Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.

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Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
Institut d'Etudes Politiques de Lyon
Séminaire: La transition démocratique en Amérique Latine
Médias et Démocratie au Chili: les dérives
de la transition.
Lauriane Dherbecourt
Soutenu le 5 septembre 2008,
sous la direction de David Garibay
jury : Isabelle Garcin Marrou.
Table des matières
Introduction . .
1. La concentration économique des médias chiliens comme résultat d'un néolibéralisme
bien ancré . .
1.1 La concentration économique des médias . .
1.1.1Processus historique de cette concentration: Histoire de la démocratie et de
l'autorité et de leurs liens avec la presse depuis 1970 . .
1.1.2 Un historique contradictoire: la disparition des médias pendant la transition . .
1.1.3 Economie libérale comme base actuelle et toujours d'actualité. . .
1.2 La concentration actuelle des médias . .
1.2.1 La concentration de la presse . .
1.2.2 La concentration de la télévision . .
1.2.3 La Radio . .
1.2.4 La concentration par groupes . .
1.3 Fonctionnement et image des entreprises: entre néolibéralisme et autorité . .
1.3.1 Les structures de l'entreprise de communication . .
1.3.2 Présence dans l'activité économique . .
1.3.3 L'image des grands maîtres. . .
2. La concentration idéologique des médias ou la survivance de la droite autoritaire en
époque de transition . .
2.1 Une concentration idéologique marquée à droite: la face cachée de la propriété . .
2.1.1 La concentration idéologique de la presse . .
2.1.2 La concentration idéologique de la télévision . .
2.1.3 Concentration à droite par classes sociales . .
2.1.4 La droite ne reconnaît pas la concentration: défense des intérêts . .
2.2 Un cadre restrictif et homogène: élaboration de l'information bloquée, hiérarchie et
mode imposé . .
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2.4.2 L'apparition des journaux alternatifs . .
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2.4.3 La « farandula » dans la presse traditionnelle, ou vers un appauvrissement de
l'information. . .
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2.2.1 La salle de presse et le statut du journaliste au Chili . .
2.2.2 Homogénéité de l'information à travers la pauta . .
2.3 Pressions sur les contenus: manque de représentation et dérives . .
2.3.1La représentation . .
2.3.2 La limitation de la liberté d'expression . .
2.4 Une idéologie qui s'ouvre mais pas assez . .
2.4.1 La radio maintient un semblant de pluralisme et de proximité . .
3. La transition n'a rien fait pour la presse : une gauche qui bloque l'entrée en démocratie
..
3.1 Une politique de continuité des structures et d'omission . .
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3.1.1 Le passage de la dictature à la démocratie dans la continuité: quelle valeur
progressiste de la Concertation? . .
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3.1.2 Le thème des droits de l'homme et grands thèmes d'information bloqués en
transition . .
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3.1.3 Le système universitaire et la formation du journaliste . .
3.2 La participation au blocage démocratique de la presse . .
3.2.1 Le complot avec la droite . .
3.2.2 Des Initiatives legislatives avortées et des lois pas assez avancées . .
3.2.3 Le cas de la publicité:l' Etat complice de la droite . .
Conclusion . .
bibliographie . .
Ouvrages . .
Articles d'investigation universitaire . .
Articles de presse et de périodiques . .
Ressources électroniques . .
Organismes . .
Des journaux . .
Des universités . .
Annexes . .
Entretien avec Ignacio Aguero, Santiago, Chili ,10 juillet 2008 . .
Entretien avec Juan Pablo Cardenas - Santiago - 20 Juillet 2008 . .
Entretien avec Gonzalo Andrés Figueroa, Cea, Santiago, 2 juillet 2008 . .
Entretien avec Jorge,Santiago, Chili,22 juin 2008 . .
Entretien avec Claudia Lagos, Santiago, Instituto de Comunicacion e de Imagen, 19
juillet 2008 . .
Interview de Raul Mandres,Santiago,10 juin 2007 . .
Interview de Pablo Moreira, Santiago, 19 juin 2007 . .
Entretien avec Pedro Santander, Valparaíso, 8 juillet 2008 . .
Entretien avec Paul Walder,15 juillet 2008 . .
