Les Principes directeurs de l`OCDE

Transcription

Les Principes directeurs de l`OCDE
Une Mondialisation
Responsable ?
Les Principes directeurs de l’OCDE à
l’intention des entreprises
multinationales
Une discussion
complétée par GERMANWATCH avec:
Un moyen d’agir pour les
organisations non gouvernementales
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Harald Fiedler, Cornelia Heydenreich
Übersetzung:
Adèle Garnier
Dieses Dokument wurde mit finanzieller Unterstützung der europäischen Gemeinschaft und des Ausschuss für
entwicklungspolitische Bildung und Publizistik (ABP) erstellt. Die darin vertretenen Standpunkte geben die
Ansicht der Referenten wider und stellen somit in keiner Weise die offizielle Meinung der Europäischen Gemeinschaft oder des ABP dar.
© Germanwatch e.V., 2002
2
AVANT-PROPOS
4
INTRODUCTION
5
Dr. Michael Baumann
LES PRINCIPES DIRECTEURS DE L'OCDE À L'INTENTION DES ENTREPRISES
MULTINATIONALES
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Dr. Rainer Geiger
LES PRINCIPES DIRECTEURS DE L’OCDE À L’INTENTION DES ENTREPRISES
MULTINATIONALES – UN PAS INSUFFISANT VERS LA MISE EN APPLICATION
DES NORMES SOCIALES
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Dr. Sabine Ferenschild
PRINCIPES DIRECTEURS DE L’OCDE À L’INTENTION DES ENTREPRISES
MULTINATIONALES – CHANCES ET LIMITES
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Dr. Hans-Martin Burkhardt
COMMENTAIRE DES PRINCIPES DIRECTEURS DE L’OCDE À L’INTENTION
DES ENTREPRISES MULTINATIONALES
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Dr. Ronald Köpke
CONCLUSION
22
Dr. Dieter Menke
UN MOYEN D’AGIR POUR LES ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES
23
Harald Fiedler
3
Avant-propos
En 1976, l'OCDE adoptait les Principes directeurs à l'attention des entreprises multinationales.
Ces Principes constituaient des recommandations en faveur d'un comportement responsable
des entreprises. Ils ont été révisés en profondeur en l'an 2000. La nouvelle version des Principes directeurs comporte d'importantes nouveautés. Entre autres, les Principes directeurs sont
dorénavant valides à l'échelle mondiale et tiennent compte des entreprises multinationales des
pays signataires sans être dépendant du lieu où les entreprises s'implantent. Par ailleurs, les
Principes sont élargis à la chaîne des sous-traitants. Il est fait explicitement référence aux
obligations internationales telles que les droits de l'homme ou les normes fondamentales du
travail.
La mondialisation de l'économie est principalement décidée par les "global players" que sont
les entreprises multinationales. Le respect des droits de l'homme, la protection de l'environnement et la satisfaction des besoins primaires sont subordonnés au profit. A l'inverse,
GERMANWATCH s'engage pour la réalisation d'un commerce mondial équitable et durable
tenant vraiment compte des intérêts des pays en développement. Le projet Kodexwatch entend utiliser les Principes directeurs de l'OCDE comme un instrument de régulation des entreprises, tandis que la campagne "Ernährung sichern- für eine globale Agrarwende" se consacre
à l'a sécurité alimentaire du point de vue des politiques commerciales.
Les entreprises multinationales ont une influence néfaste et multiple, sur l'agriculture par exemple – qu'il s'agisse de semences génétiquement modifiées ou par le danger que constituent
les pesticides. En outre, la sécurité alimentaire peut être mise en danger par l'empoisonnement
des sols, conséquence de l'exploitation minière. Au niveau de l'industrie agroalimentaire, les
entreprises mettent la santé des consommateurs en danger en délivrant des informations erronées. Les chapitres révisés des Principes directeurs portant sur la protection du consommateur et sur l'environnement peuvent servir de point de départ au travail sur ces thèmes au-delà
des Principes. La référence aux droits de l'homme, au droit à l'alimentation en particulier, est
aussi capitale
GERMANWATCH / Kodexwatch se consacre depuis 2001 aux Principes directeurs de
l'OCDE à l'attention des entreprises multinationales. Une conférence a été organisée sur les
Pinricpes en commun avec le Bureau de l'OCDE à Berlin au début de l'année 2001. La conférence a donné lieu à la publication d'une brochure en allemand. La validité mondiale des Principes directeurs depuis leur révision est un argument en faveur du renforcement de leur application, pour plus de justice et de développement durable dans les relations Nord- Sud. De ce
fait, GERMANWATCH a traduit cette brochure en anglais, en espagnol et en français, afin
d'informer plus d'organisations au Sud et à l'Est sur les principes directeurs.
En cas d'infraction aux Principes directeurs, GERMANWATCH propose un soutien international à l'utilisation du mécanisme de plainte devant les points de contacts nationaux. GERMANWATCH est un partenaire privilégié pour les infractions commises par des multinationales allemandes, mais pas uniquement, grâce aux liens internationaux avec des organisations
d'autres pays.
Cornelia Heydenreich/ GERMANWATCH
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Dr. Michael Baumann, GERMANWATCH
Introduction
C’est sous la timide expression «other interested parties» que la société civile/ les ONG apparaissent dans les Principes directeurs révisés en tant qu’acteurs, aux côtés des gouvernements
et des partenaires sociaux.
Les ONG manifestent depuis longtemps, sur certains points, leur scepticisme vis-à-vis des
multinationales, même si l’intérêt public d’aujourd’hui tend plus à se diriger vers
l’architecture financière internationale, l’OMC et Rio+10 en 2002 à Johannesburg, que vers
chaque acteur de cette arène.
L’image des grandes entreprises internationales - on parle d’environ 30 000 dans le monde
entier (ce chiffre correspond aussi au nombre d’ONG dont l’action est internationale ; plus de
1000 d’entre elles sont accréditées par les NU) - a énormément changé durant les dernières
décennies. Ceci n’est pas seulement le résultat d’un bon travail de relations publiques ; pour
de nombreuses entreprises, le «corporate citizenship» fait aujourd’hui partie des valeurs des
actionnaires. Des bénéfices supérieurs à la moyenne, un transfert de technologies et des points
de vue prenant en compte l’environnement, sont maintenant souvent apportés à leur crédit,
également dans le Sud. Les Principes directeurs font aussi référence à ce thème.
Depuis des années, nous avons, chez GERMANWATCH, de bonnes expériences avec des
interlocuteurs des entreprises, par exemple lors des conférences internationales sur le climat
impliquant les entreprises, qui défendent une position favorable au protocole de Kyoto et qui
se sont regroupées en Europe au sein du e5 (European Business Council for a Sustainable
Energy Future). Grâce à un travail de relations publiques ciblé, nous avons réussi à convaincre des entreprises comme Daimler-Chrystler de quitter la coalition anti-climat «Global Climate Coalition», initiée par les entreprises énergétiques nord-américaines.
Un autre exemple positif de notre action est actuellement le soutien par le Parlement allemand
de notre proposition d’un devoir d’information de la part des entreprises, offrant des fonds de
pension, sur le caractère éthique, social et écologique de leur politique de placement.
D’un autre côté, lorsqu’on observe les multinationales, on voit également ressortir
l’indiscutable pouvoir de quelques entreprises, provenant simplement de leur grandeur – parmi les 100 plus grandes entités économiques dans le monde, on compte 51 entreprises et seulement 49 Etats.
Alors que l’Etat perd de son pouvoir, un des défis fondamentaux qui se pose aux ONG du
Nord et du Sud ainsi qu’à beaucoup de leurs confrères, est l’égalité, voire la supériorité, des
entreprises sur les Etats.
Dans beaucoup de domaines réglementés auparavant par les Etats, existent aujourd’hui des
formes de remplacement, privées, appelées «soft law», à l’origine desquelles se trouve ce
transfert de pouvoir. C’est surtout le cas dans d’autres domaines de l’architecture financière
internationale. Le Dr. Geiger nous a informé ce matin au Parlement allemand sur la manière
utilisée par l’OCDE pour modifier le comportement –nuisible au système des impôts - que des
«centres offshore», par une pression légère en faveur du maintien des échelles, adoptent dans
des pays de l’OCDE comme le Luxembourg, la Suisse ou des îles britanniques de la Manche
Un autre exemple consiste en des formes diverses de codes de conduite non dotées de système
de sanctions, qu’ils soient recommandés par l’Etat, réalisés par les corps de métier ou encore
dirigés vers lune entreprises
5
Il existe aujourd’hui plusieurs centaines de ces codes de conduite dans le monde; peu
d’ailleurs ont une aussi bonne publication que ceux de l’OCDE (grâce au ministère de
l’économie allemand, qui a déposé ce soir sa première version allemande) ou des NU plus
récemment dans le cadre du «Global compact», dont l’application sera particulièrement
conditionnée par le rôle des ONG.
