L`analyse des salutations dans les interactions entre animateur

Transcription

L`analyse des salutations dans les interactions entre animateur
Signes, Discours et Sociétés, numéro 6. Discours et institutions
http://revue-signes.info/document.php?id=2222
23 décembre 2010
L’ANALYSE DES SALUTATIONS DANS LES INTERACTIONS ENTRE ANIMATEUR AUDITEUR INTERVENANT : LE CAS DES ÉMISSIONS RADIOPHONIQUES DE
DIVERTISSEMENT D’ALGER CHAÎNE 3
Kheira YAHIAOUI
Maître assistante
Université HASSIBA BEN BOUALI-CHLEF (ALGÉRIE)
1. Introduction
Depuis la naissance de l’analyse conversationnelle et plus largement de l’analyse du discours,
les travaux de recherche sur les discours oraux se sont remarquablement élargis. Aujourd’hui, des
disciplines autres que la linguistique, comme la sociologie, la psychologie, l’ethnographie, la
philosophie et bien d’autres encore étudient le discours oral. En dépit des différences théoriques et
méthodologiques, les travaux dans ces domaines ont convergé vers le même objet : l’étude du discours
oral.
Cet engouement pour l’analyse du discours oral est né suite au renoncement à la méthode
structurale qui a marqué la linguistique saussurienne (linguistique de la langue) et à la réorientation
vers une linguistique de la parole. La réorientation de la recherche vers la linguistique de la parole, loin
d’être un effet de mode, s’inscrit en droite ligne dans le sillage du développement théorique qui rompt
avec la linguistique de la langue en vue d’une meilleure prise en compte du contexte de production et
de réception dans l’interprétation des discours sociaux. Aujourd’hui, les recherches qui ont pour objet
toute situation d’échange impliquant la présence, dans un même environnement physique, de deux ou
plusieurs individus, allant de la forme la plus familière (la conversation) à l’interaction
institutionnalisée, se sont largement développées autour de l’oral. Chacune de ces formes révèle une
spécificité qui la différencie des autres.
Dans cet article nous présentons les résultats de nos analyses et réflexions sur les interactions
verbales, notamment celles qui se passent au cours d’une émission radiophonique de la chaîne
radio « Alger chaîne 3 », intitulée « Nass-Nass », diffusée de 08h.30 à 09h.00 du matin. La durée de
chaque interaction varie entre 5 à 10 minutes chacune. Nous avons étudié vingt interactions, choisies
sur un corpus constitué au cours de l’année 2009, que nous avons transcrites selon un modèle inspiré
des conventions de transcriptions de V. Traverso (1999), R. Vion (2000) et J. Gumperz (1980) (V.
Annexes).
Notre travail s’inscrit dans le domaine de l’analyse conversationnelle et a comme objectif de
dégager les spécificités des salutations radiophoniques. A ce niveau, nous avons adopté une approche
séquentielle qui permet de centrer l’analyse à la fois sur le contenu et sur la structure de ces
interactions.
L’interaction radiophonique ne se réduit pas au seul échange entre un animateur et un auditeur ;
il s’agit de toute une organisation qu’il faut prendre en considération, une série hiérarchique de
séquences qui se succèdent et où chaque unité dépend dans son fonctionnement des événements
discursifs qu’apporte l’autre séquence. C. Kerbrat-Orecchioni indique que « la plupart des interactions
se déroulent en effet selon le schéma global : séquence d’ouverture, corps de l’interaction, séquence de
clôture »1. V. Traverso, de son coté, indique que l’interaction, qu’elle soit radiophonique ou autre, se
compose de trois unités complémentaires : « en règle générale, toute interaction se déroule en trois
1
C. Kerbrat-Orecchioni, Les interactions verbales, Armand Colin, Paris, 1990, p. 220.
Signes, Discours et Sociétés, numéro 6. Discours et institutions
http://revue-signes.info/document.php?id=2222
23 décembre 2010
étapes qui se succèdent dans le temps : ouverture/corps/clôture »2.
Donc l’organisation de l’interaction comporte :
- d’abord une séquence d’ouverture, préparant les participants à entrer en échange ;
- ensuite un corps, « le vif du sujet », et la discussion détaillée sur un thème précis ;
- enfin, la séquence de clôture où les participants s’accordent à mettre fin à l’échange.
Les deux séquences d’ouverture et de clôture encadrent le corps de l’interaction. Selon C.
Kerbrat Orecchioni, « il n’est pas si facile "d’entrer en conversation"("de rompre la glace", de trouver
les premiers mots et introduire les premiers thèmes), pas si facile non plus d’en sortir, et de produire "le
mot de fin" »3. Ces séquences sont fortement ritualisées ; sortir du cadre normal et des usages rituels
d’ouverture ou de clôture se conçoit comme une offense ou une menace de la face d’autrui.
La facilité qu’on a de définir ces deux étapes n’écarte pas le fait que chaque séquence soit un
moment délicat toutes les fois qu’on se prépare à entrer en interaction. Leur importance émane de ce
que Goffman (1974) appelle face positive, que les participants à l’interaction essayent de préserver
surtout au moment de l’ouverture et de la clôture.
2. La séquence d’ouverture radiophonique
La fonction principale de la séquence d’ouverture consiste à mettre en place les conditions
favorables à l’interaction, conditions aussi bien physiques (bonne distance, bonne installation, etc.) que
psychologiques (reconnaissance mutuelle, acceptation de l’interlocuteur, etc.). La séquence d’ouverture
est une « séquence stéréotypée dont la fonction est d’assurer la mise en route coordonnée des actions de
communication au plan formel4 ». Elle consiste à commencer et/ou à entrer en interaction, c’est une
prise de contact avec l’autre partenaire de l’échange. Comme le souligne De Salin, l’ouverture d’une
interaction est constituée par « les premiers moments où les personnes échangent des gestes de
reconnaissance ou de parole »5.
Comme nous allons le montrer dans les exemples suivants, une séquence d’ouverture comporte
deux éléments essentiels :
▪ Les salutations, qui sont un acte de reconnaissance et un rituel d’accès (Goffman : 1974).
