L`assurance vie luxembourgeoise : Aspects juridiques

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L`assurance vie luxembourgeoise : Aspects juridiques
Séminaire IFE des 13 et 14 avril 2005
ATOUTS DE LA PLACE FINANCIÈRE LUXEMBOURGEOISE
L’assurance vie luxembourgeoise :
Aspects juridiques
Marc GOUDEN
Avocat à la Cour
Avocat au Barreau de Bruxelles
LAGA & PHILIPPE
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2
TABLE DES MATIERES
I. Le régime juridique général du contrat d’assurance vie au luxembourg et éléments de
droit comparé............................................................................................................... 3
I.1. Introduction...................................................................................................... 3
I.2. Eléments essentiels du contrat d’assurance vie ............................................... 4
I.2.1. Définition du contrat d’assurance vie.............................................................. 4
I.2.2. Intervenants au contrat d’assurance vie.......................................................... 5
I.2.3. Quelques éléments caractéristiques................................................................. 8
II. L’attribution bénéficiaire................................................................................... 11
II.1.
Bénéficiaires alternatifs ou cumulatifs ....................................................... 12
II.2.
Cas particulier du conjoint et des enfants................................................... 12
II.3.
Acceptation par le bénéficiaire ................................................................... 13
II.4.
Modalités de la clause bénéficiaire............................................................. 14
III. Les types de contrats d’assurance vie ............................................................... 15
III.1. Contrats de prévoyance .............................................................................. 15
III.2. Contrats d’épargne...................................................................................... 16
III.2.1. Contrats à taux d’intérêt garanti................................................................ 16
III.2.2. Contrats en unités de compte...................................................................... 17
III.3. Distinction entre le contrat d’assurance vie et le contrat de capitalisation. 23
IV. La requalification d’un contrat d’assurance vie en contrat d’investissement ou
d’épargne.................................................................................................................... 25
IV.1. Intérêt de la controverse ............................................................................. 25
IV.2. Les thèses en présence................................................................................ 26
IV.2.1. Remarque introductive : le contrat d’assurance est un contrat aléatoire.. 26
IV.2.2. Les thèses restrictives ................................................................................. 27
IV.2.3. Les thèses plus « libérales » ....................................................................... 27
IV.3. Jurisprudence récente ................................................................................. 29
IV.4. Conclusion .................................................................................................. 30
V. Orientations futures en matière de marges de solvabilité (SOLVENCY II). 31
V.1.
Principes généraux du nouveau système de solvabilité.............................. 32
V.2.
Une structure à trois piliers......................................................................... 32
V.2.1.
Pilier 1: Exigences en matière de capitaux ................................................ 33
V.2.2.
Pilier 2: Procédures de contrôle ................................................................ 34
V.2.3.
Pilier 3: Publicité ....................................................................................... 34
3
I.
LE RÉGIME JURIDIQUE GÉNÉRAL DU CONTRAT D’ASSURANCE
VIE AU LUXEMBOURG ET ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
I.1. Introduction
La souplesse actuelle des produits d’assurance vie contraste particulièrement avec les règles
strictes qui entourent l’accès à la profession d’assureur, le contrôle prudentiel et l’information et
la protection du consommateur1.
Le développement des produits d’assurance résulte sans doute dans une large mesure du
pragmatisme luxembourgeois visant à répondre au mieux possible à la demande de la clientèle.
Le contrat d’assurance vie trouve sa source dans un mécanisme juridique bien connu du droit
civil, la stipulation pour autrui (article 1121 du Code civil) :
« On peut pareillement stipuler au profit d’un tiers, lorsque telle est la condition d’un
stipulation que l’on fait pour soi-même ou d’une donation que l’on fait à un autre. Celui
qui a fait cette stipulation ne peut plus la révoquer, si le tiers a déclaré vouloir en
profiter. »2
Il y a lieu de garder à l’esprit que, en principe, la loi applicable au contrat d’assurance vie et à
son régime fiscal est celle du pays de résidence habituelle du souscripteur. Dès lors que le
souscripteur n’est pas résident luxembourgeois, il faudra donc toujours avoir égard au droit du
pays de résidence dus souscripteur afin de s’assurer que les objectifs du produit choisi sont
atteints.
1
Voir Loi du 6 décembre 1991 sur la surveillance du secteur des assurances telles que
modifiées ; loi du 8 décembre 1994 sur les comptes des entreprises d’assurances t de
réassurances ; règlement grand-ducal du 14 décembre 1994 précisant les modalités d’agrément et
d’exercice d’assurances ; ainsi que les circulaires du Commissariat aux assurances disponibles
sur le site http://www.comassu.lu
4
I.2. Eléments essentiels du contrat d’assurance vie
I.2.1. Définition du contrat d’assurance vie
Le contrat d’assurance vie est défini par l’article 1er de la loi sur le contrat d’assurance3
comme « un contrat en vertu duquel, moyennant le paiement d’une prime fixe ou variable, une
partie, l’assureur, s’engage envers une autre partie, le preneur d’assurance, à fournir une
prestation stipulée dans le contrat au cas où surviendrait un événement incertain qui affecte la
vie de l’assuré ».
L’article ajoute qu’« est considéré comme un contrat d‘assurance un contrat nominatif basé sur
les techniques des opérations de capitalisation et comportant une clause d’attribution
bénéficiaire ».
Les articles 99 à 127 de la loi sur les contrats d’assurance réglementent plus particulièrement les
contrats d’assurance vie.
Fidèle à la double distinction assurances indemnitaire / forfaitaires et assurances de dommage /
de personnes, l’article 99 de la loi énonce que les contrats visés sont « les contrats d’assurance
de personnes dans lesquels la survenance de l’événement assuré ne dépend que de la durée de la
vie humaine. Ces assurances ont exclusivement un caractère forfaitaire ».
Le risque couvert par de tels contrats est le décès ou la survie de l’assuré à une date déterminée
par le contrat.
2
A comparer avec les mécanismes de droit anglo-saxon : combinaison d’un contrat de
capitalisation (‘capital redemption bond) et d’un trust.
3
Loi du 27 juillet 1997 sur le contrat d’assurance, Mémorial A du 3 septembre 1997, n°65,
p. 2048.
5
I.2.2. Intervenants au contrat d’assurance vie
Selon la définition du contrat d’assurance vie classique « un assureur s’engage envers un
souscripteur à verser, dans l’hypothèse du décès de la personne assurée une prestation à un
bénéficiaire désigné »4.
Quatre intervenants (certaines personnes pouvant cumuler les fonctions de plusieurs
intervenants) participent donc au contrat d’assurance vie :
1. un souscripteur,
2. une personne assurée,
3. un assureur,
4. un bénéficiaire.
