La Fiancée de la mer - Les escales littéraires de Sofitel

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La Fiancée de la mer - Les escales littéraires de Sofitel
La Fiancée de la mer
EDUARDO MANET
Sofitel Agadir RoyalBay Resort
EDUARDO MANET
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LA FIANCéE DE LA MER
Pourquoi Agadir ?
Je suis médecin. Bien plus, je suis un chercheur, un spécialiste
obsédé par les maladies du sang. Toutes les maladies du sang.
J’ai réussi à faire entrer dans l’institut que j’ai créé voilà presque
vingt ans celui qui allait devenir mon collaborateur principal, un
« jeune espoir » qui travaillait à Zurich. Nous lui avons donné
carte blanche. Car ce n’est pas tant l’argent qui comptait pour lui
que la possibilité de travailler en toute liberté, sans être obligé de
se plier aux directives générales définies par l’Institut.
Ni lui ni moi ne l’avons jamais regretté, depuis vingt ans que dure
notre collaboration. Avec le temps, c’est devenu un ami,
quelqu’un en qui j’ai toute confiance. Je l’admire et je dois avouer
que je suis un peu jaloux car il continue à travailler avec le même
acharnement et la même énergie qu’à ses débuts.
Suis-je devenu avec le temps plus médecin que chercheur ?
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EDUARDO MANET
J’éprouve davantage de satisfaction aujourd’hui à recevoir en
consultation et me pencher sur des cas concrets que je ne suis
féru de découvertes inespérées. Mon poste de directeur général,
avec les activités administratives, diplomatiques et politiques qu’il
suppose, commence aussi à me peser. Il est vrai que je n’ai pas
pris de vacances depuis longtemps. Mes voyages et nombreux
déplacements à l’étranger tournent toujours autour des affaires de
l’Institut.
Ce matin, une immense fatigue m’est tombée dessus, comme
une chape de plomb sur les épaules. Coup de blues ? Besoin de
soleil ?
Cette nuit, j’ai rêvé du Maroc. En bon freudien que je suis, je
connais la part de désirs refoulés qui alimente nos rêves et en
constitue la matière profonde.
Allez savoir pourquoi, j’aime cette partie de l’Afrique du Nord…
Sans doute parce qu’au Maroc je me suis toujours senti bien.
Ce matin pourtant – ou était-ce dans mon rêve ? –, c’est l’image
d’Agadir qui s’est imposée, de façon tout à fait inattendue. Un
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LA FIANCéE DE LA MER
ami marocain a trouvé la formule :
« Ce n’est pas toi qui es venu à Agadir, c’est Agadir qui est venue
à toi. Tout est écrit. Et il faut croire au destin. »
Justement, cet ami marocain, connaissant mon goût pour
l’Histoire, m’a passé un jour à Essaouira un livre passionnant : la
Chronique de Santa-Cruz du Cap de Gué, autrement dit Agadir.
Il s’agit d’un récit du xvie siècle écrit par un anonyme, un soldat
portugais.
Je suis immédiatement tombé sous le charme de cette période de
la colonisation portugaise (qui a duré très peu de temps en
vérité). Santa-Cruz du Cap de Gué. Alors que les Espagnols
occupaient une partie du Maroc, leurs rivaux portugais
revendiquèrent leur part du gâteau. Mais quelle part ! Une côte
admirable, sur fond de contreforts de l’Atlas, dont la large baie
favorisait le développement du commerce, élément fondamental
pour pouvoir s’implanter.
Avec la présence coloniale, un gros bourg se développe,
constitué de familles portugaises et marocaines. Pour protéger
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EDUARDO MANET
ces communautés et décourager toute attaque venue d’ailleurs,
les Portugais érigent une forteresse autour de la ville de Santa
Cruz. Mais en 1540, Moulay Mohammed, fils du Chérif du Sous,
l’assiège et reprend la cité. Le soldat chroniqueur décrit avec une
sobriété hallucinante la chute de Santa Cruz en 1541.
Bien des années plus tard, en 1572, Moulay Abd Allah el-Ghalib
construira une casbah sur la colline qui conserve des vestiges de
l’ancienne forteresse portugaise.
C’est ce livre attachant qui m’a guidé à travers Agadir. Bien sûr, je
me souvenais qu’elle avait été presque entièrement détruite en
1960 par un tremblement de terre et je m’attendais à y ressentir
les stigmates laissés par cette terrible catastrophe. Mais
cinquante ans plus tard, Agadir semble avoir pansé ses
blessures. C’est aujourd’hui une ville blanche qui rappelle certains
pueblos d’Andalousie. Je ne parle pas de vision extérieure, mais
de sensibilité. Je m’y suis promené à pied et en voiture, des
zones résidentielles aux quartiers populaires, et j’ai été frappé par
sa douceur, son rythme paisible, l’amabilité de sa population, les
sourires accueillants.