Elles se réalisent verbalement (Bonjour, Salut, Bonsoir…), non verbalement ou à l’aide de gestes
expressifs (sourire,…).
▪ Les salutations complémentaires, qui comportent des questions sur la santé, sur la famille, de
l’humour... La plus récurrente dans l’usage est : « Comment ça va ? »
Séquence 1 : (interaction Nass Nass 07)
(T1) An: Nadia bonjourˊ (.) Nadia
(T2) Ad:ouiˊ bonjour Mehdi::
Les salutations proprement dites
(T3) An: bonjour Nadia
(T4) Ad: comment allez vous:: ˊ
(T5) An: [très bienˊ
Les salutations complémentaires
(T6) Ad: [<+ ça va:: ˊ
2
3
V. Traverso, L’analyse des conversations, Nathan, Paris, 1999, p. 32.
C. Kerbrat-Orecchioni, Le discours en interaction, Armand Colin, Paris, 2005, p. 114.
4
P. Bange, Analyse conversationnelle et théorie de l’action, Hatier/Didier, Paris, 1992, p. 212.
5
G. D. De Salin, Une approche ethnographique de la communication. Rencontres en milieu parisien, Paris, Hatier/Crédif, 1988, p. 40.
Signes, Discours et Sociétés, numéro 6. Discours et institutions
http://revue-signes.info/document.php?id=2222
23 décembre 2010
On a les salutations proprement dites (T1 - T3), suivies de celles qu’on considère
complémentaires. La question rituelle « comment ça va ? » (T4) reçoit toujours une réponse positive
(T5 - T6).
Dans la même séquence d’ouverture de l’interaction radiophonique, nous avons constaté la
présence d’un troisième élément que nous avons nommée : la sous-séquence secondaire, visant à
instaurer une relation plus ou moins intime, à maintenir l’échange et à approfondir la connaissance de
l’auditeur.
Séquence 3 : (interaction Nass Nass 6)
An: bonjour:: HouRia
Les salutations proprement dites
Ad: bonjour:: Mehdi
An: comment allez vous::
Ad: [ was rak ]
Les salutations complémentaires
An: [labas]
Ad: ça va
An: que faite vous dans la vie Houriaˊ=
Ad: =et bienˊ mère au foyer
An: oh mère au foyer vous avez combien d’enfants Madame
Ad: oh deux
Ad: [Allah ybarek] (.) le dernier a quel âge
Sous-séquence secondaire
An: il:: a deux ans et demi
Ad: oh euh:: v vous pas une:: (.) personne qui est mariée depuis TRES longtempsˊ alorsˊ
An: non nonˊ pas- < si si> comme mêmeˊ (rire)
Ad: (rire) d’accord
[euh:
Cet élément, qui s’additionne à la séquence d’ouverture que nous avons nommée sous-séquence
secondaire, comporte des questions de l’animateur destinées à l’auditeur. Par le biais de cette sousséquence, l’animateur cherche à mieux connaître son éventuel partenaire de jeu, à le mettre à l’aise. Il
s’agit pour lui d’entretenir un lien de connivence, ou plus exactement de créer un climat de détente
favorable au bon déroulement de l’interaction. Nous observons que la plupart des intervenantes aux
émissions radio ne manifestent aucune timidité ou réserve par rapport aux sujets abordés ou aux
questions qui leur sont posées. Ils répondent aux questions des animateurs très clairement et sans
embarras. Nous justifions ce comportement ou cette attitude par « l’anonymat » qu’offre la radio à ces
intervenants. Certes, nous connaissons des fois les prénoms des intervenants. Cependant, ils sont loin
d’être identifiés. Cet « anonymat » contribue à installer chez l’auditeur une assurance qui met en
veilleuse tout rapport avec son statut social, professionnel, etc. La clarté et la précision avec laquelle les
auditeurs répondent aux questions de l’animateur dévoilent une marque sociale très importante dans la
société algérienne : le fait d’avoir un partenaire communicatif inconnu pousse l’interlocuteur à se
libérer des codes et des règles qui l’emprisonnent, en le plaçant dans une catégorie bien précise.
L’auditeur répond à ces questions en partageant avec l’animateur une tranche de sa vie personnelle,
puisque la distance qui aide à maintenir l’anonymat constitue une sorte de rideau protecteur de
l’identité de la personne. Il en aurait été autrement si l’animateur se trouvait dans le même
environnement physique que son interactant.
L’interaction radiophonique comporte donc, dans la séquence d’ouverture, les salutations
Signes, Discours et Sociétés, numéro 6. Discours et institutions
http://revue-signes.info/document.php?id=2222
23 décembre 2010
proprement dites et les salutations complémentaires. Dans le cas de l’interaction animateur auditeur intervenant s’ajoute une troisième unité, celle de l’échange secondaire, permettant à
l’animateur de mieux connaître son partenaire (auditeur), l’anonymat jouant un rôle crucial dans
l’élaboration de cette relation.
3. Le corps de l’interaction radiophonique
Pour ce qui est du second élément, le corps de l’interaction, on parle généralement du « vif du
sujet ». Une fois l’ouverture achevée, on est dans l’obligation de passer à l’essentiel, ce qu’on remarque
très clairement dans la séquence suivante :
Séquence 1 : (interaction Nass Nass 01)
(T1) An: bonjour Nassira
(T2) Ad: bonjour Mehdi
(T3) An: comment allez vous Nassiraˊ=
(T4) B: =très bien je vous remercie
(T5) An: que faites vous dans la vie Nassira=
(T6) Ad:= Mèreˊ au foyerˊ
(T7) An: Mère au foyer vous avez combien d’enfants =
(T8) Ad: =trois
(T9) An: [ allah ybarek] (.) alors Nassiraˊ la question qui vous intéresse Madame
(T10) Ad: j’ai pensé auˊ pompier
(T11) An: oh au pompier (.) alorsˊ Le pompier la seringue un indice rapprochez-vous d’un instrument de
musique, et rajoutez le suffixe et vous dites.
