais s’adaptent continuellement aux circonstances économiques
2
Les progrès électroniques tel qu’Internet ont engendré la « dématérialisation de la monnaie ». Ces nouveaux systèmes financiers
permettent de représenter la valeur économique sous une forme numérique favorisant des transactions plus rapides grâce aux
transactions en ligne sur des dizaines voire des centaines de comptes bancaires dans différents pays.
3
Le GAFI est un organisme intergouvernemental qui a pour objectif de concevoir et de promouvoir des politiques de lutte contre le
blanchiment d’argent et le financement du terrorisme aussi bien à l’échelon national qu’international.
4
La criminalité financière désigne de manière générale « toute forme de criminalité non violente qui a pour conséquence une grande perte
financière. Cette criminalité couvre une large gamme d’activités illégales notamment l’évasion fiscale ou le blanchiment d’ar gent » ,
Onzième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale du 18 au 25 Avril 2005, Bangkok (Thaïlande).
5
www.wikipedia.com, « blanchiment d’argent »
6
C’est Al Capone qui en 1928 créa une chaîne de blanchisserie, les « Sanitary Cleaning shops », qui lui permirent de prétendre que l’argent
qu’il place dans les banques provient de ces entreprises. L’arrestation de ce dernier pour fraude fiscale a mis en évidence l es nouvelles
techniques pour déguiser les gains.
Le même procédé fut entrepris par le célèbre mafioso Meyr lansky, qui eut l’idée de recourir aux pays offshores et aux banques suisses
pour faire sortir l’argent des Etats-Unis sur des comptes numérotés. C’est ainsi grâce à ces fonds recyclés qu’il créa entre autre las Vegas.
2
et législatives nouvelles7. Ainsi, le blanchiment d’argent sale permet aux organisations
illicites d’utiliser de grandes masses d’argent tout en continuant leurs activités corrompues.
Les sources du blanchiment d’argent sont multiples. En effet, on y retrouve la drogue, le trafic
d’armes, d’êtres humains ou encore récemment le trafic d’animaux 8, le vol et la contrebande,
le financement du terrorisme, la fraude à la TVA (…). Ces procédés de blanchiment ne
cessent de s’étendre et de se diversifier sur tout le plan international, notamment par des
techniques ou des méthodes de blanchiment qui affectent de plus en plus la situation
financière et l’économie générale.
Les techniques du blanchiment s’adaptent continuellement aux évolutions technologiques et
législatives. Ainsi on remarque, dans le monde financier, que plus l’argent sale tourne dans les
machines à blanchir et plus l’argent sale est difficile à déceler vu que son origine
géographique et la manière dont il a été acquis demeurent le plus souvent indécelables. La
question essentielle qui se pose est une recherche continuelle de la manière avec laquelle les
criminels réussissent à transformer leurs profils illicites dans les secteurs de l’économie. En
effet, le but principal de tout criminel est la prudence et l’innovation des méthodes pour
dissimuler l’origine de l’argent afin de n’éveiller les soupçons et l’attention des organismes
d’application de la loi. Habituellement le processus de blanchiment se divise en trois étapes
principales, le prélavage, le brassage et enfin l’essorage. Pour la première phase, le prélavage
encore appelé le placement ou l’immersion, le but est de placer l’argent liquide sur un compte
bancaire en masquant son origine illégale. C’est la phase la plus vulnérable pour les criminels.
Puis intervient la deuxième phase qui est le brassage ou la dispersion. Dans cette phase, il
s’agit de brouiller les pistes par des transactions financières complexes afin de masquer
l’origine des fonds ou en légitimer la possession. Enfin à la dernière phase d’essorage, de
recyclage ou d’intégration, l’argent étant blanchi et son origine masquée, les investissements
dans l’économie légale peuvent commencer. Pour garantir le succès de ces phases de
blanchiment, des techniques diverses sont utilisées comme par exemple les fausses factures
des sociétés offshore ou écran pour faire croire que l’argent est tout à fait propre. Mais il
existe d’autres méthodes qui sont utilisées dans les étapes de placement et de dispersion
comme le shtroumfage9, la complicité bancaire, le transfert électronique de fonds, le casino 10,
l’auto-prêt, le mélange de l’argent sale aux recettes d’un commerce complice, (…).
Le shtroumfage est la méthode la plus courante de blanchiment d’argent. C’est la complicité
de plusieurs personnes dans le dépôt de sommes d’argent, dans les banques, de moins de
10 000 dollars afin d’éviter le seuil de la déclaration et les soupçons. La complicité bancaire
est qu’en à elle l’entente avec un employé de la banque pour faciliter le processus de
blanchiment. Enfin le transfert de fonds ou le virement électronique est utilisé pour faciliter le
transfert de l’argent entre plusieurs pays pour à la fois brouiller la provenance de cet argent et
éviter son transfert physique. L’hypothèse de l’auto-prêt suppose que le criminel remet à son
complice une somme d’argent illicite. Ce dernier prête une somme équivalente avec à l’appui
7
Eric vernier, technique et méthodes du blanchiment, nouvelle édition, Paris, 2008.
Certaines espèces sont en voie de disparition car elles font l’objet d’un trafic illégal d’animaux vivants ou de produits dér ivés à base de
fourrure, d’os (…). Ce trafic pose un problème mondial de conservation des espèces car aujourd’hui le trafic d’animaux est le troisième plus
grand marché illégal derrière le trafic de drogue et le trafic d’arme.
9
Le shtroumfage est un procédé qui réunit plusieurs personnes qui déposent des sommes en espèces dans différentes banques mais
inférieures à 10 000 dollars pour ne pas attirer l'attention. L'implication de ce grand nombre de personnes permet donc de déposer des
sommes considérables, et lorsque l'organisation criminelle a besoin de cet argent, toutes ces personnes vont retirer l'argent et le mettre en
commun.
8
10
Les casinos jouent un grand rôle dans le blanchiment où une personne voulant blanchir de l’argent se rend dans un casino et échange de
grandes sommes d’argent liquide contre des jetons (phase d’introduction). Cette personne reste un moment au casino mais ne joue qu e
très peu et reconvertit ses jetons en demandant un chèque à son nom (phase de dissimulation). Enfin, se rendant à la banque avec le
chèque à son nom, elle déclare avoir gagné cet argent au casino. Cet argent est ensuite versé au compte de cette personne (phase
d’intégration).
3
un contrat de prêt pour créer l’illusion que l’argent du criminel est légitime. Un calendrier de
remboursement de l’emprunt va être ajouté pour renforcer la légitimité de cette combine et
procure de ce fait un autre moyen de transfert des fonds.
Il y a une multitude d’autres moyens de blanchir l’argent sale en perfectionnant les trois
phases par un montage de plus en plus complexe car l’argent transféré par des virements
bancaires et cacher par des méthodes en perpétuelle innovation. A partir des années 1970, il y
a une prise de conscience de l’importance de lutter contre le blanchiment d’argent qui
représente selon le FMI plus de 500 milliards de dollars américains par an 11.
