L S1 introdhist 12-Charlemagne et les carolingiens 13p

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L S1 introdhist 12-Charlemagne et les carolingiens 13p
CHARLEMAGNE ET LES CAROLINGIENS
768 25 septembre Mort de Pépin le Bref Le premier roi de la dynastie des Carolingiens Pépin le Bref, dit "le
petit", est inhumé à Saint-Denis. Fils de Charles Martel et époux de Berthe au grands pieds, il lègue son
royaume à ses fils: Carloman et Charlemagne. Les deux frères se déchirent pour le partage des terres.
Charlemagne hérite d'un royaume (l'Austrasie, la Neustrie et l'Aquitaine maritime) qui enserre les terres de
son frère cadet (l'Alémanie, l'Alsace, la Bourgogne, la Septimanie et une autre partie de l'Aquitaine). Quand
Carloman meurt soudainement le 4 décembre 771, Charlemagne s'empare des terres de son aîné et
dépossède ses neveux. Il devient Empereur d'occident.
771 4 décembre Charlemagne prend le pouvoir Le roi de France Carloman meurt à Samoussy. Son frère
Charles Ier, profite de sa disparition pour s'accaparer des terres destinées à ses fils. Il devient dès lors le seul
roi des Francs grâce à la bénédiction que lui confère l'archevêque Wilcharius de Sens. Il sera couronné
"empereur des Romains " par Léon III dans la basilique Saint-Pierre de Rome le 25 décembre de l'an 800 et
prendra le nom de Charlemagne.
774 Charlemagne confirme les États pontificaux Charlemagne, le fils de Pépin le Bref, réaffirme l’autorité
temporelle du pape sur les États pontificaux obtenus en 756. Par la suite, les États pontificaux vont s’étendre
progressivement, au rythme des donations et des conquêtes.
778 15 août Mort de Roland au col de Roncevaux. Roland, allié de Charlemagne, meurt lors d'une attaque
surprise des Vascons (Basques), dans le col de Roncevaux (Pyrénées). Il revenait avec son armée d'Espagne
où il avait vaincu les Arabes. Ses hauts faits sont contés dans la "La chanson de Roland", qui fera de lui un
modèle de vaillance.
781 Alcuin se charge de l’école de Charlemagne Dans un désir de promulguer un enseignement aux hommes
de son administration, Charlemagne fonde l’école du palais. Il en confie la direction à Alcuin, grand érudit
britannique. De petites écoles épiscopales se créeront par la suite. C’est alors une véritable renaissance
culturelle qui débute au sein de l’empire carolingien.
799 Charlemagne annexe la Dalmatie Située en frontière de l’Empire d’Orient et du futur nouvel Empire
d’Occident, la Croatie a su vaincre les Avars, puissance nomade venue d’Asie. Mais après les avoir
repoussé, laissant le soin à Charlemagne de les soumettre, les Croates doivent faire face à un conflit
d’influence entre Carolingiens et Byzantins. Les terres croates seront ainsi partagées. La Dalmatie, partie la
plus étendue, se retrouve sous la domination des Francs dans le nouvel Empire d’Occident.
800 25 décembre Sacre de Charlemagne Le pape Léon III sacre Charlemagne "Empereur des Romains" dans
la basilique Saint-Pierre de Rome selon le rite byzantin. A 53 ans le roi des Francs et des Lombards devient
empereur d'Occident sur un empire qui s'étend de la mer du nord à l'Italie et de l'Atlantique aux Carpates.
814 28 janvier Mort de Charlemagne L'Empereur d'Occident Charlemagne meurt à l'âge de 72 ans à Aix-laChapelle. Son fils Louis le Pieux lui succède avec le titre impérial.
I. CHARLEMAGNE Information 1
Avec la bénédiction du pape, les maires du palais ont usurpé le trône aux derniers Mérovingiens, « les
rois fainéants ». Pépin le Bref devenu roi des Francs en 751, parvient à restaurer l'unité du royaume. Avec la
reine Bertrade « Berthe au grand pied », la fille du comte de Laon, un puissant seigneur de l'époque, Pépin a
deux fils : Charles et Carloman. Très vite l'aîné Charles s'impose et annonce son style, il se fera appelé « le
Grand », et deviendra l'un des plus grand souverain de France qui marqua toute la période du Haut Moyen Âge.
De grandes conquêtes
La lutte des deux frères
A la mort du roi franc en 768, les premières difficultés apparaissent, les deux frères, Carloman et Charles ne
s'entendent guère, le partage était dès lors prometteur de discorde. Selon les vœux de Pépin :
Charlemagne et les Carolingiens
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- Charles obtenait l'Austrasie et le Nord de la Neustrie, il se fit sacrer roi à Noyon.
- Carloman obtenait le Sud de la Neustrie, la Bourgogne et la Provence, il siégeait à Soissons.
En 769, l'Aquitaine se révolte, Charles demande l'aide de son frère, qui lui refuse. Charles prend alors la
poursuite du duc d'Aquitaine et parvient à rétablir l'ordre en menaçant les Gascons (Basques) qui lui livre
finalement le duc rebelle. Mais en 770, c'est la Lombardie qui apparaît plus menaçante, la veuve de Pépin,
Bertrade organise un mariage entre Charles et Désirée la fille du roi des Lombards. Mais les deux frères ne
s'entendent toujours pas, et c'est finalement la mort de Carloman en 771 qui va tout changer. Charles destitue
l'héritage de ses neveux qui s'enfuient avec Gerberge, la femme de Carloman vers la cour lombarde ( Gerberge
est la fille du roi lombard). Charles est désormais roi unique des Francs.
La conquête de la Lombardie
Les relations entre Didier, le roi des Lombards et le
jeune roi franc se dégradèrent très vite, Charles avait
répudié Désirée qui était très laide. Le pape Adrien Ier se
réjouissait de cette opportunité, comme l'avait fait son
prédécesseur, il demanda de l'aide auprès du roi franc.
Charles avait un grand intérêt à soumettre les Lombards,
menace constante, d'autant que leur roi Didier voulait
réhabiliter les fils de Carloman, réfugiés à sa cour, sur le
royaume franc. Charles traversa alors les alpes avec son
armée, défit les Lombards qui se réfugièrent dans la ville de
Pavie, capitale du royaume. En 774, la ville tombe et
Charles prit le titre de « roi des Francs et des Lombards », il
fit alors son entrée triomphale dans la capitale coiffé de la
célèbre couronne de fer, dont le fermoir, selon la légende, a
été forgé avec un clou de la Vraie Croix du Christ.
Les Saxons, irréductible adversaire
Tout au long de son règne, les difficultés les plus
conséquentes auxquelles Charles devra faire face sont liés
aux Saxons, un peuple païen aussi irréductible face à l'épée
qu'à l'appel de l'Évangile, qui vivait sur les territoires
devenus aujourd'hui les Flandres et la Lorraine en plus de
leur terre d'origine la Saxe, l'actuelle Allemagne. Il fallut à Charlemagne (du latin Carolus Magnus, Charles le
Grand) près d'un quart de siècle pour les soumettre totalement. Les Saxons qui avaient promis des concessions
profitèrent de la campagne de Lombardie pour se révolter de nouveau. Les Saxons sont de nouveau battus et
promettent leur conversion au christianisme, Charlemagne rentre avec son lot d'otages saxons. Mais les révoltes
n'en continuèrent pas moins.
Contre les Maures
Depuis près d'un siècle, la chrétienté se voyait menacé par les Maures qui occupaient encore toute l'Espagne.
Pour le pape, comme tous les chrétiens, il revenait à Charlemagne de se défendre contre ce danger permanent.
