Night on earth - Ciné-club Ulm

Transcription

Night on earth - Ciné-club Ulm
mardi 9 janvier 2001
CINÉ-CLUB
NORMALE SUP’
N ight on earth
- Jim Jarmusch FILM AMERICAIN, 1991,
COMÉDIE " DRAMATIQUE "
125 MINUTES
ECRIT, PRODUIT ET RÉALISÉ PAR JIM
JARMUSH
AVEC
WINONA RYDER, GENA ROWLANDS,
GIANCARLO ESPOSITO, ARMIN MUELLERSTAHL, ROSIE PEREZ, ISAACH DE BANKOLÉ,
BEATRICE DALLE, ROBERTO BENIGNI, PAOLO
BONACELLI, MATTI PELLONPAA
ight on Earth de Jim Jarmush
réunit cinq situations se
déroulant dans un taxi au
même moment dans cinq grandes
villes différentes, en plein milieu de la
nuit. La fin du film n'apporte aucune
grande leçon, aucune conclusion passionnante, seulement nous donne l'impression d'avoir partagé un moment
avec une communauté nocturne,
lorsque les gens sont "déboutonnés " et
vulnérables, prêts à dévoiler avec
sincérité ce qui mobilise leurs pensées.
N
A Los Angeles, un agent de casting
tente de convaincre la jeune chauffeuse de taxi qu'elle peut embrasser
une carrière cinématographique. A
New York, un passager noir doit se
rendre à l'évidence que son chauffeur
de taxi, un immigrant de l'Allemagne
de l'Est, est bien incapable de
l'emmener à Brooklyn sans un petit
coup de pouce. A Paris, un chauffeur
de la Cote d'Ivoire jette quelques
diplomates africains très lourds avant
de charger une passagère aveugle et
blasée. A Rome le chauffeur charge un
prêtre et insiste pour lui raconter dans
le détail ses penchants sexuels, ce qui
cloue l'homme d'église sur la banquette
arrière à la suite d'une crise cardiaque.
Finalement à Helsinki, dans un froid
polaire, tout l'enjeu est de savoir qui
des passagers ou du chauffeur ont la
vie la plus déprimante et tragique.
Jim Jarmush est un poète de la nuit. La
quasi-totalité du film est empreinte de
ce même sentiment de solitude, romantique et mélancolique que l'on peut
trouver dans Mystery Train. La
musique de Tom Wait accompagne
parfaitement cette atmosphère, comme
si ces villes avaient été vidées de tout
ce qui est éveillé. Il semble que les
pensées et sentiments des protagonistes soient affectés par les rêves et
cauchemars qui les entourent. Jarmush
ne cherche pas à faire de chaque situation une histoire bien construite. Il ne
s'intéresse guère à l'intrigue en ellemême, mais cherche davantage à mettre en relief la psychologie des personnages et plus encore la confrontation
entre eux. Ainsi il orchestre la rencontre entre une jeune chauffeuse de taxi,
tatouée, fumant comme un pompier
(Winona Ryder) et une dirigeante
BCBG (Gena Rowlands) qui souhait-
erait l'engager pour un casting. Winona
Ryder réplique " I've got my life all
mapped out ", espérant travailler dans
un garage. Elle ajoute " There must be
lotsa girls who want to be in the
movies. Not me! ". Le film ne critique
à aucun instant la décision, peut-être
insensée, de la jeune fille ; il ne fait
que relater fidèlement une opinion.
Au fur et à mesure que l'on voyage
depuis L.A., Jarmush donne au spectateur un sentiment d'emprise sur une
planète vide, un sentiment de maîtriser
un monde pluriel ; on entendra ainsi de
l'espagnol, de l'allemand, du français,
de l'italien, du finlandais et même un
peu de latin. Seul le lieu de l'intrigue se
retrouve d'une scène à l'autre à savoir
une banquette arrière de taxi, la nuit.
Ce sentiment de règne ne rend pas
pour autant le spectateur omniscient.
Bien au contraire le film ne met qu'en
scène des situations presque factices.