Le blanchiment d’argent n’est pas seulement dû à l’ingénierie des criminels, mais le système
bancaire de certains pays participe considérablement au succès du système de blanchiment car
on note dans ces pays un nombre important de blanchiment car la règlementation bancaire est
insuffisante voire laxiste. Certains pays comme les paradis fiscaux ou les pays à faible
imposition, comme le Liban, attirent les capitaux étrangers car leurs principales
caractéristiques sont entre autre un faible taux d’imposition mais surtout une absence
d’informations fiscales, administratives, voire judicaires grâce à un secret bancaire très
poussé12. Cette insuffisance est en elle-même de nature à nourrir et à favoriser les activités de
blanchiment car les blanchisseurs sont toujours en quête d’anonymat et d’une politique
économique fortement axée sur l’attraction des investissements étrangers protégés par un
secret bancaire sacralisé, où la discrétion est de rigueur. Tout banquier qui transgresse son
obligation de discrétion est fortement puni par la loi. Ces quelques mots résument la morale
de l’activité bancaire de tout pays soumis au secret bancaire comme la Suisse, le
Luxembourg, ou le Liban (…). Ces Etats proposent une confidentialité plus ou moins radicale
aux investisseurs financiers pour les attirer puisque les blanchisseurs affectionnent
particulièrement le secret bancaire le plus absolu possible. La sacralisation du secret bancaire
revêt deux éléments majeurs. D'une part, il y a le droit pour le client de demeurer discret, de
ne pas déclarer sa véritable identité, de ne pas être tenu de justifier économiquement sa
fortune. Il jouit dans l'exercice de ce droit des comptes anonymes, à numéros ou à
pseudonymes pour masquer sa vraie identité. Ainsi, un code anonyme et confidentiel assure la
communication avec sa banque. D'autre part, il y a l'obligation absolue pour le banquier de
garder le plus grand silence sur les opérations effectuées sur le compte du client, et la
violation est comparée à un sacrilège sévèrement punie.
Aucun pays ni aucune banque ne souhaitent que leur système économique soit miné par les
criminalités organisées pour blanchir leur argent sale. C’est pourquoi on renforce de plus en
plus les mesures et les dispositions légales tant au niveau nationale qu’internationale car à
travers toute cette évolution, de nombreuses questions se posent de plus en plus sur
l’évolution du système du secret bancaire non seulement au Liban mais aussi dans divers pays
comme le Luxembourg ou la Suisse, notamment au regard des législations récentes luttant
contre le blanchiment de capitaux (B).
B. Les restrictions nationales et internationales du secret bancaire comme tentative de
remède au blanchiment d’argent
A partir des années 1970, l’escalade du marché de la drogue et la mondialisation du crime
organisé entraine une forte prise de conscience du problème de blanchiment d’argent. Les
premières mentions journalistiques de l’expression de blanchiment d’argent remontent au
11
12
Fonds Monétaire International, 1996, il faut intensifier la lutte contre le blanchiment de l’argent, Bulletin FMI, 5 Août 1996, pp. 245-248.
Gafi, Rapport sur les typologies du blanchiment de l’argent, 1997-1998, 12 février 1998, www.fatf-gafi.org
4
scandale du Watergate (1972-1974) avec le journal britannique « Guardian » qui s’est référé
au processus en lui-même de blanchiment 13. Ainsi les Etats-Unis deviennent à partir de 1986
le premier pays à criminaliser le blanchiment d’argent provenant de la drogue, où le
blanchiment est qualifié de « crime des années 1990 ». Une suite de lois durcit les sanctions et
élargit leur périmètre d’application. Il y a environ deux cents activités illicites recensées
comme le trafic de drogue, le racket, la prostitution, le trafic d’organes, les actes de
terrorismes (…), et cette liste augmente en nombre du fait de la diversité croissante des cas de
blanchiment. D’autres pays suivent par la suite le même schéma, notamment en France par la
première loi de 1987 qui a introduit ce délit en droit français. Toutefois, elle ne réprimait
seulement que le blanchiment de l’argent provenant du trafic de stupéfiant. Il faudra attendre
la loi du 13 mai 1996 qui va créer un délit général de blanchiment. Général, car
l’incrimination concerne le blanchiment de fonds provenant d’un crime ou délit.
Ainsi, avec la mondialisation et les échanges de capitaux qui se multiplient à partir de la fin
des années 1980, la lutte contre le blanchiment d’argent concerne non seulement les différents
Etats au niveau national mais s’étend au niveau international. Le blanchiment d’argent joue
des frontières en utilisant des opérations financières successives, réalisées à travers le monde,
pour brouiller la trace des opérations financières douteuses.
La coopération internationale est donc incontournable. En effet, il y a une prise de conscience
de la nécessité de renforcer au niveau mondial une lutte internationale contre l’argent sale.
C’est pourquoi différentes organisations internationales voient le jour et se réunissent
régulièrement pour faire le point et mettre en place de nouvelles méthodes de lutte pour
s’adapter et contrer les nouvelles techniques criminelles.
Le combat a d’abord commencé en 1988, avec le Comité de « Bâle I » sur la règlementation
bancaire et la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants, ratifiée par
plus de 140 pays. Le comité de Bâle I a ainsi fixé le premier code de comportement
international des banques dans le but de prévenir tout usage abusif du secteur bancaire à des
fins de blanchiment. Il y a ainsi, l’annulation de toute opération douteuse, l’interdiction de
l’anonymat, la déclaration obligatoire des transactions suspectes et le suivi étroit de toute
transaction transfrontalière.
La Convention des Nations Unies est quand à elle le premier instrument juridique
contraignant sur le blanchiment d’argent puisqu’elle prévoit l’identification, la saisie et la
confiscation des produits illicites ainsi que des mesures punitives.
Par la suite c’est le groupe d’action financière (GAFI), un organisme international, crée par
sept grands pays industrialisés et les Communautés européennes au G7, qui s’est tenu à Paris
en 1989. Lors de cette réunion, le GAFI a formulé 40 recommandations en 1990 qui ont été
actualisé en 1996. Ces recommandations sont entre autre la ratification de la Convention des
Nations Unis, le renforcement de la coopération internationale 14, la suppression de la plupart
des lois sur le secret bancaire avec la déclaration obligatoire de toute transaction suspecte 15, et
la mise en place de mesures de contrôles internes16.
Ces recommandations ont été révisées en 2003 pour faire face à l’évolution des techniques de
blanchiment avec l’élargissement du champ des infractions, par l’extension des mesures antiblanchiment aux entreprises et professions non financières telles que les casinos, les agents
13
Dans cette affaire un schéma complexe se forme pour financer des opérations secrètes de sabotage politique et de corruption majeure
pour notamment détourner des fonds illégaux pour assurer la campagne politique de l’ancien président des Etats-Unis, Richard Nixon.