Charlemagne n'avait pas l'intention de conquérir l'Espagne, il avait conscience du décalage économique et
culturel des deux mondes, de plus il admirait la civilisation islamique, très avancée sur le commerce, l'artisanat,
les sciences et les arts. Toujours est-il que Charlemagne envahit la Catalogne et pris la ville de Pampelune. Puis
le gros de l'armée se replia pour rejoindre la Germanie, car les Saxons s'étaient de nouveau rebellés. L'arrièregarde qui protégeait le repli s'engagea alors dans les vallées pyrénéennes. Elle était commandée par Roland,
comte de Bretagne, un valeureux guerrier très aimé de Charlemagne. Le 15 août 778, comme elle se trouvait
dans l'étroit passage du col de Roncevaux, les Gascons (Basques) dévalèrent du haut des montagnes et
massacrèrent la troupe franque. « Ce cruel revers, nous dit un chroniqueur du temps effaça presque entièrement
dans le cœur du roi la joie des succès qu'il avait eus en Espagne. » Cet événement devint le fait d'armes le plus
connu du règne grâce à un grand poème écrit vers la fin du Xe siècle, la Chanson de Roland. Charlemagne se
contenta dès lors d'occuper des places fortes en Catalogne.
Des difficultés en Germanie
Les intraitables saxons se sont de nouveau soulevés, ils ont ravagé le territoire franc jusqu'à la Moselle.
Charlemagne organise donc une sévère répression. Mais les révoltes n'en continuèrent pas moins. En 782, un
chef saxon, Widukind, réussit à décimer une armée saxonne ralliée aux Francs et à se réfugier ensuite en
territoire danois. Charlemagne avait la ferme intention d'annexer la Saxe à sa couronne, mais pour se faire il
devait faire plier les Saxons. Chose qui devient moins aisée à mesure que les païens appliquaient les tactiques
Charlemagne et les Carolingiens
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militaires chrétiennes. Par représailles, Charles décida de se livrer à un épouvantable massacre, près de Verdun,
ce sont 4 500 Saxons qui furent exécutés, femmes et enfants ne furent épargnés.
La Chanson de Roland
Ganelon le beau-père de Roland, désireux de se
venger de celui-ci ainsi que des onze pairs qui lui vouent un
véritable culte, s'entretient avec Marsile, un roi sarrasin, et lui
donne toute les informations qui permettront d'exterminer
l'arrière-garde de Charlemagne. Roland est nommé à la tête
de cette arrière-garde, avec ses onze pairs dont Olivier, comte
de Genève et meilleur ami de Roland. Charlemagne a dès
lors un sombre pressentiment. Marsile a réuni 400 000
hommes, qui se rue sur les 20 000 Francs, enclavés dans le
col de Roncevaux. Par fierté, Roland refuse alors de sonner
l'olifant (cor) pour rappeler Charlemagne. La première vague
de Sarrasins (100 000 hommes) est contrée et exterminés.
Mais au bout du cinquième assaut, les Francs ne sont plus
que 60. Roland se décide alors à sonner de l'olifant,
Charlemagne l'entend mais Ganelon lui dissuade d'en prendre
compte. La bataille continue, Roland tranche la main de
Marsile qui s'enfuit. Olivier mortellement blessé meurt dans
les bras de Roland. Roland reste seul avec son ami Turpin qui
sont soudain assaillis par 400 sarrasins qui les criblent de
flèches avant de s'enfuir. Mourant Roland tente en vain de
briser son épée, la vaillante Durandal, qui brise un roc.
Roland se couche alors le visage tourné vers l'Espagne et s'en
remet à Dieu. Charlemagne très affecté condamne le traître
Ganelon, symbole de la félonie. La fiancée de Roland, Aude, meurt de chagrin. Le poème fait une grande part au
merveilleux chrétien et à l'amour des preux chevaliers pour la « douce France ».
Les conquêtes en Europe centrale
Le soulèvement des Saxons encouragea par ailleurs le duc de Bavière, Tassilon III qui, en 779,
refusa de reconnaître la souveraineté franque et fut sur le point de semer le trouble dans toute la partie Sud de
la Germanie occupée par les Francs. Mais abandonné par ses sujets, Tassilon est finalement battu et
emprisonné. La Bavière est ainsi intégrée au royaume en 788. Charlemagne confisqua les biens immenses de
Tassilon, qui était considéré comme « l'homme le plus riche de l'Empire », plus que Charlemagne lui-même
qui de surcroît, n'a jamais eu de fortune personnelle et fut un des premiers rois de l'époque médiévale à
distinguer le Trésor Royal et ses biens propres.
Puis, après la Bavière, Charles affronta les Avars, une peuplade belliqueuse d'origine mongole,
comme les Huns, qui était établie en Pannonie (actuelle Hongrie). La guerre contre les Avars fut sans pitié.
Charlemagne répondit à la férocité de l'ennemi par une férocité égale. L'affrontement se termina par la prise
du camp royal avar par Pépin, le fils de Charlemagne. Leurs terres furent placées sous le contrôle des Francs,
puis christianisés. Un traitement analogue fut réservé aux Slaves de Bohème. A la suite de ces conquêtes, les
territoires de Germanie, de Hongrie, de Bohème et d'une partie de la Yougoslavie furent arrachés à l'emprise
barbare.
Empereur
Le sacre de Charlemagne
Les relations entre Charlemagne et le pape Adrien Ier n'était pas si exemplaire, la Toscane et toute
l'Italie du Sud était promise au pape, mais le souverain franc préférait imposer sa propre domination sur l'Italie.
L'indépendance des États du pape était de plus en plus fictive. Malgré tout, Charles est soucieux de sa
construction politique, et il sait que le facteur religieux est essentiel. Aussi, lorsque le nouveau pape Léon III est
emprisonné en 799 et roué de coups part des nobles qui l'accusent d'immoralité, Charlemagne intervient et assure
le retour du pape à Rome sous bonne escorte. En remerciement de service rendu, notamment contre les
Lombards, Charlemagne prend le titre inédit d'« Empereur des Romains ». La cérémonie se déroule à la
basilique Saint-Pierre de Rome le 25 décembre 800. Il se présente de façon symbolique en continuateur lointain
de l'empire romain d'Occident. C'est ainsi qu'il arbore comme emblème l'aigle monosépale.
La conquête de la Germanie
Charlemagne et les Carolingiens
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La tâche la plus ardue pour Charlemagne était de soumettre définitivement les Saxons afin de rattacher
la Germanie à l'Empire, et de la pacifier. En 785, le chef barbare, Widukind, tombe malade, il fut alors obliger de
céder son commandement. Dès lors les campagnes saxonnes ne furent plus aussi dures ni aussi laborieuses pour
les Francs qui finirent par gagner en 799. Mais guérillas, répressions et déportations en masse reprirent et ne
s'achevèrent qu'en 804. cette année-là, Charlemagne eut recours aux grands moyens, en décidant que « tout
Saxon non baptisé et qui refusera de l'être serait puni de la peine de mort ». De plus, il déporta toute la
population saxonne résidant entre les deux fleuves de l'Elbe et de la Weser. A mesure qu'elle était pacifiée, la
Germanie fut divisée en marches (zones de défense) dirigées par des chefs francs.
L'organisation de l'Empire
L'Empire carolingien
Au début du IXe siècle, l'État franc représentait déjà un vaste Empire et ses frontières étaient fortement
consolidées. Après le couronnement de Charlemagne, le centre de gravité de l'Empire se déplaça vers l'Est, c'està-dire au détriment de la France et au bénéfice de l'Allemagne. La capitale fut instaurée à Aachen, ville
germanique connu sous le nom de « Aix-la-Chapelle ». Charlemagne appréciait les eaux thermales de cette ville,
qui lui permettaient de soigner sa goutte et ses rhumatismes. L'annonce du couronnement ne pouvait plaire à
Constantinople qui vit en Charlemagne un usurpateur. L'Empire byzantin, devant la démonstration de puissance
affichée, s'orienta vers des transactions entre les deux empires, et celles-ci se mirent en place. Pendant un
moment, on pensa marier l'Empereur d'Occident, à Irène, l'impératrice souveraine d'Orient, le plan ne pût
aboutir. A cette époque, il y a trois empires rivaux : l'empire carolingien, l'empire byzantin et l'empire arabe. Ce
nouveau monde, en raison de l'antagonisme religieux ne pouvait tirait profit des relations maritimes entre
l'Orient et l'Occident, contrairement au monde romain. D'où la restructuration de l'empire franc qui s'orienta vers
une activité économique située entre le Rhin et la Meuse, favorisant la future Allemagne.