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Introduction
Introduction
L'Amérique Latine est un continent passionnant politiquement, qui vit à l'aube du XXIe siècle
de véritables transitions démocratiques, dans le sens où les pays tentent de passer de
régimes autoritaires, à des républiques stables et représentatives. En 2008, une vague
de gauche s'est installée sur le continent comme l'analysent de nombreux auteurs comme
Georges Couffignal, directeur de l'IHEAL. Elle représente un mouvement continental unique,
d'autant plus qu'elle est représentée par des présidents populistes, en rejet contre le modèle
néoliberal imposé par les Etats Unis au XXème siècle. Le Vénézuela, par exemple, est
représenté par un président très présent et critique sur la scène internationale, Hugo
Chavez. La Bolivie, plus récemment encore, choisit un indigène de la société civile comme
gouvernant, Evo Morales. Mais toutes ces gauches, malgré des points communs, ont des
différences considérables, et ne possèdent pas du tout les mêmes structures internes.
Le Chili est un cas bien particulier. La démocratie s'installe à gauche en 1990 avec la
coalition de la Concertation. En 2008, c'est un pays qui semble avoir installé sa démocratie
et achevé sa transition. Une femme est à la présidence, Michelle Bachelet. Le pays est un
des plus riches d'Amérique Latine. Au niveau international, il possède une bonne image.
Pourtant, cette image de gauche possède une face cachée. Il existe encore beaucoup
d'inégalités au Chili qui se ressentent tout au long du pays, le salaire minimum est faible mais
quelques personnes gagnent des millions. Le système néoliberal est toujours en vigueur.
De nombreuses questions restent encore à poser sur la société chilienne, sur la valeur
de sa démocratie. J'ai voulu m'intéresser dans cette étude à la valeur démocratique de la
transition chilienne, à savoir si vraiment, l'image qu'elle en donne reflète les faits. Pour cela,
j'ai décidé d'étudier cette transition à travers le système médiatique.
En effet, les médias sont un des piliers essentiels de la démocratie. Ils sont un
véritable indicateur de la démocratie. Quatrième pouvoir, acteur historique, acteur politique,
acteur social, le journalisme a toujours été considéré comme un droit de l'homme et
une liberté que chaque société convient d'acquérir pour atteindre l'optimum d'un Etat
pluraliste et démocratique. Ils doivent représenter le peuple, et sont là pour surveiller au bon
fonctionnement des institutions publiques, et offrir de multiples points de vue selon l’optique
1
Kantienne et le principe de publicité. Selon lui, l’espace public, par la liberté et la pluralité
de ses points de vue, perpétue l’équilibre démocratique et rationnel du pays.
Le système médiatique chilien est un élément très ancré dans le système politique du
pays, mais a été victime de nombreux bouleversements tout au long du XXe siècle. A l'heure
ou il devrait refléter ce retour de la démocratie, il est néanmoins possible de faire une série
de remarques qui laissent présager un problème de développement.
Le système médiatique au Chili est en effet loin d'être un système pluraliste,
représentant une démocratie avancée.
Les médias subissent une forte concentration économique, La concentration des
médias se situe de plus d’un seul côté du spectre politique, à droite, et impose une mainmise
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« Reponse à la question : qu’est-ce que Les Lumières ? », E. Kant, 1784, dans Du journalisme en démocratie, Geraldine
Mulhman.
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Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
idéologique sur presque tous les médias : la liberté d’expression est bafouée. Le Chili
garde en fait de profondes marques de la dictature de Pinochet, qui ne s'est terminée que
récemment, en 1990. Le pays reste foncièrement dominé par des grands chefs d’entreprises
qui possèdent à eux seuls une grande partie de l’entreprise médiatique.
Ce constat de départ soulève beaucoup de questions sur la transition: peut-on affirmer
que la transition chilienne ait abouti à une démocratie achevée, et à un pluralisme
médiatique nécessaire?
L'analyse du système médiatique nous aidera à éclairer une des grandes questions
de ce pays, à savoir, la démocratie a-t-elle vraiment réussi à s'installer après la période
autoritaire?
Ce travail est le fruit d'une longue réflexion et d'une enquête de terrain. Il est une
conclusion théorique mais aussi expérimentale du système de la presse au Chili. De
nombreux entretiens ont été réalisés avec des personnages clés de cette problématique,
acteurs principaux de la critique actuelle.