A 500 mètres d’ici, sur Potsdamer Platz, se termine en ce moment une conférence sur la mise
en application des propositions du «World Commission on Daims», dont les participants viennent des sphères économique, politique, des syndicats et des ONG. Aujourd’hui encore une
table ronde a été préparée au Ministère allemand de la coopération et du développement
(BMZ) - dont les participants sont également des représentants d’entreprises, de la société et
de l’administration -, qui s’occupera des critères pour ce genre de codes de conduite mais sous
l’aspect «politique de développement».
Le ministre de l’environnement élabore, lui aussi, un instrument spécial eu égards à Rio+10.
Il existe au Ministère allemand des affaires étrangères depuis quelque temps un groupe de
travail sur l’économie et les droits de l’homme, avec le concours des mêmes acteurs.
Le désavantage principal de la «soft law» demeure moindre protection des plus faibles et
l’impossibilité de poursuite judiciaire. D’une part, la «soft law» illustre les relations globales
de pouvoir d’aujourd’hui : les Etats-Unis, une surpuissance dont le Parlement se positionne
contre presque toutes les conventions multinationales, connaît néanmoins une culture
d’entreprise, plus habituée qu’en Europe à travailler avec le «soft law».
Ce soir, il s’agira aussi de faire ressortir, (i) avec quels instruments des normes sociales, écologiques et respectueuses des droits de l’homme peuvent être protégées au mieux, dans un
monde de plus en plus imbriqué dans des réseaux, et (ii) quel rôle les ONG ont à jouer làdedans, sachant que la force principale de ces nouveaux acteurs de la scène internationale est
leur crédibilité.
Du point de vue de GERMANWATCH, les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des
entreprises multinationales ont mérité qu’on leur accorde une chance. Nous allons tenter de
«watcher» (observer de façon critique) consciencieusement leur application en Allemagne, car
les ONG ne peuvent, sans une système de contrôle et de sanction solide et performant, être
convaincues de la crédibilité de traités «mous».
(Dr. Sabine Fehrenschild ainsi que Dr. Ronald Köpke y font allusion dans leur contribution,
en s’appuyant également sur des expériences empiriques. Dr. Hans-Martin Burkhardt souligne, lui, l’importance du soutien politique pour les Principes directeurs, mais également le flou
avoué juridiquement de leur formulation. Dr. Rainer Geiger fait ressortir l’importance du
gouvernement d’entreprise «Corporate Governance» dans la mise en pratique des Principes
directeurs, l’éthique commerciale en faisant partie).
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Dr. Rainer Geiger, OCDE-Paris
Les Principes directeurs de l'OCDE à l'intention
des entreprises multinationales
1.
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3.
4.
5.
6.
7.
Les Principes directeurs dans le contexte de l’OCDE
Les Principes directeurs comme expression de valeurs communes
Les Principes directeurs et les investissements directes étrangers
Le contenu des lignes directrices
Les procédures de mise en application des Principes directeurs
Les Principes directeurs comme expression et complément des activités entrepreneuriales
Le secteur économique et industriel prend en compte les requêtes du public par plusieurs
moyens
8. L’avenir des Principes directeurs
1. Les Principes directeurs dans le contexte de l’OCDE
La révision de 2000 des Principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales a
représenté un point culminant de la réunion du Conseil des ministres de juin2000. C’est un
des élément les plus importants du des travaux et de la déclaration de l’OCDE sur les investissements internationaux et les entreprises multinationales. Les éléments restants de cet ensemble d’instruments correspondent à l’engagement des Etats participants (membres) de (i)
garantir le contrôle extérieur du traitement national des entreprises, (ii) d’éviter l’existence de
conditions contradictoires pour les entreprises, et (iii) de travailler en collaboration lorsqu’il
s’agit de mesures d’empêchement ou d’encouragement des investissements.
29 Etats membres et 4 Etats non-membres (l’Argentine, le Brésil, le Chili et la République
slovaque, membre de l’OCDE depuis décembre 2000) se sont engagés à mettre en application
ce nouvel ensemble de Principes directeurs ainsi que de procédures renforcés.
A la préparation de la révision complète des Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des
entreprises multinationales, qui a duré deux ans, ont non seulement contribué les gouvernements ainsi que la Commission de l’investissement international et des entreprises multinationales , mais aussi le Comité consultatif économique et industriel (BIAC) et la Commission
syndicale consultative (TUAC).
En collaboration avec les associations qui leur sont intégrées, ils ont fait en sorte que les
points de vue du secteur économique et industriel et du patronat soient inclus dans la version
complètement révisée. Les organisations non gouvernementales (ONG) qui ont participé à
cette révision, ont permis que les requêtes des citoyens particulièrement intéressés par les travaux de l’organisation soient mieux prises en compte.
2. Les Principes directeurs comme expression de valeurs communes
Le thème de la réunion du Conseil des ministres de l’OCDE en juin 2000 s’intitulait «donner
forme à la mondialisation». Les ministres expliquèrent dans une prise de conscience collective: «Les Principes directeurs contiennent un solide catalogue de recommandations pour un
comportement économique mondial responsable s’accordant avec le droit en vigueur actuellement».
Les Principes directeurs complètent les codes de conduites des entreprises et sont, en outre, le
seul code de conduite complet et multilatéral. Ils sont l’expression de valeurs communes se
référant aux activités des entreprises multinationales (FMN).
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3. Les Principes directeurs et les investissements directes étrangers
L’examen des Principes directeurs était une initiative bienvenue: les investissements étrangers
sont essentiels au progrès économique, social et écologique – et les Principes directeurs sont
une réponse aux craintes de l’opinion publique sur la mondialisation et améliorent le climat de
l’investissement international. Ils s’ajoutent également à d’autres initiatives en relation avec
le thème de la gouvernance, en particulier celles de l’OCDE (par exemple la lutte contre la
corruption et le gouvernement d’entreprise (la Corporate Governance).
4. Le contenu des Principes directeurs
Les Principes directeurs déterminent des principes fondamentaux supplémentaires ainsi que
des normes de comportement, mais n’empiètent pas sur le domaine du droit en vigueur.
Même si le domaine d’application des Principes directeurs recouvre à plusieurs reprises celui
du droit, ceux-ci ne doivent pas avoir comme conséquence de confronter une entreprise à des
situations contradictoires.
Les entreprises sont incitées à travailler en collaboration avec les gouvernements pour ce qui
est de la conception et la mise en pratique de décisions politiques et législatives. Pour enrichir
ce processus, il peut être fait appel à d’autres acteurs politiques, c’est-à-dire de la communauté locale et du monde économique.
La nouvelle version des Principes directeurs se distingue surtout par l’existence de chapitres
entièrement retravaillés concernant l’emploi et les relations professionnelles,
l’environnement, la publication d’informations, ainsi que de chapitres sur la lutte contre la
corruption et sur les intérêts des consommateurs, et par la prise en compte de la chaîne des
sous-traitants.
Le chapitre retravaillé sur l’emploi et les relations professionnelles couvre les quatre normes
fondamentales du travail – liberté d’association et de contrat de salaire, élimination de toute
forme de travail forcé ou obligatoire, abolition effective du travail des enfants ainsi que
l’interdiction de la discrimination dans l’emploi et les relations professionnelles.
L’Organisation Internationale du travail (OIT) est responsable de l’élaboration et l’application
de normes internationales du travail, ainsi que de la promotion des droits du travail fondamentaux, comme ils ont été officiellement reconnus dans la déclaration de l’OIT de 1998 relative aux principes et droits fondamentaux au travail. En tant qu’instrument juridiquement
non contraignant, les Principes directeurs sont d’une grande importance dans la promotion par
les entreprises multinationales du respect de ces normes et principes.
Le chapitre révisé sur l’environnement reflète largement les principes fondamentaux et les
buts, exprimés dans la déclaration de Rio sur l’environnement et le développement de
l’Agenda 21 et dans la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du
public et l’accès à la justice dans le domaine de l’environnement. Au-delà, Il prend en compte
des normes, qui ont été établies sous la forme d’outils comme la norme ISO pour les systèmes
de gestion de l’environnement.
Le chapitre Environnement fait référence à l’importance de la promotion d’une gestion environnementale interne aux entreprises et d’une planification efficace en cas de crise. Une gestion environnementale responsable représente un aspect important d’un développement durable et est de plus en plus considéré aussi bien comme une responsabilité que comme une
chance pour les entreprises. L’existence d’un tel système contribuera sans doute à convaincre
les actionnaires, les actifs et les collectivités concernées, que l’entreprise s’efforce activement
de protéger l’environnement des conséquences nocives de ses activités. Dans le contexte de
ces Principes directeurs, l’expression « gestion environnementale responsable » devrait être
prise dans un sens large et interprétée de telle sorte qu’il soit tenu compte des conséquences
directes et indirectes de long terme des activités des entreprises, ainsi que les mesures concer8
nant non seulement la protection de l’environnement, mais aussi les activités liées aux ressources humaines.