Homme de guerre, homme de paix
Le portrait de Charlemagne nous est connu grâce à Éginhard, un historien contemporain. Grand (il mesurait 1,92
m), fort et vigoureux, Charlemagne inspirait le respect de ses ennemis qui, sur le champ de bataille, craignaient
davantage sa force physique que son intelligence tactique. D'une réelle bonté, il aimait faire des aumônes aux
pauvres, pouvait éclater en sanglots à l'annonce de la mort d'un ami, et vénérait sa mère Bertrade, qu'il consultait
souvent. Très attachée à sa famille, il ne séparait jamais de ses enfants, et fût marié à quatre reprises.
Charlemagne a une grande curiosité d'esprit, il s'instruit beaucoup pour pallier ses lacunes, il donne ainsi une
éducation complète à ses enfants. Mais il fut d'abord et avant tout un guerrier, bien que son but affirmé fût la
paix. Profondément religieux, convaincu que Dieu avait confié au peuple franc et à son souverain la tâche de
répandre et de défendre la foi chrétienne ainsi que les coutumes qu'elle apportait avec elle, il passa sa vie à
combattre les Barbares, du nord au sud de l'Europe. Par le fer et le sang, il réussit à établir un empire chrétien sur
la majeure partie de l'Europe occidentale, au point que les historiens lui attribuèrent par la suite le titre de Pater
europae, père de l'Europe moderne.
L'Empire de Charlemagne
Les Missi dominici
L'empereur ne pouvait pas
toujours contrôler la manière dont ses
ordres
étaient
appliqués.
Charlemagne confiait donc les
charges sûres à des personnes qui
étaient « les yeux, les oreilles et la
langue du souverain ». C'étaient les
missi dominici (envoyés du maître).
Véritables inspecteurs généraux du
royaume, ils avaient les pleins
pouvoirs pour rappeler à l'ordre
comtes et marquis, surveiller le
fonctionnement de la justice et de
Charlemagne et les Carolingiens
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l'état des finances. Les missi dominici étaient en général au nombre de deux : un religieux et un laïc. Ils avaient
pour mission de procéder à des enquêtes, de contrôler l'administration des provinces et de signaler à l'empereur
les abus qu'ils avaient pu constater.
Comtes et marquis
Suivant en cela l'usage des Francs, Charlemagne divisa l'empire en comtés (il y en a plus de 200 dans
l'Empire) ; aux frontières, il créa des marches ou régions tampons destinés à protéger les invasions extérieures.
Comtés et marches, vivant en relative autonomie, furent confiés aux plus fidèles de ses compagnons (comtes et
marquis). L'empereur leur rendait périodiquement visite ; il recevait alors les représentants de la population et les
chefs du clergé, contrôlait les comptes, décidait des travaux à entreprendre. Dans chaque comté se tenaient
régulièrement des assemblées provinciales ou plaids (du latin platicium, convention), qui tenaient lieu de cours
de justice. Les juges ou échevins, réglaient les affaires ordinaires. Mais les jugements les plus importants étaient
prononcés par le comte ou par le tribunal royal.
Plaids généraux et Champ de Mai
Les comtes et marquis se comportaient sur leur territoire comme de véritables petits souverains. En
réalité, ils constituaient les vassaux de l'empereur, qui était le propriétaire des terres. Afin de centraliser son
pouvoir, Charlemagne réunissait des plaids généraux (en moyenne trois fois par an). Tous ceux qui comptaient
dans l'Empire étaient conviés : marquis, comtes, évêques, abbés (supérieurs de monastère)... Dans ces réunions,
on débattait de tous les problèmes de l'Empire, et on instaurait des lois. Les fonctionnaires de l'Empire les
transcrivaient ensuite de façon ordonnée en divisant le texte en chapitres. Revêtus de la signature et du sceau de
Charlemagne, ces chapitres, ou capitulaires étaient répandues dans les provinces pour y être appliqués.
Charlemagne tenta ainsi de remplacer les traditionnelles décisions orales par des écrits. Le Champ de Mai
(appliqué au mois de mai) est un plaid général qui règle les questions militaires.
La société carolingienne
Une société belliciste
Dans l'Empire carolingien, la guerre avait une importance primordiale : elle était tenue pour une activité
normale, presque une nécessité. Durant le règne de Charlemagne, les années où il n'y eut pas de campagne
militaire peuvent même se compter sur les doigts d'une seule main. La période des combats était située entre mai
et octobre. Les buts poursuivis étaient divers : remettre à sa place un comte récalcitrant ou traître, amasser un
butin par des raids au delà des frontières et, bien sûr, conquérir des territoires et christianiser les infidèles. De
toutes les régions de l'Empire arrivaient des armées entières avec armes et bagages, conduites par un comte ou
marquis. L'empereur lui-même passait en revue l'armée franque. Le Champ de Mai était ainsi non seulement une
assemblée de chefs, où se décidaient les opérations militaires à venir, ami aussi une occasion de réaffirmer avec
éclat l'unité de l'Empire autour du souverain et de son armée.
La société carolingienne
•
Les serfs, moteur économique : L'économie au temps des carolingiens était fondée sur le travail des
serfs. Ceux-ci n'étaient pas à proprement parler des esclaves, mais des personnes soumises à un maître, qui
devaient accomplir la tâche qu'on leur ordonnait et qui restaient attachées à un domaine. Les villae étaient
l'objet d'un attention particulière : domaine agricole vivant en autarcie, c'est-à-dire produisant tout ce qui
est nécessaire à la vie de ses habitants, la villa formait l'unité économique de base de l'Empire.
•
Le clergé, ciment des peuples : Charlemagne s'appuya tout au long de son règne, sur l'Église. Le
christianisme formait le ciment unissant les peuples de l'Empire, qui n'avaient en commun ni la langue ni
les mœurs. Même s'il surveilla toujours de très près les affaires religieuses, l'empereur donna une place de
premier rang aux dignitaires de l'Église.
La Renaissance carolingienne
•
La création d'écoles : Afin de former des administrateurs compétents, Charlemagne favorisa un
renouveau des études, il créa entre autre l'École du palais, que dirigera Alcuin. Après de nombreux
conciles, Charlemagne réussit à imposer des réformes religieuses (réforme liturgique, discipline dans les
abbayes, écriture). Charlemagne s'indignait du style grossier de certains ecclésiastiques, aussi le clergé
devait être instruit, d'où la création d'écoles près d'églises et de monastères. L'Église passa ainsi vers
l'effort d'éducation du peuple. Dans les monastères, on recopie les Saintes Écritures, de façon élégante
(nouvelle écriture plus ronde : écriture caroline) et dans un latin correct.
•
Charlemagne, restaurateur des arts et des lettres : Sous l'influence de l'art byzantin, les églises seront
décorées avec des mosaïques et des fresques. Les reliures des Bibles s'ornent de bas-reliefs, on peint aussi
Charlemagne et les Carolingiens
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des miniatures ou de délicates enluminures. Reliques et manuscrits sont ainsi décorés par de grands
orfèvres. Les arts et les lettres subissaient une brillante renaissance, la langue latine était restaurée, des
personnes brillantes comme Alcuin ou Angilbert relancèrent le goût de la culture antique. L'architecture
subit également une véritable renaissance artistique, inspirée de l'art romain. Les constructions religieuses
connaissent un véritable essor, le palais d'Aix témoigne également du renouveau de l'architecture civile.
Le monogramme de Charlemagne
Éginhard apprit à Charlemagne à signer de cette façon : une croix
comprenant les lettres de Karolus, les consonnes sont aux extrémités, les
voyelles situées dans le losange centrale.
