La Société Suisse de Médecine du Travail

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La Société Suisse de Médecine du Travail
Partie française
La Société Suisse de
Médecine du Travail
Ludwig Binkert en conversation avec le Professeur Dr. Brigitta Danuser,
présidente de la Société Suisse de Médecine du Travail (SSMT/SGARM)
et directrice de l’Institut universitaire romand de Santé au Travail (IST)
à Lausanne.
plus d’importance et nous pensons également pouvoir y participer avec compétence.
Prof Dr. Brigitta Danuser
Vous êtes présidente de la SSMT/SGARM.
Quand la SSMT a-t-elle été fondée et quels
étaient alors ses objectifs?
La SSMT fût fondée en 1980 et a célébré son
25e anniversaire l’an dernier.Pour l’essentiel,
les objectifs d’alors sont encore valables à
l’heure actuelle. En son temps, l’un des objectifs principaux était la reconnaissance,
par le corps médical et plus particulièrement
par la FMH, de la médecine du travail
comme médecine spécialisée. L’autre objectif principal est encore valable de nos jours,à
savoir: la notoriété publique de la médecine
du travail, la sensibilisation de la population
aux maladies professionnelles, ainsi que les
douleurs y relatives et leur prévention. La
SSMT a également pour but d’assumer le
rôle d’interlocuteur vis-à-vis des milieux politiques pour ce qui concerne les questions
de travail et de santé.
Est-ce que ces objectifs ont changés? Dans
l’affirmative, comment? De quelle façon la
SSMT s’est elle développée?
Les objectifs se sont élargis: il ne s’agit plus
seulement d’examiner et d’éviter les maladies professionnelles, mais également les
maladies liées au travail.De plus,le thème de
la réhabilitation au travail prend de plus en
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Les maladies associées au travail ont de multiples causes; des facteurs individuels jouent
un rôle. Le travail peut être un facteur de
cause pouvant mener à une aggravation ou
encore empêcher une thérapie indiquée (par
exemple, un diabétique qui travaille à la
chaîne ne peut pas prendre ses collations
nécessaires.)
Aujourd’hui, le maintien de la capacité de
travail arrive au premier plan, de même que
la conservation de la capacité de travail avec
la progression de l’âge. A l’époque, le
chômage n’était pas à l’ordre du jour ; celui
qui voulait travailler trouvait bien un job.
Aujourd’hui, c’est la peur de perdre sa place
de travail qui prévaut et, souvent, cette peur
s’accompagne de douleurs physiques.
Combien de membres votre société
compte-t-elle?
Nous comptons 177 membres, dont 73 médecins spécialistes avec titre et 72 médecins
sans titre de spécialiste. Les médecins sans
titre de spécialiste ont, pour la plupart, suivi
un cours que nous avions offert en 2004 et
effectuent des examens de contrôle auprès
des firmes soumises à la SUVA. Le titre de
médecin spécialiste en médecine du travail
existe depuis 2000; jusqu’à cette date, il
s’agissait seulement d’un «sous-titre».
Votre Société est un groupement de médecins
de la FMH et nomme une commission pour
l’examen de spécialiste «médecine du travail»
FMH. Comment le médecin FMH obtient-il le
titre de spécialiste «médecine du travail»?
La formation pour le titre de médecin spécialiste consiste en:
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21⁄2 ans de formation continue en médecine clinique (médecin assistant à l’hôpital) dont un an en médecine interne
21⁄2 ans de travail de spécialiste spécifique
dans une institution de formation en
médecine du travail et un cours théorique,
p. ex. le MAS Travail + Santé.
Quels sont les thèmes couverts par cette
spécialisation?
Suivant l’institut de formation, l’accent est
mis sur les différents thèmes selon l’institution de formation ; par exemple, si l’on a une
formation dans la branche pharmaceutique,
les problèmes toxicologiques et ergonomiques prévaudront.
Combien de médecins par an sont-ils formés
médecine du travail?
Le nombre de médecins est limité en raison
du manque de postes de formation. Environ
5 à 7 personnes par an reçoivent le titre. En
Suisse, nous n’avons toujours pas assez de
médecins du travail. Pour augmenter le
nombre de médecins du travail, il faudrait
plus de postes de formation. Notre spécialité
est la seule à trouver ses postes de formation
essentiellement dans l’industrie. Nous ne
pouvons donc pas créer de nouveaux postes
de formation à l’envie.