Le chapitre révisé sur la publication d’informations reflète les principes de l’OCDE sur le
gouvernement d’entreprise (Corporate Governance). L’information de l’opinion publique sur
les activités commerciales des entreprises multinationales doit être favorisée. Deux types de
recommandations sont abordés. L’un recouvre les recommandations des Principes de l’OCDE
sur le gouvernement d’entreprise (la Corporate Governance) (entre autres le développement
de meilleurs normes de qualité pour les données comptables, financières et autres d’accès
public), l’autre type de recommandations se composant de secteurs dans lesquels la définition
de normes du travail n’est pas encore fixée, au niveau des données sociales, environnementales et sur le risque par exemple.
Le nouveau chapitre sur la lutte contre la corruption accorde un rôle important aux entreprises
dans leur action contre des pratiques corrompues. La Convention de l’OCDE sur la lutte
contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales en est l’instrument central, auquel a été attribuée la contrainte juridique nationale. Le
chapitre VI des Principes directeurs présente 6 postulats traitant de la lutte contre la corruption, qui mentionnent entre autre l’état de fait de dons illégaux à un candidat pour un poste
public, un parti politique ou une autre organisation politique (et qui va ainsi plus loin que la
Convention de l’OCDE).
Le nouveau chapitre Intérêts des consommateurs prend en compte le développement du commerce électronique et l’élargissement progressif du champ d’action des entreprises multinationales et l’importance croissante de questions ayant trait au consommateur, de nombreuses
entreprises faisant référence à l’intérêt du consommateur dans leurs systèmes de gestion et
leurs codes de conduite.
La sécurité des produits, la signalisation des marchandises et les réclamations des consommateurs sont autant de requêtes adressées dans ce chapitre aux entreprises.
Au sein des Principes Généraux se trouve la recommandation sur les droits de l’homme des
personnes touchées par les activités des entreprises, droits devant être respectés selon les devoirs et les engagements souscrits par le gouvernement du pays d’accueil. Des entreprises et
des ONG ont activement pris part aux négociations de la Recommandation sur les droits de
l’homme.
L’inclusion de la chaîne de sous-traitants - soit les partenaires avec lesquels l’entreprise multinationale entretient des relations commerciales- dans des pratiques d’entreprise responsables
donne une dimension supplémentaire aux Principes directeurs.
5. Procédure de mise en application des lignes directrices
Les procédures de mise en application seront sans doute améliorées en accordant une fonction
- clé aux Points de contact nationaux.
Le rôle du Comité de l’investissement (CIME) de l’OCDE a de même été mieux défini (révision des Principes directeurs, forums de discussions sur les questions soulevées par les Principes directeurs, interprétation, discussions sur les activités des Points de contacts nationaux,
remise de rapports au Conseil de l’OCDE). Le CIME est, dans le cadre de l’OCDE, responsable de la surveillance et de l’utilisation des Principes directeurs. Cette responsabilité ne se
limite pas aux Principes, mais s’étend à tous les éléments de la Déclaration (les instruments
des procédures internes aux Etats, les mesures d’encouragement ou d’obstacle aux investissements étrangers de même que le refus de demandes contradictoires). Eu égard à
l’importance croissante des Principes directeurs pour des pays hors de l’OCDE, des consultations avec les Etats non membres sur des questions touchant aux Principes directeurs sont
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prévues. Le CIME peut organiser périodiquement des réunions avec des groupes de pays intéressés par ces questions, ou prendre contact avec un pays en particulier.
La procédure de mise en application présentée dans la version révisée des Principes offre des
perspectives aux Points de contacts nationaux et au CIME. La participation du BIAC, du
TUAC et d’ONG est expressément prévue par l’OCDE dans le processus d’adoption.
Lors de l’examen en 2000, l’implication étroite du secteur économique et industriel, de représentants d’organisations patronales ainsi que d’organisations non gouvernementales ont été
de première importance pour les résultats de l’enquête et leur légitimité. Les Etats non membres ont été et seront à nouveau consultés. L’opinion publique a pu commenter les divers
projets via Internet.
6. Les Principes directeurs en tant qu’expression des et complément aux activités
entrepreneuriales
Des enquêtes préliminaires réalisées par l’OCDE portant sur environ 250 initiatives économiques privés ont montré que les codes de conduites internes aux entreprises traitent de nombreux thèmes abordés par les Principes directeurs : les normes fondamentales du travail, la
gestion de l’environnement, les droits de l’homme, le gouvernement d’entreprise (Corporate
Governance), la publication d’informations, la sécurité publique, la protection de la sphère
privée ainsi que la protection du consommateur. Les relations entre employeurs et employés
et la gestion de l’environnement sont les thèmes les plus fréquemment abordés par les codes
de conduite des entreprises.
7. Le secteur économique et industriel prend en compte les requêtes du public par
plusieurs moyens.
Outre les codes de conduites propres aux entreprises, le secteur économique et industriel
prend en compte les demandes de l’opinion publique par plusieurs moyens:
• En renforçant le soutien du secteur économique à la réalisation de normes indépendantes
(par exemple ISO 14000 [gestion de l’environnement], Global Reporting Intiative, GRI)
• En englobant les trois dimensions des activités commerciales : durabilité économique,
écologique et sociale
• En accordant une attention croissante à la responsabilité sociale de l’entreprise, par la
mise en place de stratégies d’investissement impliquant des investisseurs institutionnels
(par ex. adhésion aux «Global Sullivan Principles» sur les doits de l’homme via
l’initiative CalPERS en 1999).
8. L’avenir des Principes directeurs
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La mission de faire des Principes directeurs un outil important ne fait que commencer.
Le soutien continu et la participation du secteur économique et industriel ainsi que des
organisations patronales et des ONG est d’une importance capitale.
Les gouvernements d’Etats n’ayant pas souscrits aux Principes ont un rôle significatif
dans ce processus ; les ministres des Etats- membres de l’OCDE ont expressément insisté
pour que ces pays soient encouragés à se rallier à la Déclaration de l’OCDE.
La crédibilité de la procédure de mise en application doit être garantie et renforcée.
L’éthique commerciale en tant que partie intégrante du gouvernement d’entreprise doit, à
l’avenir, aller de soi.
Dr. Sabine Ferenschild, «Réseau œcuménique Rhein-Mosel-Saar»:
Les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention
des entreprises multinationales
– un pas insuffisant vers la mise en application des normes sociales
1. Avant-propos
Avant de mettre en lumière les critiques centrales que l’on pourrait, selon moi, faire à la version révisée des Principes directeurs de l’OCDE, j’aimerais présenter brièvement le contexte
spécifique sur lequel se greffe mon exposé.
Je travaille au sein du «Réseau œcuménique Rhein-Mosel-Saar», une des organisation instigatrices de la campagne «Clean Clothes Campaign» (CCC) en Allemagne [Collectif «Libère
tes fringues», puis «De l’éthique sur l’étiquette» en France], qui s’intéresse depuis quelques
années aux structures du commerce mondial du vêtement. Le commerce du vêtement, l’un des
premiers à avoir fait l’expérience de l’économie mondialisée, a une spécificité : les grands
consortiums de la confection et des articles de sport ne produisent pas eux mêmes, en grande
partie leurs produits, mais laissent les entreprises sous-traitantes les fabriquer, ce qui a pour
conséquence l’augmentation de la part d’activité informelle dans la fabrication de vêtements
et d’articles de sport.
Les consortiums de la confection et des articles de sport, comme par exemple Karstadt, Adidas, C&A, Puma ou Nike, portent la véritable responsabilité – la CCC en est persuadée - des
atteintes aux droits de l’homme dans la production, même si ces atteintes aux droits de
l’homme se constatent dans les entreprises sous-traitantes. En effet, les consortiums de la
confection et d’articles de sport contribuent de manière significative au dumping social mondial, à travers leur lutte pour atteindre des coûts de production toujours plus bas. Pour cette
raison, la CCC a ces dernières années régulièrement confronté les entreprises aux atteintes
aux droits de l’homme perpétrées dans leurs entreprises sous-traitantes.
Toutes les firmes ont réagi selon un même schéma: lorsque les irrégularités sociales étaient
observées de façon incontestable et rendues publiques, les entreprises renvoyaient tout
d’abord à leur code de conduite interne, stipulant qu’il existait une obligation pour les entreprises sous-traitantes de respecter des normes sociales minimales précises. Lorsqu’il s’agissait
d’une critique persistante, elles renvoyaient aux procédures de contrôle internes, et/ou résiliaient les liens contractuels avec les entreprises sous-traitantes discréditées, pour ne pas perdre la face. Les problèmes sociaux ne sont, de cette manière, pas en voie d’être résolus.
