En Arctique, l`archipel du Sptizberg attise les convoitises

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En Arctique, l`archipel du Sptizberg attise les convoitises
En Arctique, l'archipel du Sptizberg
attise les convoitises
LE MONDE | 24.01.2013 à 12h49
Par Olivier Truc - Tromso (Norvège), envoyé spécial
Sur les eaux glacées de l'île norvègienne du Spitzberg. | MARTIN BRUNO
Loin des yeux de tous, l'archipel du Spitzberg, à mi-chemin entre le cap Nord et
le pôle Nord, est en train de devenir une nouvelle zone de bagarre internationale
sur fond d'exploration pétrolière et de droits de pêche. Le sujet anime largement
les débats de la conférence Artic Frontiers, qui se tient toute la semaine à
Tromso, en Norvège , jusqu'au 25 janvier.
Le traité de Paris de 1920 a accordé à Oslo la souveraineté de cet archipel
peuplé d'à peine 3 000 habitants, et qui couvre une surface équivalente à la
région Centre française. Sa richesse consiste en sa zone maritime de 800 000
km2, riche en poissons et, croit-on, en hydrocarbures encore inexploités.
Un trésor potentiel auquel plusieurs pays – dont le Royaume-Uni , les Etats-Unis
et la Russie – n'entendent pas renoncer , prêts à se lancer dans une rude
bataille juridique.
En contrepartie de sa souveraineté sur le Spitzberg, la Norvège est en effet
tenue d'accorder à toutes les parties au traité de Paris – une quarantaine
d'Etats, dont la France – une égalité de traitement concernant la pêche et
l'exploitation de toute entreprise industrielle, maritime, commerciale dans
l'ensemble de l'archipel et dans ses eaux territoriales (jusqu'à 12 milles marins
des côtes).
UNE DÉMARCHE GUÈRE SOUTENUE
Le texte international prévoit aussi que les impôts perçus ne sont destinés à
couvrir que les dépenses d'administration du seul Spitzberg. La taxation y est
donc très basse et le resterait pour les activités pétrolières, face aux 78 % de
taxes prélevées par l'Etat norvégien sur les bénéfices des compagnies actives
en mer du Nord.
Une manne que les Norvégiens ne peuvent se résoudre à abandonner . Ils
considèrent donc que les droits des autres pays signataires du traité de 1920 ne
s'appliquent pas dans la zone économique exclusive (ZEE) – jusqu'à 200 milles
marins des côtes –, mais uniquement sur les activités terrestres du Spitzberg et
dans la zone des 12 milles, invoquant le fait que le concept de ZEE n'existait
pas en 1920.
La démarche d'Oslo n'est guère soutenue. "La Norvège a tenté d'obtenir l'aide
d'autres nations, mais en vain jusqu'à présent", constate Geir Ulfstein,
professeur de droit international à l'université d'Oslo, présent à Arctic Frontiers.
La question du Spitzberg, précise-t-il, c'est "comme un éléphant dans un
magasin de porcelaine". Les Britanniques sont en tout cas les plus en pointe
pour contrer l'offensive norvégienne, arguant que le traité de Paris devait valoir
sur la ZEE.
La bataille du Spitzberg relance les rivalités dans le Grand Nord alors que la
hache de guerre semblait avoir été (un peu) enterrée.
Après le branle-bas provoqué par l'expédition russe qui était allée, en 2007,
planter un drapeau sous le pôle Nord, les pays riverains de l'océan Arctique
(Canada , Danemark via le Groenland, Etats-Unis, Norvège et Russie) s'étaient
décidés, dès 2008, à régler leurs différends par la voie de la négociation, afin
d'éviter toute ingérence dans leur club très fermé. Avec un certain succès.
CALMER LE JEU
Réunis au sein du Conseil Arctique – un forum informel doté depuis 2013 d'un
secrétariat installé à Tromso – ces cinq pays, auxquels s'ajoutent la Finlande ,
l'Islande et la Suède , semblaient vouloir calmer le jeu.
Preuve de ce nouvel esprit, la Norvège et la Russie se sont même mises
d'accord en 2010 pour délimiter, après quarante ans de discussions acharnées,
leur frontière maritime en mer de Barents, bordant les eaux du Spitzberg.
Entrée en vigueur en 2011, cette nouvelle ligne a permis aux compagnies
pétrolières de partir explorer la zone frontalière jusque-là contestée. Du coup,
elles lorgnent aussi sur les eaux du Spitzberg. Des télégrammes révélés par
Wikileaks en 2011 avaient dévoilé l'intérêt des Etats-Unis pour le sujet.
Le jour où la Norvège décidera d'ouvrir les eaux du Spitzberg à l'exploration
pétrolière, nul doute que la bataille juridique commencera, car les enjeux
économiques sont loin d'être négligeables.
Le réchauffement climatique provoque en effet un déplacement de stocks
importants de poissons vers ces eaux nordiques, notamment de la morue de
l'Atlantique. "Mais une dispute sur le pétrole pourrait avoir des conséquences
néfastes sur la gestion des droits de pêche qui fonctionne jusqu'à présent
relativement bien, en dépit de certains incidents", estime le professeur Ulfstein.
A Paris, pour le moment, on temporise, rappelant qu'à ce jour aucun Etat n'a
sollicité la révision du traité de Paris. Et qu'aucun autre texte international
n'entre en dissonance avec ses dispositions.
L'une des alternatives envisagée par le professeur Ulfstein ravit en tout cas les
défenseurs de l'environnement en Arctique : imaginer un Spitzberg sans
exploration pétrolière.
Olivier Truc - Tromso (Norvège), envoyé spécial

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