Ce thème est très peu traité sur la scène publique, que ce soit par le gouvernement ou
les médias. La plupart des Chiliens n'entendent pas parler de cette thématique. Cependant,
c'est un débat qui prend de plus en plus de place chez les auteurs, les journalistes et les
professeurs. La plupart des études se consacrent à étudier la concentration économique,
ou la concentration de la publicité. D'autres la liberté d'expression.
Dans les années 1990, au tout début de la transition, il n'existe que très peu de
publications sur tous ces thèmes. Cela peut paraître étonnant puisque le thème a été tu alors
que le Chili était en pleine transition démocratique. Cependant, la problématique commence
doucement à resurgir, en filigrane, et surtout a partir des années 2000.
Au sein de l'Université du Chili, l'école de journalisme a développé de nombreuses
critiques envers la concentration économique, à travers un programme appelé Liberté
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d'Expression, développé par l'Institut de la Communication et de l'Image . Ce programme
a réalisé de nombreux forums de discussion. En août 2007, se tient également le « Forum
Social Chileno », qui tente de traiter le problème de la concentration des médias avec la
présence de Bernard Cassen, directeur général du Monde Diplomatique (Chili), Pia Matta,
directrice de Radio Tierra, et autres journalistes. Ils se sont tous exprimés en faveur d’une
nouvelle législation.
Le Collège des journalistes, à travers la personne de Luis Conejeros, affirme durant
cette conférence que “la concentration est grave pour tous les chiliens, une entrave à la
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qualité de la démocratie. » Sur son site, il est possible de voir toutes les critiques faites au
système de distribution de la publicité.
Au niveau des livres, deux livres sont indispensables à notre sujet: Il s'agit des études
4
sur la concentration économique de Guillermo Sunkel, et le livre critique de Ken Dermota .
En ce qui concerne la valeur de la transition, les études ne sont pas liées à l'espace
médiatique. Il existe beaucoup d'articles d'opinion en tous genres, s'intéressant surtout au
rôle des acteurs sociaux. Les effets spécifiques de la transition sur l'espace médiatique sont
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3
Instituto de Comunicacion e Imagen, Université du Chili, campus Sud.
"La concentración es grave para todos los chilenos, es un riesgo para la calidad de la democracia" "los medios están de
espaldas al emisor y al mensaje y sólo miran a los consumidores".uchile.cl
4
SUNKEL, Geoffroy, Concentración Económica de los Medios de Comunicación, LOM, Santiago, 2001.DERMOTA, Ken Leon,
Periodismo bajo democracia, Santiago, Chileinedito, 2002, 424p
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Introduction
inconnus du public. Ce thème parait un thème caché ou interdit. Tous les chiliens acceptent
la non exhaustivité de leurs médias. Il me paraissait donc nécessaire de réaliser une étude
qui relie les deux pôles, pour montrer en quoi la démocratie n'a ni été rétablie dans la presse,
ni dans les faits.
Nous commencerons par nous intéresser à la concentration économique des médias
de communication, son histoire et sa forme, et son fonctionnement. Cette première partie
nous éclairera sur l'importance de cette concentration et son lien avec la dictature et le
néolibéralisme.
Nous étudierons dans un deuxième temps ce que j'appelle la concentration idéologique,
conséquence directe de la concentration économique. Il convient de comprendre que la
droite au Chili est majoritaire dans les médias, et qu'elle influe sur le contenu de l'information
et la représentation. L'information est très formatée, et subit de nombreuses pressions sur
ses contenus. Evidemment, il existe une récente ouverture avec l'apparition de médias
porteurs d'espoir. Mais le système médiatique est tout de même largement concentré à
droite du spectre politique.
Enfin j'essaierai de déceler la responsabilité de la transition et des gouvernements
de la Concertation dans l'empêchement du pluralisme médiatique. Il faut savoir que la
Concertation a largement suivi une politique de continuité et d'omission, sans vraiment
réformer le système, et en évitant de parler des grands thèmes démocratiques. La
Concertation aurait également bloqué la transition démocratique de la presse par un
véritable complot avec la droite pour éviter que d'autres médias apparaissent, et par une
distribution inégale de la publicité. La transition démocratique serait donc loin d'être aussi
démocratique qu'il y paraît.