Toutes les entreprises, avec lesquelles la CCC allemande a traité, ont en commun, de refuser
la mise en place d’un mécanisme externe et indépendant de contrôle du respect des droits de
l’homme dans les entreprises sous-traitantes. Ce mécanisme de contrôle est cependant un levier central en faveur de la diminution des irrégularités sociales, et un élément indispensable
du «Code de conduite au travail pour l’industrie de la confection, y compris le vêtement de
sport», que la CCC a mis à disposition aux entreprises pour signature.
A partir de cette toile de fond, j’ai quelques remarques et demandes à faire vis-à-vis des Principes directeurs de l’OCDE, que j’aimerais concentrer autour de certains aspects centraux.
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Pour les concertations au «Permanent Peoples Tribunal» en 1998 à Bruxelles, la CCC européenne est parvenue à améliorer les conditions de travail dans sept firmes multinationales
(Nike, H&M, Levi Strauss, Otto Versand, C&A, Walt Disney, Adidas). Voici les quelques
points soulevés dans le document final:
«Atteintes aux droits sociaux et économiques et aux droits du travail:
(1) Dans l’entreprise
• Interdiction ou entrave au travail des syndicats
• Prolongation du temps de travail
• Pas de paiement des heures supplémentaires
• Pratique du Travail forcé
• Violence, en particulier contre les femmes
• Insuffisance de la protection de la santé et du travail
• Plafonnement des salaires
• Licenciements et exclusions arbitraires
(2) Par des conditions d’encadrement économiques globales
• Inflation forte et pertes de bénéfice réel
• Chômage élevé
• Pression de firmes multinationales sur les sous-traitants, qui eux-mêmes font peser cette
pression sur leur force de travail.
• Eviction vers le secteur informel et la production de subsistance, car les bénéfices ne suffisent pas.
• Mise en jeu des sous-traitants ou des pays les uns contre les autres.
(3) Par des conditions d’encadrement sociales et politiques (influences)
• Méconnaissance par les travailleurs de leurs droits
• Utilisation du code de conduite pour couper court à des revendications supplémentaires
• Indifférence de l’opinion publique
• Impossibilité pour les consommateurs d’utiliser leur droit de savoir à cause d’un manque
d’information fiable.
• Non-utilisation par les firmes multinationales d’un code de conduite existant au niveau
des les sous-traitants.
• Répression politique des travailleurs par des organes de la violence d’Etat à cause des
exigences d’exportation.»1
Dans son code de conduite, la CCC revendique la prise en compte des normes sociales minimales suivantes et l’indépendance de leur contrôle:
• Interdiction du travail forcé ou obligatoire, ainsi que de l’obligation d’heures supplémentaires
• Interdiction de la discrimination sur le lieu de travail
• Interdiction du travail des enfants
• Liberté d’association et de négociations collectives
• Paiement de salaire garantissant une vie décente
• Conditions de travail respectant la dignité humaine
• Conditions de travail stables
• Indépendance du contrôle de ces normes minimales.
1
E. ALTVATER, 1998, p.325.
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2. Caractère de recommandation des Principes directeurs
Les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales constituent
un ensemble de recommandations en faveur d’un comportement entrepreneurial responsable.
Avec les Principes directeurs révisés, l’OCDE veut mettre à disposition «un instrument important pour l’élaboration de la mondialisation».
La participation de l’OCDE à la discussion internationale sur la responsabilité sociale des
entreprises multinationales a tout autant le mérite d’être saluée que la prise en compte, dans la
version retravaillée des Principes directeurs de l’OCDE adoptés en 1976, d’autres normes
fondamentales de l’OIT sur les conditions de travail, ainsi que l’élargissement de l’application
des Principes directeurs à des pays non membres de l’OCDE. La relative transparence du processus de révision du texte, illustrée par la participation d’organisations non gouvernementales (ONG) au contrôle, fait preuve, surtout après la procédure de l’AMI, d’un progrès.
Malgré ces tendances positives, un défaut persiste, qui selon moi occulte les aspects positifs,
et que les Principes directeurs, dans leur application politique, ne prennent pas en compte. Ce
défaut est le caractère de recommandation que l’on a conservé dans cette version des Principes directeurs.
Est-ce que les recommandations des entreprises formulées dans les Principes directeurs de
1976 ont été appliquées avec tant de résolution que l’on puisse parler d’un succès? Si oui, je
n’en suis pas informée . Au lieu de cela, la période depuis 1976 est décrite comme une époque, pendant laquelle la mondialisation de l’économie s’est énormément accélérée et a ainsi
entraîné le déplacement des branches de production à fort emploi de main d’oeuvre vers les
pays du Sud et de l’Est, pour fuir des normes sociales et des coûts de production trop élevés.
Pour cette raison je conclus qu’il ne faut peut-être pas mettre en cause la volonté de l’OCDE
de contribuer à l’application des droits de l’homme. Je doute cependant qu’elle fasse de cette
application une priorité.
Si l’OCDE s’efforce vraiment de «renforcer le cadre international, juridique et réglementaire
dans lequel les entreprises exercent leurs activités» (§ 8 de la préface des Principes directeurs), elle doit également s’efforcer de contribuer à une réglementation ferme (et contractuelle), ainsi qu’aux possibilités d’application de ces règles. Dans une économie mondialisée,
sans possibilité de sanction, aucune garantie de respect des droits sociaux ne sera possible.
3. Logique capitaliste versus droits de l’homme
Le fait que l’OCDE ait gardé le caractère de recommandation des Principes directeurs semble
être étroitement lié à son opinion des entreprises multinationales. Ainsi est-il formulé dans les
Principes directeurs: «Les entreprises multinationales ont l’occasion de mettre en place des
politiques de pratiques exemplaires dans le domaine du développement durable qui visent à
la cohérence des objectifs sociaux, économiques et environnementaux» (§ 5 de la préface des
Principes directeurs).
Je doute de cette possibilité affirmée des entreprises. Les entreprises ne sont pas créées pour
encourager les droits de l’homme, mais pour dégager du profit. Pour survivre économiquement, elles doivent suivre, à l’intérieur du cadre des conditions économiques garanties au niveau politique une logique capitaliste. Lorsque cette logique s’oppose aux normes écologiques et/ou sociales, celles-ci sont alors laissées au second plan, considérées comme des
«dommages collatéraux».
Le choix géographique des investissements ne se fait pas par amour du prochain, mais en
fonction de pronostics de gains précis. Le fait d’acheter des actions ne répond pas, en général
à la façade éthique d’une entreprise, mais entend participer à la montée des cours se fondant
sur des prévisions de croissance du chiffre d’affaire. Si les entreprises multinationales pouvaient réaliser les mêmes profits en respectant les normes sociales et écologiques, je suis sûre
qu’elles le feraient.
13
Mais la réalité montre que ce n’est pas le cas. Pour maintenir les mêmes profits, ou pour les
augmenter, les entreprises s’installent là où les coûts de production sont les plus bas. Dans
l’industrie du vêtement cela signifie qu’elles cherchent leurs sous-traitants dans les zones
d’exportation libres. Dans ces zones, l’inexistence de règles internationales supplante le droit
du travail national. Plus la lutte concurrentielle est dure, plus les hommes et les femmes, qui
fabriquent les produits, ainsi que l’environnement, deviennent insignifiants. C’est cela le capitalisme.
La logique de ce système prouve l‘absurdité du principe du « volontariat »,une des valeurs
fondamentales des Principes directeurs de l’OCDE.
Si les consortiums ne respectent pas leur propre code de conduite, pourquoi respecteraient-ils
les Principes directeurs de l’OCDE ? Pourquoi est-ce que ceux, qui ont été jusqu’alors largement responsables d’atteintes aux droits de l’homme dans la production, feraient maintenant
«partie des acteurs essentiels dans la résolution du problème»?2. Il est bien sûr souvent question du développement de l’éthique d’entreprise, en faisant sans cesse référence, comme
preuve, aux nombreux codes de conduite internes aux entreprises. Il semble, néanmoins, que
ces codes de conduite servent plutôt à calmer les inquiétudes des consommateurs, devenant
ainsi un instrument de la section «relations publiques» des entreprises. La preuve d’une amélioration dans la production internationale, qui serait provoquée par ces codes de conduite
internes, définis sans contrainte, est en tous cas toujours attendue. A partir de ce contexte, «les
déclarations d’engagement volontaire sans la formulation de critères à partir desquels leur
respect peut être contrôlé, est problématique. De plus, les possibilités de sanction manquent
lorsque les obligations ne sont pas respectées. Dans de nombreux cas, le devoir moral de les
respecter n’existe même pas, car même si les déclarations d’engagement volontaire remplissent au moment de leur publication leur fonction, à savoir d’améliorer l’image écologique (et
sociale) de l’entreprise, elles retombent le plus souvent rapidement dans l’oubli. C’est à ce
niveau que l’on peut voir le désavantage des déclarations d’engagement volontaire en rapport
avec le droit juridiquement opposable, sur la base des accords et traités internationaux.»3.