L’administration Nixon brouillait au maximum les pistes financières pour blanchir au mieux l’ « argent sale ».
14
Les 40 recommandations du GAFI, recommandation n°20 et 21.
15
Les 40 recommandations du GAFI, recommandation n°15 et 16.
16
Les 40 recommandations du GAFI, recommandation n°19.
5
immobiliers, les comptables, les avocats, les notaires et professions juridiques indépendantes,
les négociants en pierres ou métaux précieux (…), et surtout la lutte contre le financement du
terrorisme. Ces 40 recommandations permettent au GAFI d’évaluer l’efficacité des systèmes
d’anti-blanchiment de ses pays membres17.
La force du GAFI est qu’il dresse la liste des pays et territoires non coopératifs. Il inscrit ainsi
sur cette liste les pays pour lesquels il faut accorder une grande vigilance car ils représentent
des défaillances dans leurs dispositifs anti-blanchiment ou un manque de volonté manifeste de
coopération. Il a ainsi accusé entre autre le Liban, de ne pas collaborer en matière de lutte
contre le blanchiment de capitaux, dans un rapport publié le 22 juin 2000 18. En effet, le GAFI
remet en cause le régime du secret bancaire libanais car aucune dérogation ne permettait de
dévoiler le secret bancaire aux autorités compétentes en cas de blanchiment de capitaux. Le
Liban se trouve à cette époque entre deux impératifs, l’une concernant la pression
internationale et l’autre visant à garantir le principe de discrétion car l’objet même de la loi de
1956, sur le secret bancaire libanais, est d’attirer le plus possible d’investissement. De ce fait
une dérogation au secret bancaire a été introduite mais de manière très stricte puisqu’elle ne
va concerner que des cas particuliers et exceptionnels. En effet, la loi n°318 du 20 avril
200119, modifiée par la loi du n°547 du 20 octobre200320, cantonne la levée du secret bancaire
à la révélation de l’identité des clients et de leurs dépôts bancaires, par les banques, seulement
quand il s’agit d’opérations illicites menant au blanchiment de capitaux. Cette même loi a créé
une « commission d’enquête spéciale » auprès de la Banque du Liban, qui a pour mission
d’enquêter sur les opérations de blanchiment d’argent. Par la promulgation de cette loi n°318,
le Liban a été rayé de la liste des pays et territoires non coopératifs du GAFI.
Ainsi l’article 3 de la loi n°318 dispose que « les blanchisseurs sont punis d’une peine
d’emprisonnement pouvant s’étendre de trois à sept ans et d’une amende d’au moins vingt
millions de livres libanaises ». Mais surtout l’article 5 de cette même loi incite « les banques
et leurs employés à lutter contre le blanchiment d’argent » à travers les recommandations du
GAFI. Il y a notamment, la reconnaissance du client, « know your Customer » qui est l’étape
essentiel dans la lutte anti-blanchiment puisqu’elle s’opère dès l’ouverture d’un compte par
l’établissement, par chaque banque, d’un dossier d’information propre à chacun de ses
clients21. D’autre part la banque doit identifier le titulaire des droits économiques. Autrementdit, le client doit spécifier si le compte qu’il ouvre en son nom lui appartient personnellement
ou le fait au profit d’un tiers. Ces informations montreront la vraie identité du client, ses
opérations bancaires, la source de son argent (…)22. Toutes ces informations restent bien sur
17
L’application des 40 recommandations est contrôlée par un double mécanisme : d’une part, un exercice annuel d'auto-évaluation et,
périodiquement, et d’autre part, une procédure mutuelle, dans le cadre de laquelle chaque membre fait l'objet d'une évaluatio n sur place
par ses pairs. Le GAFI a débuté un troisième cycle d'évaluations mutuelles de ses membres en janvier 2005. Ces évaluations se fondent sur
les quarante Recommandations de 2003 et sur les neufs Recommandations spéciales de 2001 portant sur la lutte contre le terrorisme.
18
www.fatf-gafi.org , Rapport visant à identifier les pays et territoires non coopératifs (PTNC) : améliorer l’efficacité, au plan mondial, des
mesures de lutte contre le blanchiment, 22 juin 2000.
« La liste des PTNC se compose des pays et territoires suivants : Îles Cook ;Dominique ; Egypte ; Guatemala ; Hongrie ; Indonésie; Israël ;
Liban ; Îles Marshall ; Myanmar ; Nauru ; Nigeria ; Niue ; Philippines ; Russie ; Saint-Christophe-et-Niévès ; enfin, St. Vincent et les
Grenadines. Le GAFI appelle ses membres à demander à leurs institutions financières de prêter une attention particulière aux relations
d’affaires et aux opérations avec des personnes, y compris des sociétés et des institutions financières, de pays ou territoires considérés
dans le rapport comme non coopératifs » ; p.4.
19
J.O., n°20 du 26/04/2001.
20
J.O., annexe au n°48 du 22/10/2003.
21
Loi n°318, article 5, En premier, les banques doivent s’assurer de la véritable identité du client, et de leur lieu de résidence. En ce qui
concerne les personnes morales, elles doivent présenter une copie conforme effectuée par le règlement général pour tous genres de
sociétés, et un document de l’enregistrement de la société dans le registre commercial.
22
La lutte contre le blanchiment connaît une nouveauté grâce entre autre au groupe de travail du Comité de Bâle 1, initiateur d’un
document intitulé « Customer Due Diligence For Banks » (Règles bancaires relatives au suivi de la clientèle), et dont le contenu constitue
une référence utile aux banques pour améliorer l’exercice de leur vigilance dans ce domaine. Par la suite, Bâle 2 recommande aux banques
d’identifier le comportement anormal des comptes clients, de suivre les comptes à haut risque, et de s’assurer que leur système
d’information permet l’identification, l’analyse et la surveillance des comptes jugés « à risque ».
6
couvertes par le secret bancaire libanais. Ils ne seront dévoilés au Liban qu’à travers une
procédure judicaire soupçonnant un blanchiment d’argent.
Ainsi, le GAFI tente d’inciter les pays à poser des limites qui sont plus ou moins importants
selon des caractéristiques économiques et historiques de chacun d’eux. D’autres organismes
internationaux luttent aussi contre le blanchiment d’argent car ce phénomène ne cesse de
prendre de l’importance avec les années. En effet, à coté du GAFI, on trouve aussi le Fonds
monétaire international (FMI) qui contribue plus que jamais à la lutte anti blanchiment.