La mort du souverain
• Après la soumission des Saxons en 804, Charlemagne entreprend
ses dernières campagnes militaires : contre les Arabes d'Espagne, les
Avars ou les Bretons, mais aussi les Slaves, les Sarrasins, les Grecs et les
Danois. En 812, l'empereur romain d'Orient Michel Ier reconnaît
Charlemagne comme empereur romain d'Occident. Charles pense alors à
sa succession : De tous ses fils, l'un Pépin le Bossu avait tenté de le renverser, il fut enfermé dans un
monastère.
• Charles le Jeune, qui avait reçu l'onction du pape lors du sacre est destiné à la succession mais il
meurt en 811.
• Le second fils de Charlemagne, Pépin était roi d'Italie, il se distingua en capturant le trésor des
Avars, « le Ring », il meurt en 810.
• C'est alors Louis (le Pieux ou le Débonnaire) qui succédera à Charlemagne, il est sacré en 813, du
vivant de son père.
Charles était fort et robuste, il ne fut malade que durant les quatre dernières années de sa vie, il se mit à boiter et
à souffrir de la fièvre. En 814, il meurt de pleurésie, il est inhumé à la basilique d'Aix-la-Chapelle. L'unité de
l'Empire qui était déjà difficile à maintenir à cause de l'immensité d'un territoire s'étendant de la Baltique à
l'Adriatique et à cause du système des comtés et des marches, source de morcellement, put être sauvegardée
aussi longtemps que Charlemagne fut en vie, mais ne devait guère survivre à la disparition du « ciment » que
représentait son autorité et son prestige.
II. CHARLES IER. ROI
documents
DES
FRANCS
ET DES
LOMBARDS,
EMPEREUR D’OCCIDENT
(800)
1
Date de naissance : 742
Lieu de naissance : Neustrie
Date de décès : 814
Lieu de décès : Aix-la-Chapelle
« Après la mort de son père, en 768, il partagea d’abord le royaume avec son jeune frère Carloman, et
eut pour sa part la Neustrie, l’Aquitaine et la portion occidentale de l’Austrasie ; mais il demeura seul possesseur
de tout le royaume à la mort de Carloman, en 771. Il avait remporté dès 770 une victoire complète sur les
peuples d’Aquitaine, qui voulaient se rendre indépendants. Lorsqu’il se trouva seul maître de la France, il étendit
partout ses conquêtes. Il fit, à partir de 772, une guerre acharnée aux Saxons, qui, commandés par Witikind, lui
opposèrent une vigoureuse résistance ; il n’acheva de les soumettre qu’en 804 ; il se vit même contraint, pour
prévenir leurs révoltes, d’en transplanter les habitants. En 774, il défit Didier, roi des Lombards, qui menaçait le
pape, et s’empara de ses États. Il passa en Espagne en 778, et, malgré un échec subi à Ronceveaux par son
arrière-garde, que commandait Roland, son neveu, il remporta plusieurs victoires sur les Sarrasins et conquit
toute la Catalogne. En 788, il réduisit Tassillon, duc de Bavière, qui conspirait contre lui avec les Saxons, et
ajouta ses États à son empire. De 791 à 798, il détruisit l’empire des Avares. En 800, Léon III le couronna
empereur d’Occident. En 813, il associa son fils Louis à l’empire. Il mourut peu après, en 814.
1
Récupéré de L’Encyclopédie de L’Agora. Cf. Histoire du monde.net la bouquinerie des ouvrages introuvables
Charlemagne et les Carolingiens
7
Le vaste empire de Charlemagne était borné à l’ouest par l’océan Atlantique, au sud, par l’Ebre, en
Espagne, par le Volturno, en Italie ; à l’est par la Saxe, la Theiss, les monts Krapacks et l’Oder ; au nord par la
Baltique, l’Eyder, la mer du Nord et la Manche. L’empereur résidait le plus souvent à Aix-la-Chapelle. Il faisait
visiter chaque année toutes les provinces de son vaste empire par des Missi dominici, hauts commissaires
chargés d’en assurer l’unité et de faire respecter partout le pouvoir central. Ce souverain mérita le titre de Grand,
non seulement par ses conquêtes, mais aussi par ses sages institutions. Il fut le restaurateur des lettres ; il attira en
France par ses libéralités les savants les plus distingués de l’Europe, fonda dans son palais même la première
Académie qu’on eût vue dans les Gaules, l’École palatine, que dirigeait Alcuin, et s’honora d’en être membre
lui-même (il y avait pris le nom de David). Il établit des écoles où l’on enseignait la grammaire, l’arithmétique,
la théologie et les humanités. C’est à Charlemagne que la France dut ses premiers progrès dans la marine ; il fit
creuser plusieurs ports. Il favorisa aussi l’agriculture, et s’immortalisa par la sagesse de ses lois, dont le recueil
est connu sous le nom de Capitulaires. Cet empereur fut mis au nombre des saints par l’antipape Pascal III ; sa
fête fut fixée au 28 janvier. L’histoire de Charlemagne a été écrite en latin par Eginhard, qui avait été son
secrétaire. »
Origines de la famille carolingienne
On fixe communément comme origine à la ligné carolingienne le mariage, vers 630, d'Ansegisel fils
d'Arnoul de Metz et de Begge d'Andenne fille de Pépin de Landen qui scelle l'alliance entre la famille des
Arnulfiens et celle des Pippinides. Ceux-ci ont un fils, Pépin de Herstal, lui même père de Charles Martel et
grand père de Pépin le Bref lequel deviendra le premier roi de la dynastie carolingiennne le 28 juillet 754.
Les Pippinides détiennent pendant plusieurs générations, la charge de maire du palais sous le règne des
souverains mérovingiens d'Austrasie. Au fur et à mesure de la désagrégation du pouvoir de la dynastie
mérovingienne, durant la période dite des « rois fainéants », les maires du palais pippinides accroissent leur
pouvoir : déjà Pépin de Herstal, puis Charles Martel dirigeaient de façon quasi autonome la politique du
royaume, tels des suzerains, mais sans le titre ; ainsi, ils nommaient les ducs et les comtes, négociaient les
accords avec les pays voisins, dirigeaient l'armée, étendaient le territoire du royaume (notamment en Frise) et
allaient même jusqu'à choisir le roi mérovingien.
La zone d'influence des Pippinides sera le territoire favori des Carolingiens : région de Liège (Herstal et
Jupille), Aix-la-Chapelle et Cologne.
Le règne de Pépin le Bref, premier roi carolingien
C'est donc Pépin le Bref qui met fin à la dynastie mérovingienne en 751 : las de devoir dépendre de rois
inutiles et encombrants, Pépin — après avoir obtenu l'aval du pape Zacharie — fait enfermer son suzerain
Childéric III, et se fait proclamer à sa place à la tête du royaume. La fin de la royauté mérovingienne est
marquée, selon la tradition franque des « rois chevelus », par la tonsure qui est imposée à Childéric. Pépin
devient ainsi le premier roi carolingien des Francs, d'abord selon les traditions de son peuple et ensuite, pour
l'Église catholique.
Charlemagne et l'empire carolingien
Charlemagne, fils de Pépin le Bref, est sans aucun doute le souverain qui marque le plus l'époque
carolingienne, par la longévité de son règne, mais aussi grâce à son charisme, à ses conquêtes militaires (il
parvient à étendre le royaume des Francs à toute la Gaule hormis la Bretagne, à la majeure partie de la Germanie,
de l'Italie et de l'Espagne) et à ses réformes (dans les domaines de l'éducation, de l'économie et avec un début de
restauration de l'État, etc...)
Charlemagne découpe son empire en pagi ou comtés ; dans les zones moins « pacifiées », il crée des
duchés (à caractère militaire) et fait garder les zones-frontières (ou « marches ») par des hommes de confiance,
qui deviendront plus tard les marquis ou margraves.
