Naissance des Croissants Rouges Maghrébins

Transcription

Naissance des Croissants Rouges Maghrébins
DOSSIER
Humanité
Le Mouvement s’efforce de prévenir et
d’alléger, en toutes circonstances et
sans discrimination, les souffrances
des Hommes. Il tend à protéger la vie et
la santé ainsi qu’à faire respecter la
personne humaine.
Impartialité
Le Mouvement ne fait aucune distinction de nationalité, de race, de religion,
de condition sociale et d’appartenance
politique. Il s’applique seulement à
secourir les individus à la mesure de
leur souffrance et à subvenir par priorité aux détresses les plus urgentes.
Neutralité
Afin de garder la confiance de tous, le
Mouvement s’abstient également de
prendre part aux hostilités, et, en tout
temps, aux controverses d’ordre politique, racial, religieux et idéologique.
Indépendance
Le Mouvement est indépendant. Auxilières des pouvoirs publics dans leurs
activités humanitaires et soumises aux
lois qui régissent leur pays respectif,
les Sociétés nationales doivent pourtant
conserver une autonomie qui leur permettent d’agir toujours selon les Principes du Mouvement.
Vo l o n t a r i a t
Le Mouvement s’appuie sur la notion de
secours volontaire et désintéressé.
Unité
Il ne peut y avoir qu’une seule Société
de la Croix-Rouge ou du CroissantRouge dans un même pays. Elle doit être
ouverte à tous et étendre son action
humanitaire au territoire entier.
Universalité
Le Mouvement, au sein duquel toutes
les sociétés ont des droits égaux et le
devoir de s’entraider, est universel.
18
population civile affectée et apportent, le cas échéant, leur soutien aux
services de santé de l’armée,
• Le Comité international de la Croix-Rouge
Organisation impartiale, neutre et
indépendante, le CICR a la mission
exclusivement humanitaire de protéger la vie et la dignité des victimes
de la guerre et de la violence interne,
et de leur porter assistance. Il dirige
et coordonne les activités internationales de secours du Mouvement
dans les situations de conflit. Il s’efforce également de prévenir la souffrance par la promotion et le renforcement du droit et des principes
humanitaires universels. Crée en
1863, le CICR est à l’origine du Mouvement.
• La Fédération internationale des Sociétés
de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge
Elle se consacre, selon les Principes
fondamentaux du Mouvement, à
inspirer, favoriser et promouvoir
toutes les activités humanitaires
déployées par les SN afin d’améliorer la situation des personnes les
plus vulnérables. Fondée en 1919,
la Fédération dirige et coordonne
l’assistance internationale du Mouvement aux victimes de catastrophes naturelles ou technologiques, aux réfugiés et dans les
situations d’urgence sanitaire. Elle
représente officiellement les Sociétés membres sur le plan international. Elle encourage la coopération
entre les SN et s’efforce de renforcer
leur capacité à réaliser des programmes efficaces dans les
domaines de la préparation aux
catastrophes, de la santé et de l’assistance sociale.
La XXVIIIème Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge
Mouvement et, d’autre part, la
nécessité de mettre à disposition les
ressources nécessaires ainsi que
d’assurer le renforcement des capacités et une meilleure responsabilité des acteurs concernés.
Concrètement les résultats
attendus de cette Conférence sont :
• Une Déclaration
La Déclaration de la Conférence
exprimera la position des Etats et
des composantes du Mouvement
sur des problèmes et des défis
humanitaires cruciaux auxquels
doit faire face le monde d’aujourd’hui.
• Un Agenda pour l’action humanitaire
Compte tenu des expériences positives réalisées à travers la mise en
oeuvre du “Plan d’action 2000-2003”
adopté en 1999 par la XXVIIème
Conférence internationale, qui mettait à l’ordre du jour humanitaire
un large éventail d’actions assorties
d’objectifs à long terme, il a été proposé que la Conférence adopte un
plan similaire, intitulé “Agenda
pour l’action humanitaire 20042007”.