Sachant que c’est une institution de portée quasi universelle, fondée sur la collaboration, le
FMI est un lieu de partage d’informations, d’établissement de stratégies et de pressions
communes qui font que cette organisation a acquis depuis de nombreuses années, par ses
travaux d’évaluation du secteur financier, ses concours d’assistance et son exercice de
surveillance des systèmes économiques des pays membres qui est particulièrement importante
pour évaluer le respect par les autorités nationales des normes de lutte contre le blanchiment
de capitaux. Ainsi, selon l’évaluation du FMI en février 2001, le Liban a été considéré comme
respectant certains principes de base pour un contrôle bancaire efficace. Ainsi, le 3 novembre
2003, le Liban a été rayé de la « liste de contrôle annuel » du GAFI, suite à l’inspection sur
place de nombreuses délégations de cet organisme. D’autre part, une commission d’enquête
auprès de la commission européenne a déclaré que tous les fonds attribués à des Etats comme
le Liban, l’Egypte faisaient l’objet d’un suivi minutieux et d’audits réguliers qui ont conduits
les commissions de contrôles à déclarer qu’il « n’est pas nécessaire de les soumettre à des
vérifications supplémentaires »23. Cet accord d’association entre la communauté européenne
et le Liban a été signé en 2002. Dans son article 60, l’accord désigne le GAFI comme
l’organisation de référence puisque tout accord d’association que la communauté passe avec
un pays tiers, elle y introduit une clause relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux.
Ainsi, le blanchiment d’argent est un concept nullement isolé. Il concerne tous pays et
organisations internationales ou régionales puisque ce phénomène touche à l’équilibre
financier dans son ensemble. Il n’y a nul doute que le blanchiment d’argent entrave de lourdes
pertes monétaires conduisant à de graves crises. Ce problème implique, notamment, une
nécessité de lutte non seulement internationale mais régionale et nationale. En effet, l’arme la
plus efficace contre le blanchiment d’argent est la coopération car le blanchiment d’argent est
en constante évolution(II).
Le blanchiment d’argent : une réalité extrêmement mouvante et
polymorphe
Le blanchiment d’argent est constamment en quête de nouveauté, de transformation, de
discrétion pour contrer les nouvelles législations internationales mais surtout nationales. Mais
le Liban s’est doté d’une commission spéciale d’investigation, comme bon nombre d’autres
pays,(A) pour faire face au blanchiment d’argent qui aujourd’hui plus qu’hier est un réel
problème internationale (B).
A. Les cellules de renseignements financiers sont la clef de voûte de la lutte d’antiblanchiment, telle la commission spéciale d’investigation libanaise.
23
Rapport du commissaire européen Bolkestein à une question écrite d’un parlementaire européen, JOCE, 14 novembre 2002.
7
Au début des années 90, les pays fondateurs du GAFI ont certes définis leurs stratégies de
lutte contre le blanchiment d’argent mais ils ont constaté que les organismes policiers
n’avaient aucun accès voire un accès très limité aux informations financières utiles. Les états
ont ainsi eu le sentiment qu’ils devaient certes engager un « système financier dans l’effort de
lutte contre le blanchiment mais en s’efforçant de maintenir les conditions nécessaires à
l’efficacité de son fonctionnement »24. Ainsi, le groupe Egmont est né en juin 1995 à
Bruxelles de la volonté d’établir des unités de renseignement financier pour en débattre lors
d’un forum de rencontre et d’échange d’informations. Cet organisme regroupe actuellement
120 membres qui a pour objectif la coopération internationale contre le blanchiment d’argent.
Aux fils des années cet organisme a créé un cadre spécifique et indépendant de dispositifs
policiers, judiciaires et diplomatiques. Il a ainsi construit un réseau international d’échange
d’informations dont l’objectif est de développer la coopération internationale pour combattre
efficacement le phénomène mondial de blanchiment. Les toutes premières cellules de
renseignements financiers ont été créées au début des années 90, avec notamment le
TRACFIN25 en France, FINCEN26 aux Etats-Unis, GABAC27 en Afrique (…).Le Liban
rejoint le Groupe Egmont en juillet 2003 avec la commission d’enquête spéciale (CES). Ainsi,
le groupe Egmont à des centres financiers de lutte sur l’ensemble de la planète mais surtout ce
nombre de cellules ne fait qu’augmenter au point d’atteindre 94 membres en 2004 et plus de
120 membres en 2010. Ces cellules centralisent toutes les déclarations d’opérations suspectes
transmises par les établissements financiers afin de les réceptionner, de les analyser et de les
traiter en vue de lutter sur le terrain. Autrement dit, il y a un besoin de lutte au cœur même du
problème, à sa « racine » pour que la lutte soit réellement efficace. On constate un
engagement de plus en plus soutenu, de la part des Etats et d’organisations internationales, car
une lutte générale et multiple conduit à une lutte plus efficace contre le blanchiment d’argent.
Mais cette lutte connait des limites puisqu’encore aujourd’hui certains pays n’appliquent
toujours pas les recommandations du GAFI, il est notamment question de l’Iran, de la
République Populaire Démocratique de la Corée28. D’autre part, le GAFI continue, encore
aujourd’hui, à porter une attention particulière à certains pays qui doivent faire des efforts
dans la lutte contre le blanchiment d’argent. C’est le cas de 31 pays qui représentent des
défaillances stratégiques en matière de blanchiment de capitaux mais qui sont déterminés à
corriger ces défaillances en appliquant un plan d’action élaboré en coopération avec le
GAFI29. Ainsi, un contrôle continu du GAFI est essentiel car pour que la lutte contre le
blanchiment d’argent soit effective il ne faut pas seulement créer des normes législatives et
des organismes locaux de contrôle, il faut qu’en amont un organisme international veille
qu’au sein même de chaque Etat ou territoire on applique réellement les recommandations du
GAFI. A cet égard, le GAFI a décidé en février 2011 d’engagé l’examen approfondi de
certains pays qui seront publiées fin juin 2011. Face à cette pression internationale, certains
pays comme le Liban ont pris des mesures, dès la fin des années 90, pour se conformer aux
exigences internationales. Une première tentative a été engagée en 1996 par les banques
24
William C. Gilmore, 1999, Dirty Money: The Evolution Of Money-Laundering Counter-Measures, 2e edition (Strasbourg: Presses du Conseil
de l’ Europe), p. 103.
25
TRACFIN : Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins, elle est une cellule de lutte anti-blanchiment
créée en 1990 à la suite du sommet du G7 (France, Allemagne, Italie, Japon, Royaume-Uni, Etats-Unis).
26
FINCEN : Financial Crimes Enforcement Network, chaque année le FINCEN répond en moyenne à plus de 6 800 demandes de
renseignements d’enquête en utilisant les différentes avancées technologiques. Depuis sa création, le FINCEN, à fourni près de 38 000
rapports portant sur l’analyse de plus de 100 000 sujets.
27
GABAC : Le « Groupe d’Action contre le Blanchiment d’argent en Afrique Centrale » est chargé de coordonner les actions des Etats de la
communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC créée en 1994 et entrée en vigueur en 1999) dans le cadre de la lutte
contre le blanchiment d’argent.