I.2.2.1.
Souscripteur
Le souscripteur est la personne qui prend l’initiative de conclure le contrat d’assurance vie avec
l’assureur et qui par conséquent en définira le contenu, déterminera le montant des primes selon
ses attentes et finalement signera les documents contractuels.
Le souscripteur est en général une personne physique mais peut également être une personne
morale, essentiellement les contrats « dirigent d’entreprise » par lesquels une entreprise veut se
protéger en cas de disparition d’une personne qui y joue un rôle essentiel. Dans d’autre cas, il
faudra être attentif à la conformité de la souscription d’un contrat d’assurance vie avec l’objet
social de la personne morale.
4
Francis LEFEBVRE, Assurance vie en libre prestation de services- l’assurance vie
luxembourgeoise, 1998, p 59
6
Si, dans la majorité des cas, le souscripteur est unique, il se peut que parfois plusieurs personnes
souscrivent à un même contrat. Cette hypothèse de souscripteurs multiples peut prendre deux
formes : la souscription conjointe et le démembrement du contrat.
Dans la souscription conjointe, il y a deux titulaires et toutes les opérations se font sous leur
signature conjointe, sauf si l’un des co-souscripteurs donne mandat à l’autre. Les règles
juridiques de l’indivision sont applicables.
Dans le démembrement du contrat, les souscripteurs ne sont pas sur le même pied : l’un est
souscripteur usufruitier tandis que l’autre est souscripteur nu-propriétaire. Ce procédé se
rencontre généralement dans des situations où des personnes souhaitent reporter sur le contrat
d’assurance vie la situation de démembrement qui existait auparavant sur un autre bien. Cette
situation se présente notamment si le capital investi est la valeur marchande d’un immeuble
réalisé, duquel la propriété était elle-même démembrée entre un nu-propriétaire et un usufruitier
(not. un conjoint survivant et des héritiers réservataires). On parle alors de « démembrement à
l’entrée », par opposition au « démembrement à la sortie » qui est un démembrement de la
clause bénéficiaire (voy infra).
I.2.2.2.
Assuré
Il s’agit de la personne sur la tête de qui repose le risque. C’est donc son décès qui entraînera le
versement de la prestation au bénéficiaire.
Habituellement, l’assuré et le souscripteur se confondent. Dans les cas où le souscripteur est une
personne différente de l’assuré, il convient d’être attentif à deux points :
-
l’intérêt d’assurance doit exister : le droit français impose à cet égard le consentement écrit
de l’assuré, à défaut le contrat est nul (article L132-2 du code des assurances) ;
-
il convient de préciser le régime qui s’appliquera au contrat d’assurance vie en cas de décès
du souscripteur antérieur au décès de l’assuré. Si rien n’est précisé dans le contrat, celui-ci se
7
fige au décès du souscripteur et plus aucun changement ni rachat ne peut intervenir jusqu’au
décès de l’assuré. En revanche, si une clause spécifique inclue dans le contrat stipule que le
droit au rachat ou tout autre changement dans le contrat postérieur au décès du souscripteur
est possible, cette clause est applicable.
L’âge de l’assuré est évidemment un élément important pour l’appréciation du risque et donc
pour la tarification. C’est la raison pour laquelle le droit luxembourgeois, belge et français
prévoient qu’en cas d’erreur sur l’âge de l’assuré, les prestations des parties seront adaptées en
fonction de l’âge réel.
Parfois un âge minimal est prévu pour l’assuré : 12 ans en France (article L 132-3 du Code des
assurances) et 5 ans en Belgique (article 96 de loi du 25 juin 1992).
I.2.2.3.
Bénéficiaire
Le bénéficiaire est la personne au profit de qui le contrat est formé. C’est lui qui recevra la
somme due en cas de survenance de l’événement assuré. Il est un personnage clé du contrat
assurance vie.
*
La désignation du bénéficiaire se fait de manière très libre : il peut être mentionné dans le
contrat même ou dans un acte séparé, il peut être nommément désigné ou être une personne
simplement déterminable au moment où la prestation est due5.
*
Lorsque plusieurs bénéficiaires sont désignés, ce sont soit des bénéficiaires cumulatifs,
soit des bénéficiaires alternatifs (voy infra). Lorsque aucun bénéficiaire n’est désigné, la
prestation fera partie du patrimoine du preneur ou de sa succession.
8
Ces règles sont largement identiques en droit belge et français.
I.2.2.4.
Assureur
C’est avec lui que se conclut le contrat. Il devra, au moment déterminé dans le contrat, verser la
prestation convenue au(x) bénéficiaire(s).
I.2.3. Quelques éléments caractéristiques
I.2.3.1.
Le risque
Un élément inhérent à tout contrat d’assurance est l’existence d’un risque. Sans risque il ne peut
y avoir d’opération d’assurance.
L’article 1er de la loi sur le contrat d’assurance définit en matière d’assurance vie le risque
comme « un événement incertain qui affecta la vie, l’intégrité physique ou la situation familiale
de l’assuré ».
La notion de risque est liée à celle d’aléa : le contrat d’assurance est en effet traditionnellement
considéré comme un contrat aléatoire (voy. infra). L’événement incertain auquel il est fait
référence, peut être incertain en soi, mais il se peut également que seul le moment de sa
survenance soit incertain.
*
Il y a lieu de garantir, en assurance vie comme dans les autres branches, une déclaration
correcte du risque.
5
Voir article 106 de la loi sur les contrats d’assurance.
9
Etant donné qu’en matière d’assurance vie le risque s’appréciera notamment par rapport à l’état
de santé de l’assuré, la compagnie aura souvent recours à un examen médical. La loi
luxembourgeoise et la loi belge règlementent donc spécialement le recours à pareil examen
(article 98 de la loi luxembourgeoise et article 95 de la loi belge).
Contrairement aux autres branches d’assurance, la pratique de l’assurance vie connaissait déjà
les clauses d’incontestabilité, c’est-à-dire l’engagement de l’assureur de ne pas invoquer les
omissions ou inexactitudes dans la déclaration du risque, à condition qu’elles ne soient pas
intentionnelles.
Le droit luxembourgeois et le droit belge imposent pareille incontestabilité, mais prévoient
qu’elle peut ne prendre cours qu’à partir d’un certain délai (maximum 1 an) après la conclusion
du contrat.
*
Il appartient aux parties de convenir les risques qui seront exclus. La loi définit cependant
certains cas (article 103) qui sont exclus, sauf si le contrat prévoit leur couverture : le suicide
moins d’un an après la conclusion du contrat, la condamnation à mort ou encore lorsque la mort
résulte d’un crime ou délit intentionnel dont l’assuré est l’auteur.