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LA FIANCéE DE LA MER
Du haut de l’ancienne forteresse, j’ai contemplé Agadir et son port
où, aujourd’hui, des bateaux du monde entier viennent accoster.
La ville n’a pas été abîmée par l’urbanisation sauvage et
chaotique qui affecte les côtes du sud de l’Espagne. À Agadir, les
hôtels se côtoient sans la moindre agressivité. Ils occupent de
beaux immeubles dans des quartiers agréables. Et, de l’autre
côté de l’avenue, il y a des cafés, des restaurants, des magasins,
le tourisme se développe mais sans provoquer ce défilé de
mauvais goût qu’on ne peut éviter sur certaines plages
françaises. C’est également une ville universitaire, jeune,
industrieuse et vivante.
Étrange coïncidence : je rêve du Maroc, je pense à Agadir et, ce
même matin, je reçois une lettre et un paquet envoyés de
Marrakech par notre ancien collègue de l’Institut, le docteur
Alberto Sanchez-Cuevas, un oncologue de renom, qui nous avait
quittés il y a quelques années pour parcourir le monde, rompre la
routine. Et voilà que je reçois de ses nouvelles du Maroc, un pays
où, explique-t-il, il n’est que de passage.
Sanchez-Cuevas m’informe qu’il se trouve confronté à une
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EDUARDO MANET
patiente atteinte d’une forme de leucémie rare, un cas qui lui pose
problème.
« Tu le sais, l’ami… La maladie est parfois capricieuse et vous
joue des tours. J’ai fait de mon mieux. J’ai pensé à toi pour
prendre le relais. Je suis convaincu que tu es l’homme de la
situation. »
Le paquet contient un dossier. Et ce dossier me laisse perplexe.
Alberto Sanchez-Cuevas, dans sa lettre, me demande aussi de
rencontrer un homme mystérieux qu’il appelle « l’émissaire ».
« Une personne de grande qualité qui t’expliquera…
l’inexplicable. Tu peux croire ce qu’il te dit. C’est un homme
intègre et loyal. »
En feuilletant les pages imprimées, j’apprends que l’émissaire est
un avocat diplômé des universités de Londres, de Yale et du
Caire ; qu’il a étudié la philosophie pour son plaisir à la Sorbonne.
Linguiste et polyglotte, c’est un homme à la personnalité
complexe. Quant au personnage qu’il représente…
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LA FIANCéE DE LA MER
très peu d’indications si ce n’est qu’il a le bras long, comme on dit.
Un poulpe dont les tentacules s’étendent partout. Du pétrole par
ici, des diamants par là, de l’or à profusion. Il est considéré
comme l’un des hommes les plus riches de la planète.
Alberto Sanchez-Cuevas insiste sur un détail de la vie
personnelle de ce potentat invisible afin que j’en prenne note.
Il avait épousé une Anglaise dont il était follement amoureux et
terriblement jaloux. Aussi avait-il transformé une oasis dont il était
propriétaire en véritable jardin d’Éden pour y emmener vivre sa
femme adorée loin de tous. Un endroit paradisiaque tenu secret.
On le disait situé quelque part dans le Sahara. En Libye. Au
Maroc. En Algérie… ? Nul ne sait.
L’Anglaise adorait la mer. Pour lui être agréable, son époux avait
acheté un grand bateau et tous les étés le couple partait en
croisière en compagnie de leur fillette, la petite Azalée, une enfant
bénie par Allah.
Chaque été, le même rituel se répétait : le luxueux yacht jetait
l’ancre au large des côtes et l’Anglaise se lançait à l’eau,
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EDUARDO MANET
nageant des heures durant. Une excentricité qui fut l’objet de
nombreuses disputes dans le couple et que l’époux finit par
accepter.
« Milady n’a rien à craindre de la mer », se rassurait-il.
Quand l’épouse et mère partait pour ses longues traversées, le
père et la fillette mettaient à l’eau une barque et la suivaient de
loin à la rame. Elle les précédait toujours et ils adoraient la voir les
accueillir, debout sur le rivage et belle comme une cariatide.
L’enfant avait sept ans. Cet été-là, le yacht se trouvait au sud de
la Sicile. L’épouse avait plongé. Père et fille scrutaient la mer,
mais ils ne la voyaient pas. Ils eurent beau balayer la côte du
regard, aucune femme ne les attendait sur le rivage. Comment
avait-elle pu disparaître si soudainement ?
La jeune femme avait-elle été prise d’une crampe ? Attaquée par
un animal marin ? Un requin, peut-être…
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LA FIANCéE DE LA MER
L’époux mit tous les moyens en branle pour rechercher le corps
de sa femme disparue, mais la mer semblait l’avoir avalée.