Cet Agenda qui complète la
Déclaration propose un nombre
limité de sujets et d’actions réalistes et réalisables. Deux thèmes
centraux, qui se déclinent respectivement en deux objectifs généraux,
peuvent être dégagés. Il s’agit,
d’une part, du renforcement de la
protection dans les conflits armés
et, d’autre part, de la réduction des
risques liés aux catastrophes et
aux maladies. La mise en application du premier thème s’appuiera
sur les recommandations de la
Conférence internationale d’experts du CICR, tenue à Genève en
février 2003.
Pierre Gaillard,
le délégué du CICR qui a vu naître
les Croissants-Rouges maghrébins
Entretien réalisé par
Mohamed Ben Ahmed
Dans notre précédent numéro, l’ancien délégué général du CICR pour le Maghreb et le MoyenOrient nous a entretenus des activités du CICR pendant la guerre d’Algérie. Il a, de ce fait, évoqué
l’action du Croissant-Rouge algérien (CRA) de sa naissance jusqu’aux lendemains de sa reconnaissance par le CICR, en juillet 1963.
Dans l’entretien qui suit, Pierre Gaillard évoque, pour "L’Humanitaire-Maghreb", les circonstances
historiques qui ont entouré la genèse des Croissants-Rouges des autres pays du Maghreb, notamment ceux de Tunisie et du Maroc.
• Les Engagements
L’objectif de la XXVIIIème Conférence est d’amener ses membres à
accepter la responsabilité de respecter le droit international humanitaire et celle de réduire les risques
liés aux conflits armés, aux catastrophes et aux maladies. Ainsi, lors
de l’examen de son ordre du jour, la
Conférence prendra en considération, d’une part, les partenariats et
la coopération entre les Etats et le
Ces engagements, pris individuellement ou en partenariat par les
membres de la XXVIIIème Conférence internationale ou les observateurs, doivent avoir un rapport avec
le thème général et le Programme de
la Conférence, permettant ainsi de
compléter la Déclaration et l’Agenda
pour l’action humanitaire.
- décembre 2003
Archives CICR
Sept
Principes
fondamentaux
DOSSIER
Téhéran, 1973 : Pierre Gaillard, 4ème à partir de la gauche, participe à la XXIIe Conférence internationale
"L’Humanitaire-Maghreb" : vous êtes
bien connus des dirigeants des Croissants-Rouges du Maghreb, certains
n’oublieront jamais votre concours
lors des premiers pas de leur Société
nationale ?
- décembre 2003
Pierre Gaillard : je vous ai relaté,
lors de notre premier entretien, les
circonstances particulières liées à
la création du Croissant-Rouge
algérien (CRA), avec lequel nous
avons collaboré bien avant sa recon-
naissance par le CICR, aux lendemains de l’indépendance de l’Algérie en 1962. La naissance des Croissants-Rouges tunisien et marocain,
fondés respectivement en 1956 et
en 1957, est différente de celle du
19
DOSSIER
DOSSIER
Orient ont les croissants orientés à
droite. Le CRT, quant à lui, à l’image du Croissant-Rouge turc, est
ouvert sur la gauche. A cette occasion, il y avait eu une tentative
d’unification du sens du croissantrouge. C’est un débat un peu académique, mais il n’a pas abouti parce
que les représentants du CRT faisait valoir qu’ils se référaient au
premier croissant reconnu, à savoir
le Croissant-Rouge ottoman. Au
terme de ce débat, les tenants de
l’ouverture du croissant à gauche
ont répliqué : “Ce ne sont pas des
Sociétés de Croissant-Rouge, mais
des Sociétés de Décroissant-Rouge”!