Sur la base de la structure industrielle en
Suisse, nous estimons le besoin en médecins
de travail entre 300 et 350 personnes. Malheureusement, en matière de médecine du
travail, une comparaison entre les différents
pays est impossible car, dans chaque pays, ce
sujet est abordé de manière tout à fait différente. La France compte 12 000 médecins
du travail, l’Allemagne environ 10 000 et
l’Autriche env. 1000. En France, par exemple,
chaque travailleur doit se rendre chez le médecin du travail une fois par an ; après un
arrêt de maladie prolongé, il doit également
voir un médecin du travail avant de reprendre son travail. Il y a donc beaucoup plus de
réglementations qu’en Suisse.
Zeitschrift für Gesundheit und Sicherheit am Arbeitsplatz IZA
Partie française
En Suisse, une responsabilité importante
échoit à l’employeur. Il est responsable de
la sécurité au travail et de la protection de la
santé ; il doit prouver qu’une analyse des
risques a été effectuée et que les mesures
nécessaires ont été appliquées. Nous, les médecins du travail, supportons entièrement
l’axe de poussée de la directive EKAS. Or,
sa mise en œuvre, en particulier dans le
domaine de la protection de la santé, laisse
fortement à désirer.
Vaut-il la peine pour une entreprise
d’embaucher un médecin du travail?
Oui, la prévention est rentable ! Celui qui y
consacrera un franc, en économisera
entre 3 et 20.
Aujourd’hui,ce sont surtout les dépenses des
entreprises pour le 2e pilier des employés devenus invalides qui pèsent très lourds, mais
aussi les longues absences maladie. Dans ce
contexte, l’un des thèmes importants reste
«les maladies liées au travail». On estime
qu’entre 20 et 40% des absences sont dues à
des douleurs liées au travail. Les assurances
d’indemnités journalières augmentent. La
prévention, ainsi qu’un bon case-management par le médecin du travail en valent la
peine.
On estime que les caisses maladie dépensent
entre 4 et 6 milliards de francs par an pour le
traitement des maladies liées au travail.A ce
sujet, la Conseillère Nationale, Marlyse
Dormond Béguelin, a déposé une motion au
Conseil National.
Vos statuts mentionnent les objectifs suivants:
promotion de travaux scientifiques dans le
domaine de la médecine du travail, ainsi que
l’information et l’éducation du public. Pour
nos lecteurs, pourriez-vous citer quelques
points essentiels concernant ces objectifs?
La SSMT n’a pas assez de moyens pour promouvoir des travaux scientifiques. Cependant, nous organisons chaque année un congrès scientifique ; cet automne, celui-ci aura
lieu à Bregenz et est organisé en collaboration avec nos collègues autrichiens. A titre
d’exemple, nous avons également participé
aux frais de développement du site internet
«Stress no Stress». L’année passée, nous
avons élaboré une brochure d’information
expliquant les activités de la Société Suisse
IZA Revue de santé et de sécurité au travail
Prof Dr. Brigitta Danuser
de Médecine du Travail. Récemment, nous
nous sommes concentrés sur l’information
et la sensibilisation des autres médecins, par
exemple sur la protection de la maternité, le
travail de nuit et la réhabilitation, lors de
congrès communs ou sous forme d’articles,
par exemple dans le Bulletin des médecins
suisses (BMS).
Etes-vous également membre de l’UEMS
(Union européenne des médecins spécialistes)? Quel est le but de cette association au
niveau européen?
Le but de l’UEMS est d’atteindre, au niveau
européen, une uniformisation de la formation et de la gestion de qualité. En même
temps, l’UEMS s’efforce d’améliorer la visibilité de la médecine du travail.
De nos jours, un des objectifs importants est
le soutien des «demandes de la politique de
profession dans l’esprit de la FMH». Comment
les représentants de votre Société peuvent-ils
le réaliser?
Nous pouvons le faire par le maintien de la
qualité. C’est pour cette raison que nous
attachons beaucoup d’importance au titre de
médecin spécialiste. Nous nous occupons de
la formation et de la formation continue
dans le sens de la gestion de qualité.
En quelques mots, pouvez-vous nous
expliquer les tâches de l’IST?
L’IST est une fondation de droit privé des
cantons de Vaud et de Genève, fondée en
1994. Elle est intégrée aux universités de
Lausanne et de Genève, et elle est chargé des
tâches suivantes: enseignement, recherche,
prestations de services et promotion de
Travail + Santé.L’IST occupe environ 63 personnes, dont 50 postes à plein temps.
Les prestations de la médecine du travail ne
sont payées par aucune assurance. Il n’y a
pas de Tarmed. Nous sommes en train de
revendiquer un tel système de compensation. Si l’AI nous donne un mandat (par
exemple pour l’évaluation d’un poste de
travail en vue d’une réintégration), je n’ai
aucune possibilité de facturation.