La colère du veuf fut à la hauteur de son désespoir : il fit
dynamiter son bateau au large de la Sicile et jura que sa fille
Azalée ne verrait plus jamais la mer, cette étendue d’eau vorace
qui avait fait d’elle une orpheline.
Tous les deux trouvèrent refuge dans leur oasis aux confins du
désert.
Après un long deuil, l’homme retrouvait enfin paix et sérénité
quand la fatalité le frappa à nouveau : une maladie insidieuse
s’était infiltrée dans le corps de sa fille chérie.
Dans le dossier que Sanchez-Cuevas m’a envoyé, on voit la
photo d’une adolescente de dix-sept ans au teint de miel, menue
et svelte. Elle a des traits d’une finesse exquise. Son visage de
biche est mis en valeur par le voile léger qui couvre ses cheveux.
Ses yeux verts, en amande, sont d’une douceur
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EDUARDO MANET
infinie.
Azalée.
Mon collègue ajoute :
« Les symptômes changent, mutent. Nous sommes face à une
maladie hybride à laquelle les traitements habituels ne répondent
pas. Je suis découragé. »
Pour la première fois de ma vie, j’hésite, je pèse le pour et le
contre. J’ai toutes les raisons de refuser sa proposition, mais la
curiosité, le défi sont trop forts. J’envoie un message électronique
à Sanchez-Cuevas.
« Tu peux fixer un rendez-vous avec l’émissaire. »
La rencontre se déroule dans la suite d’un des hôtels les plus
luxueux de la capitale. L’émissaire me reçoit en habit
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LA FIANCéE DE LA MER
traditionnel. Son costume et ses manières affectées ne font
qu’occulter ses qualités d’homme d’affaires redoutable.
Concret, efficace, il va droit au but.
– La recherche scientifique est un gouffre financier et je sais que
vous avez toujours besoin de fonds. Je propose de verser sur le
compte de la fondation créée par votre laboratoire une somme
d’argent conséquente qui reste à déterminer.
Soudain, l’or tombait du ciel. Et il précisa : pour ma malade, je
serais seul maître à bord. Je pourrais tout demander, aucune de
mes propositions ne serait jamais remise en cause.
– Mon maître vous fait une entière confiance.
– Votre maître connaît-il tant mon travail pour en avoir une si
haute opinion ?
Regard en biais, sourire à peine esquissé :
– Je n’aurais pas pris contact avec vous si je n’avais été sûr que
vous êtes la personne qu’il nous faut.
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EDUARDO MANET
Trois jours plus tard, je faisais mes adieux aux membres de mon
institut.
Mon collaborateur avait les larmes aux yeux.
– Reviens vite ! Ton foyer, c’est ici !
L’émissaire m’avait prévenu que le voyage serait long et
compliqué. Il ne mentait pas. Plusieurs heures en jeep sur une
piste du désert ; une escale chez les Bédouins pour une nuit sous
la tente et, pour finir, un trajet en hélicoptère, qui me déposerait
dans l’oasis où se trouvait la maison du maître.
J’ai découvert ce même jour la petite clinique dont je devais
prendre la tête durant mon séjour. L’endroit possédait les
équipements les plus modernes et, parmi le personnel, je fus
étonné de retrouver deux infirmières, un radiologue et un
chirurgien qui avaient travaillé à notre institut. Ils furent un peu
gênés de me voir débarquer. Loin de moi l’idée, pourtant, de leur
reprocher d’avoir quitté nos laboratoires pour gagner le
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LA FIANCéE DE LA MER
double ou le triple de leur salaire dans une lointaine région
saharienne !
Je ne voulais pas rencontrer ma patiente tout de suite. Je
m’accordai le temps d’étudier le dossier, la chronologie des
examens déjà réalisés.
Je m’intéressai aussi à l’environnement de la malade. J’avais fait
le tour du monde plus d’une dizaine de fois. J’avais été en contact
pour des raisons personnelles ou professionnelles avec toutes
sortes de gens hauts placés. Mais ce que j’allais découvrir n’était
pas comparable. À commencer par ce palais-forteresse érigé au
cœur d’une oasis et dont la construction avait dû mobiliser des
moyens pharaoniques.
Une aile du bâtiment arrière dévoilait une série d’appartements
donnant sur des terrasses, des patios agrémentés de fontaines et
de quelques palmiers et grenadiers… Et entourant ces riads, des
jardins foisonnant de lauriers-roses, croulant sous le bleu des
agapanthes, les fleurs de daturas, aloès et cactus de toutes
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EDUARDO MANET
sortes, des orangers et citronniers, le jasmin et son parfum
obstiné… Sans compter la suave senteur d’ambre qui
accompagnait nos pas.
C’était le paradis d’Azalée, jeune fille menacée de mort lente.