La création de Points de contacts nationaux dans tous les pays membres de l’OCDE, prévue
par les Principes directeurs, pourrait néanmoins aller au-delà du code de conduite interne à
l’entreprise. Ces Points de contact doivent «aider à la solution de problèmes», en proposant
aux organisations patronales, c’est-à-dire à d’autres ‘parties touchées / intéressées’, un forum
de discussion sur l’économie. C’est par une procédure non-juridique et de négociation qu’une
solution doit être trouvée. «Lors de l’évaluation initiale concernant l’opportunité d’examiner
la question de manière plus approfondie», c’est le Point de contact national qui devra «déterminer si la question soulevée l’est de bonne foi et est en rapport avec les Principes directeurs»
(§4 du Commentaire sur les procédures de mise en œuvre).
C’est avec la pratique que nous saurons si le fait de laisser aux Points de contact nationaux
des pays membres de l’OCDE le contrôle exemplaire des atteintes aux droits de l’homme
dans la production, est un levier pour les organisations de droits de l'homme. Les Principes
directeurs eux-mêmes font référence à une telle possibilité. On ne peut néanmoins pas savoir
si les Points de contact allemands partagent une telle interprétation des Principes directeurs et
quelles seront les questions considérées comme «soulevée[s] de bonne foi et en rapport avec
les Principes directeurs» et donc méritant un examen approfondi. A ce propos, les points de
vue entre ONG et Points de contact nationaux peuvent diverger fortement.
2
WALK, Heike, BRUNNENGRÄBER, Achim, Die Globalisierungswächter. NGOs und ihre transnationalen
Netze im Konfliktfeld Klima, Münster, 2000, p.91
3
op. cit. p.75.
14
4. Le rôle de l’Etat / des Etats
Le fait que l’engagement éthique volontaire des entreprises soit surtout mis en avant par
l’Etat, en dit plus sur l’image que les acteurs étatiques se font d’eux-mêmes et sur leur rôle,
que sur les entreprises.
L’Etat (ou la communauté étatique) semble être un champs de bataille livré à des intérêts
divergents: le fait que les acteurs étatiques recommandent l’adoption de normes sociales (et
ne les condamnent plus en bloc comme c’était encore le cas dans les années 1980) peut
s’interpréter comme le renforcement des intérêts en faveur des droits de l’homme. Le fait que
les acteurs étatiques ne fassent que recommander l’adoption de normes sociales et ne les déterminent pas de manière définitive, montre la prédominance persistante des intérêts économiques. La disposition des Etats à renforcer les normes sociales et écologiques ne peut croître
que si, dans la lutte de pouvoir entre l’économie et les organisations de droits de l’homme qui se produit quand le convergence entre les intérêts étatiques et économiques s’interrompt -,
ce sont ces dernières qui l’emportent.
Avec cette interprétation de la conduite étatique, les Principes directeurs de l’OCDE mettent
en lumière la force persistante des intérêts économiques et la faiblesse des intérêts relatifs aux
droits de l’homme. Ainsi, les Principes directeurs ressemblent, de même que les code de
conduite interne aux entreprises, plus à un instrument des relations publiques qu’à un instrument visant à la mise en application des droits de l’homme.
5. Conclusions
Un cadre international doté de possibilités de sanction pour la protection des droits de
l’homme, également applicable au niveau de la production, est indispensable. Les organisations de droits de l’homme, par cette revendication, n’en appellent pas à «l’Etat fort», mais
réagissent à deux données fondamentales entraînant un engagement en faveur des droits de
l’homme: d’un côté, la préservation des droits sociaux dans les entreprises économiques capitalistes est vue comme une valeur de second rang; de l’autre, la pression publique mettant
en lumière les atteintes aux droits sociaux ne peut durer éternellement. La revendication
précédemment citée est la conclusion logique vis-à-vis de ces deux faits de base.
L’enthousiasme des acteurs étatiques quant aux prévisions positives de l’engagement de la
société civile devraient donc être prises avec prudence. Là où l’Etat essaie de ne pas assumer
sa tâche de codification fiable, ses représentants vantent volontiers les chances de
l’engagement volontaire.
Les Principes directeurs de l’OCDE participent éventuellement au développement d’un cadre
fiable de protection des droits de l’homme, en ce qu’ils soutiennent et conseillent, de façon
relativement transparente, certaines des normes fondamentales du travail de l’OIT. Néanmoins, le danger que les Principes directeurs soient utilisés comme «argument-massue», qui
entraverait tout effort pour arriver à plus de fiabilité est plus à craindre.
Bibliographie:
- ALTVATER, Elmar, « Vernetzung ungleicher Partner. NGOs und Gewerkschaften in der Kampagne für
"Codes of Conduct" », in KLEIN, Ansgar, LEGRAND, Hans-Josef, LEIF, Thomas (Hrsg), Neue soziale
Bewegungen. Impulse, Bilanzen und Perspektiven, Opladen, Wiesbaden, 1999, p.320-337.
- WALK, Heike, BRUNNENGRÄBER, Achim, Die Globalisierungswächter. NGOs und ihre transnationalen Netze im Konfliktfeld Klima, Münster, 2000.
15
Dr. Hans-Martin Burkhardt, chef de direction ministérielle
Ministère de l’économie et de la technologie
Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des
entreprises multinationales
– Chances et Limites
1. Les investissements étrangers sont souhaités.
2. Il n’existe pas de cadre juridique international portant sur les investissements étrangers.
3. Les Principes directeurs de l’OCDE ne sont pas contraignants juridiquement, les Etatsmembres de l’OCDE en soutiennent l’exécution.
4. L’absence de contraintes juridiques entraînées par les Principes directeurs de l’OCDE ne
doit pas pousser à des «contournements».
5. Rien n’est décidé en ce qui concerne la mise en place des Principes directeurs de l’OCDE
dans les Etats non membres de l’OCDE.
6. Le gouvernement fédéral allemand attend la mise en pratique des Principes directeurs de
l’OCDE par les entreprises.
1. Les investissements étrangers sont souhaités.
Les investissements étrangers sont souhaités dans le monde entier. Ils contribuent à la croissance économique et transmettent savoir-faire et technologies, sous la forme de jointventures en particulier. De plus en plus de petites et moyennes entreprises investissent à
l’étranger.
2. Il n’existe pas de cadre juridique international portant sur les investissements
étrangers.
Jusqu’à présent, le cadre juridique légiférant les investissements à l’étranger (dans le cadre de
l’OMC: les TRIMS et les TRIPS) n’est que partiel. De même, il n’existe pas de règles sur la
concurrence internationale (interdiction des cartels, contrôle des fusions). Des codes de
conduite («soft law») ne peuvent remplacer une législation internationale contraignante. Le
gouvernement fédéral allemand souhaite toujours - dans le cadre d’un nouveau round de
l’OMC- la mise en place de règles pour les investissements étrangers.
3. Les principes directeurs de l’OCDE ne sont pas contraignants juridiquement, les
Etats-membres de l’OCDE en soutiennent l’exécution.
Les codes de conduite ne sont pas des règles juridiques pouvant, le cas échéant, entraîner des
sanctions. Cependant les Principes directeurs de l’OCDE ne sont pas seulement des engagements volontaires pour les entreprises. Les Etats- membres de l’OCDE débattent de ces règles sur la bonne conduite des entreprises depuis des années et soutiennent officiellement leur
mise en application par les entreprises. Lors de cas litigieux, les Etats-membres contribuent à
la recherche de solutions dans le cadre d’une procédure formalisée.
4. L’absence de contraintes juridiques entraînées par les pays d’accueil de l’OCDE
ne doit pas pousser à des «contournements».
Les Etats-membres de l’OCDE souhaitent vivement que les entreprises respectent et appliquent le plus possible les Principes directeurs de l’OCDE. Parallèlement, les entreprises actives à l’étranger doivent se soumettre au cadre juridique du pays d’accueil.
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L’absence de contraintes juridiques des Principes directeurs de l’OCDE a son pendant: des
codes de bonne conduite de standard élevé. Ce niveau élevé eût été inaccessible dans un cadre
juridique contraignant. Par ailleurs, nombre de recommandations de comportement n’ont pas
la fermeté requise par des règles juridiques contraignantes.
Les Etats-membres de l’OCDE ont prévu, dans leur procédure d’application, un échange régulier d’informations concernant l’emploi par les entreprises des Principes directeurs. De
plus, des procédures d’examen lors du non-respect des Principes directeurs ont lieu dans des
cas particuliers. Il est bien sûr voulu que ce «monitoring» soit assez strict pour rendre les
Principes directeurs de facto contraignants.