En cas de survenance d’un risque exclu, l’assureur paiera au bénéficiaire la valeur de rachat.
La France et la Belgique connaissent des régimes quasi-identiques.
I.2.3.2.
L’intérêt d’assurance
Un autre élément caractéristique de l’opération d’assurance est l’intérêt d’assurance, c’est-à-dire
l’intérêt qu’une personne peut avoir à ce que le risque assuré ne se réalise pas.
10
C’est l’intérêt d’assurance qui distingue fondamentalement l’assurance du jeu.
I.2.3.3.
La prime
L’obligation principale du preneur d’assurance est le paiement de la prime. En matière
d’assurance vie cependant, le paiement de la prime n’est cependant jamais obligatoire. La
sanction du défaut de paiement sera le plus souvent la réduction de la prestation de l’assureur ou
alors la résolution du contrat après mise en demeure du preneur restée sans effet6.
L’article 1er de la loi donne une définition très large de la prime : « toute espèce de rémunération
demandée par l’assureur en contrepartie de ses engagements ».
La pratique connaît de très nombreuses variantes : fixes ou variables, uniques ou périodiques, …
Même si le paiement se fera le plus souvent en espèces, il peut aussi se faire par la remise de
biens (il en est ainsi notamment dans des produits liés à des fonds d’investissement où la prime –
le plus souvent unique – peut-être payée par l’apport d’un portefeuille titres).
I.2.3.4.
Le caractère « hors patrimoine » de la prestation d’assurance
L’un des attraits majeurs du régime juridique du contrat d’assurance (aussi bien au Luxembourg,
qu’en France ou en Belgique) résulte dans le fait que la prestation d’assurance échappe aux
règles normales en matière de recours des créanciers et de succession.
6
Mêmes règles en Belgique et en France
11
Ainsi les créanciers du souscripteur ne peuvent saisir les provisions d’assurance-vie constituées
chez l’assureur et le capital qui est versé au bénéficiaire fait partie du patrimoine de ce dernier,
sans recours des créanciers du preneur.
Le capital ou la rente payable au décès de l’assuré à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni
aux règles du rapport à la succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des
héritiers du souscripteur, ce qui fait évidemment de l’assurance vie un instrument efficace de
planification successorale.
Finalement, l’assurance-vie contractée par un époux commun en biens en faveur de son conjoint
constitue un propre pour celui-ci. Aucune récompense n’est due à la communauté en raison des
primes payées par elle, sauf dans le cas où ces primes présentent un caractère manifestement
exagéré.
I.2.3.5.
Les opérations relatives au contrat d’assurance
L’un des attraits du contrat d’assurance consiste également dans les différentes opérations que le
droit luxembourgeois, comme le droit belge et le droit français, permettent sur ces contrats :
-
l’octroi d’avances, ce que l’on peut assimiler à un emprunt ;
-
la mise en gage du contrat, à titre de garantie par exemple d’un emprunt ;
-
la cession du bénéfice du contrat à un tiers.
II.
L’ATTRIBUTION BÉNÉFICIAIRE
La clause bénéficiaire du contrat d’assurance vie est caractérisée par une très grande souplesse.
Elle s’inscrit ainsi qu’il a été mentionné supra dans la stipulation pour autrui et permet ainsi de
réaliser des transmissions patrimoniales en toute simplicité. Il est, dès lors, indispensable que la
12
clause soit rédigée de manière extrêmement précise de manière à être certain qu’elle reflète bien
la volonté du souscripteur et de façon à éviter toute contestation lors du dénouement du contrat.
II.1.Bénéficiaires alternatifs ou cumulatifs
*
La clause d’attribution alternative est la plus classique. Elle désigne un ordre de
bénéficiaires, chacun n’ayant droit à la prestation qu’en cas de renonciation ou de prédécès de
ceux qui les précèdent dans l’ordre.
*
La clause bénéficiaire cumulative peut prévoir que les bénéficiaires qui se partageront la
prestation auront sur cette prestation des droits de même nature mais des quotités différentes. La
clause doit préciser le quantum qui reviendra à chacun et ce qu’il arrivera en cas de prédécès de
l’un des bénéficiaires.
Il se peut également que la clause prévoit pour chacun des bénéficiaires, des droits de nature
différente. On parle alors de démembrement de la clause bénéficiaire entre usufruit et nuepropriété (clause de démembrement à la sortie). Un tel démembrement consiste à mentionner
dans la clause que les capitaux du contrat reviendront en usufruit à l’un ou plusieurs des
bénéficiaires et que la nue-propriété sera réservée aux autres jusqu’à l’extinction de l’usufruit.
Ce mécanisme présente, dans de nombreuses juridictions, des avantages en matière fiscale.
II.2.Cas particulier du conjoint et des enfants
Aussi bien pour le conjoint que pour les enfants du preneur, la loi fait une distinction entre la
désignation nominative ou alors la désignation en « qualité de ».
13
Si le conjoint ou les enfants sont désignés nommément comme bénéficiaires, la prestation
d’assurance ne peut revenir qu’à ces personnes, ce qui implique que :
-
elle sera payée à cette personne même si au moment du dénouement du contrat elle n’est plus
le conjoint du preneur ;
-
elle ne sera payée qu’aux enfants désignés, à l’exclusion d’autres enfants qui seraient nées
ultérieurement ;
Si au contraire, le preneur prévoit le versement du capital à « son conjoint » ou à « ses enfants »,
la prestation d’assurance sera versée :
-
à la personne qui est le conjoint du preneur au moment du dénouement du contrat ;
-
aux enfants du preneur à ce moment ;
Une hypothèse particulière, est celle du prédécès du bénéficiaire. En vertu de l’article 111 de la
loi, il y a lieu de faire une distinction.
Si l’attribution bénéficiaire a été faite à titre onéreux, la prestation d’assurance entre dans la
succession du bénéficiaire.
Si par contre l’attribution était faite à titre gratuit – ce qui sera de loin le plus souvent le cas – la
prestation d’assurance retournera au preneur ou à sa succession. Cette règle connaît cependant
deux exceptions : (i) soit un bénéficiaire alternatif a été désigné auquel cas celui-ci recueille le
capital, (ii) soit le preneur avait désigné ses enfants comme bénéficiaires (de manière non
nominative) auquel cas l’article 109 de la loi prévoit que les héritiers en ligne directe des enfants
prédécédés viendront en représentation de ceux-ci.
II.3.Acceptation par le bénéficiaire
L’acceptation du bénéficiaire n’est pas une condition d’existence de la clause bénéficiaire. Elle
n’est ni nécessaire lors de l’émission du contrat, ni durant le cours de la vie du contrat.
