Université Montpellier 2, CC15, Place Eugène Bataillon

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Université Montpellier 2, CC15, Place Eugène Bataillon
Oxydes et sulfures d'étain : calculs de structures électroniques
et interprétation des spectres d'absorption X.
J. Chouvin, R. Dedryvère, P.E. Lippens, J. Olivier-Fourcade et J.C. Jumas
Laboratoire des Agrégats Moléculaires et des Matériaux Inorganiques (UMR 5072)
Université Montpellier 2, CC15, Place Eugène Bataillon, 34095 Montpellier, France
B. Simon, P. Biensan
SAFT, Boulevard Alfred Daney, 33074 Bordeaux cedex
Introduction
Les matériaux contenant de l'étain présentent un grand intérêt en tant que matériaux anodiques
dans les batteries "lithium-ion" en raison des grandes capacités observées par rapport aux électrodes de
carbone utilisées actuellement [1,2].
Nous avons étudié des matériaux oxydes basés sur SnO [3, 4] ainsi que des sulfures mixtes de
structure spinelle Cu0,5+αIn2,5-3αSn2αS4 (0 ≤ α ≤ 0,5) qui présentent des capacités réversibles jusqu'à 800
mAh/g pour les oxydes et 600 mAh/g pour les sulfures [5, 6]. Différents mécanismes d'insertion du
lithium ont été mis en évidence.
Pour les oxydes, l'étude par diffraction des rayons X et par spectrométrie Mössbauer 119Sn montre
que le mécanisme d'insertion de lithium s'effectue en trois étapes. Dans un premier temps on observe
l’existence d’un système biphasé constitué d’une espèce à valence mixte (SnIV, Sn0) proche de SnO et
de l’étain β. Au delà de 2 lithium, les différentes espèces d'étain sont totalement réduites en Sn0
amorphe. Cette deuxième étape correspond à l'amorphisation du matériau. Dans la troisième étape, on
observe la formation des alliages composites Li-Sn-O [6].
Pour les sulfures, l'analyse physico-chimique a montré que l'introduction du lithium provoque une
transformation de phase spinelle - NaCl au début de l'insertion, due à la migration des cations InIII des
sites tétraédriques vers les sites octaédriques, et à l'extraction du cuivre hors de la structure avec
formation de cuivre métallique. Ce mécanisme est associé à la réduction partielle des cations SnIV en
SnII. L'insertion d'une plus grande quantité de lithium conduit ensuite à la réduction totale des cations et
à un processus d'amorphisation du matériau [5].
Notre objectif est ici de proposer une approche théorique, s'appuyant sur des calculs ab initio,
pour interpréter de façon quantitative les mécanismes d'insertion du lithium dans ces matériaux. La
méthode choisie FP-LAPW (Full Potential Linearized Augmented Plane Wave [7]) est basée sur la
théorie de la fonctionnelle de la densité (DFT). Les calculs ont été effectués à l'aide du logiciel WIEN
[8]. Cette méthode a été appliquée dans un premier temps pour modéliser la structure électronique des
composés de départ, et pour interpréter les spectres Mössbauer 119Sn et d'absorption X (XANES). Dans
un second temps, nous avons tenté d'interpréter les résultats obtenus après insertion électrochimique de
lithium dans ces composés.
Résultats
Dans un premier temps, les densités d'états des matériaux ont été calculées dans la bande de
valence et dans la bande de conduction (Fig. 1 à 4). Ceci a permis de situer le niveau de Fermi et de
mettre en évidence les différentes interactions entre orbitales d'atomes voisins par superposition des
principaux pics de densités d'états.
s
p
d
A
G H
B
F
D E
C
J
I
AB C D EFG H
S(2)
K
Densité d'états (unit. arb.)
Densité d'états (unit. arb.)
totale
s (×10)
p (×10)
d (×10)
Cu
S(1)
Sn
In
In
Sn
Cu
S(1)
S(2)
-14
-12
-10
-8
-6
-4
-2
0
0
5
10
Energie (eV)
Figure 1 : Densités d'états partielles et totales de
la bande de valence de CuInSnS4.
Oxygène
25
Oxygène
B
A
30
s
p
d
C
D
C
E
DOS (u. arb.)
DOS (u. arb.)
20
Figure 2 : Densités d'états partielles et totales de la
bande de conduction de CuInSnS4.
s
p
d
B
A
px+py
Etain (x2)
Etain
px+py
pz
pz
-12 -10
15
Energie (eV)
-8
-6
-4
-2
0
2
Energie (eV)
Figure 3 : Densités d'états partielles de
la bande de valence de SnO.
0
5
10
15
20
25
Energie (eV)
Figure 4 : Densités d'états partielles de la
bande de conduction de SnO.
Intensité (unit. arb.)
Dans un second temps, ces calculs ont été utilisés pour
D
interpréter les résultats expérimentaux. Le diagramme de
A
B
densités d'états dans la bande de valence permet d'interpréter
F
H
les spectres XPS expérimentaux. De même, la méthode
I
LAPW permet la simulation des spectres d'absorption X
(XANES) et l'attribution des différents pics observés par
comparaison avec le diagramme de densités d'états dans la
Exp.
bande de conduction (seuils K S, K O et K Cu, LI In et LI Sn,
LIII In, LIII Sn et LIII Cu).
LAPW
Les spectres XANES de SnO cristallisé ont été
calculés aux seuils LI-III Sn et K O par la méthode FP930
935
940
945
950
LAPW. La comparaison des spectres expérimentaux et
Energie (eV)
théoriques met en évidence les principaux pics qui peuvent
Figure 5 : Spectre XANES de CuInSnS4 au
être interprétés à partir des densités d'états partielles.
seuil LIII Cu, et spectre simulé.
