3 questions à - Tendance Droit
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3 questions à - Tendance Droit
INFORMATIONS PROFESSIONNELLES 1336 COMMISSAIRE DE JUSTICE 1336 « Avec l’ordonnance “Commissaire de justice”, la profession préserve son héritage historique et se projette dans le 21e siècle » 3 questions à Patrick Sannino, président de la Chambre nationale des huissiers de justice Le 2 juin dernier paraissait l’ordonnance n° 2016-728 relative au statut de commissaire de justice, qui regroupera, au 1er juillet 2022, les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires. À l’occasion des 32e Journées de Paris, organisées les 8 et 9 décembre par la Chambre nationale des huissiers de justice à l’hôtel The Westin autour du thème « Innovation et Mutation », P. Sannino, son président, nous présente le travail de mise en place progressive de cette nouvelle profession (V. ég. Procédures 2016, entretien 1). Comment se dessine l’avenir de la profession ? Il est intimement lié à l’application de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dont le volet « commissaire de justice » (L. n° 2015-990, 6 août 2015, art. 61) est bien sûr l’un des éléments les plus importants pour nous, mais pas le seul. Au début du processus lancé le 10 juillet 2014 par la conférence de presse d’Arnaud Montebourg, la profession d’huissier de justice était fortement menacée dans son existence même (JCP G 2014, act. 1002 ; act. 1167). Nous avons su faire valoir les principes qui fondent notre utilité sociale et juridique et réussi, au fil des mois, à éviter les dangers les plus mortifères (extension de compétence au niveau national, financiarisation des études, suppression de la signification, liberté d’installation totale). Aujourd’hui, nous sommes engagés dans la mise en œuvre concrète de la réforme, qui a intéressé plusieurs points essentiels de notre activité (tarif, structures d’exercice, compétence territoriale, modalités d’installation). Tout cela pour dire que les bouleversements apportés par cette loi sont nombreux et profonds. Je citerai un seul exemple : l’extension à la cour d’appel, à partir du 1er janvier 2017, de la compétence des études pour l’exercice des activités monopolistiques (L. n° 2015990, art. 54 ; Ord. n° 45-2592, art. 3, al. 1er, mod.). Dans ce contexte difficile, l’ordonnance relative au statut du commissaire de justice (Ord. n° 2016728, 2 juin 2016 : JO 3 juin 2016 ; Act. proc. coll. 2016, n° 13, repère 176 ; JCP G 2016, p. 1108) est la preuve que les huissiers de justice ont su préserver leur héritage historique, mais également se projeter dans le 21e siècle, dans un projet d’avenir, celui du rapprochement avec les commissairespriseurs judiciaires dans notre nouvelle profession. Le projet « commissaire de justice » est, comme le législateur l’a voulu, un projet en devenir, qui passera par des phases successives. Pourtant, au-delà de ces étapes, dont il ne faut pas sousestimer l’importance, l’objectif est clair : les nouveaux commissaires de justice seront des officiers publics et ministériels (et c’est une bonne nouvelle, à une époque où pourtant on disait ce statut condamné à disparaître) qui réuniront les meilleures compétences de ces deux professions. Leurs compétences seront particulièrement larges, qu’il s’agisse des activités réservées ou exercées concurremment avec d’autres professions. N’oublions pas non plus que la nouvelle profession permet de consolider le rôle des professionnels de l’exécution dans l’espace européen, à un moment où le vent de la dérégulation n’a pas cessé de souffler. Alors comment résumer l’avenir de la nouvelle profession par rapport à l’ordonnance ? Je dirais qu’elle sera une profession d’excellence, polyvalente, proche du monde économique et inscrite dans la digitalisation des métiers du droit. Que prévoit l’ordonnance en matière de formation des futurs commissaires de justice ? C’est un point très important de LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - N° 49 - 5 DÉCEMBRE 2016 la réforme. La formation est envisagée sous deux aspects. D’une part, la formation des professionnels en exercice afin qu’ils deviennent « qualifiés commissaires de justice ». Cette obligation de formation devra être accomplie avant 2026, mais pour des raisons évidentes liées à la possibilité d’exercer la totalité des missions de la nouvelle profession, elle se mettra en place beaucoup plus rapidement, dès 2017. Nous travaillons d’ailleurs d’ores et déjà avec la Chambre nationale des commissaires-priseurs judiciaires sur un projet que nous souhaitons partagé entre nos deux professions. D’autre part, nous n’oublions pas la formation initiale. C’est un chantier essentiel et assez impressionnant, car il s’agit d’imaginer une nouvelle formation qui devra permettre à la première promotion des commissaires de justice d’être prête au second semestre de 2022. Il s’agit d’un processus très complexe, mais exaltant car il s’agira de concevoir un nouveau parcours pédagogique qui permettra aux commissaires de justice d’assurer la totalité des missions aujourd’hui mises en œuvre par les huissiers et les commissaires-priseurs judiciaires. Ce sera un passage essentiel de la réforme auquel nous sommes particulièrement attachés, car il s’agira concrètement de construire la profession de demain. À l’aube de leur mue en commissaires de justice, quel message souhaitez-vous adresser à vos confrères ? Le message est évidemment optimiste, sans sous-estimer les défis très complexes qui nous at- tendent. La Chambre nationale reste mobilisée pour accompagner cette réforme auprès de tous les huissiers de justice, dont nous partageons les inquiétudes. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons souhaité consacrer les 32es journées de Paris au thème « Innovation et Mutation ». Nous sommes totalement entrés dans une période de mutation, car jamais par le passé les professions réglementées n’avaient dû autant se remettre en question. Les enjeux dépassent d’ailleurs la loi « Croissance et activité » : je pense à l’évolution de l’organisation territoriale, à la dérégulation internationale et européenne, à l’impact des nouvelles technologies. Nous devons affronter les conséquences de ces évolutions, lourdes : l’aménagement du territoire, les évolutions des structures d’exercice, le numérique. Mais muter ne veut évidemment pas dire disparaître ou subir passivement les évolutions. Bien au contraire. Nous sommes une profession qui a placé l’innovation au cœur de son action (JCP G 2015, prat. 1375). Je pense bien sûr au numérique, mais pas simplement. Innover signifie regarder avec optimisme l’avenir, sans sous-estimer les difficultés, mais en essayant de les comprendre pour les surmonter, et les transformer en atouts. C’est en ce sens que la création d’une nouvelle profession est une marque évidente de cette volonté d’innovation que nous souhaitons permanente. Propos recueillis par MarieGabrielle Condamy, éditeur, JurisClasseur Encyclopédie des huissiers de justice Page 2303