14
Lorsqu’il y a acceptation du bénéficiaire, elle ne peut se faire que par un avenant au contrat
d’assurance portant les signatures du bénéficiaire, du preneur d’assurance et de l’assureur7. La
même règle s’applique en Belgique, mais en France l’acceptation n’est soumise à aucune forme
particulière.
Cependant, si cette acceptation intervient, elle a pour conséquence que le souscripteur ne peut
plus révoquer unilatéralement la clause bénéficiaire8. De même, le preneur aura besoin de
l’accord du bénéficiaire pour exercer certains droits qui normalement lui sont propres : rachat,
octroi d’une avance, mise en gage ou cession du contrat.
Le bénéficiaire a la possibilité de renoncer à son droit. Une telle renonciation devra se faire par
un écrit non équivoque adressé à l’assureur.
II.4.Modalités de la clause bénéficiaire
Il est concevable d’assortir la clause bénéficiaire de modalités particulières (terme ou condition).
Ainsi, lorsque le souscripteur désigne un ou plusieurs bénéficiaires, il peut stipuler dans la clause
que la prestation d’assurance ne sera versée qu’à compter d’une certaine date, quelle que soit la
date du décès de l’assuré.
Il peut aussi être prévu que la prestation d’assurance sera versée sous forme d’une rente
périodique jusqu’à épuisement de l’épargne inscrite au contrat.
Tout au long de la vie du contrat, le souscripteur peut apporter des changements à la clause
bénéficiaire à moins que le bénéficiaire ait accepté l’attribution, auquel cas son accord est
nécessaire.
7
8
Voir article 121 et 122 de la loi sur les contrats d’assurance.
Voir article 112 de la loi sur les contrats d’assurance.
15
III. LES TYPES DE CONTRATS D’ASSURANCE VIE
La souplesse du contrat d’assurance se retrouve tant au niveau de l’architecture juridique du
contrat, qu’au niveau financier du contrat.
L’un des éléments de cette souplesse réside dans la détermination de la durée du contrat. Il peut
s’agir ainsi de contrats à durée limitée et comportant une garantie décès pure (« temporairedécès »), ou encore de contrats à durée indéterminée (« vie entière »), ou encore des formules
mixtes prévoyant des prestations aussi bien en cas de décès avant le terme qu’en cas de vie au
terme du contrat.
Nous abordons ici les différents types de contrat sous l’aspect financier :
1. les contrats de prévoyance ;
2. les contrats d’épargne ;
- les contrats à taux d’intérêts garanti ;
- les contrats en unité de compte ;
- les contrats multi-supports.
III.1. Contrats de prévoyance
Les contrats de prévoyance sont bien souvent de type « temporaire-décès ».
Dans ce type de contrat, le souscripteur n’exerce aucun choix quant à l’emploi des primes
payées. Ces dernières sont investies par l’assureur en actifs représentatifs 9qui figureront dans
l’actif général de la société d’assurance.
9
Voir en ce qui concerne les règles relatives aux actifs représentatifs et au dépôt de provisions
techniques les lettres circulaires du CAA n° 95/6 (abrogée), n°00/6, n° 03/04.
16
III.2. Contrats d’épargne
Dans le contrat de type épargne, le souscripteur a un large choix concernant les modalités
d’emploi des sommes investies : soit le taux d’intérêt est garanti, soit il s’agit de contrat en unité
de compte ou encore de contrat multi-supports.
III.2.1.
Contrats à taux d’intérêt garanti
L’épargne par la souscription à de tels contrats est une des plus sûres : l’assureur garantit en effet
au souscripteur un rendement annuel déterminé. Le taux garanti est souvent un taux minimum
auquel vient s’ajouter une participation aux bénéfices financiers issus de la gestion des actifs
représentatifs.
Les produits générés au terme d’une année sont définitivement acquis au souscripteur et viennent
s’ajouter à l’épargne inscrite au contrat, produisant eux-mêmes des intérêts au cours de l’année
suivante. Il s’agit d’une application de la capitalisation des intérêts.
La durée de la garantie de ce taux d’intérêt est fixée dans le contrat. En effet, la compagnie
octroyant un taux d’intérêt garanti à durée illimitée serait bien imprudent puisqu’il est évident
que les taux d’intérêt sont susceptibles de varier sur les marchés. Il reste néanmoins possible
dans le cas d’une durée déterminée longue ou illimitée de prévoir que le taux d’intérêt est
révisable en fonction d’une évolution des marchés.
Les contrats d’assurance à taux garanti sont adossés par l’assureur à des placements de type
obligataire, en totalité ou partiellement, afin d’atteindre un bon équilibre entre passif et actif de la
compagnie d’assurance.
17
La marge de manœuvre dans les contrats d’assurance vie à taux garanti permet aussi d’adosser
les engagements soit à l’actif de la compagnie d’assurance, soit à des fonds « cantonnés » ou
fonds internes qui sont propres à la compagnie d’assurance et non pas de personnalité juridique
distincte. Une comptabilité des fonds cantonnés doit être tenue afin d’assurer la continuité de la
transparence qui les caractérise.
La législation luxembourgeoise prévoit en ce qui concerne les taux garantis deux types de taux :
-
soit les taux techniques normaux,
-
soit les taux techniques majorés.
Les taux techniques normaux sont pris en considération pour le calcul des provisions et sont des
taux maxima fixés en application de la troisième directive.10
Les taux techniques majorés sont également des taux maxima pris en considération pour le calcul
des provisions techniques. Ils doivent répondre à de nombreuses conditions énumérées dans la
circulaire 98/1 telle que modifiée11.
III.2.2.
Contrats en unités de compte
III.2.2.1.
Introduction
Ces contrats sont visés dans les lettres circulaires du CAA n° 95/3 relatives aux règles
prudentielles en assurance vie, plus particulièrement aux points 5 et 6 ainsi que par la lettre
circulaire 01/8 relative aux règles d’investissements pour les produits d’assurance vie liés à des
fonds d’investissement.
10
Voir lettre circulaire du CAA n° 95/3 (disp. abrogées) et n° 98/1 modifiée par les lettres
circulaires n°99/9, n°00/5, n° 01/10 et 05/4.
11
Voir références sous note supra
18
C’est d’ailleurs la technique de lier le contrat d’assurance vie à des fonds d’investissements qui
est la plus usitée. L’assureur a ici une obligation d’information à l’égard de l’assuré quant à la
nature, à la composition et à la rentabilité du fonds.12
Néanmoins, il est possible que les primes d’un contrat en unité de comptes soient investies dans
l’immobilier.
