Naissance des Croissants Rouges Maghrébins
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Naissance des Croissants Rouges Maghrébins
DOSSIER Humanité Le Mouvement s’efforce de prévenir et d’alléger, en toutes circonstances et sans discrimination, les souffrances des Hommes. Il tend à protéger la vie et la santé ainsi qu’à faire respecter la personne humaine. Impartialité Le Mouvement ne fait aucune distinction de nationalité, de race, de religion, de condition sociale et d’appartenance politique. Il s’applique seulement à secourir les individus à la mesure de leur souffrance et à subvenir par priorité aux détresses les plus urgentes. Neutralité Afin de garder la confiance de tous, le Mouvement s’abstient également de prendre part aux hostilités, et, en tout temps, aux controverses d’ordre politique, racial, religieux et idéologique. Indépendance Le Mouvement est indépendant. Auxilières des pouvoirs publics dans leurs activités humanitaires et soumises aux lois qui régissent leur pays respectif, les Sociétés nationales doivent pourtant conserver une autonomie qui leur permettent d’agir toujours selon les Principes du Mouvement. Vo l o n t a r i a t Le Mouvement s’appuie sur la notion de secours volontaire et désintéressé. Unité Il ne peut y avoir qu’une seule Société de la Croix-Rouge ou du CroissantRouge dans un même pays. Elle doit être ouverte à tous et étendre son action humanitaire au territoire entier. Universalité Le Mouvement, au sein duquel toutes les sociétés ont des droits égaux et le devoir de s’entraider, est universel. 18 population civile affectée et apportent, le cas échéant, leur soutien aux services de santé de l’armée, • Le Comité international de la Croix-Rouge Organisation impartiale, neutre et indépendante, le CICR a la mission exclusivement humanitaire de protéger la vie et la dignité des victimes de la guerre et de la violence interne, et de leur porter assistance. Il dirige et coordonne les activités internationales de secours du Mouvement dans les situations de conflit. Il s’efforce également de prévenir la souffrance par la promotion et le renforcement du droit et des principes humanitaires universels. Crée en 1863, le CICR est à l’origine du Mouvement. • La Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge Elle se consacre, selon les Principes fondamentaux du Mouvement, à inspirer, favoriser et promouvoir toutes les activités humanitaires déployées par les SN afin d’améliorer la situation des personnes les plus vulnérables. Fondée en 1919, la Fédération dirige et coordonne l’assistance internationale du Mouvement aux victimes de catastrophes naturelles ou technologiques, aux réfugiés et dans les situations d’urgence sanitaire. Elle représente officiellement les Sociétés membres sur le plan international. Elle encourage la coopération entre les SN et s’efforce de renforcer leur capacité à réaliser des programmes efficaces dans les domaines de la préparation aux catastrophes, de la santé et de l’assistance sociale. La XXVIIIème Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge Mouvement et, d’autre part, la nécessité de mettre à disposition les ressources nécessaires ainsi que d’assurer le renforcement des capacités et une meilleure responsabilité des acteurs concernés. Concrètement les résultats attendus de cette Conférence sont : • Une Déclaration La Déclaration de la Conférence exprimera la position des Etats et des composantes du Mouvement sur des problèmes et des défis humanitaires cruciaux auxquels doit faire face le monde d’aujourd’hui. • Un Agenda pour l’action humanitaire Compte tenu des expériences positives réalisées à travers la mise en oeuvre du “Plan d’action 2000-2003” adopté en 1999 par la XXVIIème Conférence internationale, qui mettait à l’ordre du jour humanitaire un large éventail d’actions assorties d’objectifs à long terme, il a été proposé que la Conférence adopte un plan similaire, intitulé “Agenda pour l’action humanitaire 20042007”. Cet Agenda qui complète la Déclaration propose un nombre limité de sujets et d’actions réalistes et réalisables. Deux thèmes centraux, qui se déclinent respectivement en deux objectifs généraux, peuvent être dégagés. Il s’agit, d’une part, du renforcement