Le comté est la plus importante de ces circonscriptions : à sa tête, Charlemagne place un fonctionnaire royal,
généralement choisi parmi les puissantes familles de propriétaires terriens francs ; ce fonctionnaire exerce le pouvoir
militaire et judiciaire (la potestas) en principe par délégation et il lève les taxes pour le compte de son souverain. Il est
assisté dans sa tâche par des vicomtes et des viguiers. Il est aussi en principe révocable par l'empereur.
En parallèle et pour contrebalancer le pouvoir de l'aristocratie, Charlemagne s'appuie sur l'Église, qu'il
réorganise en privilégiant l'autorité des évêques métropolitains (les archevêques) ; en ce qui concerne le2 monachisme,
il dote les principales abbayes de terres à mettre en valeur et il en place les abbés sous son autorité directe .
2
MARIE-NICOLAS BOUILLET, Dictionnaire universel d’histoire et de géographie. Ouvrage revu et continué par
Alexis Chassang. Paris, Hachette, 1878, p. 384
Charlemagne et les Carolingiens
8
EGINHARD : VIE DE CHARLEMAGNE
La Vie de Charlemagne fut composée peu après la mort du roi par Eginhard (v. 770-840), un lettré qui
fut un des plus proches conseillers du roi.
Portrait de Charlemagne
« Charles était gros, robuste et d’une taille élevée, mais bien proportionnée, et qui n’excédait pas en
hauteur sept fois la longueur de son pied. Il avait le sommet de la tête rond, les yeux grands et vifs, le nez un peu
long, les cheveux beaux, la physionomie ouverte et gaie ; qu’il fût assis ou debout, toute sa personne
commandait le respect et respirait la dignité ; bien qu’il eût le cou gros et court et le ventre proéminent, la juste
proportion du reste de ses membres cachait ces défauts ; il marchait d’un pas ferme ; tous les mouvements de son
corps présentaient quelque chose de mâle ; sa voix, quoique perçante, paraissait trop grêle pour son corps. Il jouit
d’une santé constamment bonne jusqu’aux quatre dernières années qui précédèrent sa mort ; il fut alors
fréquemment tourmenté de la fièvre, et finit même par boiter d’un pied. Dans ce temps de souffrance il se
conduisait plutôt d’après ses idées que par le conseil des médecins, qui lui étaient devenus presque odieux pour
lui avoir interdit les viandes rôties dont il se nourrissait d’ordinaire, et prescrit des aliments bouillis. Il s’adonnait
assidûment aux exercices du chevalet de la chasse ; c’était chez lui une passion de famille, car à peine trouveraiton dans toute la terre une nation qui pût y égaler les Francs. Il aimait beaucoup encore les bains d’eaux
naturellement chaudes, et s’exerçait fréquemment à nager, en quoi il était si habile que nul ne l’y surpassait. Par
suite de ce goût il bâtit à Aix-la-Chapelle un palais qu’il habita constamment les dernières années de sa vie et
jusqu’à sa mort ; ce n’était pas au reste seulement ses fils, mais souvent aussi les grands de sa cour, ses amis et
les soldats chargés de sa garde personnelle qu’il invitait à partager avec lui le divertissement du bain ; aussi viton quelquefois jusqu’à cent personnes et plus le prendre tous ensemble. »
Défaite des Pyrénées (mort de Roland)
« Pendant qu’il faisait aux Saxons une guerre vive et presque continue, il répartit des garnisons sur tous
les points favorables des frontières du côté de l’Espagne, attaqua ce royaume à la tête de l’armée la plus
considérable qu’il put réunir [en 778], franchit les gorges des Pyrénées, força de se rendre à discrétion toutes les
places et les châteaux forts devant lesquels il se présenta, et ramena les troupes saines et sauves. À son retour
cependant, il eut, dans les Pyrénées mêmes, à souffrir un peu de la perfidie des Gascons. Dans sa marche,
l’armée défilait sur une ligne étroite et longue, comme l’y obligeait la nature d’un terrain resserré. Les Gascons
s’embusquèrent sur la crête de la montagne, qui, par le nombre et l’épaisseur de ses bois, favorisait leurs
artifices ; de là, se précipitant sur la queue des bagages, et sur l’arrière-garde destinée à protéger ce qui la
précédait, ils les rejetèrent dans le fond de la vallée, tuèrent, après un combat opiniâtre, tous les hommes
jusqu’au dernier, pillèrent les bagages, et, protégés par les ombres de la nuit qui déjà s’épaississaient,
s’éparpillèrent en divers lieux avec une extrême célérité. Les Gascons avaient pour eux dans cet engagement la
légèreté de leurs armes et l’avantage de la position. La pesanteur des armes et 1a difficulté du terrain rendaient
au contraire les Francs inférieurs en tout à leurs ennemis. Eggiard, maître-d’hôtel du roi Anselme, comte du
palais, Roland, commandant des frontières de Bretagne et plusieurs autres périrent dans cette affaire. Tirer
vengeance sur le champ de cet échec ne se pouvait pas. Le coup fait, ses auteurs s’étaient tellement dispersés
qu’on ne put recueillir aucun renseignement sur les lieux où on devait les aller chercher. »
Relations diplomatiques
« Il sut accroître aussi la gloire de son règne en se conciliant l’amitié de plusieurs rois et de divers
peuples. Il s’attacha par des liens si forts Alphonse, roi de Galice et des Asturies, que celui-ci, lorsqu’il écrivait à
Charles ou lui envoyait des ambassadeurs, ne voulait jamais s’intituler que son fidèle. Sa munificence façonna
tellement à ses volontés les rois des Écossais qu’ils ne l’appelaient pas autrement que leur seigneur, et se disaient
ses sujets et ses serviteurs. On a encore de leurs lettres, où ils lui témoignent en ces termes toute leur affection.
Haroun, prince des Perses et maître de presque tout l’Orient, à l’exception de l’Inde, lui fut ainsi d’une si parfaite
amitié qu’il préférait sa bienveillance à celle de tous les rois et potentats de l’univers, et le regardait comme seul
digne qu’il l’honorât par des marques de déférence et des présents. » 3
3
EGINHARD, « Vie de Charlemagne », Collection des mémoires relatifs à l’histoire de France, édit. par M. Guizot,