(T12) Ad: je pensais au [ trambaji]
(T13) An: [ trambaji] vous pensez QUE le métier du : : pompier s’appelait à l’époque [ trambadji] [Puisque la
seringue >
(T14) Ad: ouiˊ la seringue s’appelait [ + tranbadjˊ]
(T15) An: [tramba] très bien et bien : écoutez on va garder vos coordonnées :: ne coupez pas  Merci beaucoup
Madame ne coupez SURTOUT pas
Les deux partenaires, après avoir installé l’ouverture : les salutations (T1 - T2), les salutations
complémentaires (T3 - T4), les échanges secondaires (T5 - T8) –, passent au sujet. L’animateur pose
des questions à l’auditeur et la transition s’opère au tour (T9) via l’énoncé : « Alorsˊ Nassira la
question qui vous intéresse ». L’animateur prend l’initiative de passer d’une étape à une autre, ouvrant
par cela la discussion avec les négociations et tout ce qui s’ensuit.
Dans ce genre d’interaction entre animateur - auditeur intervenant, la structure de l’échange est
la même dans l’ensemble du corpus. Dans d’autres cas, le corps de l’interaction est directement
annoncé après la réalisation de l’ouverture (salutation, salutation complémentaire). Les interactants
passent immédiatement à l’essentiel, au sujet autour duquel ils désirent discuter.
4. La séquence de clôture radiophonique
La clôture est une étape où les participants manifestent l’envie de mettre fin à leur interaction
verbale. Selon V. Traverso, « la clôture correspond à la fermeture de la communication et à la
séparation des participants »6. Elle est aussi « une séquence stéréotypée dont la fonction est de
suspendre de manière négociée la poursuite des actions de communication »7.
L’ouverture a pour fonction d’engager une communication verbale entre l’auditeur-intervenant
6
7
V. Traverso, op. cit., p. 32.
P. Bange, op. cit. , p. 212.
Signes, Discours et Sociétés, numéro 6. Discours et institutions
http://revue-signes.info/document.php?id=2222
23 décembre 2010
et l’animateur, tandis que la clôture l’oriente vers sa fermeture. C’est à ce niveau aussi qu’intervient la
notion goffmanienne de face, que les partenaires de cette émission tentent de préserver jusqu’à la fin de
l’interaction. La face se manifeste surtout lors des échanges rituels tels que l’ouverture et la clôture. La
clôture passe généralement par deux étapes :
- la pré-clôture (angl. pré-closings)
- la clôture (échange terminal)
C’est grâce à ces formules votives et répétitives qu’on arrive à mettre en place la clôture.
Cependant, dans certains cas, les pré-clôtures ne conduisent pas forcément l’interaction vers sa fin, car
elle peut être reprise et relancée à n’importe quel moment. Dans la séquence suivante, nous avons un
exemple de salutations de clôture :
Séquence 1 : (interaction Nass Nass 20)
(T1) An: mais:: on a eu déjà la proposition
(T2) Ad: [ oh
(T3) An: [ oh yay ˊ yayˊ
(T4) Ad: voiˊla
(T5) An: et bienˊ écoutez:: vous remercieˊ: passez une bonne journée: et bon courageˊ
(T6) Ad: merci:: bye
(T2 – T3) sont des interjections exprimant le regret des deux partenaires : pour l’animateur, qui
voulait avoir une bonne réponse avant la fin de l’émission et pour l’auditeur qui, après plusieurs
tentatives, n’a pas pu trouver la bonne réponse. En (T4) l’auditeur révèle qu’il n’a pas d’autres
propositions. En (T5) s’établit l’échange terminal : les remerciements destinés à l’auditeur
accompagnés par des vœux (bonne journée et bon courage). En (T6) l’auditeur remercie à son tour
l’animateur et termine l’échange par un énoncé en anglais (Bye), qui signifie au revoir.
Il semble opportun de signaler que ces actes rituels de clôture, qu’ils soient des remerciements,
des vœux ou des salutations de clôture, varient d’une société à une autre. Ces formules de politesses
sont ancrées dans les cultures et la symbolique d’une société. Dans la société algérienne, lors des
échanges quotidiens, y compris à la radio, ces formes de politesse doivent être réciproques. Elles
constituent une manière de rendre le respect qu’on vous a accordé afin d’instaurer un équilibre rituel.
Dans l’interaction radiophonique, la séquence d’ouverture est plus étendue que celle de clôture.
Cette observation est contraire à ce qui se passe d’habitude dans l’interaction quotidienne, où la clôture
est généralement plus longue, puisqu’on éprouve de la peine à se quitter, la séquence d’ouverture
n’étant étendue que dans le cas des retrouvailles après une longue période de séparation.
5. La séquence d’ouverture : analyse des salutations radiophoniques
5.1. Les salutations : essai de définition
Parmi les actes qu’il convient d’effectuer afin de réaliser l’ouverture, « l’échange de
salutations » est un rituel important qui marque l’ouverture des interactions radiophoniques : « une
rencontre fortuite entre deux personnes qui se connaissent un peu, mais non intimement implique un
échange de salutations »8.
Salutations ou Greetings sont des termes renvoyant à des situations où deux personnes,
favorablement disposées l’une envers l’autre, désirent avoir une interaction. Elles doivent
impérativement passer par « un rituel confirmatif » : se saluer: « L’acte de saluer consiste à adresser
une marque extérieure de reconnaissance et de civilité à quelqu’un »9. Pour Goffman, les salutations
8
9
G. Montmollin, « Les régulations sociales de la communication », in G. Noiset et al., La communication, PUF, Paris, 1985, p. 187.
V. Traverso, op. cit., p. 64.
Signes, Discours et Sociétés, numéro 6. Discours et institutions
http://revue-signes.info/document.php?id=2222
23 décembre 2010
correspondent à une augmentation de l’accès mutuel : « quand deux individus se rejoignent pour rester
"ensemble", ce qui accroît évidemment leur accès mutuel, ils commencent habituellement par se
saluer »10. L’auteur ajoute : « dans notre société, les salutations ont lieu au moment où les individus
s’apprêtent à apprécier une augmentation de leur accès mutuel »11.
