Claudio Parmiggiani : la clarté de l`invisible

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Claudio Parmiggiani : la clarté de l`invisible
Connaissance des Artes
E. Vedrenne ‘Claudio Parmiggiani : la clarté de l'invisible
December 2008
Claudio Parmiggiani : la clarté de l'invisible
Claudio Parmiggiani est le premier artiste invité par le Collège des Bernardins à Paris. Inspiré par les
lieux, l'Italien y a conçu une installation spectaculaire, en résonance avec la dimension intellectuelle,
spirituelle et historique de l'ancien couvent. L'atelier de Claudio Parmiggiani, c'est le monde entier. Il
s'élabore dans la pénombre, sous la camera oscura de ses paupières fermées, puis va se projeter
partout, dans les églises, les musées, les galeries, mais aussi dans les jardins, les bois, les places des
villages, jusqu'aux paysages les plus inaccessibles et jusqu'aux îles les plus introuvables. Ou, comme
ici, au coeur de Paris, dans un couvent où l'on enseignait la théologie au Moyen Âge : le Collège des
Bernardins. « J'ai le désir toujours plus fort, dit-il, non pas de produire des objets, aussi raffinés soientils, non pas de mettre en place de quelque façon des objets dans l'espace, mais de créer des lieux
psychologiques, des lieux évocateurs qui transmettent une secousse aux sens. Des lieux qui aient une
voix, un coeur qui bat dans l'épaisseur des murs. Rendre sensible l'invisible. » Ce monastère cistercien
du XIIIe siècle, qui déclina à partir du XVIIIe, servant alors d'entrepôt puis de caserne des pompiers
avant d'être aujourd'hui restauré et de retrouver en partie sa splendeur, constitue donc pour lui un lieu
idéal d'esprit et de connaissance, de foi humaniste, de foi poétique : « La poésie est une pratique
religieuse et vivre est déjà un acte religieux en soi », dit cet artiste athée qui écrit aussi des poèmes.
Selon sa pratique habituelle, Parmiggiani va invoquer pour évoquer, puis mêler les strates
existentielles qui hantent le lieu, ajustant les contraires, mariant les extrêmes, pour construire une sorte
de tableau visuel en trois dimensions, une « image » que lui dicte une « présence ». Il place ainsi dans
la grande nef gothique, ainsi que dans la sacristie, trois oeuvres monumentales fabriquées sur le lieumême, spectaculaires par leur taille, mais aussi terriblement austères, d'une grande violence contenue :
une bibliothèque brûlée, un labyrinthe en verre brisé et un entassement d'une centaine de vieilles
cloches au rencart. Trois formes de destruction. Par le feu, par la déflagration, par l'abandon. De quoi,
en effet, secouer les sens du spectateur. Scènes de désastre apocalyptique servies dans un pathos glacé,
une immobilité effrayante et un silence assourdissant. Moment instantané, temps suspendu juste avant
ou après l'orage, ou lorsque les oiseaux s'arrêtent tout à coup de pépier avant la tombée de la nuit, au
seuil de l'obscurité, juste avant le saut dans l'inconnu, la nuit noire, cet avant-goût de la mort. L'artiste
nous plonge dans un temps qui vient après un acte terrible, dans le temps de la constatation, et donc de
l'interrogation. Après l'enfer, la renaissance ? L'après-incendie est comme l'après-glaciation de cette
étendue de verre pilé, coagulée dans ses soubresauts de mer déchaînée ou, autre vision, sorte de
Stalingrad bombardée. Ou comme l'aprèsmutilation de la cloche devenue inutile et muette. Feu et glace
sont les deux côtés d'un même miroir. L'artiste éveille l'émotion pour réveiller notre pensée. Lire la
suite http://boutique.connaissancedesarts.com/boutique/fiche_produit.cfm?ref=M666-0
À voir : « Parmiggiani - Révélations » au Collège des Bernardins (20, rue de Poissy, 75005 Paris - 01
53 10 74 44) jusqu'au 31 janvier. À lire : Le hors-série de « Connaissance des Arts » sur le Collège des
Bernardins (n° 370, 36 pp., 8 €).

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