Les frontières entre le soutien étatique ferme d’une exécution des Principes directeurs et
l’obligation de respecter les codes de conduite doivent être fluides. Néanmoins le regroupement, d’une part de la mise en application des Principes directeurs et, d’autre part, des instruments de soutien, par l’Etat, de son économie à l’étranger, tels que les cautions Hermes ou les
garanties à l’investissement, doit être évité.
5. Rien n’est décidé en ce qui concerne la mise en place des Principes directeurs de
l’OCDE dans les Etats non membres de l’OCDE.
Les entreprises qui implantent certaines de leurs activités à l’étranger doivent tenir compte
des Principes directeurs de l’OCDE révisés. Dès lors qu’elle est efficace et réalisable, la
procédure d’exécution doit aussi être utilisée hors de l’OCDE dans des cas litigieux.
De nombreuses plaintes pourraient en ce domaine être déposées, par exemple en cas de non
respect des normes fondamentales du travail de l’OIT (telles que l’interdiction du travail des
enfants, le droit d’organiser des syndicats). Il est attendu des entreprises des pays de l’OCDE
qu’elles respectent les (normes élevées de l’OCDE, même si le droit des pays d’accueil permet des standards plus bas. L’expérience montrera dans quelle mesure les pays non membres
de l’OCDE seront réceptifs aux Principes directeurs de l’OCDE. Au sein de l’OCDE, les
consultations organisées entre pays en litige seront considérablement facilitées grâce au soutien formel des Etats-membres au contenu et aux procédures d’exécution des Principes directeurs.
6. Le gouvernement fédéral allemand souhaite l’exécution des Principes directeurs
de l’OCDE dans le cadre des entreprises.
Le Ministère de l’économie allemand l’a exprimé clairement dans une note au BDI (Bundesverband der deutschen Industrie, syndicat des industriels ).
Le gouvernement fédéral poursuivra son engagement en faveur de l’exécution des Principes
directeurs. Le Point de contact national (PCN), sis au Ministère de l’industrie, sert de lieu
d’accueil et de médiateur lors de cas litigieux. Le PCN, en fonction des particularités de chaque cas, fera appel à d’autres acteurs, partenaires sociaux ou autres organisations non gouvernementales. Le Ministère de l’économie remettra à l’OCDE le premier rapport demandé sur
ce sujet avant la pause estivale. Avant la remise de ce rapport, d’autres ministères intéressés,
les partenaires sociaux et d’autres organisations non gouvernementales seront consultés. Le
«monitoring» du respect des Principes directeurs de l’OCDE devrait pouvoir se dérouler dans
le cadre prévu par l’OCDE et selon la procédure établie après l’accord des Etats-membres de
l’OCDE.
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Dr. Ronald Köpke, Hochschule für Wirtschaft und Politik, Hambourg
Commentaire des Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales
Dans le cadre de notre projet de recherche à la Hochschule für Wirtschaft und Politik (HWP),
nous analysons avant tout des normes de conduite mis en place par des entreprises multinationales disposant de chaînes complexes de sous-traitants. Il est donc ici à nouveau question des
structures du gouvernement d’entreprise (Corporate Governance), qui ont été abordées auparavant.
Mme Ferenschild a, bien sûr, en principe raison d’affirmer que les codes de conduite doivent
être jugés en fonction de leur contribution à l’amélioration des conditions de travail dans les
entreprises sous-traitantes, par le biais du monitoring et de procédures de vérification. En
restant focalisé sur la chaîne des sous-traitants),notre étude se place relativement hors du projet stratégique des Principes directeurs de l’OCDE, qui se consacrent surtout aux investissements directs en lien avec les firmes multinationales (FMN). De ce fait j’aimerais souligner ce
que les Principes directeurs signifient concrètement pour les investissements indirects, donc
pour les entreprises sous-traitantes, juridiquement indépendantes des FMN. Car ici se trouve,
de notre point de vue, le problème central du débat sur les normes sociales. Les Principes directeurs sont d’ordinaire perçus comme un pas dans la bonne direction. Avant même que le
processus de consultation ne soit achevé, Duncan Mc Laren, de l’ONG Friends of the Earth a
explicitement souligné: “The most positive step in the review so far has been the proposal to
clarify that the Guidelines apply to all multinationals whose head offices are in OECD countries, even when they are operating in a non-OECD member country. This means that some of
the most troublesome activities of multinationals in developing countries will be covered by
the Guidelines”.
La pratique sera cependant bien plus complexe. Il est écrit, dans la Déclaration, sous une apparence explicite: «qu’ils recommandent...aux entreprises multinationales opérant sur le territoire de leur pays ou à partir de celui-ci d’observer les principes directeurs. »(p.13) Mais
dans le point 3 de la Déclaration, il est précisé: «La rapide évolution de la structure des entreprises multinationales se reflète aussi à travers leurs activités dans le monde en développement où l’investissement direct étranger croît rapidement.Les pays concernés se sont lancés dans la fabrication et le montage, également les domaines de transformation, de montage, la mise en valeur du marché intérieur et les services.» (p.19)
Une interprétation stricte de ce passage signifierait que les personnes travaillant dans les industries d’exportation: habillement, textile, vêtement de sport et chaussure, soit plus de 30
millions de travailleurs (rapport de l’OIT, octobre 2000) ne sont pas concernés, de même que
le nombre encore plus important d’ouvriers de l’agriculture d’exportation (Export Agro
Plants). Les entreprises sous-traitantes sont pour la plus part originaires de pays n’appartenant
pas à l’OCDE. Là encore, une clarification est nécessaire.
Page 35, il est écrit au sujet de la procédure de mise en application: «Eu égard à la pertinence
croissante des Principes directeurs dans les pays ne faisant pas partie de l’OCDE, la Décision prévoit des consultations avec les pays qui n’y ont pas souscrit sur les questions couvertes par les principes directeurs». La mise en place de ces consultations est pour nous très
importante et doit être effective rapidement.
Nous considérons comme très difficile l’emploi de normes dans un domaine relevant de la
«soft law», comme le montre l’expérience tirée des clauses de l’OIT, qui touchent à un niveau
international élevé de «soft law».
Indépendamment - et ceci est notre thèse -, la nouvelle version des Principes directeurs de
l’OCDE est une réaction essentielle - mais quelque peu tardive - à un débat international sur
18
les normes sociales, dans un contexte de relations industrielles en pleine mutation. Nous ne
voudrions pas, à ce sujet, abuser du concept de nouvelles «Structures de gouvernance», mais
plutôt faire quelques remarques concrètes quant au degré d’efficacité des Principes directeurs.
Pour ne pas provoquer de malentendus et c’est notre deuxième thèse: les Principes directeurs
sont un niveau intermédiaire essentiel de la «soft law», le niveau médian entre la mise en
place de normes par le secteur privé et la «soft law» internationale, au sein de laquelle se
trouvent les clauses de l’OIT.
Les Principes directeurs correspondent à l’état actuel des normes au niveau des clauses sociales, environnementales et de reporting mais sont, pour leur mise en application, plus faibles
que les normes privées - autrement dit elles n’ont pas encore à leur compte les systèmes
d’intégration de gestion de la qualité, des relations sociale et de l’environnement, développés
par le secteur privé. Par ailleurs, le développement du monitoring pour la concurrence en
matière de «best practices» et la confrontation des FMN avec des réseaux de consommateurs
est une procédure encore floue, comme le montre en particulier le débat allemand.
Les procédures de monitoring sollicitent, selon notre expérience, des contraintes plus importantes et plus complexes, qui seraient plutôt atteintes par des codes de conduites volontaires
que par des principes directeurs multilatéraux.
Lorsque Peter Costello, le ministre des finances australien, déclare: «Les Principes directeurs
expriment les valeurs que partagent les gouvernements des pays qui sont à la source de la
plupart des flux d’investissements directs…» (page 6), il faut se rappeler que par exemple les
USA ne sont même pas signataires des conventions de l’OIT. Les pratiques des sous traitants
industriels, qui sont au centre des débats sur les codes de conduite, montrent que des normes
sociales faibles ne sont pas exclusivement un problème du Sud. L’informalisation du travail
salarié ne fait certes pas partie des valeurs des pays industrialisés, mais en est une de leurs
réalités, si l’on pense au secteur des sweatshops aux USA.
Dans les zones franches (Free Export Processing Zone), par exemple en République dominicaine, les normes sociales sont certainement plus élevées dans ces secteurs qu’aux Etats-Unis.
J’entend par là la rémunération basée sur le «living wage» (salaire de subsistance), le manque
de contrôle par les autorités de surveillance en matière de protection du travail et de la santé,
etc.
Nous supposons qu’une telle informalisation dans ces branches prendra plus d’importance au
sein de l’Europe. Des cas nous sont connus dans la métropole parisienne. Mais je pense également à l’Europe de l’Est et à la Turquie, ou à la situation des immigrés illégaux dans
l’industrie du bâtiment en Europe centrale.