de la protection dans les conflits armés et, d’autre part, de la réduction des risques liés aux catastrophes et aux maladies. La mise en application du premier thème s’appuiera sur les recommandations de la Conférence internationale d’experts du CICR, tenue à Genève en février 2003. Pierre Gaillard, le délégué du CICR qui a vu naître les Croissants-Rouges maghrébins Entretien réalisé par Mohamed Ben Ahmed Dans notre précédent numéro, l’ancien délégué général du CICR pour le Maghreb et le MoyenOrient nous a entretenus des activités du CICR pendant la guerre d’Algérie. Il a, de ce fait, évoqué l’action du Croissant-Rouge algérien (CRA) de sa naissance jusqu’aux lendemains de sa reconnaissance par le CICR, en juillet 1963. Dans l’entretien qui suit, Pierre Gaillard évoque, pour "L’Humanitaire-Maghreb", les circonstances historiques qui ont entouré la genèse des Croissants-Rouges des autres pays du Maghreb, notamment ceux de Tunisie et du Maroc. • Les Engagements L’objectif de la XXVIIIème Conférence est d’amener ses membres à accepter la responsabilité de respecter le droit international humanitaire et celle de réduire les risques liés aux conflits armés, aux catastrophes et aux maladies. Ainsi, lors de l’examen de son ordre du jour, la Conférence prendra en considération, d’une part, les partenariats et la coopération entre les Etats et le Ces engagements, pris individuellement ou en partenariat par les membres de la XXVIIIème Conférence internationale ou les observateurs, doivent avoir un rapport avec le thème général et le Programme de la Conférence, permettant ainsi de compléter la Déclaration et l’Agenda pour l’action humanitaire. - décembre 2003 Archives CICR Sept Principes fondamentaux DOSSIER Téhéran, 1973 : Pierre Gaillard, 4ème à partir de la gauche, participe à la XXIIe Conférence internationale "L’Humanitaire-Maghreb" : vous êtes bien connus des dirigeants des Croissants-Rouges du Maghreb, certains n’oublieront jamais votre concours lors des premiers pas de leur Société nationale ? - décembre 2003 Pierre Gaillard : je vous ai relaté, lors de notre premier entretien, les circonstances particulières liées à la création du Croissant-Rouge algérien (CRA), avec lequel nous avons collaboré bien avant sa recon- naissance par le CICR, aux lendemains de l’indépendance de l’Algérie en 1962. La naissance des Croissants-Rouges tunisien et marocain, fondés respectivement en 1956 et en 1957, est différente de celle du 19 DOSSIER DOSSIER Orient ont les croissants orientés à droite. Le CRT, quant à lui, à l’image du Croissant-Rouge turc, est ouvert sur la gauche. A cette occasion, il y avait eu une tentative d’unification du sens du croissantrouge. C’est un débat un peu académique, mais il n’a pas abouti parce que les représentants du CRT faisait valoir qu’ils se référaient au premier croissant reconnu, à savoir le Croissant-Rouge ottoman. Au terme de ce débat, les tenants de l’ouverture du croissant à gauche ont répliqué : “Ce ne sont pas des Sociétés de Croissant-Rouge, mais des Sociétés de Décroissant-Rouge”! Voilà un panorama résumant nos contacts et les miens en particulier avec le CRT. D’autres que moi ont poursuivi les relations amicales avec la Tunisie et le CRT. travail consistait en cette assistance médicale. Avec le médecin-chef de l’opération, nous recevions des équipes de plusieurs pays, composées généralement d’un ou deux médecins, d’une ou deux infirmières. Notre rôle consistait, dans une large mesure, à les installer dans les hôpitaux laissés sans personnel. Dans les régions de ce vaste pays, à défaut d’une réelle autorité congolaise, j’ai pris contact avec le Commandant local des troupes des Nations Unies. En me rendant un jour dans la région de Matadi, dans l’embouchure du fleuve Congo, qui était tenue par les Casques Bleus marocains, j’ai rencontré le Colonel Djebli. C’est ainsi que j’ai fait la connaissance d’un futur président du CRM. J’ai eu l’agréable surprise de le retrouver plus tard au Maroc. D’emblée, notre collaboration a été facilitée par notre rencontre antérieure lors de ces circonstances opérationnelles. Pour rappel, le CICR avait également participé avec le CRM, Tunisie, Ghardimaou, 26-01-1958. Distribution de