Le développement des contrats liés à des fonds d’investissements est tel que le Commissariat aux
assurances déclare dans sa lettre circulaire 01/08 :
«
Dans l’ensemble, ces règles ont fait leurs preuves comme le démontre le
développement spectaculaire des produits liés à des fonds d’investissement depuis
l’adoption de la lettre circulaire précitée {n° 95/3} : alors qu’en 1995, ces produits ne
représentaient que 16 % de l’encaissement vie des entreprises d’assurances établies au
Luxembourg avec un volume de primes de l’ordre de 17 milliards de francs, ils
interviennent pour près de 87 % des primes émises en 2000 et atteignent un encaissement
de près de 209 milliards. La progression annuelle moyenne de l’encaissement sur cette
période est voisine de +65%. »
III.2.2.2.
Base légale
L’article 12 du règlement grand-ducal du 14 décembre 1994 dispose :
« 1.Pour les branches visées à l’annexe II de la loi, lorsque les prestations prévues par un contrat
sont liées directement à la valeur de parts d’un organisme de placement collectif ou à la valeur
d’actifs contenus dans un fonds interne détenu par l’entreprise d’assurances, généralement divisé en
12
Voir circulaire du CAA 01/8.
19
parts, les provisions techniques concernant ces prestations doivent être représentées le plus
étroitement possible par ces parts ou, lorsque les parts ne sont pas définies, par ces actifs.
2.Lorsque les prestations prévues par un contrat sont liées directement à un indice d’actions
ou à une valeur de référence autre que les valeurs visées au point 1, les provisions
techniques concernant ces prestations doivent être représentées aussi étroitement que
possible soit par les parts censées représenter la valeur de référence ou lorsque les parts ne
sont pas définies, par des actifs d’une sûreté et d’une négociabilité appropriées
correspondant le plus étroitement possible à ceux sur lesquels se fonde la valeur de
référence particulière.
3. Pour les actifs détenus en représentations des engagements qui sont directement liés aux
prestations visées aux points 1 et 2, les entreprises d’assurance peuvent déroger aux quotités
prévues par l’article 11 dans le cadre d’une politique d’investissement des actifs admise par
le Commissariat. »
III.2.2.3.
Définition
Le Commissariat dans la lettre circulaire 01/8 définit le contrat lié à des fonds d’investissement
comme étant le contrat dont le risque de placement est supporté exclusivement par le preneur
d’assurances : ce contrat peut être adossé à des fonds externes ou internes, collectifs ou dédiés,
mais ne comportant aucune garantie de rendement de la part de l’entreprise d’assurance.
III.2.2.4.
Caractéristiques
Les contrats en unités de compte ou encore les « contrats à capital variable » sont caractérisés
par le fait que les engagements de l’assureur sont exprimés en unités de compte définies dans le
contrat, et non pas en unités monétaires. Les unités de compte sont constituées par des
placements : une unité de compte égale une part de fonds.
20
Comme pour les contrats à taux garanti, la prime est payée en espèces (sous réserve des fonds
dédiés) pour, ensuite être convertie en unités de compte. La valeur de l’ensemble de ces unités de
compte calculée périodiquement permet de mesurer l’étendue des engagements de l’assureur
durant le contrat. A la fin du contrat, la prestation versée par l’assureur est déterminée à partir de
la valeur atteinte par les unités de compte inscrites au contrat.
Ce système est intéressant au Luxembourg étant donné sa renommée et son savoir- faire en
matière de fonds d’investissement.
III.2.2.5.
Types
Selon les circulaires 95/3 et 01/8 du Commissariat aux Assurances (voir ci-dessus), les fonds
adossés aux contrats d’assurance vie peuvent être soit des fonds collectifs internes, soit des fonds
collectifs externes, soit des fonds dédiés.
Fonds collectifs internes
Ces fonds sont collectifs en ce sens qu’ils sont accessibles à tous les clients de l’assureur et
procurent ainsi les avantages d’une gestion financière professionnelle reposant sur un important
volume d’actifs.
Ils sont internes du fait qu’ils sont constitués à l’intérieur du patrimoine de l’assureur. Ces fonds
fonctionnent sous la responsabilité de l’assureur qui en assume les gestions financière et
administrative.
Leur fonctionnement est assez simple tout en offrant les garanties de sécurité financière
découlant de la réglementation des entreprises d’assurance : leurs frais de fonctionnement ne
sont pas trop élevés car ils ne nécessitent ni organes d’administration, ni réviseur distinct. De
21
plus, ils ne sont fiscalement pas soumis à une taxe d’abonnement, comme le sont les actifs
d’organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM). Enfin, les actifs qui
composent les fonds d’investissement sont la propriété des assureurs qui sont assujettis à la
fiscalité luxembourgeoise de droit commun. Ils bénéficient donc des conventions fiscales
internationales lorsque celles-ci prévoient des réductions ou des dispenses de retenue à la source.
Fonds collectifs externes
L’assureur ne crée pas ici ses propres fonds : il utilise comme support financier à ses contrats des
fonds d’investissement existants, généralement constitués sous la forme d’OPCVM.
Les parts de ces OPCVM, qui font l’objet d’une valorisation périodique, serviront d’unités de
compte au contrat d’assurance.
Fonds dédiés
Définition
Contrairement aux fonds collectifs internes et externes, les fonds dédiés sont des fonds
individuels conçus sur mesure pour des clients spécifiques.
Le fond dédié est défini par la circulaire 95/3 du CAA en son point 6 comme étant : « tout
ensemble d’actifs personnalisés auquel un contrat d’assurance ou de capitalisation est adossé et
qui fait l’objet d’une gestion spécifique. Il est le support exclusif d’un seul contrat et ne peut pas
servir de support au contrat d’un autre souscripteur. Ceci ne signifie pas que le même produit ne
puisse pas être proposé à plusieurs preneurs d’assurance, mais chaque preneur disposera d’un
fonds dédié qui lui sera propre ».
22
Les fonds dédiés sont donc affectés à un seul contrat. Cependant, il ne semble pas exclu de créer
des fonds spécifiques ouverts à un groupe d’investisseurs déterminés qui en auraient fait la
demande et qui se situeraient à mi-chemin entre les fonds collectifs ouverts à tous et les fonds
dédiés réservés à un seul client. Ces types de fonds peuvent être qualifiés de fonds réservés ou
fermés.
Les fonds dédiés sont nécessairement des fonds internes en unités de compte. En effet, ils sont
constitués par l’assureur pour répondre à la demande spécifique d’un client, ce qui exclut les
fonds externes ouverts au public.
Politique d’investissement
La politique d’investissement doit être définie par le contrat (par exemple en annexe selon la
lettre circulaire 95/3 du CAA).