Si le but est de défricher la psychologie des personnages on ne sait finalement rien d'eux, même après la confession. De nombreuses questions par
exemple restent en suspens. Que saiton de la femme aveugle (Beatrice
Dalle) ? D'où vient-elle ? Pourquoi
souhaite-t-elle marcher seul le long
d'un canal ? D'où vient sa cécité ? Son
chauffeur (Isaach de Bankolé) lui
demande timidement ce que représente
le sexe pour elle - quelles sensations
peut-elle avoir en faisait l'amour avec
quelqu'un qu'elle ne voit pas. Il lui
demande ce qu'elle pense des couleurs.
Ses réponses sont abruptes et
laconiques. Elle en sait sans doute plus
sur les couleurs et le sexe que lui ne
saura jamais. Son corps entier est
impliqué. " Je peux faire tout ce que tu
peux faire ", lui rétorque-t-elle. " Peuxtu conduire ? " lui demande-t-il. Elle
lui envoie à la tête " Et toi tu sais conduire ? ". La naïveté du chauffeur en
est presque touchante, mais le réalisme
et la lucidité de la jeune femme ne permettent pas ce processus d'attendrissement amorcé par les propos du chauffeur.
La tranche new-yorkaise est sans doute
la plus drôle. Armin Mueller-Stahl
joue l'allemand de l'Est incompétent au
volant, Giancarlo Esposito est le passager survolté et drôle qui insiste pour
conduire lui-même, Rosie Perez (du
film Les blancs ne savent pas sauter)
est la voie stridente répliquant du fond
du taxi et chacun des bonhommes
(nommés Helmut et Yo-Yo) pensent
que l'autre possède un nom ridicule et
risible.
Le passage romain est époustouflant
de paroles drôles ou non, mais la
machine Benigni est lancée. Le très
extraverti acteur - réalisateur (3 oscars
et prix spécial du Jury en 1999 à
Cannes pour La vie est belle), un des
favoris de Jarmush, se lâche dans un
flux de paroles qui auront la peau du
prêtre qu'il accompagne. Pour accompagner la confession sexuellement
hérétique de Benigni on trouve à
chaque coin de rue un couple baisant à
l'arrache. Autant de scènes suffisantes
pour planter le décor.
Finalement la scène se déroulant à
Helsinki termine le film sur une touche
véritablement
déprimante,
une
tristesse quasi insoutenable. Cette situation est dangereuse car elle pousserait
facilement le spectateur à quitter la
salle si celui-ci encore sous le choc
romain ne cherchait désespérément la
touche humoristique de cette ultime
situation. Un semblant de blague est
discernable lorsque deux des trois
hommes plaignant leur copain ivre
mort, car malheureux mais non désespéré, le jettent finalement après avoir
écouté le récit encore plus déprimant
du chauffeur. On peut se demander ce
qui a poussé Jarmush a privilégier une
fin glaciale plutôt qu'un " dénouement
" new-yorkais bruyant, coloré, vivant.
Jarmush vide les rues pour ses protagonistes nocturnes. Les villes sont
emprises de solitudes et sont froides ;
même à L.A. " it gets dark early in the
winter ". Ses protagonistes semblent
avoir divorcé avec la société ordinaire
de leur ville ; ce sont des solitaires. Le
spectateur entre dans leur monde. On
sent qu'ils ont plus d'affinités entre eux
qu'avec les gens diurnes de leur ville.
Finalement leurs taxis, grondant dans
les rues désertes, sont comme des missionnaires perdus ne sachant plus où
aller.
Frédéric Gabriel
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Jeudi 11 janvier : avant-première du
film “Harrison’s Flowers” de Elie
Chouraqui, 20h15, salle Dussane.
Au programme : projection, puis
discussion avec le réalisateur et le
producteur.
Mardi 16 janvier : u n e d e u x ièm e
avant-prem ière!
“Capitaines
d’avril”, le prem ier long métrage de
Maria de Medeiros, 20h30. Après
le film , discussion avec la charmante réalisatrice.
Pub : actuellement, une rétrospective Wong Kar-wai très sympa au
Champo...
Bonne année à tous!
Le Ciné-Club vous souhaite de
nombreuses émotions cinématographiques pour cette année
2001 et fera de son mieux pour
vous contenter.
http://www.eleves.ens.fr/cof/cineclub/
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