Les guides de pratique clinique : des outils d`aide à la décision

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Les guides de pratique clinique : des outils d`aide à la décision
l’accès au savoir en santé mentale populationnelle
Volume 2, Numéro 7, septembre 2010
Les guides de pratique clinique : des outils d’aide à la décision
destinés aux cliniciens et aux patients
Pasquale Roberge, Ph.D., Hélène Brouillet, M.Ps., et Louise Fournier, Ph.D.
Centre de recherche du CHUM
L’utilisation des
GPC permet aux
cliniciens d’accéder
rapidement à une
synthèse des
données probantes
pour un problème
de santé en
particulier.
Dans le but d’offrir les meilleurs soins de santé possible, les guides de pratique clinique (GPC)
peuvent jouer un rôle important dans le soutien à la prise de décision des cliniciens et patients. La
définition généralement établie d’un GPC est celle de l’Institute of Medicine1 : « Les guides de
pratique sont des énoncés développés de manière systématique pour aider à la prise de décision des
professionnels et des patients quant aux soins de santé appropriés dans des circonstances cliniques
précises » (traduction libre). L’utilisation des GPC permet aux cliniciens d’accéder rapidement à une
synthèse des données probantes pour un problème de santé en particulier, une tâche de plus en plus
difficile à réaliser seul vu le nombre croissant de publications scientifiques. La définition de GPC
exprime bien le fait que les guides de pratique ne visent pas à supplanter le jugement clinique, mais
plutôt à offrir des recommandations éprouvées qui, jumelées à l’expertise clinique, permettront une
prise de décision éclairée tant chez les cliniciens que chez les patients. La littérature scientifique
démontre clairement que l’utilisation des GPC permet d’améliorer à la fois les processus de soins et
l’état de santé des patients, bien que ces effets soient généralement modestes2. Les GPC s’insèrent
dans un ensemble de stratégies et d’interventions professionnelles, organisationnelles, législatives
et financières qui permettent d’innover en matière d’organisation et de prestation des soins.
Comment les GPC peuvent-ils contribuer à améliorer
la qualité des soins, et quelles en sont leurs limites?
L’utilisation des GPC permet d’améliorer la qualité des soins de différentes manières3. Ils permettent
notamment :
1) de soutenir la prise de décision des cliniciens et des patients quant aux soins optimaux;
2) d’offrir un résumé des résultats de recherche à jour ;
3) de présenter des recommandations cliniques éprouvées pour la formation continue et l’enseignement;
4) de faciliter la collaboration interdisciplinaire (lorsqu’ils intègrent des champs d’expertise multiples pour
un même problème de santé);
5) de contribuer à des modèles de prestation de soins efficients selon les ressources disponibles.
L’utilisation des GPC présente également des limites inhérentes3. Notamment;
1) il ne s’agit pas de « livres de recettes », c’est-à-dire que la prise de décision doit tenir compte du profil
clinique particulier et des préférences des patients.;
2) ils peuvent créer des attentes irréalistes tant chez les cliniciens que chez les patients;
3) ils suscitent parfois de la résistance de la part des professionnels
(p. ex. : menace à l’autonomie professionnelle);
4) ils peuvent parfois être utilisés à des fins de contrôle par les autorités gouvernementales ou à des fins
politiques par des associations professionnelles.
vivre en bonne santé mentale
Comment choisir un guide de pratique clinique?
Les GPC sont des
outils de transfert
de connaissances
qui soutiennent
une prise de
décision fondée
sur des données
probantes.