Voilà un panorama résumant
nos contacts et les miens en particulier avec le CRT. D’autres que moi
ont poursuivi les relations amicales
avec la Tunisie et le CRT.
travail consistait en cette assistance médicale. Avec le médecin-chef
de l’opération, nous recevions des
équipes de plusieurs pays, composées généralement d’un ou deux
médecins, d’une ou deux infirmières. Notre rôle consistait, dans
une large mesure, à les installer
dans les hôpitaux laissés sans personnel.
Dans les régions de ce vaste
pays, à défaut d’une réelle autorité
congolaise, j’ai pris contact avec le
Commandant local des troupes des
Nations Unies. En me rendant un
jour dans la région de Matadi, dans
l’embouchure du fleuve Congo, qui
était tenue par les Casques Bleus
marocains, j’ai rencontré le Colonel
Djebli. C’est ainsi que j’ai fait la
connaissance d’un futur président
du CRM.
J’ai eu l’agréable surprise de le
retrouver plus tard au Maroc. D’emblée, notre collaboration a été facilitée par notre rencontre antérieure
lors de ces circonstances opérationnelles. Pour rappel, le CICR avait
également participé avec le CRM,
Tunisie, Ghardimaou, 26-01-1958. Distribution de secours à des réfugiés algériens, sous les auspices du CICR.
CRA de par la nature même de la
colonisation française. La Tunisie et
le Maroc avaient un statut de protectorat, alors que l’Algérie était
une colonie.
Quant au Croissant-Rouge tunisien (CRT), c’est après l’indépendance du pays en 1956 que le CICR
a été approché par un groupe de
notables tunisiens qui souhaitaient
créer une Société nationale de
Croissant-Rouge. Le CICR a réagi,
en avril 1956, en envoyant en mission le Vice-président du CICR à
l’époque, M. Frédéric Siordet et
moi-même. Arrivés à Tunis, nous
sommes entrés en contact avec ces
notables pour leur expliquer les
modalités de création d’une Société
nationale de Croissant-Rouge.
Bien entendu, nous avons fait, à
cette occasion, des visites aux autorités, en particulier au Président
Habib Bourguiba. Nous l’avons
informé des modalités de création
du CRT, de ses activités et de la
nécessité de préserver son indépendance vis à vis des autorités. Nous
avons également été reçus par le Dr
Mahmoud Matéri, ministre de la
20
Santé de l’époque.
Le premier président du CRT
fut feu Mohamed Aziz Djellouli.
Personnellement, j’ai eu plusieurs
contacts avec le Dr Chadly Zouiten,
Vice-président du CRT et gendre du
Président Bourguiba, qui est malheureusement décédé en juillet
1963, dans un accident de voiture.
Une longue collaboration s’est instituée entre le CICR, le CRT, de
même qu’avec la Fédération internationale des Sociétés de la CroixRouge et du Croissant-Rouge, dans
le cadre de l’accueil et de la prise en
charge des réfugiés algériens. Le
second volet de notre coopération
avec le CRT s’inscrivait dans le
cadre de nos démarches en faveur
des prisonniers français en Algérie.
Je voudrais rappeler qu’au
terme de la guerre d’Algérie,
lorsque les prisonniers et les réfugiés ont été rapatriés, les contacts
se sont poursuivis avec le CRT,
essentiellement dans le cadre de la
diffusion du Droit international
humanitaire (DIH). Invité par le
CRT, je suis revenu plusieurs fois
en Tunisie pour donner des conférences. Je me souviens avoir fait des
exposés aux officiers de la Garde
Nationale, à l’école militaire de
Bizerte, à l’école d’infirmières à
Tunis et à différentes sections du
CRT, dirigé à l’époque par le Dr Ali
Fourati. (La médaille HenryDunant a été attribuée, en 1989, au
Dr Fourati, membre fondateur du
CRT. C’est la première fois que cette
médaille est accordée à une personnalité maghrébine, NDLR).