Les salutations ne se limitent pas uniquement à la séquence d’ouverture, elles sont présentes
aussi dans la clôture ; on parle alors des « salutations de clôture » ou des « adieux ». E. Goffman
affirme que « les salutations et les adieux sont des parenthèses rituelles qui enferment un débordement
d’activité conjointe [….]. Plus généralement, les salutations marquent une transition vers une
augmentation de l’accès mutuel, et les adieux, vers une diminution de celui-ci »12. En effet, lorsqu’une
rencontre commence par un rituel confirmatif, du type se saluer, il est évident qu’elle s’achèvera par un
autre rituel confirmatif : les adieux.
Notons toutefois que la présence des salutations aussi bien en ouverture qu’en clôture de
l’interaction n’exclut pas qu’elles soient d’une importance cruciale dans l’ouverture, puisqu’elles
initient et préparent l’interaction.
Les salutations ont un double aspect : leurs réalisations varient, allant du verbal au non verbal,
en adéquation avec la situation de communication et la relation entre les partenaires. En effet, les
individus se trouvent face à un choix entre plusieurs façons de saluer, en fonction de la situation de
communication. En d’autres termes, les salutations s’adaptent à ce que l’individu se propose de faire :
des salutations verbales, un geste de la main, un sourire, etc.
Il est évident que la réponse aux salutations d’autrui est une forme de politesse obligatoire dans
la société, son absence étant interprétée comme une offense à la face d’autrui.
La séquence suivante illustre bien la réciprocité des salutations d’ouverture :
Séquence 01 : (interaction Nass Nass 10)
(T1) Ad: bonˊjour
(T2) An: bonˊjour Mehdi
(T3) Ad: comment allez [vousˊ Salah
(T4) An:
[ça va et vous-même
En (T1), l’animateur adresse des salutations à l’auditeur qui répond à son tour en (T2). Les deux
partenaires de l’échange, en réalisant « ensemble » les salutations, manifestent une réciprocité qui se
caractérise par le fait « de rendre le bien qu’on vous a fait ».
Les salutations de l’interaction radiophonique s’articulent en deux temps :
▪ Les salutations proprement dites ;
▪ Les salutations complémentaires.
5.2. Les salutations proprement dites
Selon V. Traverso, il s’agit d’un « échange confirmatif, une "petite cérémonie" dans laquelle le
premier locuteur, manifestant au second une certaine part de reconnaissance, obtient une confirmation
en retour ».13 Le choix des salutations dans l’espace radiophonique est conditionné par plusieurs
facteurs :
▪ L’âge : chaque auditeur choisit ses propres formules de salut ;
▪ Le sexe : femme, homme (différentes formules de salut) ;
10
E. Goffman, La mise en scène de la vie quotidienne, 2. Les relations en public, Paris, Minuit, 1973, p. 86.
Id., p. 87.
12
Id., p. 88.
11
13
V. Traverso, op. cit., p. 65.
Signes, Discours et Sociétés, numéro 6. Discours et institutions
http://revue-signes.info/document.php?id=2222
23 décembre 2010
▪ Le moment de la journée : le matin (bonjour), le soir (bonsoir).Ces salutations sont réalisées
en arabe ou en français selon les auditeurs intervenants.
La réalisation des salutations proprement dites dans l’interaction radiophonique est symétrique.
Cependant, au cœur de cette symétrie apparaissent des variantes : le Salut ! (familier) et le Bonjour !
(neutre). Ces deux réalisations lexicales des salutations dévoilent que l’échange peut être non
symétrique, tout en montrant l’existence d’une certaine hiérarchie qui exige le retour à des salutations
plus formelles, comme Bonjour ! – perçu comme plus neutre (v. la séquence suivante) :
Séquence 01 : (interaction de Fil en aiguille 01)
An: bonjour Nassira
Ad: bonjour Mehdi
Dans cet extrait de l’émission Nass Nass du 10 janvier 2008, l’échange entre l’animateur et
l’auditeur s’articule ainsi :
Ad: bonjour —————— Reconnaissance
An: bonjour —————— Confirmation
Nous assistons à un échange de salutations qu’on préfère nommer « symétrique neutre », réalisé
par le mot Bonjour dans la majorité des interactions radio. Nous avons préféré l’appellation d’échange
« symétrique neutre » pour éviter de dire « non symétrique » ou « familier », puisque Nass Nass est une
émission ludique dont l’objectif est de divertir les auditeurs loin de toute formalité. Mais les partenaires
maintiennent une certaine distance. Donc, c’est à la fois un échange ou intervient le caractère
symétrique (les salutations proprement dites et les salutations complémentaires) et non symétrique (la
sous-séquences secondaire).
Dans l’émission Nass Nass, le recours à la formule d’ouverture Bonjour est fait pour maintenir
une relation de distance entre l’auditeur et l’animateur, puisque chacun d’eux entre en interaction avec
une personne qui lui est inconnue. Donc, on utilise généralement des salutations « neutres » dans les
relations distantes. On préfère les salutations « symétriques neutres » car les émissions radio
représentent un « groupe de référence » auquel on recourt à la fois pour apprendre le bon usage de la
langue française et pour connaître les habitudes et les comportements des individus dans la société
algérienne.
Il arrive dans l’interaction radiophonique que les salutations soient réalisées en langue arabe,
phénomène justifié par le fait que les locuteurs algériens sont arabophones. Même si la radio est
d’expression française, l’usage de la langue arabe est un phénomène tout à fait toléré, comme on peut
voir dans la séquence suivante :
Séquence 2 : (interaction Nass Nass 04)
(T1) An: Kamel bonjour:: ˊ
(T2) Ad: < [sbah el khir] Mehdi>
(T3) An: [ sabahkom belxīr ] comment allez vousˊ
(T1 - T2) représentent les salutations proprement dites, tandis que (T3) réalise les salutations
complémentaires. Les salutations radiophoniques sont expansives dans toutes les interactions en raison
de l’absence du face à face, contrairement aux salutations quotidiennes où les deux partenaires se
débarrassent progressivement de toute cette parade relative aux obligations initiales.
