masculin féminin

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masculin féminin
DYNAMIQUE REGIONALE D’ECRITURE 2010
JOURNEE de FORMATION de FORMATEURS 24/03/2010 BOURGES
Quand l’écrit prend la parole…
« Masculin – Féminin » ou les liaisons dangereuses, heureuses, et amoureuses des mots.
« Masculin- Féminin », vaste programme ! Un peu trop large sans doute pour l’exercice. Au risque de s’y
perdre il conviendra d’en choisir les axes. Cette réflexion partagée s’appuiera donc sur quelques propositions
seulement.
La première difficulté dans ce type de sujet est son étendue. Masculin et féminin se déclinent depuis
qu’Adam et Eve ont entamé la conversation. La langue est porteuse de genre, du moins la nôtre, elle en est
même le reflet sociétal. Sa déclinaison s’entend encore sur le plan ontologique, l’essence même du vivant et
rejoint à plaisir la philosophie et la psychanalyse. Enfin, nous terminerons allègrement cette petite
exploration par le trait d’union…Que serions-nous sans lui ?
Un petit coup d’œil en arrière
Quid du sujet précédent
Impressions.
Quelles difficultés ? Quels plaisirs ?
Partage des réflexions et autres conseils pratiques
Au final quels enseignements ?
Liaison facile de la différence à la discrimination sexuelle.
Précautions d’usage
L’installation de l’atelier : Répétons-nous, tant pis ! Mais il y va des conditions même de cet exercice de
liberté. Pour les formateurs bénévoles, parce qu’ils s’inscrivent d’emblée sous le signe du « bon vouloir »,
l’écriture de l’atelier prend son sens premier, celui d’une libre participation.
La règle est la même pour les formateurs professionnels : un atelier d’écriture n’est jamais obligatoire, il se
place sous l’ordre du jeu/je, la seule règle de l’exercice est l’écriture à contraintes. La tentation de
l’exercice de français s’inscrit dans un tout autre contexte pédagogique et contractuel. Le sujet proposé
cette année côtoie ces limites, puisqu’il se décline en genres grammaticaux. Se pose déjà d’emblée le
traitement qui lui sera réservé.
Si chacun a la liberté d’organiser « son » atelier d’écriture, faut-il encore s’en donner les moyens : accepter
le risque d’un changement de pouvoir qui se situe non plus dans la parole du formateur mais dans la trace d’un
scripteur.
Autrement dit, au formateur d’imaginer ce temps libre, de mettre en œuvre des conditions ludiques et
créatives. L’atelier s’adresse à une catégorie d’exception, tous registres de langues confondus, celle des
amateurs.
Quel genre d’atelier ?
Le dispositif : un moment d’écriture se désigne d’abord par rapport à un lieu. Dans l’interaction de ses
dimensions, on ne saurait concevoir le temps silencieux de l’écriture sans l’espace : L’écriture contient
l’espace intrinsèque d’un échappatoire : un écart par rapport aux activités habituelles du lieu.
Ses dimensions : La scansion d’un atelier peut s’entendre en trois mouvements.
Le premier concerne le surgissement de l’écriture, d’où l’importance d’une mise en scène particulière du
thème retenu. Par exemple, ici, des objets culturellement codés féminins et masculins : tube de rouge à
lèvres, sac à mains, chaussettes, cravates, ou des objets neutres dont la couleur détermine le genre. Un
parapluie rose, une brassière bleue etc……Des images de publicité sont souvent un bon support, puisqu’elles
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sont visibles par tous et que l’image en est le vecteur principal. Il s’agit de poser une ambiance, susciter des
réactions. L’essentiel étant tout simplement de donner envie d’écrire.
L’écriture, de la pensée à son expression manuscrite en est le deuxième mouvement. Ses difficultés se lisent
en terme de clarté, de chronologie mais aussi dans son geste selon les participants.
Enfin, vient le temps de la relecture, celui du regard de l’autre. L’écrit se pose alors en acte de
transfiguration, c'est-à-dire d’existence. On insistera sur la notion d’échange, sans oublier la liberté du
scripteur. Cette installation permet ainsi d’échapper au lieu commun et à la manipulation. Les regards croisés
sont souvent source d’échanges, d’enrichissement pour les plus en difficulté et une valeur ajoutée pour
l’écrivain.
Pistes d’écriture
- Un sujet de société à choix multiples
▪ Féministes, levez-vous !
Voici donc un sujet sexué, qui pose la trame d’une écriture féminine ou masculine ? Ayons l’esprit
polémique histoire d’attirer l’attention du côté de la structure de langue.
Pour les débutants, la base grammaticale est une source sûre sur laquelle s’appuyer. Les articles de genre
n’existent pas dans toutes les langues, les comparaisons sont forcément fructueuses. Ou encore l’article est
neutre comme en anglais. On peut alors proposer l’exercice sous forme de listes, avec commentaires à l’appui
pour les plus aguerris.
Pasticher un texte à l’anglaise, avec l’inversion des articles de genre pour les plus avancés dans le goût des
exercices de style de Raymond Queneau.