D’autres contacts ont également
eu lieu avec le CRT à l’occasion des
réunions annuelles des Sociétés
nationales de la Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge arabes. Ces Sociétés nationales avaient pris l’initiative de se réunir une fois par an pour
débattre de questions communes et
pour marquer leur spécificité par
rapport au Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Lors de ces réunions, le
CICR et la Fédération étaient également invités. Nous avions une collaboration particulièrement confiante avec les délégués du CRT. Cela
me rappelle une anecdote amusante
qui a eu lieu lors d’un débat à propos de l’orientation de l’emblème du
Croissant-Rouge. La plupart des
Sociétés nationales du Moyen- décembre 2003
Les rapports entre le CICR et le
CRM furent, au début, similaires à
ceux entretenus avec le CRT. Après
l’indépendance du Maroc, il y a eu
création d’une Société nationale de
Croissant-Rouge dont le premier
Président était Hadj Mohamed
Sebti. Le siège de son comité central
était à Casablanca (aujourd’hui, le
siège du comité central du CRM se
trouve à Rabat, NDLR). Personnellement, j’ai travaillé avec le deuxième président du CRM, un médecin
militaire, le Dr Jebli El Aïdouni. J’ai
eu d’excellents rapports avec le Dr
Jebli qui était un homme courtois et
très ouvert. Des circonstances extérieures au Maroc m’avaient déjà
permis de faire sa connaissance.
C’était pendant l’été 1960, au
moment de l’indépendance de l’exCongo Belge. Les structures médicales de ce pays se sont effondrées
subitement à cause du départ des
médecins belges. C’est ainsi que le
CICR a reçu un appel pour envoyer
du personnel temporaire dans les
hôpitaux qui en avaient le plus
besoin. Le CICR a alors organisé
une action médicale importante,
lançant un appel aux Sociétés
nationales de la Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge pour qu’elles y
envoient des équipes médicales. Le
CICR a créé une mission sur place
dont j’ai été le responsable pendant
quelques mois. L’essentiel de notre
- décembre 2003
Rabat, 03-12-1958 : allocution du représentant de l’Armée de Libération Nationale algérienne (ALN), lors de
la libération de 8 prisonniers de guerre français, remis au CICR en présence de la princesse Lalla Aïcha,
Présidente d’honneur du Croissant-Rouge marocain.
Archives CICR
Archives CICR
Qu’en est-il de vos relations avec le
Croissant-Rouge marocain (CRM) ?
bien avant l’arrivée du Dr Djebli, à
partir de 1956, à une action d’assistance menée en faveur des réfugiés
algériens au Maroc au même titre
qu’en Tunisie. Cette action a été
ensuite reprise par la Fédération
internationale de la Croix-Rouge et
du Croissant-Rouge, appelée à
l’époque Ligue.
Il y a également eu au Maroc,
des libérations de prisonniers français capturés en Algérie : l’une à
Rabat, l’autre à Oujda où il y avait
une antenne locale du CroissantRouge algérien (CRA). Je me rappelle qu’à Rabat, la libération des
prisonniers français s’est faite sous
l’égide de la sœur du roi Hassan II,
Lalla Aïcha. Après la présidence du
Dr Djebli, c’est une autre sœur du
roi, Lalla Malika, qui est devenue la
Présidente du CRM.
A partir de 1970, j’ai également
été amené à faire des missions de
diffusion du droit international
humanitaire (DIH) au Maroc
auprès d’une dizaine de comités
locaux du CRM.
DOSSIER
DOSSIER
Orient ont les croissants orientés à
droite. Le CRT, quant à lui, à l’image du Croissant-Rouge turc, est
ouvert sur la gauche. A cette occasion, il y avait eu une tentative
d’unification du sens du croissantrouge. C’est un débat un peu académique, mais il n’a pas abouti parce
que les représentants du CRT faisait valoir qu’ils se référaient au
premier croissant reconnu, à savoir
le Croissant-Rouge ottoman. Au
terme de ce débat, les tenants de
l’ouverture du croissant à gauche
ont répliqué : “Ce ne sont pas des
Sociétés de Croissant-Rouge, mais
des Sociétés de Décroissant-Rouge”!