secours à des réfugiés algériens, sous les auspices du CICR. CRA de par la nature même de la colonisation française. La Tunisie et le Maroc avaient un statut de protectorat, alors que l’Algérie était une colonie. Quant au Croissant-Rouge tunisien (CRT), c’est après l’indépendance du pays en 1956 que le CICR a été approché par un groupe de notables tunisiens qui souhaitaient créer une Société nationale de Croissant-Rouge. Le CICR a réagi, en avril 1956, en envoyant en mission le Vice-président du CICR à l’époque, M. Frédéric Siordet et moi-même. Arrivés à Tunis, nous sommes entrés en contact avec ces notables pour leur expliquer les modalités de création d’une Société nationale de Croissant-Rouge. Bien entendu, nous avons fait, à cette occasion, des visites aux autorités, en particulier au Président Habib Bourguiba. Nous l’avons informé des modalités de création du CRT, de ses activités et de la nécessité de préserver son indépendance vis à vis des autorités. Nous avons également été reçus par le Dr Mahmoud Matéri, ministre de la 20 Santé de l’époque. Le premier président du CRT fut feu Mohamed Aziz Djellouli. Personnellement, j’ai eu plusieurs contacts avec le Dr Chadly Zouiten, Vice-président du CRT et gendre du Président Bourguiba, qui est malheureusement décédé en juillet 1963, dans un accident de voiture. Une longue collaboration s’est instituée entre le CICR, le CRT, de même qu’avec la Fédération internationale des Sociétés de la CroixRouge et du Croissant-Rouge, dans le cadre de l’accueil et de la prise en charge des réfugiés algériens. Le second volet de notre coopération avec le CRT s’inscrivait dans le cadre de nos démarches en faveur des prisonniers français en Algérie. Je voudrais rappeler qu’au terme de la guerre d’Algérie, lorsque les prisonniers et les réfugiés ont été rapatriés, les contacts se sont poursuivis avec le CRT, essentiellement dans le cadre de la diffusion du Droit international humanitaire (DIH). Invité par le CRT, je suis revenu plusieurs fois en Tunisie pour donner des conférences. Je me souviens avoir fait des exposés aux officiers de la Garde Nationale, à l’école militaire de Bizerte, à l’école d’infirmières à Tunis et à différentes sections du CRT, dirigé à l’époque par le Dr Ali Fourati. (La médaille HenryDunant a été attribuée, en 1989, au Dr Fourati, membre fondateur du CRT. C’est la première fois que cette médaille est accordée à une personnalité maghrébine, NDLR). D’autres contacts ont également eu lieu avec le CRT à l’occasion des réunions annuelles des Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge arabes. Ces Sociétés nationales avaient pris l’initiative de se réunir une fois par an pour débattre de questions communes et pour marquer leur spécificité par rapport au Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Lors de ces réunions, le CICR et la Fédération étaient également invités. Nous avions une collaboration particulièrement confiante avec les délégués du CRT. Cela me rappelle une anecdote amusante qui a eu lieu lors d’un débat à propos de l’orientation de l’emblème du Croissant-Rouge. La plupart des Sociétés nationales du Moyen- décembre 2003 Les rapports entre le CICR et le CRM furent, au début, similaires à ceux entretenus avec le CRT. Après l’indépendance du Maroc, il y a eu création d’une Société nationale de Croissant-Rouge dont le premier Président était Hadj Mohamed Sebti. Le siège de son comité central était à Casablanca (aujourd’hui, le siège du comité central du CRM se trouve à Rabat, NDLR). Personnellement, j’ai travaillé avec le deuxième président du CRM, un médecin militaire, le Dr Jebli El Aïdouni. J’ai eu d’excellents rapports avec le Dr Jebli qui était un homme courtois et très ouvert. Des circonstances extérieures au Maroc m’avaient déjà permis de faire sa connaissance. C’était pendant l’été 1960, au moment de l’indépendance de l’exCongo Belge. Les structures médicales de ce pays se sont effondrées subitement à cause du départ des médecins belges. C’est ainsi que le CICR a reçu un appel pour envoyer du personnel temporaire dans les hôpitaux qui en avaient le plus besoin. Le CICR a alors organisé une action médicale importante, lançant un appel