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Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
1. La concentration économique des
médias chiliens comme résultat d'un
néolibéralisme bien ancré
Pour étudier et comprendre le système médiatique chilien et l'analyser sous un angle
démocratique, le thème de la concentration économique est un thème inévitable et
fondamental. A lui seul, il démontre que les médias chiliens ne sont pas du tout le reflet
du pluralisme nécessaire à la démocratie. Les médias au Chili, que ce soit la presse, la
radio ou la télévision, souffrent tous une forte concentration dans les mains de quelques
géants de l'activité économique. Je tenterai ici de m'intéresser aux chiffres et à l'histoire
de la concentration, afin de démontrer qu'elle est ancrée dans un processus historique de
néolibéralisme, fonctionnement qui aurait empêché la formation du pluralisme au retour de
la démocratie.
1.1 La concentration économique des médias
La concentration économique s'exprime principalement sous forme d'un duopole au Chili,.
5
comme le nomme Ken Dermota dans son livre Periodismo bajo democracia . N'importe
quel journaliste interviewé lors de cette étude est conscient que ce thème est important et
que tous les médias sont regroupés dans certaines mains. Cette concentration économique
est très importante au Chili. Le duopole est accompagné de quelques autres grands
groupes qui dominent le marché. Il est difficile dans un marché comme celui ci de voir
d'autres groupes apparaître. Nous étudierons principalement le processus historique de
cette concentration des médias, les statistiques actuels, mais aussi le fonctionnement
néoliberal de ces entreprises.
1.1.1Processus historique de cette concentration: Histoire de la
démocratie et de l'autorité et de leurs liens avec la presse depuis 1970
Le processus historique de cette concentration se doit d'être étudié pour comprendre les
structures de base des médias, leur importance sur la scène médiatique, leur formation
depuis les années 1970, et à quelle logique économique ils répondent.
Les médias au Chili ont un poids prépondérant dans la politique, et surtout depuis les
soubresauts politiques des années 70 et suivantes, qui ont délégué un véritable pouvoir à
la presse. La concentration s'est installée et adaptée en suivant l'évolution historique de la
politique chilienne. Pour comprendre l'importance de ce sujet au Chili, il faut tout d'abord
comprendre son importance historique.
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DERMOTA, Ken Leon, Periodismo bajo democracia, Santiago, Chileinedito, 2002, 424p
1. La concentration économique des médias chiliens comme résultat d'un néolibéralisme bien
ancré
Mon analyse partira le 4 septembre 1970, lors de l’arrivée de Salvador Allende au
pouvoir. Il est représentant de l’Union Populaire, « Union Popular », mouvement composé du
PS, des radicaux, du parti social démocrate, et du PC. Son arrivée au pouvoir rétablit dans
le cœur du peuple et des paysans une vraie lueur d’espoir. La société chilienne est alors en
pleine évolution, et se rend compte des inégalités qui perdurent depuis la Conquête. Pour
ce président de gauche, les médias sont fondamentaux pour la formation d’une nouvelle
6
culture et un nouvel individu. A cette époque, il possédait lui-même la Radio Portales à
51%, écoutée par plus d’un quart de la population de Santiago. La presse nationale jouait un
rôle très représentatif. Les radios en 1970, appartenaient déjà à de grands propriétaires, qui
formaient l’élite du pays. Pour contrecarrer cet abus, Salvador Allende exproprie certaines
7
radios afin de rétablir l'équilibre. Cette action engendre l’opposition des démocrates , et par
conséquent entraîne la multiplication des journaux: les pros et les contres, sans aucune
censure, représentant de multiples points de vue. Le Chili est totalement divisé et polarisé
dans ses médias de communication, entre la gauche révolutionnaire et la gauche au pouvoir,
et d’un autre coté la droite réactionnaire. Mais la liberté d’expression est présente. Cette
époque est connue par les journalistes comme un moment de rayonnement pluraliste, tout
homme politique écrivait ou possédait un journal, une tendance qui était très marquée et
qui a permis au journalisme de prendre son véritable essor en ces débuts d'années 70. On
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appelle ce journalisme le journalisme de « tranchée » .