Voilà un panorama résumant
nos contacts et les miens en particulier avec le CRT. D’autres que moi
ont poursuivi les relations amicales
avec la Tunisie et le CRT.
travail consistait en cette assistance médicale. Avec le médecin-chef
de l’opération, nous recevions des
équipes de plusieurs pays, composées généralement d’un ou deux
médecins, d’une ou deux infirmières. Notre rôle consistait, dans
une large mesure, à les installer
dans les hôpitaux laissés sans personnel.
Dans les régions de ce vaste
pays, à défaut d’une réelle autorité
congolaise, j’ai pris contact avec le
Commandant local des troupes des
Nations Unies. En me rendant un
jour dans la région de Matadi, dans
l’embouchure du fleuve Congo, qui
était tenue par les Casques Bleus
marocains, j’ai rencontré le Colonel
Djebli. C’est ainsi que j’ai fait la
connaissance d’un futur président
du CRM.
J’ai eu l’agréable surprise de le
retrouver plus tard au Maroc. D’emblée, notre collaboration a été facilitée par notre rencontre antérieure
lors de ces circonstances opérationnelles. Pour rappel, le CICR avait
également participé avec le CRM,
Tunisie, Ghardimaou, 26-01-1958. Distribution de secours à des réfugiés algériens, sous les auspices du CICR.
CRA de par la nature même de la
colonisation française. La Tunisie et
le Maroc avaient un statut de protectorat, alors que l’Algérie était
une colonie.
Quant au Croissant-Rouge tunisien (CRT), c’est après l’indépendance du pays en 1956 que le CICR
a été approché par un groupe de
notables tunisiens qui souhaitaient
créer une Société nationale de
Croissant-Rouge. Le CICR a réagi,
en avril 1956, en envoyant en mission le Vice-président du CICR à
l’époque, M. Frédéric Siordet et
moi-même. Arrivés à Tunis, nous
sommes entrés en contact avec ces
notables pour leur expliquer les
modalités de création d’une Société
nationale de Croissant-Rouge.
Bien entendu, nous avons fait, à
cette occasion, des visites aux autorités, en particulier au Président
Habib Bourguiba. Nous l’avons
informé des modalités de création
du CRT, de ses activités et de la
nécessité de préserver son indépendance vis à vis des autorités. Nous
avons également été reçus par le Dr
Mahmoud Matéri, ministre de la
20
Santé de l’époque.
Le premier président du CRT
fut feu Mohamed Aziz Djellouli.
Personnellement, j’ai eu plusieurs
contacts avec le Dr Chadly Zouiten,
Vice-président du CRT et gendre du
Président Bourguiba, qui est malheureusement décédé en juillet
1963, dans un accident de voiture.
Une longue collaboration s’est instituée entre le CICR, le CRT, de
même qu’avec la Fédération internationale des Sociétés de la CroixRouge et du Croissant-Rouge, dans
le cadre de l’accueil et de la prise en
charge des réfugiés algériens. Le
second volet de notre coopération
avec le CRT s’inscrivait dans le
cadre de nos démarches en faveur
des prisonniers français en Algérie.
Je voudrais rappeler qu’au
terme de la guerre d’Algérie,
lorsque les prisonniers et les réfugiés ont été rapatriés, les contacts
se sont poursuivis avec le CRT,
essentiellement dans le cadre de la
diffusion du Droit international
humanitaire (DIH). Invité par le
CRT, je suis revenu plusieurs fois
en Tunisie pour donner des conférences. Je me souviens avoir fait des
exposés aux officiers de la Garde
Nationale, à l’école militaire de
Bizerte, à l’école d’infirmières à
Tunis et à différentes sections du
CRT, dirigé à l’époque par le Dr Ali
Fourati. (La médaille HenryDunant a été attribuée, en 1989, au
Dr Fourati, membre fondateur du
CRT. C’est la première fois que cette
médaille est accordée à une personnalité maghrébine, NDLR).