M. Costello écrit plus loin dans sa Déclaration: «Des recommandations relatives à la suppression du travail des enfants ou du travail forcé ont été ajoutées, toutes les normes fondamentales du travail reconnues au niveau international étant désormais couvertes par les Principes directeurs».(p.6).
Il faut affirmer que les normes sociales de l’OCDE - qualifiées de «relations entre les partenaires sociaux» dans les Principes, sont d’un niveau moins élevé que les lois nationales sur
le travail. Celles-ci comprennent par exemple des procédures détaillées de monitoring; cependant les droits fondamentaux du travail ne sont globalement pas respectés.
Quelques aspects des normes vont être mis en contexte dans ce qui suit, afin d’éviter des
conclusions erronées.
A.) Le travail forcé et le travail des enfants ne sont pas importants dans les branches
mentionnées ci-dessus, mais sont toujours présents dans les campagnes de revendications.
19
B.) Il manque, dans les normes fondamentales sur le travail de l’OIT (Core Labour Standards) le concept déjà mentionné de living wage (salaire couvrant les coûts de la vie),
ce qui justifie le très grand nombre d’heures supplémentaires, payées ou non. Par ailleurs la plupart de ces heures ne sont pas obtenues par la force, mais «effectués volontairement».
C.) En lien avec le point précédent: il n’y a pas de référence particulière faite à une discrimination en fonction de l’âge (80 % des employés dans les usines approvisionnant
le marché international sont des femmes entre 16 et 30 ans). Ici se pose un problème
de taille, ainsi que l’a montré avec justesse Madame Skarpelis-Sperk lors d’une
séance de la commission d’enquête, si ma mémoire est bonne. Les femmes sont mobilisées physiquement pendant ces longues années pour la production de biens
d’exportations, puis sont mises à l’écart sans aucune protection sociale. Le problème
est là : le quotidien peu spectaculaire du Shop Floor.
D.) Les normes fondamentales du travail ne font pas, en général de différence entre les
sexes, elles se concentrent uniquement sur les Shop Floor et ne s’impliquent pas dans
les conditions de vie provoquées par une économie tournée de force vers
l’exportation. Elles sont là en opposition aux Principes directeurs, qui mettent en
avant le rôle «important des FMN dans les politiques de développement».
E.) Des conséquences à longue portée s’en ressentent pour le déroulement d’un monitoring.
Des questions spécifiques se posent au niveau du monitoring – et la question des genres est prise en compte - selon les Principes directeurs: Il est écrit dans les règles de
procédure (page 36): En règle générale, des discussions devront être entamées à
l’échelle nationale avant que des contacts ne soient établies avec d’autres Points de
contact nationaux.
Lorsque des sanctions ne sont pas prévues, la politique d’information a un rôle crucial. Elle
suppose un degré élevé de transparence et l’on peut s’interroger: comment peut - elle être instituée? Sur ce point, nous citerons quatre passages du document:
«Les Points de contacts nationaux se réuniront chaque année pour partager leurs expériences
et faire un rapport au Comité de l’investissement international et des entreprises multinationales…» (p.36).
«Ce comité invitera périodiquement le Comité consultatif économique et industriel de
l’OCDE (BIAC) et la Commission syndicale consultative (TUAC) – les «organes consultatifs» - ainsi que d’autres organisations non gouvernementales à faire connaître leurs vues sur
les questions couverts par les Principes directeurs.» (p.36).
«Si elle le désire, une entreprise aura la possibilité d’exprimer ses vues, soit par oral, soit par
écrit sur les questions se rapportant aux Principes directeurs et qui touchent à ses intérêts. Le
Comité ne tirera pas de conclusion sur le comportement d’entreprise déterminées.» (p36-37).
«…Le Comité fera périodiquement rapport au Conseil sur les questions couverte par les Principes directeurs. Le Comité tiendra compte des rapports des Points de contact nationaux, des
vues exprimées par les organes consultatifs ainsi que des vues d’autres organisations non
gouvernementales et des pays n’ayant pas souscrits aux principes.» (p.37).
Concrètement: A qui peuvent s’adresser les Points de contact nationaux, et comment?
Comment peuvent y accéder d’autres acteurs (les ONG)?
Les annonces et les rapports seront-ils publiés?
Si j’apportais aujourd’hui la preuve que nos partenaires du Sud ne font aucun effort, que Bayer AG ou Adidas-Salomon AG ont des agissements en opposition avec les principes de
l’OCDE, que se passerait-il?
20
Avec des procédures contraignantes, telle que la clause sociale du système de préférence
douanier des Etats-Unis (USGSP), nous avons fait l’expérience à double tranchant d’une
procédure s’étalant sur de nombreuses années, mais dont l’effet n’a consisté qu’en une
révélation publique. Les syndicalistes licenciés ne peuvent attendre pendant le délai écoulé.
Mais attirer l’attention du public est au moins un signal éthique qui peut partiellement conduire à des améliorations. Pouvons-nous donc ici et maintenant, lancer une pétition, disons, en
collaboration avec GERMANWATCH?
Dans ce contexte j’aimerais encore faire une remarque sur l’intérêt du consommateur, à qui
est accordé une signification notable dans les Principes directeurs. La publication
d’informations sur les sous-traitants par les entreprises commerciales pourrait relever du domaine de l’intérêt du consommateur. Ce débat est absent en Europe, et il n’a pas lieu non plus
au sein de la Clean Clothes Campaign.
21
Dr. Dieter Menke, Directeur du bureau de l’OCDE à Berlin
Conclusion
Conjointement avec le Dr.Baumann, de GERMANWATCH, le bureau de l’OCDE de Berlin a
organisé ce débat sur les «Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales - Chances et Limites». Nous proposons ensemble un forum qui abordera ce thème
en lien avec les sphères politiques, économiques et la société civile.
Le podium , sous la direction du Pr. Dr. Ingomar Hauchler (qui a été porte parole de son parti
pour les questions de politique économique internationale au Bundestag jusqu’aux dernières
élections législatives), est très compétent, se composant de membres d’une ONG active, ainsi que de représentants du secteur scientifique, du gouvernement fédéral et de l’OCDE.
La forte participation à cette discussion – plus de 70 personnes - et les précieuses contributions de députés (parmi lesquels MM. von Weizsäcker, Schuster, Skarpelis-Sperk, Jens et
Schmidt), de la porte-parole du DGB (Deutsche Gewerkschaftsbund, Confédération syndicale
allemande), du Ministère du travail (le député Dr. Ohndorf), portant sur les principes et les
droits fondamentaux du travail, défendus par l’OIT, et les exposés d’ONG engagées, prouvent
avec force que les Principes directeurs de l’OCDE, ajoutent un élément important aux règles
du jeu mondiales. Cet exemple par excellence de soft law montrera sa capacité d’action. La
mise en place, la configuration et la force de la procédure d’exécution, la configuration et
l’activité des Points de contact nationaux, mais aussi du CIME - le Comité de l’OCDE de
l’investissement international et des entreprises multinationales - prouveront, que les résultats
de cette tâche typique de l’OCDE peuvent avoir une importance significative.
D’autres réunions sur la diffusion des Principes directeurs sont souhaitables et seront organisées dans les prochains mois par le bureau de l’OCDE de Berlin, si possible avec des partenaires tels que le DIHT (Deutscher Industrie- und Handelstag, La Chambre de commerce et
d’industrie allemande) ou le BDI. Je remercie la délégation du Land de Hambourg pour son
accueil cordial, en particulier Mme Hering pour son éloge des Principes directeurs, leur acceptation et leur diffusion, qui sont comme elle le dit «également pour Hambourg en tant que
pôle de commerce international et siège d’entreprises actives dans le monde entier d’une
grande importance».
22
Harald Fiedler, GERMANWATCH
Un moyen d’agir pour les organisations non gouvernementales
Les «nouveaux» Principes directeurs de l’OCDE à l’attention des entreprises multinationales - une proposition faite aux organisations non gouvernementales
Avec la nouvelle version des «Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises
multinationales», rédigé en 2000, les Etats-membres de l’OCDE ont établi un catalogue varié
de revendications en matière sociale et écologique, que les entreprises multinationales et leurs
filiales devraient mettre en application, non seulement dans les pays de l’OCDE mais aussi
dans les pays émergents et en développement du Sud. Ces Principes directeurs, qui sont de
par leur nature non juridiquement opposables, doivent contribuer, sur des questions sociales et
environnementales complexes, à l’encadrement de la mondialisation.