▪ La langue française, miroir de la société
Les accords pluriel des adjectifs et des participes passés donnent la priorité au masculin : l’exception
impose la règle. Exemple : On voyait là des girafes, des gazelles, des antilopes et même un lion endormis. Sur
ce départ on peut inventer toutes sortes de phrases jubilatoires.
Il n’est pas tout à fait innocent que le verbe, moteur de la phrase, soit d’acception masculine dans une société
construite sur le pouvoir masculin.
Même en poésie la rime féminine est muette, seule la rime masculine se fait entendre. Ex : Abolie, mélancolie
// inconsolé, constellé (El Desdichado, Gérard de Nerval).
Dans cet ordre d’idées on ira vers l’exploitation des noms de métiers.
La préfète a gagné du galon, la femme du préfet a regagné le salon. De même pour les chocolats de
l’ambassadrice (pub Ferreiro).
A l’inverse : de la sage-femme à l’homme pas sage. Imaginez une fiche métier type code rome ou une petite
annonce de Pôle emploi.
▪ Comprenne qui pourra !
écrivait Jean-Luc Godard en 1966 en exergue de son film, Masculin, féminin, à propos des enfants de Marx et
de Coca-cola. Les incertitudes d’une génération, thème forcément récurrent, un bon support pour un public
jeune.
Que dire d’un générique qui retient le mot fin dans féminin. Alors que la femme est l’avenir de l’homme,
puisqu’on nous le dit !
Qu’en est-il aujourd’hui des filles et des garçons et de leur rapport à la consommation. Cf le rêve bling-bling
de certains rapeurs à Diam’s ou Grand Corps Malade.
On ira alors du côté du détournement : Diam’s , jeune demoiselle recherche mec mortel à jeune damoiseau, en
rimes bien sûr !
Débutants : utilisation des symboles ♀ ♂. Où trouve-t-on la séparation hommes – femmes ? Les magasins de
coiffure, les toilettes etc......Des lieux séparés, une question d’hygiène ?
- Animus et anima montent dans un bateau…
▪ La force vive
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Evidemment du bateau au cliché il n’y a qu’un pas. Le risque du sujet consiste aussi dans le recyclage des
souvenirs déjà exploités sur des thèmes précédents. Pour éviter que la part féminine et la part masculine ne
tombent à l’eau, un retour au texte s’impose.
Des mots indifférenciés qui supportent le féminin et le masculin, mots épicènes : ex concierge, dentiste
Jung nous l’avait bien dit, le concierge est dans l’escalier avec sa concierge. Le couple infernal est à
l’intérieur. Chaque être porte en lui l’image de l’autre sexe, partenaire complémentaire. De l’archétype à la
création littéraire.
Le portrait du macho patenté avec un élément dérangeant. On est là sur le registre fantastique ex Théophile
Gautier, Emaux et Camées.
▪ Quand le mouvement s’inverse
Que se passerait-il pour la petite Poucette, imaginerait-on un prince au petit pois, enfin que dire de la vilaine
petite canette ou de Jacotte et son haricot géant ?
La « sagesse populaire » ne fait pas mieux : Souvent femme varie bien fol qui s’y fie, Cosi fan Tutte.
On notera aussi le changement de statut : féminin et masculin se transforment en substantifs avec le.
Alors définissons la féminine et la masculine et rimons ensemble. De Racine à Aragon, aux vers libres
d’Eluard, tout est permis. Rimes imposées : une acné, un amiante.
▪ La transgression
Elle se glisse comme on l’a vue dans les mots épicènes qui acceptent le double genre, mais on la retrouve aussi
dans le vocabulaire courant : faut-il dire un ou une azalée, un ou une exergue ? Un petit quiz , en prenant soin
d’adapter le vocabulaire au type de public avant d’aller vers le néologisme et sa définition.
La transgression réjouissante on la trouvera dans l’histoire de l’art : De la Joconde à moustache de Marcel
Duchamp, dans le genre « je ne suis pas celle que vous croyez…. »
Ou plus près de nous autres Berruyers, Bascoulard le magnifique et ses robes, dessinant les rues du VieuxBourges. Autant d’images pour déclencher histoire, portrait, ou commentaires.
Autre plaisir majuscule, la transgression des mots : on relira Prévert ou Tardieu, on retiendra le langage
choisi du Président de la République, d’une manière générale on s’intéressera à l’insulte des créatures et des
individus.
- Trait d’union
▪ Un signe de séduction
On l’a échappé belle ! que serions-nous devenus sans le trait d’union entre le masculin et le féminin…Allons
ensemble vers un avenir à deux et radieux explorons les mots composés. Le tiroir-caisse et le porte-monnaie
font bon ménage, comme le bloc-notes et l’e-mail.
La simplification orthographique opérée dans les années 90 permet d’écrire petit déjeuner ou petit-déjeuner,
ce qui ne présente aucun intérêt…Par contre on se réjouira des confusions plaisantes de pot de vin et pot-devin, touche à tout et touche-à-tout, petite fille et petite-fille, ou sur le champ et sur-le-champ. Ecriture à
double contraintes, ou plus selon affinités en associant des mots féminins et masculins.