D’autres contacts ont également
eu lieu avec le CRT à l’occasion des
réunions annuelles des Sociétés
nationales de la Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge arabes. Ces Sociétés nationales avaient pris l’initiative de se réunir une fois par an pour
débattre de questions communes et
pour marquer leur spécificité par
rapport au Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Lors de ces réunions, le
CICR et la Fédération étaient également invités. Nous avions une collaboration particulièrement confiante avec les délégués du CRT. Cela
me rappelle une anecdote amusante
qui a eu lieu lors d’un débat à propos de l’orientation de l’emblème du
Croissant-Rouge. La plupart des
Sociétés nationales du Moyen- décembre 2003
Les rapports entre le CICR et le
CRM furent, au début, similaires à
ceux entretenus avec le CRT. Après
l’indépendance du Maroc, il y a eu
création d’une Société nationale de
Croissant-Rouge dont le premier
Président était Hadj Mohamed
Sebti. Le siège de son comité central
était à Casablanca (aujourd’hui, le
siège du comité central du CRM se
trouve à Rabat, NDLR). Personnellement, j’ai travaillé avec le deuxième président du CRM, un médecin
militaire, le Dr Jebli El Aïdouni. J’ai
eu d’excellents rapports avec le Dr
Jebli qui était un homme courtois et
très ouvert. Des circonstances extérieures au Maroc m’avaient déjà
permis de faire sa connaissance.
C’était pendant l’été 1960, au
moment de l’indépendance de l’exCongo Belge. Les structures médicales de ce pays se sont effondrées
subitement à cause du départ des
médecins belges. C’est ainsi que le
CICR a reçu un appel pour envoyer
du personnel temporaire dans les
hôpitaux qui en avaient le plus
besoin. Le CICR a alors organisé
une action médicale importante,
lançant un appel aux Sociétés
nationales de la Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge pour qu’elles y
envoient des équipes médicales. Le
CICR a créé une mission sur place
dont j’ai été le responsable pendant
quelques mois. L’essentiel de notre
- décembre 2003
Rabat, 03-12-1958 : allocution du représentant de l’Armée de Libération Nationale algérienne (ALN), lors de
la libération de 8 prisonniers de guerre français, remis au CICR en présence de la princesse Lalla Aïcha,
Présidente d’honneur du Croissant-Rouge marocain.
Archives CICR
Archives CICR
Qu’en est-il de vos relations avec le
Croissant-Rouge marocain (CRM) ?
bien avant l’arrivée du Dr Djebli, à
partir de 1956, à une action d’assistance menée en faveur des réfugiés
algériens au Maroc au même titre
qu’en Tunisie. Cette action a été
ensuite reprise par la Fédération
internationale de la Croix-Rouge et
du Croissant-Rouge, appelée à
l’époque Ligue.
Il y a également eu au Maroc,
des libérations de prisonniers français capturés en Algérie : l’une à
Rabat, l’autre à Oujda où il y avait
une antenne locale du CroissantRouge algérien (CRA). Je me rappelle qu’à Rabat, la libération des
prisonniers français s’est faite sous
l’égide de la sœur du roi Hassan II,
Lalla Aïcha. Après la présidence du
Dr Djebli, c’est une autre sœur du
roi, Lalla Malika, qui est devenue la
Présidente du CRM.
A partir de 1970, j’ai également
été amené à faire des missions de
diffusion du droit international
humanitaire (DIH) au Maroc
auprès d’une dizaine de comités
locaux du CRM.
DOSSIER
Archives CICR
DOSSIER
Maroc, Figuig 1958 : distribution à des réfugiés algériens, sous les auspices du CICR
Avez-vous eu des contacts avec les
Croissants-Rouges libyen et mauritanien ?