1824. Première et deuxième parties.
Charlemagne et les Carolingiens
9
PORTRAIT DE CHARLEMAGNE, SA FAMILLE (CHARLES BAYET)
« Les biographes de Charles ont tracé son portrait. Il avait le corps ample et robuste, une taille élevée
mais sans excès, les yeux grands et vifs, le nez un peu fort, le visage riant. Sa santé fut vigoureuse jusqu’à ses
dernières années ; il souffrit alors d’accès de fièvre, en arriva même à boiter. Il était sobre, avait horreur de
l’ivresse, s’habillait simplement, à la mode franque. L’équitation, la chasse étaient ses grands plaisirs. Il se maria
fort souvent et eut de nombreux enfants ; ses femmes furent:1° Himiltrud, dont il eut Pépin ; 2° Desiderata qu’il
répudia ; 3° Hildegarde, d’origine souabe, de 771 à 783, dont il eut trois fils : Charles qui mourut en 811, Pépin
qui mourut en 810, Louis qui lui succéda, et trois filles : Rothrude, Berthe, Gisla, sans compter trois enfants
morts en bas âge (Lothaire, Adélaïde, Hildegarde) ; 4° Fastrade, d’origine germaine, de 783 à 794, dont il eut
deux filles, Théoderade, qui devint abbesse d’Argenteuil, et Hiltrude ; 5° Liutgarde, de l’Alamannie, dont il
n’eut pas d’enfants, de 794 à 800. Après la mort de Liutgarde, il eut quatre concubines : Madelgarda, dont il eut
une fille, Ruothilda ; la saxonne Gersuinda, dont il eut une fille, Adaltrud ; Régina, dont il eut Drogo, qui devint
évêque de Metz, et Hugues, qui devint abbé de Saint-Quentin, de Lobbes et de Saint-Bertin ; Adallinde, dont il
eut un fils, Thierri. Si on ajoute à cette liste Rhodaïde, née d’une concubine dont on ne sait pas le nom, on arrive
à un chiffre de dix-huit enfants connus. Il ne consentit jamais à se séparer de ses filles, à les marier, mais la
conduite de quelques-unes d’entre elles laissa à désirer. Parmi ses fils, trois seulement, les fils d’Hildegarde,
étaient de naissance légitime. En 806, par un acte dont le texte nous est parvenu, Charles partagea entre eux ses
États. Ce partage fut sans effet, par suite de la mort de Pépin et de Charles. En 811, l’empereur fit son testament
qu’Eginhard a transcrit dans sa biographie de Charlemagne ; il y faisait notamment d’importantes donations aux
métropoles ecclésiastiques de l’empire. Au commencement de janv. 814, comme il passait l’hiver à Aix-laChapelle, il fut atteint d’une forte fièvre, puis d’une pleurésie, et, après sept jours de maladie, il mourut le 28
janv. On l’ensevelit dans la chapelle qu’il avait fait construire à Aix-la-Chapelle, le corps fut placé dans un
sarcophage antique, représentant l’enlèvement de Proserpine, qui existe encore. En l’an 1000, Otto III fit ouvrir
le tombeau de Charlemagne ; d’après un récit de chroniqueur, dont l’exactitude est plus que douteuse, il aurait
trouvé le corps de l’empereur assis sur le trône, revêtu du costume et des insignes impériaux. Une cérémonie de
ce genre eut également lieu sous Frédéric Barberousse qui, en 1165, fit même canoniser Charlemagne par
l’antipape Pascal III. On procéda à une translation des restes de l’empereur ; en 1215, ces restes furent
renfermés, sauf le crâne et un tibia, dans une châsse qui fut placée sur l’autel du dôme ; de nouveau oubliés, ils
ont été retrouvés en 1843. » 4
JUGEMENT DE FRANÇOIS GUIZOT, HISTORIEN FRANÇAIS DU XIXE SIECLE
« Les époques de transition, dans l’histoire des sociétés, ont ce singulier caractère qu’elles sont
marquées tantôt par une grande agitation, tantôt par un grand repos. Il vaut la peine d’étudier les causes de cette
différence entre des époques qui sont au fond de même nature, et qui ne constituent point pour la société un état
fixe et destiné à durer, mais seulement un passage. Quand la transition a lieu d’un état de chose établi depuis
longtemps et qu’il faut détruire, à un état nouveau et qu’il faut créer, elle est en général pleine d’agitation et de
violence. Quand au contraire il n’y a pas eu d’état antérieur depuis longtemps fondé et par conséquent difficile à
renverser, la transition n’est qu’une halte momentanée de la société fatiguée par le désordre du chaos et le travail
de la création. Ceci fut le caractère du règne de Charlemagne. Le pays Franc tout entier, lassé des désordres de la
première race et n’ayant pas encore enfanté le système social qui devait naturellement sortir de la conquête,
c’est-à-dire le régime féodal, s’arrêta quelque temps sous la main d’un grand homme qui lui procurait plus
d’ordre et une activité plus régulière qu’on n’en avait encore connu. Jusque-là les deux grandes forces qui
agitaient le pays, les grands propriétaires et le clergé, n’avaient pu prendre leur assiette. Elles attaquaient
l’autorité royale qui leur était ennemie. Charlemagne sut les contenir en les satisfaisant, et les occuper sans se
livrer à elles. Ce fut sa force et la cause de l’ordre momentané qu’il obtint dans son empire. (...) Je ne m’occupe
aujourd’hui que du fait lui-même, de cette autorité singulière d’un roi très puissant placé entre un temps où la
royauté n’était presque rien et un temps où elle cessa presque d’être quelque chose. Charlemagne fit de la
monarchie barbare tout ce qu’elle pouvait être. Il avait en lui-même, dans les besoins de son esprit et de sa vie,
une activité qui répondait aux besoins généraux de son époque, et qui les surpassait en même temps. Les Francs
voulaient la guerre et le butin ; Charlemagne voulait des conquêtes pour étendre son nom et sa domination ; les
Francs ne voulaient pas être étrangers à leur gouvernement : Charlemagne tint de fréquentes assemblées
nationales, et employa les principaux membres de l’aristocratie territoriale comme ducs, comtes, missi dominici,
etc. Le clergé voulait de la considération, de l’autorité et de la richesse. Charlemagne le tint en grande
considération, se servit des évêques, les enrichit, les gagna en se montrant l’ami des études qu’ils cultivaient
4
CHARLES BAYET, article « Charlemagne », La Grande Encyclopédie, Paris, 1885-1902, tome X.
Charlemagne et les Carolingiens
10
presque seuls. Partout où se portaient naturellement les esprits actifs et énergiques du temps, Charlemagne s’y
portait le premier, plus guerrier que les guerriers, plus occupé des intérêts ecclésiastiques que les plus dévôts,
plus ami des lettres que les plus savants, toujours en avant dans toutes les carrières, et ramenant ainsi toutes
choses à une sorte d’unité, par ce seul fait que son génie était partout en harmonie avec son temps parce qu’il lui
était semblable, et capable de le régler parce qu’il lui était supérieur. Mais les hommes qui précèdent ainsi leur
siècle dans toutes les routes sont les seuls qui se fassent suivre ; la supériorité personnelle de Charlemagne était
la condition absolue de l’ordre passager qu’il établit. L’ordre ne naissait pas naturellement alors de la société ;
l’aristocratie conquérante n’avait pas atteint son but d’organisation. Charlemagne, en l’occupant, l’en détourna
un moment. Charlemagne mort, l’aliment manqua à toutes les forces sociales qu’il avait concentrées et
absorbées ; elles reprirent leurs tendances naturelles, leurs luttes intestines ; elles recommencèrent à aspirer à
l’indépendance de l’isolement et à la souveraineté dans leur voisinage. » 5
III. LES CAROLINGIENS
6
Les Carolingiens, que l'on appelait couramment Carlovingiens jusqu'à la fin du XIXe siècle, forment
une dynastie de rois francs qui régnèrent sur l'Europe occidentale de 750 jusqu'au Xe siècle, et dont la généalogie
remonte à saint Arnoul (v. 582–640 ?), évêque de Metz.
Ils doivent leur nom à leur ancêtre le plus illustre, Charlemagne 1,2,3.
Une autre mesure va dans le même sens : à des hommes de confiance laïcs, qui sont ses envoyés, il
adjoint en général un clerc à travers une nouvelle institution : les missi dominici (littéralement, les « envoyés du
maître »). Ces envoyés sont chargés de régler les conflits entre les Grands et de relayer les ordres du roi auprès
des détenteurs de charges, mais aussi de recueillir le serment de fidélité de ses sujets (ce qu'ils font à deux
reprises durant le règne de Charlemagne). On ignore la portée réelle de leur action, mais celle-ci semble indiquer
que, déjà à cette période, le roi a du mal à faire respecter son pouvoir.
Sous l'influence des nombreux chrétiens lettrés de son entourage, le roi est aussi législateur : s'il faisait
déjà appliquer la loi à travers le ban germanique, il renoue avec la conception romaine du droit et renouvelle
l'importance des actes écrits dans le royaume. Après les assemblées qui réunissent les Grands du royaume (les
« plaids »), des ordonnances, découpées en chapitres (d'où leur nom de capitulaires) sont émises par la
chancellerie du Palais : elles sont une source précieuse pour l'étude de la période.
À un autre niveau, plus idéologique que politique, c'est aussi aux lettrés chrétiens que l'on doit la
naissance d'une nouvelle idée de l'État. Celle-ci se veut au départ une restauration de l'Empire romain, pourtant
elle repose sur des fondements très différents en légitimant la royauté : profondément chrétienne, elle fait du roi
des Francs un nouveau David. L'idée de l'unité du royaume semble un temps l'emporter avec la renaissance de
l'Empire d'occident, à la noël 800.