aux Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge pour qu’elles y envoient des équipes médicales. Le CICR a créé une mission sur place dont j’ai été le responsable pendant quelques mois. L’essentiel de notre - décembre 2003 Rabat, 03-12-1958 : allocution du représentant de l’Armée de Libération Nationale algérienne (ALN), lors de la libération de 8 prisonniers de guerre français, remis au CICR en présence de la princesse Lalla Aïcha, Présidente d’honneur du Croissant-Rouge marocain. Archives CICR Archives CICR Qu’en est-il de vos relations avec le Croissant-Rouge marocain (CRM) ? bien avant l’arrivée du Dr Djebli, à partir de 1956, à une action d’assistance menée en faveur des réfugiés algériens au Maroc au même titre qu’en Tunisie. Cette action a été ensuite reprise par la Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, appelée à l’époque Ligue. Il y a également eu au Maroc, des libérations de prisonniers français capturés en Algérie : l’une à Rabat, l’autre à Oujda où il y avait une antenne locale du CroissantRouge algérien (CRA). Je me rappelle qu’à Rabat, la libération des prisonniers français s’est faite sous l’égide de la sœur du roi Hassan II, Lalla Aïcha. Après la présidence du Dr Djebli, c’est une autre sœur du roi, Lalla Malika, qui est devenue la Présidente du CRM. A partir de 1970, j’ai également été amené à faire des missions de diffusion du droit international humanitaire (DIH) au Maroc auprès d’une dizaine de comités locaux du CRM. DOSSIER DOSSIER Orient ont les croissants orientés à droite. Le CRT, quant à lui, à l’image du Croissant-Rouge turc, est ouvert sur la gauche. A cette occasion, il y avait eu une tentative d’unification du sens du croissantrouge. C’est un débat un peu académique, mais il n’a pas abouti parce que les représentants du CRT faisait valoir qu’ils se référaient au premier croissant reconnu, à savoir le Croissant-Rouge ottoman. Au terme de ce débat, les tenants de l’ouverture du croissant à gauche ont répliqué : “Ce ne sont pas des Sociétés de Croissant-Rouge, mais des Sociétés de Décroissant-Rouge”! Voilà un panorama résumant nos contacts et les miens en particulier avec le CRT. D’autres que moi ont poursuivi les relations amicales avec la Tunisie et le CRT. travail consistait en cette assistance médicale. Avec le médecin-chef de l’opération, nous recevions des équipes de plusieurs pays, composées généralement d’un ou deux médecins, d’une ou deux infirmières. Notre rôle consistait, dans une large mesure, à les installer dans les hôpitaux laissés sans personnel. Dans les régions de ce vaste pays, à défaut d’une réelle autorité congolaise, j’ai pris contact avec le Commandant local des troupes des Nations Unies. En me rendant un jour dans la région de Matadi, dans l’embouchure du fleuve Congo, qui était tenue par les Casques Bleus marocains, j’ai rencontré le Colonel Djebli. C’est ainsi que j’ai fait la connaissance d’un futur président du CRM. J’ai eu l’agréable surprise de le retrouver plus tard au Maroc. D’emblée, notre collaboration a été facilitée par notre rencontre antérieure lors de ces circonstances opérationnelles. Pour rappel, le CICR avait également participé avec le CRM, Tunisie, Ghardimaou, 26-01-1958. Distribution de secours à des réfugiés algériens, sous les auspices du CICR. CRA de par la nature même de la colonisation française. La Tunisie et le Maroc avaient un statut de protectorat, alors que l’Algérie était une colonie. Quant au Croissant-Rouge tunisien (CRT), c’est après l’indépendance du pays en 1956 que le CICR a été approché par un groupe de notables tunisiens qui souhaitaient créer une Société nationale de Croissant-Rouge. Le CICR a réagi, en avril 1956, en envoyant en mission le Vice-président du CICR à l’époque, M. Frédéric Siordet et moi-même. Arrivés à Tunis, nous sommes entrés en contact avec ces notables pour leur expliquer les modalités de création d’une Société nationale de Croissant-Rouge. Bien entendu, nous avons fait, à cette occasion, des visites aux autorités, en particulier au Président Habib Bourguiba. Nous l’avons informé des modalités de création du CRT, de ses activités et de la nécessité de préserver son indépendance vis à vis des autorités. Nous avons également été reçus par