Le régime se voit renversé par le coup d’Etat organisé par l’armée, le 11 septembre
1973, commandité par le général Pinochet. Il décrète la guerre interne du pays, et l’état
de siège. Les radios vont jouer un rôle prépondérant dans ce coup d’Etat. Pinochet se
met en contact secrètement avec la Radio Agricultura, qui émet un communiqué ordonnant
à Allende de rendre le pouvoir aux forces armées. Cette annonce ordonne par la même
occasion que tous les médias pro-UP devaient cesser immédiatement leur diffusion ou
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sinon seraient punis « par air et terre » . De nombreuses radios avaient en fait déjà été
10
bombardées. Allende rend son message final sur la radio Magallanes avant de mourir.
Dans cette étape historique chère aux yeux des chiliens, il est intéressant de voir à quel
point les médias de communication ont joué un rôle dans la transition autoritaire, comment
ils ont réussi à servir le régime. Le dictateur voit dans les médias déjà, un soutien obligatoire
et inéluctable.
Après le coup d’Etat, tous les médias n’appartenant pas à des propriétaires partisans
des militaires, furent fermés ou achetés. L’armée prit le pouvoir de quelques 40 radios et
12 publications, qui ne furent jamais remises à leurs propriétaires. La dictature s’installa
entièrement dans un système de contrôle médiatique et de propagande. Un seul point
de vue circule durant toute cette période, celui du canal national, TVN, qui retransmet
clairement l’opinion du gouvernement, et celui du Mercurio, dirigé par Agustin Edwards.
Celui-ci est un des propriétaires les plus connus du Chili, autoritaire et clairement de droite.
Quand Salvador Allende est arrivé au pouvoir, il s’est exilé aux Etats-Unis et a pris contact
6
«Salvador Allende a tout essayé pour donner un nouvel essor aux médias, rétablir un ordre pluraliste, touchant tous les
coeurs de la population. »Eduardo Santa Cruz A, Analisis historico del periodismo chileno, Nuestra America Ediciones, 1988.
7
Les démocrates s’opposent par exemple à travers la Radio Balamaceda, qui devient un réel pilier d’opposition à la radio
nationale. Eduardo Santa Cruz A, Analisis historico del periodismo chileno, Nuestra America Ediciones, 1988.
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« periodismo de trinchera »', DERMOTA, Ken Leon, Periodismo bajo democracia, Santiago, Chileinedito, 2002, 424p
Ibid
C’est la situation de crise au Palais Présidentiel, Allende réussit à émettre sur la radio grâce à un service d’urgence, et toutes
les radios de gauche sont supprimées. C’est le début de la mainmise dictatoriale sur les médias, active encore aujourd’hui.
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Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
avec Kissinger, afin d’organiser le coup d’Etat militaire. C’est finalement avec Nixon qu’il va
commanditer l’organisation des militaires et l’envoi d’armes massives, en vue de renverser
le gouvernement. Agustin Edwards est donc le personnage de droite autoritaire, possédant
le plus gros conglomérat de presse, El Mercurio, et qui a mis en œuvre en coulisses toute la
dictature. On comprend donc à quel point les médias de cette époque sont concentrés vers
une opinion unique de droite réactionnaire et nationaliste, qui agit directement sur la scène
politique. Le Mercurio, selon son gérant général de 2001, Fernando Léniz « fut la sécurité
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de la bourgeoisie pour empêcher que le Chili se convertisse en un autre Cuba » , donc
pour éviter que le Chili ne bascule dans les mains des communistes. Pinochet va même
jusqu’à interdire les partis politiques et confisquer les propriétés, au bénéfice des généraux.
Il s’en suivra, comme beaucoup d’entre nous le savons, une dictature féroce usant de la
torture violente de ses opposants, des disparus, et des morts par milliers. Les médias, déjà
totalement dominés par l’appareil dictatorial, vont finir entre les mains des grands maîtres
de la dictature, et des chefs d'entreprise qui ont su profiter de l'arrivée du néolibéralisme
pour étendre leur pouvoir économique. Commence à apparaître la réelle concentration des
médias, aux mains de la droite la plus riche et la plus réactionnaire. Néanmoins, au fur et à
mesure que la dictature disparaisse, ainsi que la répression, on observera quelque rédaction
d’opposition, ainsi que quelques radios. Dans les années 1980 commencent à apparaître
des revues comme Analisis, Hoy ou Apsis qui offrent une alternative au régime militaire.