Du point de vue culturel, l'époque de Charlemagne, de son fils Louis le Pieux et de ses petits-fils est
connue sous le nom de « Renaissance carolingienne ». L'enseignement classique — en particulier celui du latin
— est remis à l'honneur, après avoir été dénaturé et délaissé à la fin du règne des Mérovingiens. Cependant, la
langue latine est désormais quasi exclusivement la langue du clergé, les milieux militaires lui préférant le
francique : cette évolution inéluctable va faire du latin une langue morte et donner naissance aux ancêtres des
langues nationales que sont le français et l'allemand : le roman et le tudesque.
Les troubles sous Louis le Pieux
Troisième fils de Charlemagne, Louis le Pieux, ou Louis le Débonnaire, devait à l'origine n'hériter que
d'une partie du royaume de son père, correspondant à la région s'étendant du plateau de Langres et des Alpes
jusqu'à l'Aquitaine, tandis que son frère Pépin devait recevoir la Bavière et l'Italie, leur frère aîné Charles
obtenant le reste de l'empire.
Mais Charles et Pépin moururent avant Charlemagne, et, dès 813, Louis fut associé par son père à la
direction de l'empire.
A la mort de Charlemagne, le 28 janvier 814, Louis devint donc seul roi des Francs et empereur
d'Occident. Il fut sacré le 5 octobre 816 à Reims par le pape Étienne IV.
5
FRANÇOIS GUIZOT, Histoire des origines du gouvernement représentatif et des institutions politiques de
l’Europe. Volume 1 : depuis la chute de l’Empire romain jusqu’au XIVe siècle. Reproduit à partir de la quatrième édition :
Paris, Didier, 1880, p. 153-156
6
D’après Wikipedia
Charlemagne et les Carolingiens
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Le partage de l'empire
Après la mort du fils de Charlemagne, Louis Ier le Pieux, le traité de Verdun (843) fixe les modalités du partage
de l'empire entre ses fils ; le territoire est divisé d'est en ouest en trois royaumes :
•
Lothaire Ier hérite du titre impérial et de la partie centrale du royaume (l'Italie, la Provence et la
Lotharingie, qui regroupe les terres situées entre l'Escaut et le Rhin) ; son domaine comprend les
capitales politique (Aix-la-Chapelle) et religieuse (Rome) de l'empire. Cependant, le titre impérial se
vide de son importance : après le partage de Verdun, Lothaire conserve la dignité impériale, mais dans
les faits celle-ci n’est plus qu’une convention qui ne correspond plus à aucun pouvoir qui soit supérieur
à celui des autres rois. Plusieurs fois au cours du Xe siècle, le titre est même vacant. Il faut ensuite
attendre 962 pour que le titre d’empereur renaisse en Occident : Otton le Grand, de la dynastie saxonne
en Germanie, est couronné par le pape Jean XII à Rome.
•
Louis le Germanique reçoit la partie orientale (la « Francie orientale », qui fera partie du futur SaintEmpire romain germanique) : il y fonde une dynastie qui dirigera l'équivalent de l'Allemagne actuelle
jusqu'en 911 ;
•
Charles II (dit « Charles le Chauve ») obtient quant à lui le tiers occidental de l'empire (« Francie
occidentale »), à l'ouest de l'Escaut, la Meuse, la Saône et le Rhône, où perdurera la dynastie
carolingienne jusqu'à l'avènement des Capétiens en 987.
L'affaiblissement de la dynastie carolingienne
Disparition de la Francie médiane
Lothaire est le premier des trois frères à décéder, laissant l'empire à la merci des deux autres.
Finalement, après maintes péripéties, son domaine est progressivement rattaché à la Francie orientale, l'Escaut
marquant la frontière entre les Francies occidentale et orientale. Et le roi de Francie orientale récupère, par la
même occasion, le titre d'empereur.
Invasions scandinaves
La première attaque des Vikings touche en 793 les côtes britanniques ; puis la pression des Vikings
s’accentue : ils remontent les fleuves à bord de leurs navires à fond plat, improprement nommés « drakkars », et
pillent les trésors des abbayes avant de s’en retourner en Scandinavie ; toutefois, certains de leurs établissements
côtiers ont un caractère durable. En 841, ils attaquent l’abbaye de Jumièges et la ville de Rouen ; les moines
doivent s’enfuir devant les dangers de razzias, emportant avec eux les reliques de leur saint. À la fin du
IXe siècle, de véritables armées vikings portent les dévastations jusqu’au cœur du royaume occidental.
Les rois carolingiens semblent impuissants : Charles Le Chauve essaie bien de construire des
fortifications supplémentaires. Il demande à des chefs de l’aristocratie de défendre les régions menacées. Robert
le Fort est placé par le roi à la tête d’une marche occidentale ; il meurt en combattant les Vikings en 866. Le
comte Eudes défend Paris contre une attaque venue de la Seine en 885. Ces Grands acquièrent un prestige
immense dans la lutte contre l’envahisseur scandinave, prestige qui participe à l'affaiblissement du pouvoir royal.
Les succès militaires sont désormais attribués aux marquis et aux comtes.
L’incapacité des Carolingiens à résoudre le problème scandinave est manifeste : en 911, par le traité de
Saint-Clair-sur-Epte, le roi carolingien Charles le Simple cède la Basse-Seine au chef viking Rollon. Il s’en
remet à lui pour défendre l’estuaire et le fleuve, en aval de Paris. Cette décision est à l’origine de la création du
duché de Normandie. Les Carolingiens sont contraints de céder des territoires et livrer des tributs pour contrer le
danger scandinave. Ils sont en outre absorbés par les querelles familiales.
Le climat d’insécurité a donc accéléré la décomposition du pouvoir carolingien.
Nouvelles menaces à l'Est
À l'est se profile une nouvelle menace avec l'arrivée des Magyars sur la scène européenne.
Ce peuple des steppes occupe la Pannonie, laissée vacante après la destruction des Avars sous le règne
de Charlemagne au début du IXe siècle. Il fait ses premières incursions dans les marges du territoire impérial,
comme en Moravie en 894, puis dans celui-ci, comme en Italie en 899. En 907, le royaume slave de Grande
Moravie disparaît sous les coups de ces nouveaux envahisseurs.
Des règnes trop courts
À partir de la fin du IXe siècle, les rois carolingiens règnent trop peu de temps pour être efficaces :
Louis II Le Bègue reste roi des Francs deux ans (877-879) ; Charles III le Gros gouverne trois ans (884-887) ;
Charlemagne et les Carolingiens
12
Louis III est roi pendant trois ans (879-882) ; le dernier roi carolingien, Louis V « le Fainéant », est mort d'un
accident de chasse au bout d'à peine un an (986-987). Aussi, les derniers rois carolingiens ne parviennent pas à
imposer une politique à long terme.
La montée de l'aristocratie
Dès la fin du IXe siècle, des aristocrates (ducs et comtes…) qui ne font pas directement partie de la
famille des Carolingiens accèdent au pouvoir : en 888, après la mort de Charles le Gros, l'Unrochide Bérenger Ier
accède au trône d'Italie.
Au Xe siècle, les dynasties qui s'imposent partout dans l'espace carolingien ne sont plus issues de la
famille carolingienne. C'est le cas, en 911, du duc Conrad de Franconie, élu roi de Germanie. En France, les
Robertiens forment un lignage puissant qui est choisi pour régner en 888–898 en la personne d'Eudes de France :
comment expliquer cette montée en puissance de l’aristocratie et l'émiettement du pouvoir royal ?