Les Principes directeurs ne s’adressent pas seulement aux entreprises multinationales, mais
aussi aux gouvernements des Etats-membres. Afin de favoriser l’exécution des Principes directeurs, les Etats mettront en place des Points de contact nationaux (PCN). Le PCN allemand
est le Ministère de l’économie, de l’industrie et de la technologie. Outre les missions
d’encourager la diffusion des principes directeurs et de réaliser chaque année un échange
d’expériences avec l’OCDE et les autres PCN, il est pour nous de première importance que:
si une filiale d’entreprise d’un pays de l’OCDE porte atteinte de manière évidente aux Principes directeurs de l’OCDE, chacun(e) puisse demander la médiation du PCN4. Le PCN examine la demande. S’il la juge fondée, il convoque les parties concernées à une Table ronde: le
refus d’une demande doit être justifié. Les organisations non gouvernementales sont appelées
à s’impliquer dans la procédure.
Pour les Principes directeurs de l’OCDE
Les Principes directeurs de l’OCDE ont, par rapport aux divers codes de conduite existants,
mérité qu’on leur donne une chance. Le fait que les Etats-Unis les ait signés ne doit pas être
sous - estimé. Car, de ce fait, les Principes directeurs gagnent en pertinence pour la plupart
des grands ensembles économiques mondiaux. Alors que, à l’échelle internationale, il
n’existe pas de système juridique contraignant, les entreprises multinationales trouveront dans
la souscription volontaire aux principes de l’OCDE un paravent éthique, et les consommateurs , un instrument de pression et en faveur de la transparence.
Contre les Principes directeurs de l’OCDE
Malgré leur caractère général , les Principes de l’OCDE négligent quelques aspects. Ils sont
par exemple aveugles aux différences de sexe et n’ouvrent pas de perspective spécifique aux
personnes âgées. En raison de leur caractère juridiquement non contraignant, il est souvent
avancé qu’ils nuisent aux mesures plus concrètes et plus «dures» des Nations- Unies. Le rôle
des Etats-Unis n’est pas à négliger quant à l’échec de ces efforts. Ainsi, les conventions de
l’OIT (Organisation Internationale du Travail) ne trouvent leur expression que dans les commentaires des Principes directeurs. Le manque de monitoring est une autre caractéristique
commune aux lignes directrices et aux codes de conduite. De là, les points de vues des ONG
sont partagés quant au sens et aux fins des Principes directeurs.
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Si l’infraction se produit sur le territoire d’un Etat signataire, c’est le PCN du pays qui est l’interlocuteur responsable. Dans les Etats non-signataires, c’est l’Etat d’origine de l’entreprise-mère qui la prend en compte. Outre les pays de l’OCDE, l’Argentine, le Brésil et le Chili ont souscrits aux Principes directeurs.
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L’indétermination des Principes directeurs leur est-elle favorable ou non?
Les formules très générales ont l’avantage notoire d’être d’un usage universel. Cependant, le
danger d’édulcoration est grand. Ainsi, les Principes directeurs peuvent être vus soit comme
un catalogue sévère, soit comme des recommandations de longue haleine. Leur réalité constitutionnelle dépend entièrement de leur interprétation5.
Qui a donc l’autorité d’interpréter ce catalogue de 13 pages portant sur des questions environnementales, sociales, de corruption, d’intérêt du consommateur, de publication d’informations
et de concurrence, ainsi que sur des thèmes scientifiques ou portant sur l’imposition?
Officiellement, l’explicitation des Principes directeurs incombe au Comité de l’investissement
international et des entreprises multinationales (CIME) de l’OCDE. En réalité, les Points de
contacts nationaux auront la marge de manœuvre effective. Le CIME ne fournira qu’après
coup un rapport annuel. L’action des ONG en tant que correctif des PCN n’en sera pas moins
indispensable.
Par exemple:
• Seuls les Stakeholder, soit les personnes directement impliquées dans l’entreprise, seront
invités. Quelle est ici la place faite aux ONG? Sont-elles autorisées à participer aux Tables
rondes en tant qu’observateurs issus de la société civile? Doivent-elles se contenter
d’émettre des critiques depuis l’extérieur? Peuvent-elles accompagner ou défendre les
Stakeholder? Qui sera autorisé par les PCN à prendre la parole lors des débats?
• S’il faut «contribuer à l’abolition immédiate du travail des enfants», pour citer les Principes directeurs, comment cela doit-il être compris? Le travail des enfants va-t-il être purement interdit? Ou bien s’agit-il d’un objectif de moyen terme, seuls les excès les plus graves devant d’abord être interdits? Quel sera l’action des PCN face à de tels abus?
Ces exemples montrent que même si le CIME a l’autorité d’interpréter les principes directeurs, l’action des PCN contribue à l’établissement de leur «réalité constitutionnelle» et en
porte la responsabilité. Le BIAC et le TUAC, en tant que comités consultatifs du CIME peuvent permettre d’influencer cette instance.
Que faire?
Nous nous engageons pour la création de Kodex-Watch. Kodex-Watch doit faire une observation critique des rapports du PCN et du CIME. Par le biais de lobbying auprès du BIAC et
du TUAC, le CIME doit être appelé à produire des interprétations progressistes. Une présence
affirmée sur Internet doit permettre de recenser les procédures de plaintes faites au PCN.
Cette «structure parallèle» contribuera à influencer et encadrer le PCN.
D’autre part, Kodex-Watch devra remplir les tâches de la «stratégie du lien - papillon». Tous
les Stakeholder n’ont pas les moyens de faire connaître leurs problèmes. Ni un habitant du
Bangladesh travaillant dans le secteur du textile, ni une ONG bénévole du Nigeria ne disposent des ressources et du savoir-faire afin de participer à une Table ronde du Ministère de
l’Economie, de l’Industrie et de la Technologie.
Kodex-Watch propose activement aux ONG du Sud la médiation d’ONG du Nord pour les
Stakeholder plaignants, ces ONG représentant ensuite les Stakeholder concernés dans leur
collaboration avec Kodex-Watch. Kodex-Watch doit traiter, sur le fond et la forme, les de5
Le ministre de l’économie Müller a confirmé, dans le contexte de l’adoption de la nouvelle version des principes directeurs, que son Ministère portera attention avec justesse à leur réalisation et traitera de cas litigieux en
fonction de la situation et dans une orientation pratique ( Source: der Arbeitgeber, 53eme année, N.3, p:15).
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mandes / plaintes de telle sorte qu’elles soient prises en compte par le PCN allemand. Dans
cette optique, Kodex-Watch diffuse les Principes directeurs de l’OCDE et le modèle du lienpapillon parmi les ONG du Sud et transmet des informations sur les montages financiers des
entreprises multinationales
Elaboration de Kodex- Watch
Kodex-Watch doit se composer de deux secteurs: d’une part, d’un «Secrétariat central de
contact» et d’autre part de la «Table ronde Corporate Responsability».
Le «Secrétariat central de contact» doit favoriser les liens entre les ONG du Nord et du Sud.
Dans ce but, il mettra à disposition, par sa présence sur Internet, des informations et des liens
importants au sujet des Principes directeurs et de Kodex-Watch, fera connaître ses activités
parmi les ONG du Sud, reliera les ONG du Sud ayant des demandes spécifiques aux ONG du
Nord appropriées et contribuera à ce que les demandes/plaintes des ONG du Sud soient, sur le
fond6 et la forme, traitées afin d’être prises en compte par le PCN allemand (stratégie du lienpapillon). Le secrétariat observera comment les demandes sont, soit refusées, avec justification,, soit analysées, et comment d’autrespartenaires à la Table ronde se comportent ; il en fera
rapport dans sa banque de données ou émettra des critiques. Par cette reprise partielle des travaux du PCN sera élaborée une structure devant permettre la transparence et l’encadrement du
PCN. De plus, le Secrétariat entretiendra des contacts avec la Table ronde «Corporate Responsability». Dans cette optique, il élaborera des exemples de propositions de demandes et
de pétitions adressées au PCN, au BIAC, au TUAC et au CIME, auxquelles d’autres ONG
pourront se joindre. Un point de vue plus général ne devra pas être oublié, afin de prendre en
compte et de critiquer les Principes directeurs de l’OCDE dans l’optique de développements
plus importants (tels que les conventions de l’OIT, Global Compact ou des critères selon lesquels la société civile ne serait plus prête à soutenir les Principes directeurs, etc.).
La Table ronde «Corporate Responsability» sera constituée de plusieurs ONG intéressées par
les travaux de Kodex-Watch. Il n’y aura pas d’appartenance formelle, l’engagement d’une
ONG étant le critère de son appartenance à ce cercle. Il appartiendra à cette Table ronde de
constituer le Secrétariat central de contact. Puis elle permettra l’accès public aux réunions et
aux réseaux de syndicats consacrés à ce thème et aidera à la diffusion des travaux de KodexWatch. Les diverses positions devront être explicitées par des échanges réguliers. Le but est
d’arriver à un soutien effectif du secrétariat central de contact.
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Les questions des réseaux entre les entreprises sont aussi prises en compte.
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