Mais « El Mercurio » reste tout de même l’entreprise dominante et la plus diffusée, Agustin
Edwards ayant totalement installé ses assises dans la presse, la politique, et l’économie, et
12
étendant son pouvoir comme une véritable « institution ».
Ces deux gouvernements successifs ont donc un réel lien avec le système médiatique,
et l'exploitent intégralement en tant que pilier essentiel au système politique. Les médias,
plus qu'un quatrième pouvoir, peuvent être considérés comme un acteur politique entre
1970 et 1990. Ils sont omniprésents sur la scène chilienne.
A l'aube des années 1990, les médias sont fortement concentrés a droite, malgré les
quelques journaux d'opposition. Le passage à la démocratie se réalise dans ce contexte
médiatique.
1.1.2 Un historique contradictoire: la disparition des médias pendant
la transition
En 1990, un évènement totalement paradoxal et surprenant se produit: alors que la
transition démocratique commence à s'établir, tous les médias alternatifs qui venaient
d'apparaître en opposition au régime autoritaire disparaissent, pour ne laisser place qu’aux
ressortissants de la dictature. Alors que la démocratie devrait fomenter un espace pluraliste,
seuls persistent les journaux de droite à l'arrivée de la démocratie, celle-ci pourtant à
gauche. Les journaux comme El Mercurio, porte parole du régime autoritaire, continuent
d'être les journaux prépondérants. Il convient d'étudier les termes de cette transition et les
circonstances exactes de la disparition de ces journaux.
Le contexte de transition démocratique après la violence de la dictature de Pinochet
n'a rien de révolutionnaire. Au contraire, elle s'est déroulée d'une manière très spécifique.
11
« El Mercurio cumplio un rol muy importante durante la UP. Fue la seguridad de la burguesía de que Chile no caería en una
Cuba”, entrevista del autor con Leniz, Ken León Dermota, Periodismo bajo democracia, Chileinedito, 2001.
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Interview Ignacio Aguero, annexe N°1. El Mercurio a un poids tellement important dans la société chilienne actuelle qu'il
peut être considéré comme une véritable institution.
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1. La concentration économique des médias chiliens comme résultat d'un néolibéralisme bien
ancré
Dans les années 1980, le régime se libéralise un peu. Une nouvelle Constitution est
votée le 21 octobre 1980, à la suite d'un référendum appuyé a 67%. Cette Constitution est
encore en vigueur en 2008. La validité de ce référendum a d'ailleurs été remis en cause,
tant par ses opposants que par la communauté internationale, qui l'accusait de fraude
électorale. Cette Constitution prévoyait la réélection de Pinochet pour 8 ans, à partir de
l'année suivante. En accord avec cette même Constitution, un référendum devait être voté
en 1988 en vue d'approuver ou rejeter le candidat proposé par le Commandant en Chef des
Forces Armées et le Général Directeur de la Police. Pinochet se lança dans une grande
campagne contre la menace du communisme mais la coalition de la Concertation, nouvelle
formation de gauche, appelle à voter non. Le non a remporté un 52,2%, et 47% de votants
pour le oui. Pinochet doit alors s'éloigner du pouvoir et préparer de prochaines élections
démocratiques pour l'année 1990, selon cette même Constitution votée en 1980. Entre
1988 et 1990, quelques réformes sont faites pour démocratiser la Constitution, à travers
un accord entre la Concertation et le gouvernement. La Concertation change radicalement
le paysage politique au pouvoir: c'est une coalition de gauche réunissant du centre droit
au Parti Socialiste, qui exclue le Parti Communiste (démocrates chrétiens, démocrates,
et socialistes). Le 14 décembre 1989, le démocrate chrétien Patricio Aylwin remporte les
élections à la tête de la coalition de la Concertation. Il rentre en fonction le 11 mars 1990.
Cependant, Pinochet reste commandant en chef de l'Armée jusqu'en 1998, ce qui est un
pouvoir non négligeable.