Enseignement: l’IST donne des cours pour
les étudiants en médecine à Lausanne et à
Genève. De plus, il existe des cours pour les
étudiants en environnement et en chimie à
l’EPFL. Parmi nos clients, nous comptons
également différentes entreprises et associations, comme par exemple H+ (hôpitaux), à
qui des cours sont offerts. Depuis peu, nous
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Carrière du Professeur Dr. Brigitte Danuser
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après le travail en clinique, pendant environ 15 ans à la ETH, dans l’IHA
développement de l’étude postuniversitaire MAS Travail + Santé
travail au Brompton Hospital, Londres: médecine du travail clinique
habilitation à l’ETH en 2002: Attention motivée et respiration
à partir de 1996: développement de recherches psycho-physiologiques dans le domaine émotions,
attention et travail mental
depuis 2003: Ordinariat (Professeur) de la médecine du travail à l’Université de Lausanne
depuis le 1. 10. 2005: directrice de l’Institut universitaire romand de Santé au Travail, Lausanne
faisons aussi de la formation dans le
domaine de la réhabilitation au travail, en
particulier pour les cadres des services de
personnel.
Recherche: notre recherche est interdisciplinaire et comprend l’hygiène du travail, la
médecine du travail, le monitoring biologique et l’ergonomie.
Dans le domaine de l’hygiène du travail,
nous faisons beaucoup de « modélisations»
qui, sur la base de prélèvements d’échantillons, permettent de calculer l’exposition sur
environ un an.
Un autre projet que nous poursuivons en
collaboration avec la SUVA, l’OFSP et le Seco,
est celui des nanoparticules. Le but est
d’établir un inventaire suisse: où, qui,
combien d’entreprises et de personnes
travaillent avec des nanoparticules et comment se protègent-elles?
Un autre projet, financé entre autres par le
Fonds National, vise à une intervention
précoce, dans les cas d’employés souffrant
de douleurs chroniques de l’appareil locomoteur.
Nous testons une stratégie interdisciplinaire
contre les atteintes musculo-squelettiques:
d’une part, la personne concernée est entraînée physiquement pour son travail et
apprend à gérer sa douleur. D’autre part, le
poste et les conditions de travail sont évalués
et, si nécessaire, modifiés.
Promotion de la santé: nous sommes
partenaires en Suisse romande du projet
kmu-vital (www.kmu-vital.ch). D’autre projets encore, traitent des émotions et de la
peur.
Prestations de services: nous offrons
également des prestations de services dans
le domaine travail et santé ; depuis l’examen
de laboratoire (p.ex. le bio-monitoring) et la
mesure d’exposition, en passant par la
gestion de la santé dans l’entreprise, les
examens concernant le travail de nuit et par
équipe, les évaluations ergonomiques jusqu»
aux évaluations et analyses d’amiante.
Vous êtes Directrice de l’IST depuis l’automne
2005. Comment l’IST est-il organisé?
L’IST a été réorganisé lors de mes débuts en
tant que directrice. La réorganisation a pour
but de mieux gérer les prestations de services et la recherche. L’institut est divisé en 3
pôles: Monde du travail, Environnement du
travail et Santé des travailleurs. Chaque pôle
est dirigé par un professeur qui est responsable de la recherche et de l’éducation académique de son pôle. Les groupes de prestations de services sont rattachés à leur pôle
respectif selon leur matière, mais sont gérés
par notre directrice adjointe.
Il y a trois à quatre groupes de travail par
pôle. Un groupe est responsable soit pour la
recherche thématique, soit pour les prestations de services.
Par qui les patients qui viennent vous
consulter sont-ils envoyés?
Les patients sont envoyés chez nous pour
évaluation, par l’hôpital universitaire
(CHUV) et les médecins généralistes.
Comment l’IST est-il financé?
Nous recevons 2/3 de nos moyens de la part
des cantons de Vaud et de Genève. 1⁄3 est
généré par la recherche financée par des tiers
et par les prestations de services.
En Suisse alémanique existe-t-il une organisation sœur, d’une orientation similaire?
Non.A Zurich, il y a le Centre pour les sciences de l’organisation et du travail, et le
Département de médecine du travail à
l’Institut pour la médecine sociale et préventive, sous la direction du Professeur Hotz.
Malheureusement l’ETH a fermé l’Institut
pour l’hygiène et la physiologie du travail,
que nous considérons comme notre partenaire en Suisse alémanique.
Madame Danuser, je vous remercie pour cet
entretien intéressant.
Collaborateur au laboratoire
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Zeitschrift für Gesundheit und Sicherheit am Arbeitsplatz IZA

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