Durant l’été 1952, le CICR m’avait
chargé d’effectuer les premières
démarches en vue de la création
d’une Société nationale de Croissant-Rouge libyen (CRL). Mais, ce
n’est que plus tard que le CRL a
effectivement vu le jour (fondée en
octobre 1957, NDLR). Des rapports
confiants se sont également établis
avec les dirigeants du Croissant-
Rouge libyen, notamment
lors des réunions annuelles
des Sociétés nationales de
la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge arabes.
En Mauritanie, j’ai visité des détenus du Front
Polsario jusqu’au départ du
Président Mokhtar Ould
Dada, démis de ses fonctions par un coup d’Etat
militaire en 1978. Contrairement aux autres pays du
Maghreb, je n’ai pas eu le
privilège d’assister à la
création du CroissantRouge mauritanien. Ce dernier a été fondé en
décembre 1970 et reconnu
par le CICR en 1973. A
cette époque, j’avais déjà
quitté le “Département du
Maghreb et du MoyenOrient” au sein du CICR pour diriger le “Service de diffusion des
Conventions de Genève”. Je sais,
qu’à l’instar des autres CroissantsRouges du Maghreb, le CICR a de
bons rapports avec le CroissantRouge mauritanien.
Croissants-Rouges du Maghreb
Héritiers de la tradition
humanitaire arabo-musulmane
Ameur Zemmali
CICR, le Caire
Bourguiba et le CICR, Pierre Gaillard se souvient
22
L
Photo : S.E. Information TN
Au Caire, en mai-juin 1952, j’ai été contacté
par des étudiants tunisiens. C’était peut-être
des réfugiés politiques. Ils voulaient attirer
l’attention du CICR sur la situation des détenus politiques en Tunisie, ces hommes qui
luttaient pour l’indépendance de leur pays.
De retour à Genève, où j’ai repris mes fonctions de responsable pour le Moyen-Orient et
le Maghreb, j’ai suggéré au CICR de faire des
démarches auprès des autorités françaises
pour accéder aux détenus politiques en Tunisie et en particulier au leader Habib Bourguiba, emprisonné à l’époque sur l’île de la
Galite.
Cela n’a pas été facile parce que le CICR
n’avait pas encore élargi son action en
faveur des détenus politiques. Nous sommes
intervenus auprès du délégué de la CroixRouge française en Tunisie, mais la
démarche n’a pas abouti.
Plus tard, lors de la création du CroissantRouge tunisien, nous avons été reçus, le
Vice-président du CICR de l’époque et moimême par le Président Bourguiba.
Nous avons eu l’occasion de revoir le Président tunisien lorsque nous avions des difficultés pour obtenir du GPRA (Gouvernement
Provisoire de la République Algérienne) des
nouvelles des prisonniers français.
- décembre 2003
a naissance et l’essor de
chaque Société nationale de
Croissant-Rouge (CR) du
Maghreb sont étroitement
liés à l’histoire de son pays, dont
elle partage les ambitions et les
inquiétudes. Ces CR maghrébins
sont parmi les premières institutions nationales nées après l’indépendance. Mais en réalité, et partant d’une tradition humanitaire
- décembre 2003
fortement enracinée dans les sociétés maghrébines, les CR des cinq
pays sont les successeurs d’organismes datant de l’époque coloniale.
A titre d’exemple, en pleine seconde
guerre mondiale, la Tunisie connut
un “Comité provisoire du CroissantRouge tunisien”. Pendant la guerre
d’indépendance, le FLN approuva,
en 1956, la création du “CroissantRouge algérien” et un décret, adop-
té en 1962 par le gouvernement
provisoire algérien, reconnaîtra le
CR comme auxiliaire des pouvoirs
publics, conformément aux Conventions de Genève.
Dès leur création, et conformément à leurs statuts, les SN maghrébines ont apporté leur soutien
aux pouvoirs publics dans l’accomplissement des tâches humanitaires, en temps de paix et en pério23

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