Conformément aux règles générales applicables aux fonds internes, la gestion financière des
fonds est de la responsabilité de l’assureur. Mais, s’agissant d’un produit personnalisé, la
politique d’investissement est définie conventionnellement entre l’assureur et son client dans une
annexe particulière au contrat.
Cette politique d’investissement n’est pas figée : les conditions de la police peuvent prévoir que
le preneur aura la possibilité de modifier le contrat d’investissement initial ou d’acquérir une
influence sur les investissements à réaliser, ce qui revient à organiser une consultation du client
sur la gestion financière de son fonds dédié.
Le paiement de la prime
Le paiement de la prime peut se faire en numéraire ou par apport d’un portefeuille de titres
existant.
23
Les fonds dédiés permettent donc de placer un portefeuille personnalisé de valeurs mobilières
dans l’enveloppe juridique d’un contrat d’assurance vie ou de capitalisation. Ce produit est
commercialisable en libre prestation de services.
III.2.2.6.
Contrats multi-supports
Ces contrats offrent au souscripteur une variété de fonds collectifs parmi lesquels il peut répartir
ses investissements. Il a le choix de placer ses investissements dans un fonds ou de les panacher
entre plusieurs fonds différents : fonds à taux garantis ou fonds en unités de compte, internes ou
externes, placements boursiers.
Le souscripteur peut modifier en cours de contrat, dès lors qu’une clause d’arbitrage est prévue
dans ce dernier, la répartition des investissements.
Le contrat d’assurance vie multi-supports offre une grande souplesse qui permet de jongler, de
combiner différents avantages des types d’investissements selon les moyens et attentes du
souscripteur.
III.3. Distinction entre le contrat d’assurance vie et le contrat de
capitalisation
La structure juridique du contrat de capitalisation est plus simple que celle du contrat
d’assurance vie. En effet, elle ne comporte ni assuré ni bénéficiaire : elle met uniquement en
présence un ou plusieurs souscripteur(s) et un assureur. Ce dernier s’engage, en échange de
versements unique ou périodiques, à fournir une prestation fixée dans le contrat ou liée à
l’évolution de la valeur ou du rendement des actifs auxquels le contrat est adossé.
24
Le contrat de capitalisation est donc un produit d’épargne dans lequel n’intervient aucune
couverture de risque.
Il existe deux types de contrats de capitalisation :
- le contrat nominatif qui contient la mention du nom du souscripteur. Si le souscripteur désire le
transmettre à un tiers, l’assureur devra rédiger un nouveau contrat au nom de ce tiers. Lors du
décès du souscripteur, le contrat est transmis aux héritiers.
- le bon « au porteur » qui consiste en bon anonyme où le droit s’incorpore au titre. Cependant,
si le bon est anonyme il ne peut, en aucun cas être souscrit de manière anonyme (voir
réglementation anti-blanchiment, voir lettre de l’ACA du 2 janvier 2001, lettre circulaire n° 3/94,
n° 01/9).
La loi assimile cependant aux contrats d’assurance les contrats de capitalisation qui :
-
sont nominatifs et
-
comportent une clause d’attribution bénéficiaire.
25
IV. LA REQUALIFICATION D’UN CONTRAT D’ASSURANCE VIE EN
CONTRAT D’INVESTISSEMENT OU D’ÉPARGNE
Essentiellement la Belgique a connu ces, derniers temps, un regain d’intérêt pour les
controverses doctrinales au sujet de la véritable « nature » du contrat d’assurance vie et plus
précisément la question de savoir si les contrats dans lesquels la prestation de l’assureur se limite
au paiement de la valeur du sous-jacent (c’est-à-dire les produits dans lesquels le preneur assume
le risque de l’investissement) pouvaient réellement considéré comme des contrats d’assurance
vie.
Ce regain d’intérêt est la conséquence d’un certain nombre de décisions judiciaires requalifiant
les contrats souscrits en de « simples » contrats d’investissements.
IV.1.Intérêt de la controverse
La question de la requalification de ces contrats en contrats d’investissement n’est pas anodine
étant donné qu’elle a deux types de conséquences majeures :
-
d’un point de vue fiscal : les avantages particuliers liés aux contrats d’assurance vie sont
perdus en cas de requalification et le contrat n’échappera plus à la directive européenne sur
l’épargne ;
-
d’un point de vue du droit civil : les sommes payables par l’assureur au bénéficiaire ne vont
plus échapper au recours des créanciers et de la succession du preneur ;
26
IV.2.Les thèses en présence
IV.2.1.
Remarque introductive : le contrat d’assurance est un contrat
aléatoire
Il est généralement admis que les contrats d’assurance sont des contrats aléatoires.
Etant donné que la loi sur le contrat d’assurance ne précise pas autrement le caractère aléatoire,
certains auteurs considèrent qu’il faut avoir recours à la définition du contrat aléatoire en droit
civil. Or, en vertu des articles 1104 et 1964 du Code civil, un contrat aléatoire est un contrat qui
implique la possibilité de gain ou de perte pour les deux parties, dépendant d’un événement
incertain, considérant que l’incertitude existe dès que les parties ne savant pas, au moment de la
conclusion du contrat, quel sera leur bénéfice comme il dépend d’un événement incertain13.
Un contrat aléatoire comporte donc quatre éléments caractéristiques :
-
un événement futur incertain ;
-
une ou plusieurs obligations essentielles du contrat dépendant de cet événement ;
-
la possibilité pour les parties d’avoir un bénéfice ou de subir une perte en raison de la
réalisation de cet événement ;
-
chacune des parties a approximativement la même chance de gagner ou de perdre.
L’incertitude peut concerner la réalisation de l’événement, la date de cette réalisation ou encore
ses conséquences.
13
Cass. fr., 8 juillet 1994, RGAT, 1994, p. 1089.
27
IV.2.2.
Les thèses restrictives
Selon certains auteurs, le caractère aléatoire d’un contrat d’assurance n’existe pas, si l’assureur
promet exclusivement de payer, en cas de décès ou de survie, le montant capitalisé des primes,
majoré d’un intérêt (ou tout autre forme d’accroissement normal de ce capital), étant donné qu’il
n’y a aucune possibilité de gain ou de perte au moment où les parties concluent le contrat.
Les produits qui n’ont donc pas pour but de couvrir, sur le long terme, un risque, avec le
paiement d’une somme « substantielle » en cas de décès, et qui prévoient exclusivement
l’obligation pour l’assureur de payer les primes capitalisées, à un moment – certes – incertain, ne
sont donc pas de « réels » contrats d’assurance, mais doivent être requalifiés en contrats
d’investissement ou de dépôt.