le Dr Mahmoud Matéri, ministre de la 20 Santé de l’époque. Le premier président du CRT fut feu Mohamed Aziz Djellouli. Personnellement, j’ai eu plusieurs contacts avec le Dr Chadly Zouiten, Vice-président du CRT et gendre du Président Bourguiba, qui est malheureusement décédé en juillet 1963, dans un accident de voiture. Une longue collaboration s’est instituée entre le CICR, le CRT, de même qu’avec la Fédération internationale des Sociétés de la CroixRouge et du Croissant-Rouge, dans le cadre de l’accueil et de la prise en charge des réfugiés algériens. Le second volet de notre coopération avec le CRT s’inscrivait dans le cadre de nos démarches en faveur des prisonniers français en Algérie. Je voudrais rappeler qu’au terme de la guerre d’Algérie, lorsque les prisonniers et les réfugiés ont été rapatriés, les contacts se sont poursuivis avec le CRT, essentiellement dans le cadre de la diffusion du Droit international humanitaire (DIH). Invité par le CRT, je suis revenu plusieurs fois en Tunisie pour donner des conférences. Je me souviens avoir fait des exposés aux officiers de la Garde Nationale, à l’école militaire de Bizerte, à l’école d’infirmières à Tunis et à différentes sections du CRT, dirigé à l’époque par le Dr Ali Fourati. (La médaille HenryDunant a été attribuée, en 1989, au Dr Fourati, membre fondateur du CRT. C’est la première fois que cette médaille est accordée à une personnalité maghrébine, NDLR). D’autres contacts ont également eu lieu avec le CRT à l’occasion des réunions annuelles des Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge arabes. Ces Sociétés nationales avaient pris l’initiative de se réunir une fois par an pour débattre de questions communes et pour marquer leur spécificité par rapport au Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Lors de ces réunions, le CICR et la Fédération étaient également invités. Nous avions une collaboration particulièrement confiante avec les délégués du CRT. Cela me rappelle une anecdote amusante qui a eu lieu lors d’un débat à propos de l’orientation de l’emblème du Croissant-Rouge. La plupart des Sociétés nationales du Moyen- décembre 2003 Les rapports entre le CICR et le CRM furent, au début, similaires à ceux entretenus avec le CRT. Après l’indépendance du Maroc, il y a eu création d’une Société nationale de Croissant-Rouge dont le premier Président était Hadj Mohamed Sebti. Le siège de son comité central était à Casablanca (aujourd’hui, le siège du comité central du CRM se trouve à Rabat, NDLR). Personnellement, j’ai travaillé avec le deuxième président du CRM, un médecin militaire, le Dr Jebli El Aïdouni. J’ai eu d’excellents rapports avec le Dr Jebli qui était un homme courtois et très ouvert. Des circonstances extérieures au Maroc m’avaient déjà permis de faire sa connaissance. C’était pendant l’été 1960, au moment de l’indépendance de l’exCongo Belge. Les structures médicales de ce pays se sont effondrées subitement à cause du départ des médecins belges. C’est ainsi que le CICR a reçu un appel pour envoyer du personnel temporaire dans les hôpitaux qui en avaient le plus besoin. Le CICR a alors organisé une action médicale importante, lançant un appel aux Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge pour qu’elles y envoient des équipes médicales. Le CICR a créé une mission sur place dont j’ai été le responsable pendant quelques mois. L’essentiel de notre - décembre 2003 Rabat, 03-12-1958 : allocution du représentant de l’Armée de Libération Nationale algérienne (ALN), lors de la libération de 8 prisonniers de guerre français, remis au CICR en présence de la princesse Lalla Aïcha, Présidente d’honneur du Croissant-Rouge marocain. Archives CICR Archives CICR Qu’en est-il de vos relations avec le Croissant-Rouge marocain (CRM) ? bien avant l’arrivée du Dr Djebli, à partir de 1956, à une action d’assistance menée en faveur des réfugiés algériens au Maroc au même titre qu’en Tunisie. Cette action a été ensuite reprise par la Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, appelée à l’époque Ligue. Il y a également eu au Maroc, des libérations de prisonniers français capturés en Algérie : l’une à Rabat, l’autre à Oujda où il y avait une antenne locale du