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e-Bulletin du droit d’auteur
juillet - septembre 2004
DEVELOPPEMENTS JURIDIQUES
JURISPRUDENCE
CANADA
Cour suprême du Canada
Droit d’auteur – Demande que les fournisseurs de services Internet soient contraints au
versement de redevances – Antémémoire – Extraterritorialité de la Loi canadienne sur le droit
d’auteur
La Loi sur le droit d’auteur peut s’appliquer chaque fois qu'une télécommunication a un
lien réel et substantiel avec le Canada et pas uniquement lorsqu'une communication
Internet provient d'un serveur hôte se trouvant au Canada.
L'alinéa 2.4 (1) (b) de la Loi canadienne sur le droit d'auteur dispose que le participant à
une télécommunication qui ne fait que fournir « les moyens de télécommunication
nécessaires » n'est pas réputé en être l'auteur. L'intermédiaire Internet qui ne se livre pas à
une activité touchant au contenu de la communication, mais qui se contente d'être « un
agent » permettant à autrui de communiquer, bénéficie de l'application de l'al. 2.4 (1) (b).
La « mise en antémémoire » est dictée par la nécessité d'offrir un service plus rapide et plus
économique. Elle ne devrait pas constituer une violation du droit d'auteur lorsqu'elle a lieu
uniquement pour de telles raisons techniques et bénéficie donc de la protection prévue à
l'al. 2.4(1) (b).
Décision de la Cour suprême du Canada, 30 juin 2004 (Extraits tirés du résumé de la décision de
la Cour suprême du Canada)
Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. Association canadienne
des fournisseurs Internet.
Référence neutre : 2004 CSC 45.
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juillet -septembre 2004
Faits :
La défenderesse, la SOCAN, est une société de gestion Canadienne qui gère les droits d’auteur
sur les œuvres musicales de ses membres canadiens et des membres étrangers de sociétés
homologues. Elle veut percevoir des redevances auprès des fournisseurs de services Internet
situés au Canada parce que, selon elle, ils violeraient le droit exclusif conféré par la loi au
titulaire du droit d'auteur de communiquer l’œuvre au public par télécommunication et d'autoriser
une telle communication. Les appelantes représentent une vaste coalition de fournisseurs
canadiens de services Internet. Elles font valoir qu'elles ne « communiquent » pas d’œuvres
musicales ni n'« autorisent » leur communication puisqu'elles ne sont que des agents et ne
réglementent pas le contenu des communications Internet qu'elles transmettent.
En 1988, le Parlement a ajouté à la Loi sur le droit d'auteur la disposition antérieure à l'actuel
al. 2.4 (1) (b) prévoyant que la personne qui ne fait que fournir « à un tiers les moyens de
télécommunication nécessaires pour que celui-ci effectue [une communication] » n'est pas ellemême partie à une communication illicite.
Décision :
1. L’application de la Loi canadienne sur le droit d’auteur
[...] Il y a télécommunication lors de la transmission de l’œuvre musicale du serveur hôte à
l'utilisateur final. La communication Internet qui franchit une ou plusieurs frontières nationales
« se produit » dans plus d'un pays, soit à tout le moins dans le pays de transmission et dans le
pays de réception. Point n'est besoin qu'une communication provienne d'un serveur situé au
Canada pour qu'elle se produise au Canada. [...] Conclure en sens contraire irait non seulement à
l'encontre du sens ordinaire des mots, mais aurait de graves conséquences dans d'autres domaines
d'application de la loi à l'Internet.
L'applicabilité de la Loi canadienne sur le droit d'auteur à une communication à laquelle
participent des ressortissants d'autres pays dépend de l'existence entre le Canada et la
communication d'un lien suffisant pour que le Canada applique ses dispositions conformément
aux principes d'ordre et d'équité.
[...] En ce qui concerne l'Internet, le facteur de rattachement pertinent est le situs du fournisseur
de contenu, du serveur hôte, des intermédiaires et de l'utilisateur final. L'importance à accorder à
l'un d'eux en particulier varie selon les circonstances de l'affaire et la nature du litige. La
conclusion selon laquelle le Canada pourrait exercer sa compétence en matière de droits d'auteur
à l'égard tant des transmissions effectuées sur son territoire national que de celles provenant de
l'étranger est conforme non seulement à notre droit général, mais aussi aux pratiques nationales et
internationales en la matière.
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2. « Communication » au sens de l’article 2.4 (1) (b) de la Loi canadienne sur le droit
d’auteur
[...] L'alinéa 2.4 (1) (b) de la Loi sur le droit d'auteur dispose que le participant à une
télécommunication qui ne fait que fournir « les moyens de télécommunication nécessaires » n'est
pas réputé en être l'auteur. Cette disposition n'est pas une échappatoire, mais un élément
important de l'équilibre établi par le régime législatif en cause. Il faut interpréter les termes
qu'elle emploie dans leur sens ordinaire et grammatical, selon le contexte. Dans le contexte
considéré, un moyen est « nécessaire » s'il est raisonnablement utile et approprié pour l'obtention
des avantages que sont une économie et une efficacité accrues. Les « moyens » englobent tous les
logiciels de connexion, les services assurant la connectivité, les installations et services offrant
l'hébergement sans lesquels la communication n'aurait pas lieu. L'intermédiaire Internet qui ne se
livre pas à une activité touchant au contenu de la communication, mais qui se contente d'être « un
agent » permettant à autrui de communiquer, bénéficie de l'application de l'alinéa 2.4 (1) (b). Ce
qui caractérise entre autres un tel « agent » c'est l'ignorance du contenu attentatoire et
l'impossibilité (tant sur le plan technique que financier) de surveiller la quantité énorme de
fichiers circulant sur l'Internet.
3. Est-ce que la « mise en antémémoire » constitue une autorisation de la violation de droit
d’auteur ?
[...] L'antémémoire n'a aucune incidence sur le contenu et, au vu de l'al. 2.4 (1) (b) de la Loi, elle
ne devrait avoir aucun effet juridique sur la communication intervenant entre le fournisseur de
contenu et l'utilisateur final.
Le fait qu'un fournisseur de services Internet sache que quelqu'un pourrait violer le droit d'auteur
grâce à une technologie sans incidence sur le contenu n'équivaut pas nécessairement à autoriser
cette violation, car il faut démontrer que l'intéressé a approuvé, sanctionné, permis, favorisé ou
encouragé le comportement illicite. L'omission de retirer un contenu illicite après avoir été avisé
de sa présence peut, dans certains cas, être considérée comme une « autorisation ». Celle-ci peut
parfois être inférée, mais tout dépend des faits.
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