5.3. Les salutations complémentaires
Signes, Discours et Sociétés, numéro 6. Discours et institutions
http://revue-signes.info/document.php?id=2222
23 décembre 2010
Dans les intéractions radiophoniques, les salutations proprement dites sont souvent
accompagnées d’un autre genre de salutations : « les salutations complémentaires ». C. KerbratOrrechioni affirme que le fonctionnement des salutations complémentaires, dont les réalisations sont
très diverses, « peut, plus encore sans doute que celui des salutations elles mêmes, prêter à
malentendu »14. En effet, les salutations complémentaires peuvent être associées aux salutations
proprement dites. Dans la séquence radiophonique suivante, les salutations complémentaires sont
réalisées dans le même tour de parole que les salutations proprement dites.
Séquence 1 : (interaction Nass Nass 20)
(T1) An: bonjourˊ Nasser commentˊ allez vous::
(T2) Ad: ça va TRES TRES bienˊ et vousˊ (F)
(T1) salutations proprement dites + salutations complémentaires (An)
(T2) réponse + salutations complémentaires (Ad)
Les salutations complémentaires précédentes ont comme objectif l’instalation d’une réciprocité
entre les deux partenaires radiophoniques. Elles sont un indice d’engagement dans l’interaction. Selon
D. Vincent (2001 : 192), « il s’agit d’une salutation qui vise à instaurer une reconnaissance réciproque
des interactants, tout en donnant à chacun le loisir de s’engager dans une conversation ou de refuser de
le faire ».
Les salutations complémentaires portent sur des questions de santé, d’où la formule à valeur
rituelle Comment ça va ? et ses variantes. Cette salutation varie entre un acte de politesse et une
question proprement dite et suscite toujours une réponse de la part du partenaire.
5.3.1. Les salutations sous forme de question : « Comment ça va ? »
Cet énoncé a un statut ambigu : il est considéré parfois comme une question et parfois comme
une salutation. Cette ambiguïté s’explique par les différentes valeurs que recouvre cette formule. Nous
avons repéré deux valeurs de cette salutation dans les interactions radiophoniques étudiées :
▪ Une valeur rituelle : dans ce cas, la formule manifeste un acte de politesse, une sympathie
visant une réciprocité soit acceptée, soit niée, comme le montre l’exemple suivant :
Séquence 1 : (interaction Nass Nass 06)
(T1) An: bonjour:: HouRia
(T2) Ad: bonjour:: Mehdi
(T3) An: comment allez vous::
(T4) Ad: [ wašrak ] (comment ça va?)
(T5) An: [Labas] (trés bien)
(T6) Ad: ça va
Dans cette séquence, les salutations complémentaires ont une structure un peu ambiguë, parce
que (T3) est une salutation destinée à (Ad) – qui n'y répond qu’en (T5) – et enchaîne en (T4) avec une
autre salutation réalisée en langue arabe. Enfin, (T6) a également un statut ambigu et peut être
considérée soit (i) comme une réponse à (T3), soit comme une autre salutation, un troisième acte de
sympathie visant à valoriser l’autre et à traduire en français l’énoncé réalisé en arabe. Nous postulons
donc que le tour (T6) n’est pas une réponse, mais une autre salutation où l’animateur traduit ce qui est
énoncé en arabe (T4 - T5), en formulant une autre salutation en langue française.
14
C. Kerbrat-Orecchioni, Les interactions verbales, Armand Colin, Paris, 1994, p. 51.
Signes, Discours et Sociétés, numéro 6. Discours et institutions
http://revue-signes.info/document.php?id=2222
23 décembre 2010
▪ Une valeur de question. Afin de trancher et de permettre de savoir si Comment ça va ? est
une question ou une salutation, nous proposons deux critères :
(i) L’énoncé Ça va prend une valeur de question en fonction du contexte ou de
l’environnement discursif qui décide de la valeur de cet énoncé.
C. Kerbrat-Orrechioni affirme que « toutes les réponses qui "se démarquent" par rapport au
simple "oui" (ou "ça va" en écho) sont aptes à redonner à l’énoncé initiatif sa valeur de question,
qu’elles soient de valeur négative ou positive »15. Donc, qu’il s’agisse d’une réponse positive ou
négative, la réponse à la question se réduit à Oui ou Ça va répété en écho, suivant le modèle de la
séquence ci-dessous :
Séquence 1 : (interaction Nass Nass 05)
(T1) A: bonjour
(T2) B: bonjour::: 
(T3) A: comment ça va ˊ
(T4) B: TRES BIEN merci et toi
(T5) A: bien : en forme (rire) Comme tous ces jours
Nous allons procéder à une schématisation de cette séquence :
(T1) A: Salutation
Proprement dite
(T2) B: Salutation
(T3) A: question (1)
(T4) B: Réponse (1) + question (2)
(T5) A: Réponse (2)
Salutations
complémentaires
Nous postulons que la formule Comment ça va ? Est une question, en nous fondant sur deux
critères :
▪ (T3 - T5) sont des questions en attente d’une réponse, car la chronique (Côté jardin) que
présente l’animatrice n’est pas quotidienne. Donc (A) ne rencontre (B) que le jour de sa chronique : le
mardi. Donc Comment ça va ? Est une question portant sur les nouvelles de son collègue.
▪ La réponse (T4) est une réponse positive, de même que (T5). Nous concluons que l’énoncé
Comment ça va ? Est une question. Cependant, ce critère ne permet pas de distinguer Ça va ?
(salutation) et Ça va ? (question). Le statut intermédiaire entre celui d’une question et celui d’une
salutation dépend du contexte de l’énonciation.
Signalons que les salutations complémentaires16 doivent être partagées, c’est-à-dire que tout
comme dans le cas des salutations proprement dites, les partenaires visent une certaine réciprocité dans
les relations.