Je connaissais sa taille, son poids, le nombre de ses globules
rouges et blancs, l’état de son cœur, toutes les conséquences de
sa maladie… L’émissaire m’avait aussi confié quantité d’images,
des photos et des films amateurs en super-8 où l’on voyait la
petite et sa famille à différentes époques…
J’ai à ma disposition une suite à l’étage supérieur du palais, une
enfilade de pièces distribuant une pénombre fraîche. Le sol, en
losanges et carreaux de terre cuite de différents tons, lance des
éclats blonds et chauds. Dans un petit bureau attenant, les murs
sont tapissés de livres anciens écrits en plusieurs langues.
Je dispose d’un lit merveilleusement confortable. J’ai un
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LA FIANCéE DE LA MER
hammam privé et une baignoire en demi-lune. Mais le coin que je
préfère entre tous est la terrasse d’où j’ai une vue assez large sur
l’oasis et l’horizon de dunes.
C’est de cette terrasse que je découvre, en contrebas, le riad
d’Azalée, son jardin ombragé et fleuri.
Étendue sur un canapé large et profond qui rappelle par sa forme
ovale le berceau d’un enfant, Azalée lit ou écoute de la musique,
un casque sur les oreilles. Parfois, elle prend un luth et se met à
jouer. Des ballades anglaises. Des complaintes orientales. Les
classiques italiens, Monteverdi, Scarlatti…
Curiosité professionnelle ? Exigence de médecin… ? Voilà
plusieurs jours que je l’observe. Elle reste des heures immobile, le
regard perdu dans ses pensées. Sur son visage, aucune trace de
sa déjà longue maladie. Voyeur à demi caché derrière les troncs
de deux gros palmiers, je n’ai aucun scrupule à espionner ma
jeune patiente.
Azalée lit beaucoup…
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EDUARDO MANET
Le moment est venu de rencontrer la jeune fille.
Elle porte ce jour-là des vêtements qu’elle a dessinés, comme elle
me l’expliquera : des pantalons bouffants retenus aux chevilles,
une tunique aux manches amples resserrées aux poignets, et des
voiles. Une savante superposition de voiles fins et légers. Je la
féliciterai sur le délicat agencement des couleurs – rose pâle,
jaune délavé, bleu ciel, vert jade – de sa tenue. Quand la jeune
fille marche, son mouvement naturel et la brise légère provenant
du murmure de l’eau soulèvent les mousselines et sa silhouette
se fait oiseau, papillon, créature arachnéenne et immatérielle.
Azalée n’est jamais seule. La vieille Nouria veille sur elle jour et
nuit.
– C’est une Berbère. Elle descend d’une lignée de femmes
guerrières, des Amazones du désert. Chacune vaut, à elle seule,
au moins dix combattants mâles.
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LA FIANCéE DE LA MER
Nul ne saura jamais par la faute de qui Nouria avait subi l’outrage
suprême. À l’âge de vingt ans, on lui avait coupé la langue. Une
Amazone sans voix perd son prestige. Elle fut reléguée au fond
du caravansérail avec les mules, les ânes, les chèvres, les
esclaves… C’est là que la mère d’Azalée l’avait trouvée un jour et
achetée à bas prix sans savoir qu’elle venait d’acquérir un trésor
de fidélité, d’habileté et de courage.
– Je suis un docteur, pas un faiseur de miracles, mademoiselle.
Avec intelligence Azalée entre tout de suite dans mon jeu.
Je reçois son regard de plein fouet. Le regard de qui a déjà tout
vu, tout compris, tout pardonné, tout oublié. Sans attente
d’aucune sorte.
Mon prédécesseur avait « donné sa langue au chat ». Je décidai
donc de reprendre les examens, analyses, radios et tests comme
s’il s’agissait d’une enquête. J’avais pour cela besoin d’une totale
coopération. Je lui expliquai ma démarche. Et,
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EDUARDO MANET
chaque jour, j’étais étonné de sa patience, sa bonne volonté, sa
douceur. Elle ne manifestait jamais le moindre signe de mauvaise
humeur. Pourtant, ses matinées étaient loin d’être agréables.
Souvent vers la fin de l’après-midi, elle m’invitait à boire un thé à
la menthe et à grignoter cornes de gazelle et dattes fraîches dans
son jardin. Nous parlions de tout et de rien. Elle lisait beaucoup,
des romans anglais, offerts par sa mère sans doute. Jane Eyre de
Charlotte Brontë, Les Hauts de Hurlevent de sa sœur Emily… De
la
poésie.
Un
recueil
de
poèmes
de
Marceline
Desbordes-Valmore, les Lettres de Mme de Sévigné… Et le
Coran. Un précieux exemplaire du Coran en arabe, imprimé sur
vélin et recouvert de cuir de Russie qui trône sur une table au
plateau en cuivre ciselé…
Nous n’évoquions jamais son enfance ni le malheur qui l’avait
frappée quand elle avait à peine sept ans.