L’union parfaite : gendarme, vinaigre, premier et dernier mot d’un récit où il sera question de gens, d’armes et
de vin aigre.
▪ Le sexe des anges
La violence faite aux femmes, la suspicion religieuse, les interdits au profit de la morale masculine, la faute
originelle, pays unissez-vous ! Beaucoup ont matière à écrire.
Alors pour sortir du lamento féminin, on ira du côté d’ Elisabeth Badinter, en particulier L’un est l’autre.
L’indifférenciation, preuve de modernité pour certains nous promet un avenir grisâtre. Le rapport au corps,
aux autres et les mots pour les dire risquent de manquer de saveur. Nous voici dans la simplification de la
grammaire, la négation de l’histoire, finie la fantaisie ? Un essai s’impose. Pour supprimer l’article, on peut
utiliser la petite annonce avec des mots doubles : touriste, archiviste, réglisse. Genre et sexe ne coïncident
pas toujours en français.
Une union parfaite dans un seul corps, un ou une androgyne ? Le chevalier d’Eon, Grace Jones brouillent le je.
Ils sont pluriels, ainsi va l’escargot, mais pas le moustique et la moustiquaire… On s’amusera aussi de textes
descriptifs d’un point de vue féminin, puis masculin.
Imaginer un CV ambivalent.
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▪ Marivaudages
Retenons donc l’ambiguïté ou l’écart et accommodons les différences. L’exploitation du vocabulaire amoureux
est source d’inspiration : les mots doux , du Chouchou à la Petite Caille ne sont pas forcément ceux que l’on
pense. Le calligramme est un classique du genre pour les scripteurs débutants.
Le masculin et le féminin n’ont pas la même façon de séduire, voilà aussi le prétexte à une exploration
culturelle. Déclinaisons selon le pays, le milieu, l’âge, l’époque.
Recette de cuisine amoureuse, philtre d’amour etc…
En poésie, les blasons par exemple Eluard, ou Scarron et le contre-blason .
en pastiche : imaginons le blouson de l’abbé pour Louise Labbé.
N’oublions pas la lettre, déclaration et rupture assorties. On pensera aussi au texto et au Twit, utiles pour
les plus en difficultés. L’écriture phonétique est aussi très créatrice.
L’écrit comme investissement dynamique
Temps de recul
La réussite de l’atelier se lit, l’animateur en est l’instrument. Les contraintes doivent être claires, posées dès
la consigne. Attention à la règle d’or de l’écriture à contraintes, surtout pour ceux qui sont en difficulté avec
l’écrit, le cadre posé n’autorise pas le choix. Ces limites permettent de rassurer face au vide de la page parce
qu’elles balisent d’emblée les structures de l’imaginaire. Comme toute règle elles en inscrivent aussi le
franchissement. Le choix induit la perte, particulièrement angoissant, alors que le franchissement est une
décision. C’est au responsable de cette machination d’en assurer les effets ; dans quelle mesure peut-on les
prendre en compte, la seule condition restant au final le sujet du concours.
De la nécessaire modestie qu’implique la mise en écriture, le changement de jeux, ou de forme est une
évidence devant un manque de participation.
Le droit d’auteur
Les textes produits doivent être manuscrits éventuellement accompagnés de leur copie informatique. La
trace de la main est une signature, un reflet de l’identité et préserve l’authenticité du texte. Cette question
du respect de l’écrit se pose particulièrement dans les ateliers pour des publics en difficultés avec l’écrit. Là
encore, la posture de l’animateur doit être mise en question.
Rappelons que l’écriture ressort du droit de création, comme toute oeuvre elle s’inscrit dans la liberté
quelque soit son origine ou son expression.
Que faire alors devant la faute d’orthographe ou la faute de syntaxe ? Grande est souvent la tentation de
corriger sans en informer l’auteur, ce qui laisse place à toutes les dérives selon une morale du beau, ou du
bien écrit.
La notion de faute est souvent intéressante, parce qu’elle prête à discussion : fantaisie ou confusion sont
autant d’idées à exploiter. Il faut que le texte reste lisible ; la solution est sûrement de faire corriger le
texte par son auteur, avec l’aide de l’animateur.
La faute de syntaxe est plus ambiguë, elle peut s’apparenter à un procédé, (cf. La môme Néant, R. Queneau),
le point de vue reste le même : interroger l’auteur.
La liberté d’écrire ne souffre pas la morale ; le respect de la création, c’est avant tout celui de son auteur.
La guerre des sexes n’aura pas lieu
A l’origine fut la pomme, la suite n’est qu’une histoire de pépins, diront les humoristes. D’oppositions en union,
du complémentaire au ressemblant, ainsi se décline le thème de cette année, masculin-féminin.
Les pistes évoquées ici sont bien modestes, elles ne sont qu’un appel à l’écriture. La richesse des auteurs et
de leurs formateurs enrichira le lien.
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Retenons moins le caractère binaire, dont la brutalité s’efface devant le trait d’union, que la pensée de la
différence. Quelle que soit la langue, que les genres soient ou non déterminés, réjouissons-nous, l’union fait
la force !
Catherine Boulay. Accueil et Promotion
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