28
Déclaration publique du GAFI, du 25 février 2011 ; le GAFI a identifié 2 pays qui constituent un risque pour le système financier
international dû à l’absence d’un dispositif complet de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et contre
lesquels le GAFI exige la prise de contremesures.
29
Déclaration publique du GAFI, 25 février 2011 ; les pays concernés sont par exemple l’Angola, Antigua-et-Barbuda, le Bangladesh, la
Bolivie, l’Équateur, l’Éthiopie, le Ghana, la Grèce, le Honduras, l’Indonésie, le Kenya (…).
8
libanaises qui signent avec l’Association des banques une convention de lutte contre le
blanchiment d’argent. Mais cette dernière n’avait aucune force de loi car elle ne prévoyait
entre autre aucune sanction pénale et se limitait seulement à la lutte contre le blanchiment de
capitaux générés par le trafic de drogue. D’autres conventions suivirent mais elles se
limitaient aux opérations de trafic de drogue30. Cette limitation a conduit le Liban a être
inscrit en 2000 sur la liste des « pays non coopératifs en matière de lutte contre le blanchiment
d’argent ». Il a été rayé de cette liste que deux ans après, suite à la promulgation de la loi
n°318 relative à la lutte contre le blanchiment d’argent. Cette loi est importante car pour la
première fois elle définit clairement les capitaux illicites. Il s’agit de tous fonds résultant des
crimes suivants31 : « la culture, la fabrication et la commercialisation des drogues, les crimes
organisés, les actes terroristes spécifiés aux articles 314, 315 et 316 du Code pénal, le trafic
d’armes, les détournements de fonds privés et publics. Depuis 2003 32, on compte aussi la
falsification de cartes bancaires, de documents commerciaux, de chèques, (…) ». En ayant
définit clairement les crimes, cette même loi va considérer comme blanchiment de
capitaux tout acte destiné soit « à dissimuler l'origine réelle des capitaux illicites ou de
donner, de quelque manière que ce soit, une fausse justification quant à cette origine » ; soit
« de transférer ou d’échanger des capitaux tout en sachant qu'il s'agit de capitaux illicites dans
le but de dissimuler ou de camoufler leur origine ou d'aider une personne impliquée dans un
tel délit à se soustraire à sa responsabilité ; soit enfin « d’acquérir ou détenir des capitaux
illicites, les utiliser ou les investir pour l'achat de biens meubles ou immeubles ou pour
l’exécution d’opérations financières, tout en sachant qu'il s'agit de capitaux illicites »33.
Pour faire face à ces crimes, on créera la « Commission d’Enquête Spéciale 34 » auprès de la
Banque du Liban, qui est judicaire et indépendante par rapport à la Banque du Liban 35
puisqu’en aucun cas elle n’est soumise à sa tutelle car elle est doté de la personnalité morale.
Sa mission consiste, comme toute cellule de renseignement financier, à enquêter sur les
opérations de blanchiments de capitaux. Cette commission a seule la faculté de lever le secret
bancaire lorsqu’elle estime que les comptes ouverts auprès des banques sont suspectés de
blanchiment d’argent. Il y a gel temporaire du compte suspect, le temps que les enquêteurs de
la commission fassent leurs investigations et à posteriori à la commission spéciale de prendre
la décision définitive. Cette dernière se traduira soit par la libération du compte si l’origine
des capitaux est licite, soit elle lève le secret bancaire en faveur du Procureur Général de la
République36. Une nouvelle avancée concerne la commission d’enquête spéciale contre le
blanchiment d’argent puisque depuis la loi n° 32 de 2008, ses pouvoirs d’enquête ont été
accrus en lui accordant exclusivement la prérogative de bloquer des comptes et de lever le
secret bancaire en application des conventions et lois pour la lutte contre la corruption.
Cette stricte limitation au secret bancaire est nécessaire autant pour l’économie et la
crédibilité du Liban au plan international puisqu’à l’origine le secret bancaire libanais est
prévu pour attirer les capitaux étrangers licites car Beyrouth est une importante place
financière internationale. D’autre part, la particularité de lever le secret bancaire demeure le
pouvoir exclusive de la Commission d’enquête spéciale de lever ce secret uniquement au
profit d’autorités judicaires compétentes et de la haute Commission Bancaire. Cette double
limitation ne saurait dénaturer la force du secret car la procédure d’enquête strictement
déterminée et limité aux opérations suspectes que seule la Commission a la capacité juridique
de les instruire.
30
Loi de mars 1998 sur les narcotiques et les psychotropes.
Article 1 de la loi n°318/2001.
32
Loi n°547 du 20 octobre2003.
33
Article 2 de la loi n°318/2001.
34
La Commission d’enquête spéciale est composée du Gouverneur de la Banque du Liban, du Président de la commission de contrôle des
banques et d’un magistrat membre de la Haute Commission bancaire.
35
Article 6-1 de la loi n°318/2001.
36
Article 8 alinéa 3 de la loi n°318/2001.
31
9
Des contrôles journaliers et mensuels sont assurés par les banques et leurs branches qui
vérifient chaque jour, d’une part les actifs et les passifs dont le montant sont de plus de 10 000
dollars et d’autre part, les actifs et passifs effectués par des virements ou chèques dont le
montant est plus que 150 000 dollars.
Enfin, chaque mois les branches contrôlent les sources des opérations bancaires faites par
monnaie ou par chèques ou virements dont le montant est plus que 100 000 dollars.
A coté de ce contrôle, chaque employé est responsable dans la lutte anti-blanchiment où par
exemple, le commissaire de surveillance de la banque est chargé de déceler tous les soupçons
de blanchiment. En cas de soupçons, les employés doivent déclarer à l’unité administrative de
la Commission qui a le rôle de collecter toutes les informations financières et d’enquêter pour
lever ou non le secret bancaire.
Ainsi, dés son institution, la Commission d’enquête spéciale a levé le secret bancaire dans 22
cas sur 29 cas signalés en 2001, dans135 cas sur 272 cas signalés en 2003, contre 70 cas sur
185 déclarations en 2006, 77 cas sur 202 en 2009 et enfin 23 cas sur 245 en 2010 37. Ces cas
suspects signalés concernent des cas locaux ainsi que des cas signalés à l’étranger. Le nombre
de cas de levé du secret bancaire, nous montre que le progrès voulu par le Liban en matière de
lutte contre le blanchiment d’argent ne se fait pas au détriment de la portée de son secret
bancaire. La commission d’enquête spéciale contrôle les cas de blanchiment d’argent mais
l’effectivité de son travail fait lui aussi l’objet d’un contrôle régional.