•
Voici le cadre et les principales phases de la montée de l'aristocratie :
o
Les regna existaient déjà sous les Mérovingiens et se prolongent sous les Carolingiens. Il
s'agissait de territoires dont l'unité reposait sur une forte identité ethnique et culturelle. Un
regnum pouvait être confié à la garde d'un fils du roi, sans pour autant devenir indépendant : ce
fut le cas à différentes époques pour l'Aquitaine, la Provence, la Bourgogne, la Saxe, la
Thuringe et la Bavière.
o
Les comtes (mot ayant pour origine le latin comes signifiant compagnon du roi) : existaient à
l’époque mérovingienne; le roi leur donnait des terres, des cadeaux ou une charge en
récompense de leurs services; mais les comtes prennent toute leur importance sous les
Carolingiens; fonctionnaires, ils sont désignés et révoqués par le roi qui les recrute dans
l’aristocratie; ils garantissent l’ordre public en présidant le tribunal, lèvent les taxes et
organisent les troupes dans un pagus, circonscription territoriale sous leur responsabilité. Au
cours du IXe siècle, les comtes deviennent de plus en plus autonome vis-à-vis du roi.
o
Le ducs (mot ayant une étymologie latine signifiant « conducteur d’armée ») : est une sorte de
comte qui cumule plusieurs pagi. Le roi Charles le Chauve constitue ces grands
commandements composés de plusieurs pagi pour lutter contre les invasions scandinaves. Les
Robertiens obtiennent au Xe siècle le titre de « duc des Francs » (dux francorum). Ces
personnages les plus puissants seront par la suite des « princes territoriaux » comme les ducs
d’Aquitaine, de Bourgogne et de Normandie.
o
Le marquis (marchio en latin) est un comte qui garde une région frontalière appelée marche et
doit la défendre en cas d’attaque.
o
À la fin du IXe siècle, conséquence du capitulaire de Quierzy (877), ces charges de comte, duc
et marquis deviennent héréditaires : le roi carolingien ne peut plus les destituer donc son
contrôle s'efface. On assiste alors à la constitution de dynasties locales de comtes, de ducs et de
vassaux du roi. La vassalité, qui était bien contrôlée sous Charlemagne et servait ses intérêts
politiques, se retourne contre l’autorité de ses successeurs. L’aristocratie laïque et
ecclésiastique est donc en situation de force au milieu du Moyen Âge, en France et en
Germanie.
o
Les comtes sont physiquement plus proches du peuple que le Carolingien. L’autorité du roi
semble lointaine aux paysans. La majorité des hommes libres du royaume vivent au contact du
comte et de son délégué le viguier. Ils les entendent par exemple au cours des séances du
tribunal. Leur autorité est plus immédiate que celle du roi. Un lien étroit et personnel s’instaure
donc : les paysans se placent sous la protection des Grands et entrent dans leur dépendance.
o
Au Xe siècle, les signes de l'autonomie princière se multiplient : les comtes et les ducs ont
accaparé les fonctions publiques et les droits jusqu'ici réservés au roi. Ils édifient des tours et
des forts, puis de véritables châteaux en pierre, sans autorisation. Après l’arrêt des invasions
scandinaves, le château domine un territoire qui est tombé sous le ban d’un seigneur. Ils font
frapper leur propre monnaie à leur effigie et à leur nom. Ils prennent sous leur protection le
clergé et contrôlent les investitures épiscopales.
Au total, à la fin du Xe siècle, l’autorité centrale carolingienne a disparu au profit des aristocraties, en
particulier des princes territoriaux ; c'est la fin de l’ordre caroligien et le triomphe des lignages aristocratiques.
Charlemagne et les Carolingiens
13
L'avènement des Unrochides en Italie (875–915)
L'exemple de l'avènement des Unrochides en Italie illustre à merveille la manière dont se passe la
transition du pouvoir des Carolingiens vers les grands de l'aristocratie impériale, puis l'émiettement que connaît
le pouvoir royal dans les mains de ces derniers.
Sous le règne du Carolingien Louis II d'Italie (850–875), titulaire de la dignité impériale, le pouvoir
royal peut sembler un temps renforcé en Italie. Mais ce dernier meurt sans héritier en 875. Le pouvoir est alors
de fait aux mains de la dynastie des Widonides, dont le représentant détient la charge de duc de Spolète, et aux
mains de la dynastie des Unrochides, dont le représentant détient la charge de marquis de Frioul.
Les membres de cette dernière famille sont des Francs : Évrard, leur ancêtre a reçu la marche de Frioul
dès la création de celle-ci en 837 par Lothaire Ier, et ils sont rattachés à la lignée carolingienne par leur mère
Gisèle, fille de Louis le Pieux. En 875, les Unrochides considèrent encore le nord de la France (la région de
Lille) comme l'un des centres de leur pouvoir. S'ils n'ont pas, au départ, de prétentions à briguer le pouvoir royal,
ce sont la vacance de ce pouvoir en Italie et les circonstances difficiles à la fin du Xe siècle qui, en définitive,
portent l'un d'entre eux (le marquis Bérenger Ier) à accéder au trône d'Italie, puis à l'empire.
Bérenger Ier, seul héritier mâle de sa famille en 874, en effet, soutient dans un premier temps les
prétentions du Carolingien de Francie orientale au trône d'Italie. Les héritiers possibles sont alors Carloman, le
fils de Louis le Germanique, puis son frère, Charles le Gros. À la mort du deuxième, toutefois, il n'y a plus aucun
Carolingien qui soit en mesure d'asseoir son autorité en Italie.
Les rivaux traditionnels des Unrochides dans la péninsule, à savoir les Widonides de Spolète qui ont des
possession autour de Nantes, apparaissent alors comme des candidats potentiels au trône de Francie occidentale.
Aussi, Bérenger accède personnellement au trône d'Italie en 887 : pour contrecarrer les ambitions des
Widonides, il met ainsi fin, dans les faits, à l'idée de l'unité carolingienne.
Cependant, à ce moment l'homme ne dispose pas d'appuis dépassant le cadre régional et encore y est-il
contesté, notamment par l'influence que prennent les Widonides sur la papauté (voir Pornocratie). Jusqu'à la mort
de son compétiteur, le duc Lambert de Spolète, en 898, il ne contrôle pas le territoire italien. De plus, il est
obligé de faire face à la menace hongroise. Lors de l'invasion du royaume d'Italie, en 899, il doit alors composer
avec les cadres militaires carolingiens, c'est-à-dire réunir l'ost : les Italiens subissent une défaite sanglante.
À la suite de cet événement, la stratégie de Bérenger change : il accepte désormais de nombreux compromis avec
les pouvoirs locaux : des enceintes sont érigées et échappent au contrôle royal ; l'autorité publique est conférée,
sans contre partie, à des évêques, etc. Le résultat de cette nouvelle politique est un émiettement important et
irréversible de l'autorité royale dans la péninsule.
Faisant appel à des mercenaires hongrois contre les Italiens qui se rebellent contre son autorité,
Bérenger accède finalement à la dignité impériale qu'il convoitait en 915, mais entre ses mains, celle-ci n'est plus
que l'ombre du passé.
Notes et références
1.
2.
3.
↑ Édmond Robinet La France [archive] (1845), p. 50
↑ Page 37 dans Histoire du peuple suisse par le texte et par l'image de Paul-Otto Bessire (1940)
↑ Page 65 dans Les maisons royales et souveraines d'Europe de Roland Mousnier (1989)
Voir aussi
Articles internes
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Pippinides pour les ancêtres de Charles Martel
Généalogie des Carolingiens
Capétiens
Hugues Capet
Généalogie des Capétiens
Bibliographie
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Pierre Riché, Les Carolingiens, une famille qui fit l'Europe, Hachette, coll. « Pluriel », Paris, 1983 (réimpr. 1997),
490 p. (ISBN 2-01-27-8851-3)
• Pierre Riché, Dictionnaire des Francs vol. 2. Les Carolingiens, éd. Bartillat, 1997 (ISBN 2841001253)
Liens externes
• Les Carolingiens sur le site de la BNF
• Pour en savoir plus sur les Carolingiens.

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