Avant sa maladie, Azalée, accompagnée de Nouria, se rendait
tous les soirs dans l’autre partie de la forteresse pour dîner
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LA FIANCéE DE LA MER
avec son père. Elle lui racontait sa journée, ses études, ses
lectures et lui jouait du luth.
– Et puis un jour, je suis tombée malade…
Un sourire triste s’esquisse sur ses lèvres.
– Et je ne l’ai plus vu. Il s’est isolé… Mon père m’a envoyé un mot
pour me demander de lui pardonner : c’était au-dessus de ses
forces, disait-il, il ne voulait pas me voir souffrir.
Je parcours le résultat des nouvelles analyses et examens. Je le
sais, il s’agit d’une tumeur atypique. Tout est possible, donc. Mon
collaborateur a trouvé, il y a quelques mois, une nouvelle
molécule susceptible de soigner les malades atteints de leucémie.
Mais ce médicament n’est pas encore sur le marché. Il est en
train d’être testé.
Que faire ? Sans un traitement de choc, l’état de ma patiente ne
va faire qu’empirer, lentement mais sûrement. Je choisis donc
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EDUARDO MANET
de tout dire à Azalée et je lui explique aussi ce que nous appelons
« l’effet placebo », cet effet positif qui survient même pour des
médicaments sans aucun principe actif. C’est la foi dans sa
guérison qui peut la sauver.
Quand, réagissant à mes propos avec une spontanéité
désarmante, Azalée me lance : « Je crois en vous, docteur ! », je
me surprends à rougir.
L’émissaire qui suit de près le traitement en informe à son tour le
père de la jeune fille.
– Je lui ai annoncé que l’état de sa fille s’améliorait, me dit-il.
– Ne crions pas victoire trop tôt. C’est un long processus. Pour le
moment, oui, les nouvelles prescriptions semblent donner des
résultats satisfaisants.
– Inch Allah !
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LA FIANCéE DE LA MER
Maintenant Azalée peut se lever sans l’aide de Nouria. Elle a
retrouvé l’appétit et dévore les petites brochettes d’agneau
accompagnées de riz ou de semoule que la Berbère cuisine à
merveille.
Azalée rit. Azalée danse en tournant sur elle-même et ses voiles
déploient leur corolle autour d’elle.
Un après-midi, elle m’annonce avec un sourire d’enfant :
– Il serait temps, docteur, que je vous montre mon secret.
Le charme si particulier d’un palais maure réside dans ce jeu
savant entre intérieur et extérieur. Les pièces sont toujours
ouvertes sur des cours, des terrasses, des patios, des jardins…
Les grands salons voisinent avec des petites pièces destinées à
différents usages : de grands espaces pour recevoir des invités
en nombre ; des salles plus modestes pour
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EDUARDO MANET
se réunir entre amis ; des petits coins où l’on se retire pour se
reposer, lire…
C’est dans un salon couvert de tentures d’époque et de meubles
incrustés de mosaïques de nacre que se trouve le secret
d’Azalée : un énorme téléviseur à écran plat.
– J’ai là un film que ma mère a tourné avant ma naissance.
Elle met la cassette en marche.
On y voit des vagues, rien que des vagues.
– Elle a filmé tous les océans et toutes les mers du monde.
Nouria nous a rejoints. Elle reste debout près de la porte, en
bonne chienne de garde. L’émissaire m’a averti que la Berbère
portait toujours, dissimulé dans les plis de sa djellaba, un
poignard long et fin comme un stiletto , capable de vous
transpercer le cœur ou le poumon. Depuis ma première rencontre
avec sa jeune maîtresse, le regard noir de Nouria ne m’a pas
lâché une seconde. Il s’est un peu adouci quand elle a
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LA FIANCéE DE LA MER
compris que j’étais celui par qui le bonheur pouvait arriver et
Azalée, recouvrer la santé. Maintenant, elle me concocte des
petits plats.
– Nouria sait reconnaître, comme moi, de quelle mer il s’agit rien
qu’au mouvement des vagues… Là, c’est les Antilles, entre Cuba
et la Jamaïque… Ici, l’océan Atlantique, on le reconnaît à sa
couleur… Voilà la mer Égée, nous ne sommes pas loin de
Malte…
Pas l’ombre d’un bateau ou d’un voilier. Seul un vol de mouettes
traverse le paysage.
– Si mon père savait que je regarde ces images, il les ferait
disparaître. Il hait tout ce qui lui rappelle la mort de sa femme. Je
le comprends, mais j’ai hérité de maman sa passion pour la mer.