CroissantRouge algérien (CRA). Je me rappelle qu’à Rabat, la libération des prisonniers français s’est faite sous l’égide de la sœur du roi Hassan II, Lalla Aïcha. Après la présidence du Dr Djebli, c’est une autre sœur du roi, Lalla Malika, qui est devenue la Présidente du CRM. A partir de 1970, j’ai également été amené à faire des missions de diffusion du droit international humanitaire (DIH) au Maroc auprès d’une dizaine de comités locaux du CRM. DOSSIER Archives CICR DOSSIER Maroc, Figuig 1958 : distribution à des réfugiés algériens, sous les auspices du CICR Avez-vous eu des contacts avec les Croissants-Rouges libyen et mauritanien ? Durant l’été 1952, le CICR m’avait chargé d’effectuer les premières démarches en vue de la création d’une Société nationale de Croissant-Rouge libyen (CRL). Mais, ce n’est que plus tard que le CRL a effectivement vu le jour (fondée en octobre 1957, NDLR). Des rapports confiants se sont également établis avec les dirigeants du Croissant- Rouge libyen, notamment lors des réunions annuelles des Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge arabes. En Mauritanie, j’ai visité des détenus du Front Polsario jusqu’au départ du Président Mokhtar Ould Dada, démis de ses fonctions par un coup d’Etat militaire en 1978. Contrairement aux autres pays du Maghreb, je n’ai pas eu le privilège d’assister à la création du CroissantRouge mauritanien. Ce dernier a été fondé en décembre 1970 et reconnu par le CICR en 1973. A cette époque, j’avais déjà quitté le “Département du Maghreb et du MoyenOrient” au sein du CICR pour diriger le “Service de diffusion des Conventions de Genève”. Je sais, qu’à l’instar des autres CroissantsRouges du Maghreb, le CICR a de bons rapports avec le CroissantRouge mauritanien. Croissants-Rouges du Maghreb Héritiers de la tradition humanitaire arabo-musulmane Ameur Zemmali CICR, le Caire Bourguiba et le CICR, Pierre Gaillard se souvient 22 L Photo : S.E. Information TN Au Caire, en mai-juin 1952, j’ai été contacté par des étudiants tunisiens. C’était peut-être des réfugiés politiques. Ils voulaient attirer l’attention du CICR sur la situation des détenus politiques en Tunisie, ces hommes qui luttaient pour l’indépendance de leur pays. De retour à Genève, où j’ai repris mes fonctions de responsable pour le Moyen-Orient et le Maghreb, j’ai suggéré au CICR de faire des démarches auprès des autorités françaises pour accéder aux détenus politiques en Tunisie et en particulier au leader Habib Bourguiba, emprisonné à l’époque sur l’île de la Galite. Cela n’a pas été facile parce que le CICR n’avait pas encore élargi son action en faveur des détenus politiques. Nous sommes intervenus auprès du délégué de la CroixRouge française en Tunisie, mais la démarche n’a pas abouti. Plus tard, lors de la création du CroissantRouge tunisien, nous avons été reçus, le Vice-président du CICR de l’époque et moimême par le Président Bourguiba. Nous avons eu l’occasion de revoir le Président tunisien lorsque nous avions des difficultés pour obtenir du GPRA (Gouvernement Provisoire de la République Algérienne) des nouvelles des prisonniers français. - décembre 2003 a naissance et l’essor de chaque Société nationale de Croissant-Rouge (CR) du Maghreb sont étroitement liés à l’histoire de son pays, dont elle partage les ambitions et les inquiétudes. Ces CR maghrébins sont parmi les premières institutions nationales nées après l’indépendance. Mais en réalité, et partant d’une tradition humanitaire - décembre 2003 fortement enracinée dans les sociétés maghrébines, les CR des cinq pays sont les successeurs d’organismes datant de l’époque coloniale. A titre d’exemple, en pleine seconde guerre mondiale, la Tunisie connut un “Comité provisoire du CroissantRouge tunisien”. Pendant la guerre d’indépendance, le FLN approuva, en 1956, la création du “CroissantRouge algérien” et un décret, adop- té en 1962 par le gouvernement provisoire algérien, reconnaîtra le CR comme auxiliaire des pouvoirs publics, conformément aux Conventions de Genève. Dès leur création, et conformément à leurs statuts, les SN maghrébines ont apporté leur soutien aux pouvoirs publics dans l’accomplissement des tâches humanitaires, en temps de paix et en pério23