LA CORTICOTHERAPIE EN ORL
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LA CORTICOTHERAPIE EN ORL
LA CORTICOTHERAPIE EN ORL M.A. BENBOUZID, M.N. EL ALAMI, H. EDGHIRI, N. JAZOULI, M. KZADRI. RÉSUMÉ En ORL, la corticothérapie occupe une place de choix. Nous l’utilisons couramment en cure courte, très utile dans les affaires aiguës, mais parfois aussi en cure de longue durée ou séquentielle. SUMMARY The corticoïd takes an important place in otorhinolaryngology. We frequently use it in a short cure very useful in acute affection. Sometimes it’s also used in long cures. INTRODUCTION Thérapeutique d’une efficacité remarquable, mais grevée de complications et d’accidents de fréquence diverse, la corticothérapie doit être indiquée à bon escient, pour que son bénéfice soit largement supérieur à ses accidents. En ORL, la corticothérapie occupe une place de choix. Les p at h o l ogies justiciables d’un tel traitement sont très diverses. Nous l’utilisons couramment en cure courte, dans les affections aiguës, mais parfois aussi en cure de longue durée ou séquentielle. Son effet anti-inflammatoire est recherché en première intention. Ces effets antiallergiques et immunosuppresseurs secondairement, dans certaines pathologies immuno-allergiques. Mode d’action des corticoïdes Leur mode d’action est complexe car ils agissent sur de nombreuses cellules différentes dites cellules cibles et ont par conséquent plusieurs effets : (1) Effets antiallergiques La puissance action antiallergique des glucocorticoïdes découle du blocage de l’activation des mastocytes et des p o ly nu cl é a i res basophiles, par inhibition de la phosphalipase C. Effets immunosuppresseurs Les corticoïdes agissent sur la réponse immunitaire en inhibant la réponse cellulaire au stimulus antigénique, par contre, ils agissent peu sur la réponse humorale. Action anti-inflammatoire Les corticoïdes agissent sur les trois phases de la réaction inflammatoire. Tout d’abord, ils diminuent la vasodilatation des vaisseaux, ensuite, ils empêchent l’auto entretien de l’inflammation et enfin ils diminuent la prolifération fibroblastique. VOIES ET MODALITÉS D’ADMINISTRATION Voie générale Cette corticothérapie générale peut être envisagée selon plusieurs modes : * Traitement continu, qui n’est pas très souvent indiqué en pathologie ORL. * Traitement en cure courte d’une durée inférieure à dix jours, autorisant un arrêt brutal sans posologie dégressive. C’est en effet une durée suffisamment longue pour fa i re régresser l’infl a m m ation aiguë et suffisamment courte pour que n’apparaisse aucun effet délétère (2). * Traitement en cure séquentielle, qui est en fait un traitement prolongé, faisant suite à une cure courte. Voie locale Voie d’administration préférée en rhinologie, qu’elle soit délivrée par voie nasale ou uniquement buccale. En laryngologie, elle est utilisée in situ par pulvérisation ou ponction endoscopique. Elle peut être utilisée en première intention ou en relais Service ORL et de chirurgie cervico-faciale. Hôpital des spécialités. CHU Ibn Sina. Rabat. Médecine du Maghreb 1997 n°61 M.A. BENBOUZID, M.N. EL ALAMI, H. EDGHIRI, N. JAZOULI, M. KZADRI. 14 d’une corticothérapie générale. Elle n’entraîne aucun effet freinateur à doses inférieures à 1 500 µg/24h. Les effets généraux sont nuls et les effets secondaires locaux rares et bénins (1). Dans l’otite séro-muqueuse (OSM) : l’OSM est le résultat de la combinaison de deux facteurs l’inflammation post infectieuse de la muqueuse de l’oreille moyenne et l’hypoventilation des cavités de l’oreille moyenne par perturbation du fonctionnement de la trompe d’Eustache (6). PRINCIPALES INDICATIONS En otologie Dans les paralysies faciales à Frigoré, la corticothérapie est classique, mais aussi logique car il s’agit probablement de lésions inflammatoires avec participation auto-immune. Le maximum d’efficacité est obtenu avec les traitements les plus tôt instaurés à dose efficace (1 mg/kg). Un traitement d’attaque oral de huit jours, suivi d’un traitement d’entretien à doses dégressives ou encore un traitement par voie intraveineuse pendant cinq à six jours suivi d’un relais par voie orale en doses dégressives (3). Dans les paralysies faciales Zostériennes ou maladie de Ramsay Hunt, le pronostic est mauvais, avec 70% de mauvaise récupération. Le traitement fait appel à une administration de corticoïdes associée à des antiviraux par voie intraveineuse pendant au moins sept jours (3). Dans les paralysies faciales traumatiques, en particulier dans les fractures du rocher : l’atteinte peut être due à une interruption du nerf ou à une compression majorée par l’œdème secondaire au traumatisme. Une paralysie totale et immédiate est en principe une indication à la chirurgie, par contre, une paralysie incomplète est une indication à une corticothérapie à visée antiœdémateuse. Elle est administrée à doses assez élevées durant une dizaine de jours, de 2 mg/Kg/jour par voie orale ou intramusculaire, avec des contrôles réguliers par des tests électromyographiques. L’absence de récupération à partir de la 4ème semaine fera proposer une solution chirurgicale (4). Dans l’otite moyenne aiguë (OMA) : Celle-ci est considérée comme une otite muqueuse dont l’épanchement se transforme en pus enclos dans l’oreille sous l’action de germes pathogènes (5). C’est au stade d’otite congestive que la corticothérapie est plus indiquée. Elle permet la régression des phénomènes infl a m m at o i res de l’oreille moyenne et la diminution de la mise en tension du tympan (2). Son rôle en cure courte est de soulager rapidement la malade par voie locale ou générale. Médecine du Maghreb 1997 n°61 Ainsi, les corticoïdes agissent tout d’abord par un effet antiœdémateux sur la trompe d’Eustache et augmentent la production tubaire du surfactant et enfin diminuent la viscosité de l’épanchement. Ils sont administrés en cure courte par la voie générale. C ependant, un grand nombre d’OSM sévère de l’enfa n t s’associe à une inflammation nasale avec forte éosinophilie dans 90% des cas. Ceci privilégie les thérapeutique locales avec pre s c ription d’une cort i c o t h é rapie locale, précédée d’une coute thérapeutique orale (7). Dans les surdités brusques, d’origine vasculaire ou autoimmunes, la corticothérapie en cure courte est une bonne indication, à condition de la commencer très précocement. On re ch e rche une action anti-infl a m m at o i re (8) et une diminution de la perméabilité capillaire. En rhinologie L’allergie naso-sinusienne et polypose naso-sinusienne constituent les principales indications de la corticothérapie en rhinologie : • La presque totalité des rhinites allergiques est en rapport avec une hypersensibilité immédiate, et on admet qu’une composante inflammatoire complexe libérant des médiateurs chimiques est responsable de réactions semi-tardives «late phase allergic response» (9). Les corticoïdes agissent préférentiellement sur cette composante semi-tardive, en particulier les formes locales qui sont plus efficaces. Dans le cas particulier des pollinoses, on aura recours à une forme retard de corticoïde injectable, à raison d’une à deux injections par saison pollinique ; (9) • Les rhinites vasomotrices et en particulier les rhinites par intolérance à l’aspirine et les rhinites à éosinophile qui présentent une évolution vers la polypose naso-sinusienne, nécessitent la prescription de corticoïdes locaux de 50 mg par bouffée trois fois par jour ou parfois de corticoïdes injectables sous surveillance régulière et en association avec des antihistaminiques et des vasoconstricteurs (9). LA CORTICOTHÉRAPIE… • Dans la polypose naso-sinusienne (PNS) : La PNS résulte d’une dégénérescence œdémateuse multifocale de la muqueuse d’origine inflammatoire. Sa symptomatologie est dominée surtout par l’obstruction nasale et la rhinorrhée. Le schéma pratique de son traitement sera adapté à l’indication qui dépend de la symptomatologie fonctionnelle et de l’extension de la PNS : (1) Une PNS débutante répond efficacement à une corticothérapie locale, par contre, une forme étendue et invalidante impose un recours à la voie générale. On commencera par une cure courte, en une prise unique matinale à la dose de 1 à 2 mg/kg/j, qui a un effet remarquable, permettant une fonte plus ou moins complète des polypes, suivie éventuellement par une cort i c o t h é rap i e locale de relais au long cours (10) en cas de bon résultat. Si le résultat n’est pas satisfaisant, on aura recours à un traitement séquentiel associé à une corticothérapie locale. Après six mois de traitement, le résultat doit être apprécié. Si le patient est soulagé, un simple traitement local pourra assurer l’entretien. Si le patient ne s’améliore qu’à fortes doses de corticoïdes ou au prix d’un traitement continu, une solution chirurgicale doit être envisagée. • Dans la sinusite aiguë bl o q u é e, maxillaire et surt o u t f rontal. l’œdème