Savez-vous ce que je regretterai le plus, docteur ? C’est de
mourir sans avoir remis les pieds sur une plage ! Je rêve de
pouvoir courir pieds nus sur le sable mouillé…
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EDUARDO MANET
Cela fait plusieurs semaines maintenant que je dîne en
compagnie d’Azalée. La Berbère nous surprend chaque soir avec
un menu différent. J’ai fait des progrès et j’arrive à communiquer
avec elle. Elle comprend bien le français et me répond par des
gestes, des mimiques qui me font rire, surtout lorsqu’elle tente de
m’expliquer qu’elle nous sert la meilleure viande du pays, les
moutons les plus savoureux, les agneaux les plus tendres…
Un soir, je propose à Azalée de lire et commenter des sourates
du Coran. Un autre soir, c’est moi qui lui lis les poèmes de saint
Jean de la Croix. Je me souviens encore de certains passages de
La Nuit obscure que je lui récite.
Azalée a du mal à retenir son émotion.
– Cela me rappelle la sourate XCII… Par la nuit et son
occultation… Par le jour et son illumination… Par ce qui a créé le
mâle et la femelle… Plurale est votre tribulation… Celui qui donne
se prémunit et tient la splendeur pour véridique… Nous lui
faciliterons le bonheur éternel…
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LA FIANCéE DE LA MER
La jeune fille me propose de l’aider à traduire en arabe Jean de la
Croix qu’elle aimerait faire lire à son père.
Erreur, faute professionnelle impardonnable : je sens que je suis
en train de m’attacher à ma patiente. Pis encore, je ne fais rien
pour que son affection pour moi ne grandisse chaque jour. Il faut
être aveuglé par un sentiment d’interdit pour ne pas remarquer les
changements dans son comportement. Le carmin léger sur ses
joues, le rose thé dont elle teinte ses lèvres, la poudre de khôl qui
souligne ses yeux magnifiques… Sans parler du sourire de
maquerelle de la Berbère lorsqu’elle nous surprend, têtes
penchées l’une vers l’autre, tout entiers absorbés dans la
traduction d’un vers de saint Jean de la Croix.
Mon ami de l’Institut me ramène brusquement à la réalité. Chaque
semaine, je lui envoie un compte rendu des analyses et des tests
faits à la clinique. C’est vrai, notre molécule tient ses promesses
mais ce n’est peut-être qu’une rémission.
L’aube approche. Je suis debout sur ma terrasse. Je n’ai pas
fermé l’œil de la nuit.
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EDUARDO MANET
L’émissaire me reçoit. Il a abandonné son allure de diplomate,
son sourire de circonstance.
– Vous faites ce que vous pouvez, docteur. L’inéluctable n’est pas
un échec. Si telle est la volonté d’Allah…
– Il faut que je parle au père d’Azalée, lui dis-je.
L’émissaire lève les bras au ciel.
– Il ne va pas bien. Que Dieu le garde ! Je vais faire tout mon
possible pour vous aider.
Trois jours plus tard, le seigneur me reçoit du fond de son lit,
enveloppé dans une couverture malgré la chaleur. Il fait sombre
dans la pièce et pourtant il porte des lunettes noires.
Azalée m’avait décrit son père comme un bel homme, sa fière
allure de cavalier, son visage noble, ses cheveux noirs crépus qui
s’étaient mis à grisonner à la mort de sa femme, et je me retrouve
devant un vieillard émacié, cheveux rare et barbe
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LA FIANCéE DE LA MER
blanche. D’une voix caverneuse, il s’excuse de ne pouvoir se
lever pour me recevoir comme je le mérite.
– Le destin s’acharne contre moi… Dites, combien de temps lui
reste-t-il à vivre ? Quelques semaines ? Quelques mois ?
– Nous avons commencé un nouveau traitement… Elle a repris
des forces. Pour le moment. Mais… puis-je me permettre une
requête, monsieur ? Il y a un cadeau que vous pourriez lui faire.
Le plus beau de tous les cadeaux.
– Je ferai tout pour son bonheur.
– Permettez-lui de revoir la mer. La joie est le meilleur de tous les
antidotes.
S’est-il endormi derrière ses lunettes noires ? Après un lourd
silence, il murmure dans un souffle :
– Je la remets entre vos mains. Inch Allah !
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EDUARDO MANET
Je m’étais fait envoyer le texte de saint Jean de la Croix en
espagnol dans une édition ancienne publiée à Madrid après la
mort du poète. Il est arrivé juste à temps.
Le sourire radieux d’Azalée lorsqu’elle prend le livre et caresse la
couverture un peu maltraitée par le temps ! Vivo sin vivir en mi…
Y tan alta vida espero… Que muero porque no muero…
– Quel beau cadeau ! s’exclame-t-elle.
– Et ce n’est pas le seul. J’ai parlé à votre père.
Elle porte la main à sa bouche pour réfréner un petit cri.
– Quand ?
– Ce matin même. Je lui ai expliqué que le plus grand bonheur
pour vous serait de revoir la mer.
Elle ferme les yeux, prend appui sur le bras du fauteuil comme si
elle n’avait pas la force d’en entendre plus.