Pour être considérés comme des contrats d’assurance, l’assureur doit s’engager à payer, en cas
de décès, un montant « substantiellement » supérieur à la réserve mathématique (à cet égard,
certains auteurs font référence à la loi fiscale qui, dans certains cas, exige une couverture décès
d’au moins 130% des primes payées).
Certains auteurs (se référant à la position du législateur lors de l’adoption de l’ancienne loi belge
du 25 juin 1930 sur le contrôle des entreprises d’assurance) suggèrent de n’admettre comme
contrats d’assurance que les conventions qui prévoient une prime calculée sur la base des tables
de mortalité.
IV.2.3.
Les thèses plus « libérales »
D’autres auteurs considèrent par contre qu’il faudrait abandonner la référence aux contrats
aléatoires selon les règles du Code civil et admettre que les contrats d’assurance sont soumis à
28
une législation particulière qui connaît sa propre définition de « l’événement incertain » qui ne
doit pas nécessairement remplir toutes les caractéristiques d’un contrat aléatoire selon le droit
civil. En effet, selon l’article 97 de la loi belge (voy. également l’article 99 de la loi
luxembourgeois), l’élément incertain en matière d’assurance vie ne dépend que de la durée de la
vie humaine.
Ces auteurs critiquent le critère de la différence « substantielle » car il n’est pas possible de
déterminer quelle pourrait être la différence nécessaire pour être en présence d’un véritable
contrat d’assurance : étant donné que le preneur d’assurance recherche précisément un maximum
de sécurité, il serait contradictoire de l’obliger à perdre « suffisamment » pour avoir un contrat
qui sera réellement considéré comme un contrat d’assurance vie.
Ils estiment que, plus globalement, les produits liés à des fonds d’investissement ne peuvent
jamais être considérés comme des contrats aléatoires au sens du Code civil, car il n’existe
aucune possibilité pour les parties de gagner ou de perdre, le seul élément incertain étant le
moment où l’assureur devra payer le montant promis. Ils estiment cependant que cet
« événement incertain » est, selon la loi (particulièrement l’article 97 donc question ci-dessus) et
l’intention du législateur, suffisant pour que ces produits soient des contrats d’assurance vie.
Le rapport final du 9e colloque juridique international sur l’assurance14 souligne que l’aléa ou
encore l’événement incertain est un élément qui est unanimement considéré comme un élément
indispensable à tout contrat d’assurance.
Ce rapport souligne aussi qu’il s’agit d’un événement, certes incertain, mais qui est prévisible
quant à sa possibilité. L’incertitude peut porter sur différents aspects (la survenance même de
l’événement, le moment de la survenance ou les conséquences) et le hasard, même s’il doit être
présent, ne doit pas nécessairement être prépondérant.
14
Comité européen des assurances, 9ème colloque juridique international, Bruxelles, 3-6 octobre
1980, Bull des assurances, 1981, p. 593 et s.
29
Par contre, la possibilité pour les parties de gagner ou de perdre et l’équivalence entre les
chances de perte ou de gain des parties ne paraissent pas reprises par les représentants des
différents pays (alors que le droit civil belge et le droit français comportent les mêmes exigences
en matière de contrats aléatoires).
IV.3.Jurisprudence récente
En matière de TVA, la Cour de Justice des Communautés Européennes (C349-96, 25 février
1999, Rec. I, p.978) a donné une définition des opérations d’assurance, définition qui a été
utilisée par la Cour d’appel administrative de Paris (29 juin 2000) pour considérer qu’un contrat
contenant l’obligation pour l’assureur de payer le même montant en cas de décès (au
bénéficiaire) qu’en cas de survie (au preneur), n’avait pas pour objet de couvrir un risque et ne
pouvait donc être considéré comme un contrat d’assurance.
Des considérations fiscales semblent initier de nouvelles contestations sur ces contrats
d’assurance depuis que la chambre fiscale du Tribunal de Première Instance de Bruges
(apparemment suivi par les Tribunaux de Mons et de Liège) a estimé que, si le capital payable en
cas de décès et quasiment identique à celui payable en cas de survie et dépend essentiellement du
montant des primes payées par le preneur, il ne s’agissait pas de contrats aléatoires et qu’ils ne
pouvaient donc pas être considérés comme des contrats d’assurance.
Mais également en-dehors du domaine fiscal, des décisions récentes ont requalifié des « contrats
d’assurance » pour réintégrer le bénéfice de ces contrats dans la succession. La Cour d’appel de
Liège a ainsi considéré qu’un contrat, par lequel un assureur promet de payer le même montant
en cas de décès qu’en cas de survie, montant qui est fonction des primes payées majorées d’un
intérêt, n’était pas un contrat d’assurance, car ne répondant pas à la définition d’un contrat
aléatoire. Le Tribunal de Première Instance de Bruxelles considère qu’un « contrat d’assurance
30
vie » qui comporte la possibilité pour le preneur de reprendre – mensuellement – une partie de la
prime payée, n’est pas un contrat d’assurance vie car les sommes payées ne peuvent être
considérées comme perdues pour le preneur.
En France, la question semble désormais tranchée par la Cour de cassation en faveur d’une
interprétation plus libérale. Ainsi dans deux arrêts du 23 novembre 2004, la Cour de cassation a
clairement admis que l’aléa qui doit être présent dans tout contrat d’assurance est « la durée de la
vie humaine » et ce par référence à l’article 1964 du Code civil et au Code des assurances. Par
conséquent, le fait que sensiblement la même somme soit payée en cas de survie au preneur ou
en cas de décès au bénéficiaire, ne supprime pas le caractère aléatoire. La Cour considère en plus
que le fait qu’il est, au moment de la conclusion du contrat, impossible de savoir si le capital sera
payable au preneur ou alors au bénéficiaire, constitue également un élément d’aléa.
IV.4.Conclusion
Nous sommes d’avis que les thèses « libérales » devraient en tout état de cause prévaloir, car
elles nous paraissent les seules réellement conciliables avec les lois récentes sur les contrats
d’assurance vie, législations dont on doit admettre qu’elles tranchent – même si cette question
n’a pas été expressément débattue lors des travaux préparatoires – avec les anciennes règles du
Code civil.
Cependant, aussi longtemps que les Cours et Tribunaux feront référence aux thèses restrictives
(même si en France il faudra sans doute désormais s’attendre à une modification de la
jurisprudence sur la base des arrêts récents de la Cour de cassation), les produits d’assurance liés
à des fonds d’investissement devront être analysés en détail pour vérifier s’ils comportent les
caractéristiques jugées essentielles d’un contrat d’assurance (en tenant compte notamment de
l’importance du capital payable en fin de contrat, de la structure de la prime, des possibilités de
rachats ou d’avances, …), pour ainsi limiter les risques d’une requalification.