A  B : (A) destine des salutations complémentaire à (B).
A  B : (B) répond et lui retourne à son tour des salutations complémentaires.
15
16
C. Kerbrat-Orecchioni, Les interactions verbales, Armand Colin, Paris, 1994, p. 52.
Aux salutations complémentaires il peut s’ajouter un échange de salutations comportant des commentaires sur le temps qu’il fait,
l’apparence des partenaires ou bien d’autres sujets précédant l’identification d’un premier thème (avant donc de passer à l’interaction
proprement dite). Cette catégorie est très rare dans l’interaction radiophonique, puisque les sujets sont déjà fixés et les partenaires savent
déjà ce qu’ils vont dire.
Signes, Discours et Sociétés, numéro 6. Discours et institutions
http://revue-signes.info/document.php?id=2222
23 décembre 2010
Cependant, ceci n’est pas toujours le cas, car le partenaire peut se satisfaire d’une réponse (ça
va bien, ça va mieux,…) et/ou retourner les salutations complémentaires (ça va, et vous ?).
Séquence 1 : (interaction Nass Nass 13)
(T1) An: bonjour:: ˊ Sabrina
(T2) Ad: bonˊjour:: Mehdi ça va bien 
(T3) An: ça vaˊ euh:: vous êtes ni retraité :: ni heu ::femme au foyerˊ (rire) (3˝) Aˊlors que faites-vous dans la vie
Sabrina
Dans (T1) nous avons les salutations de l’animateur, en (T2), les salutations de l’auditeur,
accompagnées par des salutations complémentaires. En (T3) l’animateur se contente de répondre et
passe à autre chose.
5.3.2. Les salutations complémentaires tronquées
Nous avons abordé ci-dessus le cas où l’un des partenaires se satisfait de la réponse à la
question ; dans d’autres cas, les partenaires répondent à la question et la retournent, mais sans recevoir
de réponse de la part de l’autre partenaire. Nous parlerons dans ce cas de salutations complémentaires
tronquées. La notion de troncation implique une réaction « attendue » de la part de l’un des partenaires,
mais qui n’est pas réalisée : « le phénomène de troncation renvoie donc à une attente déçue » (KerbratOrecchioni, 1994 : 225).
Les animateurs considèrent les salutations complémentaires comme équivalentes aux
salutations proprement dites, ne voyant pas la nécessité d’y répondre ou un inconvénient à ne pas
répondre :
Séquence 1 : (interaction Nass Nass 15)
(T1) An: bonjourˊ Mohamedˊ
(T2) Ad: oui, bonjour
(T3) An: comment allez-vousˊ
(T4) Ad: (.) ça va merci et vousˊ
(T5) An: que faites-vous dans la vie Mohamed
Nous schématisons ainsi :
(T1) An:
Salutation
(T2) Ad:
Salutation
(T3) An:
question (1)
(T4) Ad:
Réponse (1) + remerciement +question (2)
(T5) An:
 (un autre sujet)
Proprement dite
Salutations complémentaires
Nous constatons que la question (2) n’a pas reçu de réponse de la part de l’animateur. De ce
fait, l’échange de salutation est tronqué.
Précisons que le fait de ne pas retourner les salutations complémentaires par l’animateur – qui
en (T5) passe à un autre sujet – n’est jamais perçu comme une offense à la « face » de l’auditeur ; c’est
un acte de politesse et de courtoisie, les participants ayant le libre choix dans ce cas. L’obligation ou la
Signes, Discours et Sociétés, numéro 6. Discours et institutions
http://revue-signes.info/document.php?id=2222
23 décembre 2010
nécessité de retourner ce bien vise simplement à instaurer l’équilibre rituel de l’interaction
radiophonique.
6. Les réalisations des salutations proprement dites
Nous avons repéré trois types des salutations proprement dites dans le corpus des interactions
radiophoniques d’Alger chaîne 3. Leurs différentes réalisations ont une relation directe avec la position
ou la place de l’autre partenaire :
▪ Lorsque l’animateur réalise des salutations pour l’ensemble des auditeurs, nous avons « des
salutations collectives ou globales » ;
▪ Lorsque les deux partenaires sont en présence physique, nous avons « des salutations personnelles » ;
▪ Lorsque l’interaction repose sur l’intervention des auditeurs, nous avons « des salutations ciblées ou
visées ».
6.1. Les salutations collectives ou globales
Ce genre de salutations n’est pas destiné à une personne bien précise ; ce sont des salutations
destinées à l’ensemble des auditeurs de la radio (v. l’exemple suivant, où l’animateur destine des
salutations aux auditeurs qui sont à l’écoute en ce moment) :
Séquence 1 : (interaction Nass Nass 01)
A: Bonjour = à tous les auditeurs qui sont à l’écoute ce matin
Il arrive dans certains cas que les salutations personnelles soient incluses dans les salutations
globales ou au contraire, que les salutations globales s’insèrent dans les salutations personnelles. La
séquence suivante en est un exemple :
Séquence 2 : (interaction Nass Nass 09)
(T1) A: bonjour:: nous sommes le six
(T2) B: bonjour:: Badïa
Dans cette émission, l’animateur « Mehdi » est absent pour des raisons de santé et est remplacé
par un autre journaliste. Dans ses salutations d’ouverture, l’animatrice inclut dans les salutations
globales les salutations personnelles destinées à son collègue, c’est-à-dire que (T1) est à la fois
considéré comme une salutation globale à l’ensemble des auditeurs et comme une salutation
personnelle au collègue présent dans le studio. Nous postulons que l’absence d’identification dans la
première salutation (T1) confirme justement que cette dernière est destinée à la fois à son collègue et
aux auditeurs via le procédé para-verbal de l’allongement vocalique. De même, en (T2) les salutations
de l’animateur sont destinées à l’ensemble des auditeurs, comme l’indiquent l’allongement vocalique
suivi du prénom de son collègue (Badïa) accompagné d’une intonation montante.