– Et qu’a-t-il dit ?
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LA FIANCéE DE LA MER
– Il me charge de vous y conduire.
Azalée reste figée sur place, puis se lève d’un bond.
L’oiseau blessé prend son essor et retombe dans mes bras.
La Berbère traverse la pièce sans bruit, pieds nus, comme
d’habitude. Puis elle referme doucement la porte derrière elle, en
signe de consentement.
C’est donc dans cette douce ville d’Agadir que j’avais beaucoup
aimée au cours de mon premier voyage et dans cet hôtel à
l’élégance française où je m’étais tout de suite senti bien que je
décidai de loger Azalée et Nouria.
J’avais fait en sorte que nous arrivions à la tombée du jour. Le
soleil commençait à décliner, la marée était basse, la baie brillait
comme un miroir en demi-lune où se reflétaient les couleurs du
couchant. Pendant quelques minutes, elles se livrèrent une
sanglante bataille : le vermillon virant au carmin, le
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EDUARDO MANET
bleu marine rivalisant avec le violet, l’orange se coulant dans le
rose et le mauve… Jusqu’à ce que l’astre roi disparaisse dans la
mer, engloutissant ses derniers feux.
Nouria avait marché vers le rivage pour se tremper les pieds dans
l’eau. Azalée était silencieuse. Je la tenais serrée contre moi pour
la protéger du vent du large. Son corps tremblait de joie,
d’émotion, de chagrin peut-être. Elle la revoyait enfin, cette mer
qui était à la fois sa joie et son plus grand malheur !
La chambre de Nouria se trouvait à côté de la nôtre, séparée par
une porte. J’avais demandé une pièce en plus qui me servait de
bureau pour correspondre avec mon collègue de l’Institut.
L’été commençait à peine et les clients étaient peu nombreux.
J’accompagnais Azalée à la plage tôt le matin et nous faisions de
longues marches le long du littoral. Parfois je louais un bateau
pour faire des promenades. Ou nous restions assis au bord de
l’eau à contempler l’horizon en parlant de notre traduction des
poèmes de Jean de la Croix. Les grands rouleaux de vagues de
l’Atlantique et la température fraîche de
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LA FIANCéE DE LA MER
l’eau empêchaient Azalée de nager comme elle l’aurait souhaité.
Mais le soir, avant le dîner, elle prenait possession de la piscine.
Nouria et moi montions sur le pont pour admirer son corps de
sirène glisser dans l’eau comme dans son élément naturel.
Cela faisait plus d’une semaine que nous vivions un
enchaînement d’instants délicieux, de joies partagées et de
moments de tendresse comme je n’en avais jamais connu.
Un soir, au crépuscule, la voix d’Azalée recouvre le bruit des
vagues :
– Combien de temps me reste-t-il encore ? Je veux dire… avant
de perdre cet élan de vie que tu m’as donné ?
Nous n’avions jamais évoqué sa maladie ou sa mort d’une
manière aussi directe. Mais là, face à la mer, sa question prenait
une nouvelle dimension.
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EDUARDO MANET
– C’est impossible à dire. On se trompe toujours dans les
pronostics. Mon équipe travaille sans relâche pour essayer de
trouver la molécule qui pourra stopper la progression de ta
maladie. Tu sais bien que tu es une petite personne très spéciale
qui ne fait rien comme les autres…
Azalée se retourna vers moi, plongea ses yeux dans les miens,
passa un bras autour de mon cou et me dit à l’oreille :
– Chaque jour que nous passons ensemble est une éternité.
Je la serrai très fort contre moi.
– Il faut croire au miracle…
– Qui sait ? Veux-tu que je te dise ? Le jour où je me suis inscrit à
la faculté de médecine, j’ai décidé que j’avais perdu la foi. Un
scientifique croit à la science et non pas aux miracles. Eh bien,
hier matin…à l’aube, pendant que tu dormais, je me suis surpris à
prier de toutes mes forces… J’ai prié avec une ferveur que je
n’avais jamais ressentie ! J’ai prié pour que le miracle se
produise ! J’ai prié pour toi, Azalée, pour que tu vives !
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LA FIANCéE DE LA MER
Azalée allait avoir dix-huit ans et depuis une semaine nous
réfléchissions aux préparatifs de la fête. Elle m’avait confié un
rêve qu’elle faisait depuis toute petite : « Souvent je vole dans
mes rêves, je vois la terre d’en haut… Ce serait beau de voir
Agadir, les villages et collines du Haut Atlas ! »
Le jour de son anniversaire, je lui fis la surprise. J’avais loué les
services d’un hélicoptère et nous avons survolé la ville et le port.
Azalée riait aux éclats en voyant Nouria, qui s’était farouchement
opposée à cette idée, courir en bas sur la plage, en agitant les
bras pour nous sommer de redescendre.