ostial obstrue la cavité sinusienne et empêche son évacuation. La corticothérapie en cure courte de cinq jours permet de réduire la composante inflammatoire et donc d’accélérer la reperméabilisation des voies de drainage (11). L’action antiœdémateuse spécifique des corticoïdes explique leur rôle efficace dans le déblocage des ostia sinusiens (2). En pathologie laryngée Dans les sténoses laryngées, les corticoïdes sont utilisés du fait de leur action anti-infl a m m at o i re permettant de contrôler, réduire et même prévenir la fibrose sous muqueuse (12). Ils peuvent être administrés par voie générale à la dose de 1 à 2 mg/kg/jour. Des pulvérisations de corticoïdes in situ per endoscopique peuvent être envisagées au cours des séances de dilatation. De même chez l’enfant, des ponctions avec incision muqueuse endoscopique peuvent être réalisées dans les palmures et petits diaphragmes congénitaux (13). Dans les laryngites aiguës récidivantes de l’enfant, la cure courte est prescrite systématiquement, permettant d’éviter 15 le passage à la laryngite aiguë dyspneisante. Cette dernière même dans sa localisation sous-glottique grave, a vu son évolution et son pronostic amélioré grâce à la corticothérapie (14). Si l’état de l’enfant agité dyspneïque le permet, une injection intraveineuse à dose suffisante peut être préconisée, sinon on lui préfère la voie intramusculaire, suivie en cas d’amélioration, d’un relais par voie locale pendant quelques jours (15). Chez l’adulte, la corticothérapie est plutôt indiquée dans l’épiglottite aiguë et administrée à fortes doses au début puis rapidement à doses dégressives (16). Enfin, la corticothérapie peut être indiquée dans les poussées d’œdèmes post intubation, post radiothérapie ou encore post traumatique. En cancérologie Les corticoïdes sont indiqués pour réduire l’œdème péritumoral et permettre de rétablir la perméabilité de la filière bucco-laryngo-trachéale. L’effet des corticoïdes est spectaculaire au début, mais aussi transitoire nécessitant des prises répétées et à doses de plus en plus élevées, en attendant une sanction chirurgicale. Dans les cancers oro-pharyngés, ils permettent une régression de la tumeur permettant ainsi une biopsie plus élective. Dans le cancer du larynx, ils sont utiles pour retarder l’heure de la trachéotomie et la faire coïncider avec l’heure de la ch i ru rgie, tout en sachant que plus la trachéotomie est réalisée tôt avant l’intervention, plus le risque de récidive péristomiale est grand. Les corticoïdes sont utiles au stade terminal, en période de soins palliatifs, à haute dose et par cures intermittentes permettant alors d’améliorer le confort du malade par leur effet antalgique (17). En chirurgie réparatrice L’effet anti-prolifératif des corticoïdes peut être également recherché dans le traitement des cicatrices hypertrophiques ou des chéloïdes, pour lutter contre la prolifération fibroblastique (18). Médecine du Maghreb 1997 n°61 M.A. BENBOUZID, M.N. EL ALAMI, H. EDGHIRI, N. JAZOULI, M. KZADRI. 16 On procédera à des infiltrations sous cutanées en cinq à six séances séparées chacune d’une semaine à quinze jours en per ou en post chirurgie d’exérèse. Les corticostéroïdes permettent de réduire le volume de la chéloïde et d’assouplir sa base d’implantation. Ceci a un intérêt chirurgical dans la mesure où l’exérèse sera limitée, évitant souvent le recours à un lambeau de recouvrement de la perte de substance cutanée. CONCLUSION Les glucorticoïdes constituent une arme thérapeutique très e fficace en ORL, par la puissance de leur action et la largeur de leur champ d’activité, mais ils présentent malheureusement des effets secondaires. Ces effets sont minimes, voir nuls en cure courte, mais en cas de cure prolongée, ils imposent une prescription justifiée par l’évaluation du rapport risque/bénéfice. BIBLIOGRAPHIE 1. R. PEYNEGRE et A. COSTE. Polypose nasosinusienne. Ed. Tech. EMC (Paris, France), ORL, 20-395-A-10, 1994, 10p. 2. LA CORTICOTHERAPIE. Les clefs de la pratique. Laboratoire Houde, 1, terrasse Bellini, Cedex, 92080 Paris la défense. 3. M. MONDAIN, A. UZIEL. Paralysies faciales. Ed. Tech. EM.C. (Paris, France), ORL, 20-260-A-10, 1993, 12p. 4. P. BUFFE, Y.F; CUDENNEC, J.L. PONCET. Les fractures du rocher. Ed. Tech. Ency M.C (France), ORL, 20220 A10, 6-1990, 8p. 5. . MAGNAN, A; CHAYS, G.A. BREMOND. Les processus inflammatoires de l’oreille moyenne. 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