Donc dans (T1) les salutations personnelles sont enchâssées dans les salutations collectives
(l’animatrice a inclus sa collègue dans les salutations destinées aux auditeurs), alors qu’en (T2) les
salutations globales sont enchâssées dans les salutations personnelles (B insère dans ses salutations,
destinées à sa collègue, l’ensemble des auditeurs).
Partant du principe que les deux animateurs sont co-présents, nous supposons qu’en (T1) les
salutations personnelles sont réalisées non verbalement (regard, sourire), c’est pourquoi la formule
Bonjour est suivie d’un allongement vocalique comblant l’absence du non verbal.
On déduit que l’allongement vocalique dans les salutations entre partenaires co-présents est un
Signes, Discours et Sociétés, numéro 6. Discours et institutions
http://revue-signes.info/document.php?id=2222
23 décembre 2010
signe d’enchâssement de deux salutations, dont l’une est réalisée par un procédé paraverbal
(l’allongement vocalique).
6.2. Les salutations personnelles
Nous avons préféré nommer ces salutations personnelles en raison de la co-présence physique
des deux partenaires en interaction, formant ainsi un « face à face » radiophonique. Dans la séquence
suivante, nous avons les deux types de salutations : globales et personnelles :
Séquence 1 : (Nass Nass 16 )
(T1) An: nous sommes Samedi 21 novembre et toute l’équipe est là ↑ les filles sont là ↑
(T2) Inv17: bonˊ jour: Mehdi↑
(T3) An: bonjour:::
(T4) Inv: bonjour ça vaˊ vous allez bienˊ
(T5) An: oui très bienˊ
Nous schématisons les salutations ainsi :
(T1) : salutation globale
(T2) : salutation + identification (Mehdi)
(T3) : salutation personnelle
(T4) : salutation + salutation complémentaire
Dans (T2) les salutations collectives marquées, par l’allongement vocalique (procédé
d’enchâssement) sont suivies des salutations personnelles (Mehdi). Dans (T3 - T4) les salutations
collectives sont suivies des salutations personnelles enchâssées.
6.3. Les salutations ciblées ou visées
Ce genre de salutations est présent dans l’interaction radiophonique où l’animateur s’adresse à
une personne bien précise. La personne à qui sont destinées les salutations n’est pas physiquement
présente, il s’agit de l’auditeur intervenant durant l’émission. Ces signaux de reconnaissance sont
destinés au partenaire de l’échange. En d’autres termes, la salutation de l’animateur s’adresse à
l’auditeur intervenant qui est un participant ratifié (c’est-à-dire qui a un rôle officiel dans l’interaction).
Ainsi est exclu tout auditeur ou autre personne à l’écoute considérés comme participants non ratifiés
(auditeur involontaire). Ce genre de salutations que nous avons nommées ciblées ou visées sont
toujours accompagnées par le nom ou le prénom de la personne saluée (salutation + identification de
la personne saluée). On peut observer cette structure dans l’exemple suivant :
Séquence 1 : (interaction Nass Nass 01)
(T1) Ad: bonjour Nassira
(T2) An: bonjour Mehdi
Les salutations ciblées s’articulent ainsi :
(T1) A : salutation (Bonjour) + Indentification (Nassira)
(T2) B : salutation (Bonjour) + Indentification (Mehdi)
Elles peuvent aussi s’effectuer autrement, car les partenaires peuvent commencer par
17
Désigne l’invité co-présent dans le studio.
Signes, Discours et Sociétés, numéro 6. Discours et institutions
http://revue-signes.info/document.php?id=2222
23 décembre 2010
l’indentification de l’auditeur pour s’assurer de sa présence (s’il est à l’écoute), puis passer aux
salutations (identification du partenaire + salutations) :
Séquence 2 : (interaction Nass Nass 13)
(T1) An: Salimˊ
(T2) Ad: [sabah] +> bonjour::
(T3) An: [sbah elxīr] comment allez-vous Salimˊ
(T4) Ad: ça vaˊ et vousˊ
Nous avons la structure suivante :
(T1) An: identification (intonation légèrement montante)
(T2) Ad: salutation
(T3) An: salutation + salutation complémentaire
(T4) Ad: réponse à la salutation complémentaire.
On peut donc parler de salutation retardée et identification anticipée, ou l’inverse :
salutation anticipée et identification retardée, comme dans la séquence ci-dessous :
Séquence 3 : (interaction Nass Nass 07)
(T1) An: Nadia bonjourˊ(.)Nadia
(T2) Ad: ouiˊbonjour Mehdi::
(T3) An: bonjour Nadia
En (T1 - T2), l’animateur fait la présentation de l’auditrice intervenante. Après une pause,
l’animateur identifie une seconde fois son partenaire (toujours en (T1)).
En (T2), l’auditrice révèle sa présence au moyen des salutations et de l’identification. En (T3)
l’animateur répète les salutations ciblées (salutation + identification).
Les variantes que nous venons de présenter ne sont que des cas possibles de la réalisation des
salutations ciblées. Il faut préciser que dans la majorité des interactions entre animateur et auditeur
intervenant, les salutations sont toujours suivies par l’identification de celui qu’on salue et avec qui on
souhaite entrer en échange. La raison pour laquelle les salutations s’accompagnent du nom/prénom de
la personne saluée est due à l’absence du canal visuel (enregistrement et diffusion des émissions sur
support audio). D’autre part, les deux interlocuteurs ne partagent pas le même espace, i.e. ils ne sont
pas en présence physique l’un de l’autre (comme dans l’interaction face à face), contrairement aux
salutations quotidiennes, où le fait de partager le même espace et la présence du canal visuel éliminent
la nécessité d’accompagner l’acte de salutation par le nom ou le prénom de l’autre18.