31
Rappelons également que les autorités fiscales françaises, par exemple, considèrent que si
l’assuré conserve la possibilité de gérer son actif, l’opération ne s’inscrit plus dans une logique
d’assurance vie mais de portage financier. Le Groupement des Assurances de Personnes français
écarte lui l’alimentation de fonds dédiés par des apports de titres, ne retenant que les versements
en numéraire et consacre l’impossibilité pour le client de prendre part aux décisions
d’investissement, imposant une claire définition des objectifs de gestion par écrit lors de la
souscription de contrat et la consignation par avenant des modifications ultérieures.
Un autre élément à prendre en considération éventuellement est la norme IFRS 4 sur les contrats
d'assurance publiée en mars 2004. En vertu de cette norme, un contrat d'assurance vie, pour être
comptabilisé comme un contrat d'assurance doit contenir une couverture décès « substantielle ».
Parmi les exemples donnés on envisage notamment un contrat qui garantit en cas de décès 101%
du sous-jacent : si la couverture décès peut être séparée du reste, 1% sera comptabilisé comme
une assurance et les 100% comme un contrat financier et si ce n'est pas possible de les séparer,
alors la totalité doit être comptabilisé comme un produit financier.
V.
ORIENTATIONS FUTURES EN
SOLVABILITÉ (SOLVENCY II)
MATIÈRE
DE
MARGES
DE
En juillet 2004, la Commission Européenne a publié le cadre général de la campagne de
consultations qu’elle lance à l’égard du CEIOPS
(Committee of European Insurance and
Occupational Pensions Supervisors) et des autres parties intéressés au sujet du projet “Solvency
II”15. Ces documents illustrent parfaitement la position de la Commission au sujet de ce qui
seront les éléments essentiels de la future directive sur le nouveau système de solvabilité des
compagnies d’assurance (vie, non-vie et réassurance).
15
MARKT/F/3/MAAT D(2004) 10991 – 23.07.2004
32
V.1. Principes généraux du nouveau système de solvabilité
Le but majeur du nouveau système et de donner aux autorités de contrôle la possibilité de
vérifier la « solvabilité globale » d’une compagnie à l’aide d’une approche fondée sur
l’appréciation du risque et recourant aussi bien à des éléments quantitatifs que qualitatifs.
Ceci devrait encourager les compagnies d’assurance à mesurer et gérer correctement leurs
risques, mais nécessitera aussi le développement de principes communs en matière de gestion
des risques et de procédures de contrôle.
La Commission souhaite une « harmonisation maximale » avec un niveau uniforme de prudence,
aussi bien en matière de provisions techniques qu’en matière de marges de solvabilité.
Les exigences en matière de solvabilité devront être mesurées pour chaque entité juridique
distincte, mais la Commission est consciente que, dans une certaines mesure, il doit être tenu
compte de la situation des groupes d’assurance et des conglomérats financiers.
Pour éviter les conflits de règles, les exigences en matière de reporting devraient être
compatibles avec les normes comptables IAC et le nouveau système de solvabilité devrait, dans
la mesure du possible, être compatible avec le système de solvabilité des établissements
bancaires.
V.2. Une structure à trois piliers
Le nouveau système de solvabilité aura une structure basée sur trois piliers: (i) des exigences en
matière de capitaux, (ii) des procédures de contrôle et (iii) des mesures de publicité.
33
V.2.1. Pilier 1: Exigences en matière de capitaux
En vertu du principe de l’harmonisation maximale, la Commission considère qu’un niveau élevé
d’harmonisation devra être obtenu en matière de provisions techniques. Pour promouvoir une
gestion prudente des actifs, il sera exigé que la politique d’investissement fasse l’objet d’un écrit.
Solvency II devrait prévoir deux types d’exigences en matière de capitaux: (i) un capital
minimum (Minimum Capital Requirement - MCR) et (ii) des capitaux garantissant la solvabilité
(Solvency Capital Requirement - SCR).
Le MCR devrait correspondre au niveau de capital en dessous duquel il n’est pas possible de
tolérer l’exercice d’une activité d’assurance.
Le SCR devrait refléter le niveau des fonds nécessaires pour limiter, sur une période donnée, la
probabilité de difficultés financières, basé sur une analyse des risques auxquels la société
d’assurance est confrontée in concreto. L’on devra analyser les méthodes qui seront utilisées
pour établir ces calculs.
Selon la Commission, cette appréciation fondée sur le risqué nécessite:
-
des systèmes efficaces de contrôle interne ayant au moins les caractéristiques suivantes:
identification des risques majeurs, le reporting devra assurer une information adaptée et
ponctuelle, des structures hiérarchiques claires, le document définissant la politique
d’investissement et son implémentation devront être approuvés, séparation strique entre la
gestion du risque et le contrôle des risques, le management doit être capable d’adapter la
stratégie rapidement, …
-
des systèmes efficaces de gestion des risques ayant au moins les caractéristiques suivantes: le
management est capable d’identifier, de gérer et de contrôler les risques, règles de conduite
claires, programme approprié de réassurance, …
34
Les règles relatives aux actifs pouvant représenter les provisions techniques devront être
étendues aux actifs représentant les SCR et les compagnies devraient mettre en place un système
de gestion des risques liés aux actifs (Asset-Liability Management system - ALM).
V.2.2. Pilier 2: Procédures de contrôle
La Commissions souhaite accroître le niveau d’harmonisation des méthodes, moyen et
procédures de contrôle. Elles devraient permettre d’identifier les problèmes et irrégularités dans
différents domaines, notamment la qualité des actifs, les pratiques comptables et actuarielles,
contrôles internes, qualité des engagements souscrits, évaluation des provisions techniques,
direction stratégique et opérationnelle, réassurance et gestion des risques.
Les procédures harmonisées devraient contenir au moins les moyens suivants: clignoteurs,
projections à long terme, statistiques au niveau de l’Union, …
L’activité de contrôle devrait être davantage transparente (publication : des objectifs des
autorités de contrôle et des modifications de ces objectifs, d’un rapport annuel comportant les
résultats des procédures d’évaluation, de l’organisation interne, …). Selon la Commission une
transparence accrue devrait aider à promouvoir le processus d’harmonisation et une convergence
des meilleures pratiques.
V.2.3. Pilier 3: Publicité
Afin de renforcer la discipline des compagnies d’assurance et de rendre les mesures prévues aux
Piliers 1 et 2 réellement efficaces, le nouveau système imposera des exigences accrues en
matière de publicité qui devraient être compatibles avec les normes IAS.
35

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