B
C
Spectre
D expérimental
C D
LIII Sn
Spectre
expérimental
C D
LI Sn
B
XAS (u. arb.)
Spectre
expérimental
XAS (u. arb.)
A
E
A
KO
B
sans le trou de
profond Sn 2s
A
avec le trou de
profond Sn 2s
Spectre calculé
0
10
20
Energie (eV)
Spectre calculé
Spectre calculé
30
40
0
10
20
30
40
0
Energie (eV)
10
20
30
40
Energie (eV)
Figure 6 : XANES aux seuils K de l'oxygène, LI, LIII de l'étain et densité électronique totale
calculée par la méthode FP-LAPW de α-SnO.
En ce qui concerne la simulation des
spectres XANES des échantillons sulfures lithiés
(Fig. 7), la principale difficulté rencontrée réside
dans le fait qu'il y a coexistence de la phase
spinelle et de la phase NaCl, où une phase
amorphe minoritaire est également présente. Les
résultats obtenus montrent un certain écart au
niveau des intensités des pics entre les spectres
expérimentaux et les spectres calculés.
Cependant, leur comparaison, notamment au
seuil K du soufre, permet de mettre en évidence
des structures caractéristiques de la phase NaCl.
III
I
Li2S
Exp.
II
0 Li
1,9 Li
IV
Cu0,73In1,82Sn0,45S4
Exp.
LAPW
Li7In7Sn2S16
CuInSnS4
Exp.
LAPW
2460
2470
2480
2490
2500
Energie (eV)
Figure 7 : Spectres XANES au seuil K du soufre expérimentaux et calculés de CuInSnS4 , Cu0,73In1,82Sn0,45S4 et Li2S.
Des mesures d'absorption X au seuil K de l'oxygène ont été réalisées sur SnO. La décomposition
des spectres XANES des composés lithiés Li2SnO et Li4,5SnO ainsi que ceux de SnO et Li2O a été
réalisée (Fig. 8). La position des deux premiers pics est plus ou moins la même dans SnO, Li2O et les
composés lithiés. Par contre, le troisième pic est uniquement présent dans Li2O. Le troisième pic, pour
les composées lithiés, situé dans le même domaine d'énergie, est attribué à la présence de liaisons Li-O.
Le spectre EXAFS au seuil K de l'étain (Fig. 9) pour SnO montre deux pics qui peuvent être
attribués respectivement aux liaisons Sn-O et Sn-Sn. Pour SnO en fin de décharge on constate qu'il
reste encore de l'oxygène dans la première sphère de coordination de l'étain. Ceci est en accord avec les
résultats au seuil K de O et avec l'analyse en spectrométrie Mössbauer de 119Sn.
Absorbance / Unité arbitraire
0
1
2
3
4
5
6
7
1.6
9 10
SnO
SnO
Li2SnO
8
1.2
Li2O
Li4,5SnO
|F(R)|
0.8
0.4
0.0
0.8
Li5,9SnO 0V
0.4
530 540 550 560 570
Energie / eV
530 540 550 560 570
Energie / eV
Figure 8 : Absorption X au seuil K O de Li2SnO,
Li4,5SnO, SnO et Li2O.
0.0
0
1
2
3
4 5 6
R(Å)
7
8
9 10
Figure 9 : Module de la transformée de
Fourier des spectres de SnO
et Li5,9SnO au seuil K Sn.
Conclusion
La méthode LAPW est donc une technique appropriée pour la description des propriétés
électroniques des composés étudiés, en particulier au niveau de l'interprétation des spectres
d'absorption X. Une bonne corrélation entre les résultats expérimentaux et les calculs est observée pour
les composés de départ. Certaines propriétés électroniques des composés lithiés peuvent également être
interprétées. Le modèle choisi pour décrire les phases lithiées devra être affiné pour de meilleurs
résultats.
Références
[1]
[2]
[3]
[4]
[5]
[6]
[7]
[8]
Y. Idota, A. Matsufuji, Y. Maekawa and T. Miyasaki, Science, 276 (1997) 1395.
I.A. Courtney and J.R. Dahn, J. Electrochem. Soc., 144 (1997) 2045.
J Chouvin, C. Branci, J. Saradin, J. Olivier-Fourcade, J.C. Jumas, B. Simon, Ph. Biensan, J. Power Sources, 81-82
(1999) 277.
J Chouvin, J. Olivier-Fourcade, J.C. Jumas, B. Simon, Ph. Biensan, F.J. Fernandez Madrigal, J.L. Tirado, C. Perez
Vicente, J. Electroanal. Chem., sous presse (2000).
R. Dedryvère, S. Denis, C. Pérez Vicente, J. Olivier-Fourcade and J.C. Jumas, Chem. Mater., 12(5) (2000) 1439.
R. Dedryvère, J. Olivier-Fourcade, J.C. Jumas, S. Denis, P. Lavela and J.L. Tirado, Electrochimica Acta, 46(1)
(2000) 127.
D. Singh, "Plane Waves, Pseudopotentials and the LAPW Method", Kluwer Acad. Pub. (1994).
P. Blaha, K. Scwarz, J. Luitz, "WIEN 97", Vienna University of Technology (1997).
Remerciements
Les auteurs remercient Robert Cortès (D21, XAS2), Anne-Marie Flank (SA32, ABS2), Philippe Parent et Carine
Laffon (SA72, ABS3) du LURE pour leur assistance et leur disponibilité auprès des postes expérimentaux.