L’idée d’un contrôle continue régional semble être l’arme principale d’exécution des
dispositions du GAFI. Car la crédibilité de chaque pays inscrit sur la liste noire du GAFI joue
à ses dépends sur la scène internationale. C’est pour cela que bon nombre de pays ont fait des
efforts dans leurs législations pour introduire un programme luttant contre le blanchiment
d’argent. Mais le GAFI a rapidement conscience qu’il faut s’assurer que l’ensemble des pays
ayant signés l’application des 40 recommandations le fasse sur le long terme. Ainsi, Ils
existent divers groupes régionaux de lutte contre le blanchiment des capitaux qui disposent du
statut d’observateur auprès du GAFI. Il y a entre autre, le Groupe d’action financière des
Caraïbes (GAFIC) 38, le Groupe Asie/Pacifique sur le blanchiment de capitaux (GAP) 39, le
Groupe anti-blanchiment de l’Afrique orientale et australe (GABAOA) 40, le Groupe d’action
financière sur le blanchiment de capitaux en Amérique du sud (GAFISUD) 41, et le Groupe
d’action financière internationale du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (GAFIMOAN) 42.
Le GAFIMOAN a été créé en 2004 et comprend 17 membres dont le Liban. C’est une
organisation volontaire, instituée par un accord régional, qui adhère aux valeurs culturelles,
constitutionnelles, et juridiques des pays membres. Ainsi son objectif est de sensibiliser et
37
Rapports annuels de la Commission d’enquête spéciale de 2001 à 2010.
Le GAFIC a été créé à la suite de deux réunions fondatrices qui ont eu lieu à Aruba et en Jamaïque au début des années 1990. Cet
organisme a 29 Etats membres dont les Bermudes, Belize, le Guatemala, Haïti, les Iles Caïman, les Iles Vierges Britanniques, la Jamaïque, le
Nicaragua (…).
38
39
Les origines du GAP débutent en Australie puisque ce pays a accepté dés 1990 de mettre en place un secrétariat afin d’obtenir des
engagements régionaux et d’établir un organisme régional de type GAFI. Ensuite un accord a été signé à Bangkok en 1997 qui a donné
naissance au GAP. Cet organisme regroupe 32 pays membres dont l’Afghanistan, l’Australie, le Canada, la Chine, le Japon, l’Ind e, les
Philippines, les Etats-Unis (…).
40
Le GABAOA a été fondé en 1999 avec 14 pays membres comme le Kenya, les Seychelles, l’Afrique du Sud, la Tanzanie, l’Ouganda, la
Zambie, (…).
41
Le GAFISUD a été créé le 8 Décembre 2000 à Carthagène, en Colombie. Sachant qu’à l’origine elle comptait 9 pays membres, aujourd’hui
ils sont au nombre de 11 avec notamment, l’Argentine, la Bolivie, le brésil, la Colombie, le Costa Rica, le Panama, le Pérou, l’Uruguay (…).
42
Le GAFIMOAN se compose des membres suivant : l’Algérie, l’Arabie Saoudite, Bahreïn, l’Égypte, la Jordanie, le Koweït, le
Liban, le Maroc, Oman, le Qatar, la Syrie, la Tunisie, les Émirats Arabes Unis, le Yémen, la Mauritanie, le Soudan et l’Irak.
10
d’unir les normes dans la région pour créer un système efficace de lutte contre le blanchiment
d’argent et le financement du terrorisme. Elle se réunit une fois par an, en assemblée plénière
des représentants des Etats membres, pour définir les politiques, règles et procédures à suivre.
Enfin et surtout, elle approuve les rapports annuels et examine les rapports d’évaluation
mutuelle relative au respect des normes du GAFI par les membres, tout en identifiant leurs
besoins d’assistance technique. Ainsi le groupe d’action émet des déclarations sur les
meilleures pratiques pour aider les États membres à élaborer des mesures de lutte efficaces
contre le blanchiment d’argent, qui soient conformes aux normes internationales, et adaptées
aux circonstances de la région.
Dans son rapport d’évaluation mutuelle du Liban, du 10 novembre 2009, le GAFIMOAN
étudie et analyse la législation ainsi que les institutions libanaises de lutte contre le
blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Suivant le rapport, la stratégie de la
coordination nationale de lutte contre le blanchiment d’argent est bien présente à travers la
commission d’enquête spéciale. Cette dernière a bien établi, conformément aux
recommandations du GAFI, l’échange d’expertises, d’informations et d’organisation des
sessions43. D’autre part le rapport estime que le cadre institutionnel de lutte contre le
blanchiment d’argent est correct puisque le Liban a pris des mesures concrètes pour assurer la
sécurité du secteur financier. En effet la commission d’enquête spéciale dirige 4 unités :
l’unité d’enquêtes administratives, l’unité de vérification et d’enquêtes, l’unité de conformité,
et l’unité d’information technologique et de sécurité44. Mais le GAFIMOAN invite les
autorités libanaises à apporter quelques améliorations, notamment dans la lutte contre le
blanchiment d’argent, puisqu’il constate une insuffisance des ressources humaines et
techniques de sécurité. En effet, l’organisme estime qu’il faut un nombre de personnes plus
important à qui on assure un programme de formation en continue qui va tenir constamment
compte de l’évolution des crimes financiers, de leurs procédés, et de leurs moyens multiples
de financement.
Enfin, dans son fin de rapport, le GAFIMOAN établit une notation par rapport aux 40
recommandations du GAFI. Cette notation est effectuée selon 4 niveaux de conformité qui
sont le niveau conforme (C), le niveau largement conforme (LC), le niveau partiellement
conforme (PC), et le niveau non conforme (NC) 45. Ainsi a titre d’exemple, il a été jugé pas
conforme le fait de ne pas criminaliser la tentative de blanchiment d’argent. Ou encore,
l'absence d'un règlement qui met en garde contre les pays qui n'ont pas adopté les
recommandations du GAFI. Les avocats, experts-comptables et le Casino du Liban ne sont
pas soumis à la juridiction de la loi n ° 318 puisque la commission d’enquête spéciale n’a
aucune compétence juridique pour surveiller le respect du Casino du Liban face au
blanchiment d’argent. D’autre part, La définition des fonds illicites ne comprennent pas les
produits de l'ensemble des vingt infractions prévues par les recommandations du GAFI.
Face à ces quelques situations, un plan d’action est recommandé par le GAFIMOAN afin
43
La commission d’enquête spéciale comprend notamment l'un des vice-gouverneurs de la Banque centrale du Liban (BDL), suppléé par le
gouverneur, le secrétaire de la Commission d’enquête spéciale, le Président de la Commission de contrôle des banques du Liban, le
Procureur général près de la Cour de cassation, le directeur général des douanes et le directeur général des Forces de sécurité intérieure.
Depuis le 9 décembre 2007, ce comité a été élargi pour inclure des représentants des Ministères de la justice, des finances, de l'Intérieur et
des municipalités, des affaires étrangères et des émigrants, et de l'Economie et du Commerce.
44
L’unité administrative est considérée comme le centre officiel pour l'observation et la collecte des informations liées aux crimes de
blanchiments d’argent, ainsi que l’organe d’échanges avec l’étranger, tandis que, le rôle de l'Unité de vérification et d'enquête est le
contrôle de l'exécution des obligations prévues par la loi et leur contrôle en permanence.