L’après-midi, le docteur exigea que sa patiente fasse une longue
sieste. Puis il me fallut servir d’intermédiaire pour ne pas offenser
l’excellent cuisinier de l’hôtel car Nouria tenait à préparer
elle-même le repas d’anniversaire de sa maîtresse. Brochettes de
kefta et de poisson, semoule aux oignons et raisins secs, briouats
aux œufs, tajine d’agneau aux aubergines, salade d’artichauts et
d’oranges… Les plats
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EDUARDO MANET
qu’Azalée préférait…
Nous soupons à la lueur des bougies dans le petit salon qui ouvre
sur le patio. Pour donner plus d’éclat à cette cérémonie, j’ai revêtu
un smoking d’été : pantalon noir, veste blanche et nœud papillon.
Nouria a mis sa tenue « des grands jours », une superbe djellaba
incrustée d’or, et elle croule sous les bijoux, colliers d’argent
rehaussés d’émaux et bracelets en forme d’anneaux. De grandes
et lourdes boucles pendent à ses oreilles. Azalée quant à elle
nous a réservé une tenue qu’elle a fait coudre dans le souk : une
robe blanche vaporeuse à manches amples. Quand elle lève les
bras, on dirait qu’elle déploie ses ailes.
– Me voilà mouette pour de bon !
Après le dîner, nous passons dans un autre salon. Alain, le très
compétent maître de cérémonie, a fait venir pour nous un
quartette de jazzmen américains, en tournée dans la région.
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LA FIANCéE DE LA MER
Assise sur un fauteuil royal un peu raide, Nouria lutte contre le
sommeil. Après quelques tours de danse, je comprends
qu’Azalée, fatiguée par la soirée, tient à peine debout.
Alors l’étrange trio que nous formons se replie, traversant les
grands couloirs de notre merveilleux hôtel français rebaptisé par
moi Paradise Palace. L’Amazone berbère ouvre la marche,
cliquetante de bijoux, suivie d’un élégant docteur aux cheveux
poivre et sel emportant dans ses bras une mouette endormie…
Il est deux heures et demie du matin. Je corresponds par Internet
avec mon collaborateur. L’ambiance n’est pas très bonne à
l’Institut. Mon absence dure depuis plus de trois mois et je suis
incapable de décider d’une date de retour. Les meilleurs
chercheurs ont délaissé leur poste pour ne plus s’occuper que du
cas de « la jeune fille de l’oasis ». Mon collaborateur me dit sur le
ton du reproche :
« Je ne comprends pas ce qui t’arrive. Es-tu menacé de mort ?
T’offre-t-on tellement d’argent que tu n’oses pas me dire ce qui
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EDUARDO MANET
te retient dans ce désert, auprès de cette fille malade ? »
La réponse tarde à venir, puis je lâche :
« Je l’aime. »
J’éteins l’ordinateur. Je n’ai pas la force de bouger. Je me serais
endormi sur place si des coups répétés et violents dans la porte
ne m’avaient fait bondir. Nouria, en chemise de nuit, le crâne nu
(habituellement caché sous un fichu), gesticule, émettant des
borborygmes désespérés et désignant la porte de ma chambre où
Azalée est censée dormir.
La porte est grande ouverte. Le lit n’a pas été défait. Jetée
dessus, une feuille avec l’écriture penchée de la jeune fille.
« Docteur, pardonnez votre malade devenue capricieuse le jour
de ses dix-huit ans. Je prends un bain de mer. Azalée »
Et en post-scriptum :
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« Ne te fâche pas mon amour ! »
Je cours prévenir le gardien de nuit qui, à son tour, réveille les
employés. On allume toutes les lampes, tous les projecteurs qui
se trouvent le long de la plage de l’hôtel.
Soudain, sur ce pan de côte dans la baie d’Agadir, la nuit se
transforme en jour. Des projecteurs puissants balayent l’horizon.
Au lointain, comme une graine dans l’océan, Azalée danse sur les
flots. Des petites vagues courtes et nerveuses la couvrent et la
découvrent par intermittence et, à chaque apparition, l’oiseau
blanc bat des ailes. Elle donne l’impression de voleter, de jouer
avec les vagues.
Mouette. Fiancée en robe blanche.
The sea’s bride.
La novia del mar.
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La fiancée de la mer.
J’avance vers le rivage. C’est marée haute. Nouria court chercher
des draps de bain et couvertures. Le jeune employé de l’hôtel
chargé de surveiller la plage s’approche à son tour.
– Vous avez besoin d’aide, monsieur ?
– Non. Tout va bien. J’en ai maintenant la conviction : les miracles
existent, et je vais rejoindre ma fiancée.
Je me jette à l’eau.
Azalée nage vers moi et je nage vers elle dans les flots noirs,
sous le ciel étoilé, dans la baie d’Agadir.
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