7. Conclusion
L’interaction radiophonique est considérée comme un échange entre deux ou plusieurs
partenaires : un animateur, un auditeur-intervenant et la présence dans certaines émissions d’un invité
L’interaction radiophonique emprunte quelques caractéristiques à la conversation. Cependant, elle ne
peut pas être considérée comme son équivalent. Ainsi, l’interaction radiophonique possède une
structure à peu près similaire à celle de l’interaction quotidienne, mais présente aussi quelques éléments
caractéristiques : d’abord, une séquence d’ouverture se caractérisant par la présences de trois
composantes : les salutations, les salutations complémentaires et enfin, la sous-séquence secondaire
18
Sauf dans des cas bien précis où une personne salue une autre qui fait partie d’un groupe ; à ce moment, on recourt à l’identification.
Signes, Discours et Sociétés, numéro 6. Discours et institutions
http://revue-signes.info/document.php?id=2222
23 décembre 2010
visant à établir une relation entre l’animateur et l’auditeur intervenant, et où l’anonymat pousse les
intervenants à être de plus en plus libres lors de l’interaction. Ensuite, le corps de l’interaction, qui
comporte l’élaboration du thème et le passage au vif du sujet. Enfin, la séquence de clôture contient
deux éléments : la pré-clôture, qui peut être présente ou absente (son absence n’affecte pas
l’organisation de l’interaction) et la clôture proprement dite, qui se résume à des formules de politesse
ou des salutations de clôture variant d’une société à une autre.
La séquence d’ouverture des interactions radiophoniques se caractérise par les salutations
d’ouverture, qui sont des actes de reconnaissance qui annoncent le début de l’interaction. Les
salutations radiophoniques se réalisent verbalement, étant donné que le moyen non verbal est absent.
Elles comportent les salutations proprement dites, qui s’accompagnent des salutations
complémentaires dont la valeur de l’énoncé « comment ça va » peut être soit une question soit une
salutation. Les salutations complémentaires sont dans certaines situations tronquées. Les salutations
radiophoniques ont trois réalisations : les salutations globales ou collectives (de l’animateur à
l’ensemble des auditeurs), les salutations personnelles, conditionnées par la co-présence des
partenaires. Enfin, les salutations ciblées ou visées de l’animateur vers les auditeurs intervenants.
Références bibliographiques :
Bachmann, C., Lindenfeld, J., Simonin, J. (1991) : Langage et communications sociales, Hatier/Crédif,
Paris.
Bange, P. (1992) : Analyse conversationnelle et théorie de l’action, Hatier/Didier, Paris.
Blanche-Benveniste, C., Jeanjean, C. (1987) : Le français parlé. Transcription et édition, Didier
Erudition, Paris.
Charaudeau, P. (1984) : Aspects du discours radiophonique, Didier Erudition, Paris.
Charaudeau, P., Maingueneau, D. (2002) : Dictionnaire d’analyse du discours, Seuil, Paris.
Cosnier, J., Gelas, N., Kerbrat-Orecchioni, C. (dir.) (1988): Echanges sur la conversation, CNRS,
Lyon.
De Salin, G. D. (1988) : Une approche ethnographique de la communication. Rencontres en milieu
parisien, Paris, Hatier/Crédif.
Goffman, E. (1973) : La mise en scène de la vie quotidienne, 1. La présentation de soi, Minuit, Paris.
Goffman, E. (1973) : La mise en scène de la vie quotidienne, 2. Les relations en public, Minuit, Paris.
Goffman, E. (1974) : « les rites d’interactions », Minuit, Paris.
Goffman, E. (1981) : « Façon de parler », Minuit, Paris.
Kerbrat-Orecchioni, C. (1990) : Les interactions verbales, Tome 1, Armand Colin, Paris.
Kerbrat-Orecchioni, C. (1992) : Les interactions verbales, Tome 2, Armand Colin, Paris.
Kerbrat-Orecchioni, C. (1994) : Les interactions verbales, Tome 3, Armand Colin, Paris.
Kerbrat-Orecchioni, C. (2005) : Le discours en interaction, Armand Colin, Paris.
Montmollin, G. (1985) : « Les régulations sociales de la communication », in G. Noiset et al., La
communication, PUF, Paris.
Traverso, V. (1999) : L’analyse des conversations, Nathan, Paris.
Traverso, V. (2001) : « Attentes et zones opaques : analyse des interactions de commerce en Syrie », in
Marges linguistiques, n° 1, pp.1-15.
Vincent, D. (2001) : « Les enjeux de l’analyse conversationnelle ou les enjeux de la conversation », in
Revue québécoise de linguistique, Vol. 30, n° 1, pp. 176-196.
Vincent, D. (2005) : « Analyse conversationnelle, analyse linguistique et interprétation des discours
sociaux : le cas de trash radio », in Marges linguistiques, n° 9, pp.165-175.
Vion, R. (2000) : La communication verbale. Analyse des interactions, Hachette, Paris.
Signes, Discours et Sociétés, numéro 6. Discours et institutions
http://revue-signes.info/document.php?id=2222
23 décembre 2010
Annexes :
Conventions de transcription des interactions
(.) / (3’’)
Pause brève, pause de durée variable (la longueur n’est pas objectivée par une
mesure de temps)
+<
auto interruption : le TP d’un locuteur est interrompu par une intervention d’un tiers
>+
Hétéro interruption : le TP d’un locuteur est interrompu par une intervention d’un
tiers
AN
Animateur
AD
Auditeur
IN
invité
Il faut:::
Allongement vocalique (impliquant parfois réalisation de schawa ou d’une consonne
en finale)
S /F
Prononciation d’un phonème généralement non réalisé
géNIAL
Phonème, syllabe ou segment accentué
> en brique <
Essai de transcription demeurant incertain
XX
Segment inaudible ou incompréhensible (le nombre donnant une idée sur le nombre
des mots)
(rire)
Phénomènes nom verbaux, descriptions d’attitudes ou d’actions des locuteurs,
équivalents sémantique, commentaires du transcripteur..
[……..]
Transcription phonétique de l’arabe.
=
Enchaînement immédiat entre deux tours de parole

Intonation montante forte
ˊ
Intonation montante légère

Intonation descendante forte
,
intonation descendante légère
-
Mot interrompu brutalement par le locuteur

Documents pareils