45
Mutual Evaluation Report: “Anti-Money Laundering and Combating the Financing of Terrorism”, 10 November 2009, Lebanese Republic,
p.182 à 220.
11
d’améliorer la situation au Liban. Il faut, selon lui, élargir la portée des crimes en introduisant
entre autre le racket, la traite des êtres humains et trafic illicites de migrants, le trafic illicite
de biens culturels volés et d'autres biens, la corruption, la contrefaçon et le piratage de
produits, les crimes contre l'environnement, Les crimes de la contrefaçon, (…). Il faut aussi
établir une loi anti-blanchiment sur la tentative de blanchiment, résoudre le problème de
l'article 4 de la loi n°318 en précisant que l’obligation de vérification de l’identité, par les
institutions concernées, ne soit pas liée à l’enregistrement de transactions de plus de 10 000$.
Ainsi le rôle du GAFIMOAN est essentiel car il assure un contrôle continu sur ses pays
membres en les insistant constamment à introduire de nouvelles techniques de lutte contre le
blanchiment d’argent dans la région. Sachant que le problème du secret bancaire libanais est
un problème essentiel dans la lutte internationale contre le blanchiment d’argent, ce secret
bancaire fait toujours débat, notamment avec l’affaire récente de la « banque LibanoCanadienne » (B).
B. L’avenir du secret bancaire libanais face à la pression internationale
Le secret bancaire est de plus en plus remis en cause car il favorise le blanchiment d’argent
grâce aux nouvelles technologies. Ces nouvelles technologies, en particulier l’informatique,
permettent de développer des montages de plus en plus complexes qui facilitent le
blanchiment d’argent. Où dans le domaine des transferts des fonds par internet, les systèmes
de virements bancaires internationaux SWIFT 46 et CHIPS47 permettent d’opérer un transfert
de fonds par virement électronique en une vingtaine de minutes sur divers comptes
numérotés, anonymes (…). Il est ainsi possible de déplacer ces même fonds 72 fois en 24
heures sur l’ensemble de la planète.
Ce montage pose le problème de traçabilité des opérations car le secret bancaire joue un rôle
essentiel de discrétion. D’autre part en permettant la gestion des activités bancaires en ligne,
ceci pose le problème de la suppression du contact personnel entre le client et la banque. La
conséquence est la complexité du processus de reconnaissance de la personne qui contrôle
effectivement le compte, et de l’identification des pratiques commerciales illicites. En effet,
seuls l’accès à un compte donné, à un moment donné, la somme concernée et éventuellement
le bénéficiaire, nom ou numéro de compte, pourront faire l’objet d’une vérification mais
l’identité de la personne ayant accédé au compte pourra uniquement faire l’objet de
suppositions et la banque n’aura aucun moyen de vérifier le lieu exact de la transaction. Ces
moyens de communications électroniques induisent un facteur de rapidité qui assure un
système d’anonymat pour les utilisateurs, notamment par le biais des messageries
électroniques. Ainsi, plus les technologies se développent plus le blanchiment d’argent se
diversifie puisqu’en intégrant les sommes d’argent liquide dans le système financier, les
blanchisseurs exploitent au mieux les possibilités de mondialisation financière en transférant
rapidement les fonds d’un pays à l’autre, et en s’adaptant immédiatement aux contre-mesures
instituées. Ce développement de la technologie a donc encouragé la multiplication des
opérations de blanchiment car le secret bancaire dans certains pays comme la Suisse ou le
Liban a favorisé et facilité la transnationalisation des opérations de blanchiment. Ainsi il
devient de plus en plus difficile de distinguer l’argent « propre » de l’argent « sale ».
Face à une criminalité internationale de plus en plus complexe, un système de réponse
automatisé et rapide s’avère essentiel dans les enquêtes criminelles menées dans le monde
46
Society for Worldwide Interbank Telecommunications : Compagnie de télécommunication mondiale pour les transactions financières
interbancaires.
47
Clearing House Interbank Payments System : Chambre de compensation des systèmes de paiement interbancaires.
12
entier. C’est ainsi, qu’Interpol48 a mi en place, en 2009, une technologie du 21ème siècle, le
programme « I-link »49 qui devrait faciliter l’échange d’informations entre les polices du
monde entier puisque les enquêteurs et analystes en données criminelles des pays membres
auront accès à la masse d’informations que contiennent les bases de données d’Interpol. Ces
derniers pourront interroger directement les données et obtiendrons instantanément des
réponses. Mais surtout, ce système les aide à établir des liens entre les données de
blanchiment d’argent communiquées par la police des différents pays en les centralisant et les
actualisant en temps réel. Ainsi, I-link instaure une communication directe et instantanée entre
la base de données et les policiers présents sur le terrain dans les différents pays puisque
désormais quelques secondes suffisent aux pays membres pour transmettre une demande de
publication d’une « notice rouge » en vue de l’arrestation d’un malfaiteur recherché étant
donné que cette notice est instantanément enregistrée dans la base de données centrale et
visible par tous les services de police des pays membres. Enfin, le but du programme I-link
est de relier les enquêtes entre les différents pays pour éviter que les blanchisseurs se jouent
des frontières nationales et commettent des infractions dans différents pays. I-link permet de
faire ressortir des éléments communs à différentes infractions dans différents pays mais qui
ont des points communs comme par exemple des comptes bancaires, des numéros de
téléphone d’adresse (…). Ainsi chaque année des officiers spécialisés d’Interpol examinent
des milliers de messages en provenance des Etats membres et informent les enquêteurs
nationaux de l’existence d’un lien entre les différentes enquêtes dans les divers pays.
Cette coopération transnationale est nécessaire dans la lutte contre le blanchiment d’argent car
encore une fois seule une recherche coordonnée et plurielle est plus efficace qu’une recherche
individuelle car le blanchiment d’argent va bien au-delà des frontières allant même à en
jouer 50. Au Liban, la première grande affaire connue est le dossier de la banque « AlMadina » qui fut soupçonnée de blanchiment d’argent grâce au secret bancaire libanais 51. Où
d’après les rapports de la Commission d’enquête internationale indépendante sur l’assassinat
terroriste de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri illustrent cette situation puisque
la commission invite les autorités libanaises à examiner l’ensemble des ramifications de
l’affaire y compris les transactions bancaires. C’est ainsi que la commission d’enquête
spéciale a décidé de lever le secret bancaire de 9 personnalités politiques libanaises et
syriennes en 2003. Des documents bancaires transmis au ministère de la justice ont révélé la
présence de corruptions et de fraudes au sein de cette banque. Cette affaire souligne
l’importance de la méthode utilisée par les blanchisseurs car certes elle regroupe des associés
de différentes nationalités mais surtout elle est l’œuvre de grands responsables politiques qui
de par leur rang peuvent garantir la réussite de leur processus de blanchiment. L’enquête
judicaire de cette affaire est toujours en cours devant le tribunal international de la Haye.