Les GPC se multiplient à un rythme rapide. Ceux-ci proviennent de sources diverses, telles que les associations médicales
et professionnelles, les agences gouvernementales, les organisations de santé et les sociétés privées. De manière
générale, le développement de GPC à l’échelle nationale permet d’atteindre une plus grande qualité méthodologique
qu’à l’échelle locale, où les ressources et l’expertise nécessaires ne sont souvent pas suffisantes pour arriver au même
résultat3. Toutefois, la production de GPC à une échelle locale présente l’avantage de faire participer des utilisateurs
(p. ex. : cliniciens et patients) dès la phase de conception du guide et ainsi, de mieux adapter le contenu au contexte
clinique local. Soulignons qu’une nouvelle approche émerge dans le champ des GPC depuis quelques années. La
collaboration ADAPTE vise à éviter la duplication des efforts de développement de GPC et propose plutôt une approche
structurée d’adaptation des GPC de grande qualité à la culture et à l’organisation locale des services4.
Pour être en mesure de sélectionner un GPC adapté à vos besoins et dont le contenu est de grande qualité, il peut être
intéressant de connaître les étapes principales de la conception ou de l’adaptation d’un GPC4,5. Tout d’abord, une
équipe multidisciplinaire est formée, elle se doit de bien représenter l’ensemble des parties prenantes (experts cliniques,
experts de contenu, méthodologues, associations professionnelles, représentants des patients, etc.). La première tâche
de cette équipe consiste à définir précisément la question clinique d’intérêt : population visée, interventions à considérer,
professionnels ciblés, résultats de soins visés et horizon/contexte de soins5. Le comité doit ensuite réaliser une revue
systématique de la littérature et formuler des recommandations cliniques appropriées. Le niveau de preuve associé à
chacune des recommandations devrait être pris en considération, puisque l’on peut retrouver dans un même guide des
recommandations cliniques soutenues par la recherche clinique, et d’autres, par l’opinion d’experts. Préalablement à la
publication du GPC, un processus de consultation externe est habituellement mis en place afin d’en valider le contenu
et de susciter l’adhésion des utilisateurs potentiels et des parties prenantes. Notons que l’instrument Appraisal of
guidelines research and evaluation (AGREE6) peut se révéler utile dans l’évaluation de la qualité méthodologique des
GPC, tant sur le plan de la validité interne et externe des recommandations que celui de la réalisation pratique.
En conclusion
Les GPC sont des outils de transfert de connaissances qui soutiennent une prise de décision fondée sur des données
probantes. Il est essentiel de s’assurer à la fois de la pertinence de la question clinique d’intérêt et de la qualité
méthodologique d’un GPC avant de l’adopter. La diffusion et l’implantation des GPC doivent s’inscrire dans une vision
élargie d’amélioration de la qualité des soins, car leur diffusion ne suffit pas à s’assurer de leur utilisation réelle dans la
pratique clinique.
Bibliographie
1. Field, M.J. & Lohr, K.N. (1992). Institute of Medicine. Guidelines for clinical practice. From development to use. Institute of Medicine, Washington,
DC: National Academy Press.
2. Grimshaw, J.M., Thomas, R.E., MacLennan, G., Fraser, C., Ramsay C., Vale L et al. (2004). Effectiveness and efficiency of guideline dissemination
and implementation strategies. Health Technol Assess, 8(6), iii-iv, 1-72.
3. Burgers, J., Grol, R., & Eccles, M. (2005). Clinical guidelines as a tool for implementing change in patient care. Dans Grol, R, Wensing, M., & Eccles,
M., Improving Patient Care. The implementation of change in clinical practice (71-92). Oxford : Elsevier.
4. Fervers, B., Burgers, J., Haugh, M.C., Latreille, J., Mlika-Cabanne, N., Paquet, L., & al. (2006). Adaptation of clinical guidelines: literature review and
proposition for a framework and procedure. International Journal for Quality in Health Care, 18, 3, 167-176. (http://www.adapte.org)
5. Brouwers, M., Stacey, D., & O’Conner, A. (2009). Knowledge creation : synthesis, tools and products.
Canadian Medical Association Journal, 182(2), E68-E72.
6. The AGREE Collaboration (2001). Appraisal of guidelines research and evaluation (AGREE) Instrument. (http://www.agreecollaboration.org)