Dans une autre affaire plus récente, une banque a aussi été accusée de blanchiment d’argent,
la banque libano-Canadienne. En effet, en Avril 2011, le Département américain du trésor a
accusé la banque Libano-Canadienne (LCB) d’être impliquée dans un réseau de trafic de
drogue et de blanchiment d’argent d’envergure mondiale 52. Selon le président de la « Drug
48
Interpol est une organisation internationale de police criminelle. Elle est créée en 1923 en vue de promouvoir la coopération policièr e
internationale. 188 des 192 Etats reconnus internationalement sont membres d’Interpol. Ses activités tournent autour du trafic et
production de drogue, du terrorisme, du blanchiment d’argent, du crime organisé et de la criminalité transnationale.
49
I-link ,« relier les enquêtes dans le monde entier », 2009 lancement du premier module d’I-link.
50
Le Liban a adhéré à Interpol en Octobre 1949
51
« La Banque du Liban accuse Al-Madina » d’avoir détourné plusieurs centaines de millions de dollars », l’Orient le Jour n°10817, du 14
juillet 2003, p.9.
52
Le 10 février 2011 le Département du Trésor Américain (DEA) a annoncé l’identification d’une banque, la Banque libano-canadienne SAL
(LCB), et de certaines de ses filiales, comme une institution financière impliquée dans le blanchiment d’argent de trafiquants
internationaux de drogue : « Ce réseau achemine de la drogue d’Amérique du Sud en Europe et au Moyen-Orient, via l’Afrique de l’Ouest et
blanchit des centaines de millions de dollars par mois à travers des comptes détenus à la LCB, de même qu’à travers des activités
commerciales à travers le monde, notamment le commerce de voitures d’occasion aux Etats-Unis », affirme la DEA dans un communiqué.
13
Enforcement Administration », qui a travaillé avec le Trésor américain sur cette affaire, « la
Banque Libano-Canadienne participe depuis des années à un système particulièrement
sophistiqué de blanchiment d’argent ». De leur étude, il ressort que l’une des façons de
blanchir l’argent de la drogue consistait à transférer les fonds aux Etats-Unis pour acheter des
voitures d’occasion qui étaient ensuite revendues avec profit en Afrique de l’Ouest. Face à
cette situation, le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, a annoncé que la banque
Libano-Canadienne a fusionné avec la Société Générale des Banques (SGBL), sous l’égide de
la Banque centrale. Il a indiqué que la LCB « a choisi cette option pour préserver ses
déposants et ses employés ainsi que la réputation du secteur bancaire ». Les dirigeants de la
banque, vont poursuivre les procédures lancées aux Etats-Unis pour faire appel de la décision
du Département du Trésor américain. Face à cette situation, M. Salamé a indiqué que « la
commission de lutte contre le blanchiment libanaise mène son enquête ». Cette affaire récente
montre les défis auquel est confronté le Liban entre d’un côté le secret bancaire et de l’autre le
blanchiment d’argent qui reste encore aujourd’hui d’actualité. En effet, la pression
internationale est bien présente. Elle se retrouve lors du congrès sur le blanchiment d’argent et
financement du terrorisme, du 27 avril 2011 à Beyrouth. L'inauguration des activités du
congrès est organisée par l'Union des Banques Arabes sous le parrainage du gouverneur de la
Banque du Liban. En cette occasion, M. Salamé a affirmé que cette affaire est d'une
importance extrême "pour la réputation du travail bancaire". Il a assuré que "le Liban s'efforce
d'améliorer ses systèmes judiciaires et de renforcer les points faibles dans les législations
actuelles ainsi que de mettre en vigueur les lois nécessaires, non seulement pour lutter contre
le blanchiment ou le financement du terrorisme mais aussi pour qu'il soit à égale distance des
systèmes mondiaux modernes pour améliorer son environnement économique dans le but
d'attirer les investissements, notamment étrangers". Il a par ailleurs expliqué que "la BDL et le
comité spécial d'investigation se sont engagés à combattre le blanchiment d'argent qu'ils ne
prendront pas à la légère dans le but de protéger la réputation du Liban et son secteur
bancaire", notant qu'ils sont mobilisés "pour adopter des techniques modernes dans cette
perspective (...) car le Liban sera toujours le pionnier dans la préservation de son
positionnement international et pour renforcer la confiance de la communauté internationale
mise en lui".
Toutes ces déclarations montrent la nécessité qu’a le Liban de maintenir et de renforcer la
réputation et la solidité de son secteur bancaire au niveau international sans avoir trop modifié
son système de secret bancaire qui reste largement absolu. Depuis l’élaboration de la loi
n°318, le Liban a su fortifier l’économie libanaise, la rendre plus efficace au niveau national
et intensifier ses relations au plan international. Mais la question du secret bancaire fait
toujours débat car même si le Liban a adopté une législation contre le blanchiment d’argent
les cas de lever du secret bancaire restent très stricts et seule la commission d’enquête spéciale
peut l’opérer. A contrario, l’abolition du secret bancaire équivaut à renoncer à l’un des
meilleurs atouts du Liban faisant de lui la place financière de référence.
Ainsi le secret bancaire est une nécessité qui peut être organisée. Il s’agit donc, dans l’avenir,
de découvrir les moyens de redéfinir le secret bancaire face aux difficultés susmentionnées,
comme le développement des technologies. Autrement-dit, à l’heure de la mondialisation et
d’internet, le système bancaire libanais exige une nouvelle approche de la définition de son
secret bancaire par les pouvoirs politiques car le secret bancaire n’est pas un mal en lui-même,
mais requière un ajustement des plus subtiles.
Selon la DEA, des filiales de la LCB, notamment en Gambie la « Prime Bank » détenue par une personnalité libanaise seraient impliquées
dans ces opérations de blanchiment.
14
Eléments de bibliographie :
1. Documentation électronique
-
www.fatf-gafi.org
www.oecd.org
www.imf.org
www.menafatf.org
www.tracfin.bercy.gouv.fr
www.sic.gov.lb
2. Ouvrages
-
Lexique des termes juridiques, 13ème édition, Dalloz.
La lutte contre le blanchiment des capitaux, David G. Hotte et Virginie Heem, 2004,
LGDJ.
Le secret bancaire face à ses défis, Paul G. Morcos, 2008, Bruyant.
Techniques de blanchiment et moyens de lutte, Eric Vernier, 2008, Broché.
Comprendre le secret bancaire, Serge Guertchakoff, Broché.
3. Rapports
-
Rapport GAFI de 2001, de 2002 .
Rapport de la Commission d’enquête spéciale libanaise de 2002 à 2010.
Rapport du GAFIMOAN, “Mutual evaluation Report of Lebanese Republic” , 10
November 2009.
15