La transition démocratique s'est passée aussi simplement: pas de grandes réformes,
mais une Constitution un peu plus libérale permettant des élections. La démocratie se
rétablit dans le cadre même de la dictature. La démocratie tient depuis 18 ans sur des bases
de la Constitution de 1980. Le thème des droits de l'homme et de la violence sous la dictature
s'est réveillé petit à petit mais surtout à partir de l'arrestation de Pinochet à Londres en 1998.
Ce fut donc une transition très spécifique, et non radicale, qui se fit en douceur et qui
n'a jamais reçu de réforme brutale.
Les médias eux aussi vont subir une transition bien spécifique. La scène médiatique
continue elle aussi de prendre ses bases sur le système médiatique autoritaire, El Mercurio
et TVN demeurant les deux grandes chaînes de référence. De plus, et le plus étonnant, tous
les médias alternatifs d'opposition à la dictature disparaissent à la transition. C’est la fin du
journal alternatif, la démocratie qui laisse pourtant libre jeu, ne verra que des anciens médias
rester en publication. Dans les années 1980, quelques revues apparaissent pour tenter
de donner une voix d'opposition à l'opinion publique: des revues comme Hoy, La Epoca,
Analisis, Apsis, El Fortin Mapocho. Ces journaux ont réalisé de sérieux efforts d'investigation
et une réelle critique sur le régime autoritaire, apportant un souffle nouveau sur les médias
de l'époque. Leur succès est indéniable. Ce sont les seuls journaux depuis des années
à apporter une nouvelle perspective, plus populaire. Tous ces journaux vont disparaître
entre 1990 et 1992, rachetés ou tout simplement fermés. De nombreux effets peuvent
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être attribués à cette disparition radicale du journal alternatif. Tout d’abord, l’arrivée de la
démocratie contraint de nombreux investisseurs étrangers à stopper leurs subventions, euxmêmes anciennement liés avec la dictature. Le journaliste de cette époque est un journaliste
fatigué par le système et la censure, mal payé et dans une situation instable. La plupart
d’entre eux passe au secteur privé, et délaisse la sphère publique, trop pauvre et inadaptée
au nouveau système. La prépondérance du journal « El Mercurio », qui garde son pouvoir
et toute sa légitimité, laisse aux concurrents peu d’espace sur le champ de la clientèle. Tous
les hommes politiques veulent apparaître dedans, car là est la seule source d’impact sur le
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Ken Leon Dermota énumère douze raisons qui entraînent la disparition de ces journaux, Ibid.
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Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
public. Les lecteurs se désintéressent peu à peu des journaux, sauf de celui ci, qui justement
couvre encore toute l’information, ou TVN, la chaîne nationale. Les journaux d’opposition de
toute façon n’ont plus lieu d’être, puisqu’on ne pouvait critiquer un nouveau gouvernement,
lui, démocratique. Le gouvernement n’aidait même plus les médias de gauche, justement
pour éviter la confrontation avec la droite. Et pendant que les journaux de droite possédent
l’aide de chefs d’entreprise ou de généraux, les journaux de gauche se voient refuser l’aide
de l’Etat. La manque d’argent, le déséquilibre de la scène journalistique entre capitalisme
et journaux d’Etat, en bref, en 1990 seuls persistent les journaux appartenant aux plus
grands propriétaires et aux plus riches, clairement ceux qui ont été présents durant toute la
dictature, de la droite réactionnaire la plus virulente, de ceux qui manipulèrent l’opinion et
comptent bien la manipuler encore. La transition n'installe pas de pluralisme spécifique, et
laisse vivre l'ancien système médiatique.
Certains des interviewés parlent de peur du gouvernement face à ces journaux,
qui auraient pu représenter une menace au gouvernement démocratique récemment
emménagé. "L'existence de ces revues signifiait une menace constante, puisqu'ils auraient
14
continuellement rappelé les vieilles valeurs avec lesquelles s'est formée la Concertation. »
La transition s'est donc installée de manière curieusement simpliste, en gardant des
structures médiatiques qui paraissent à celles de la dictature. Les grands journaux et
grandes chaînes de télévision sont toujours celles qui prédominent sous démocratie.
1.1.3 Economie libérale comme base actuelle et toujours d'actualité.
L'économie néolibérale en place au Chili est évidemment un fruit direct de la dictature,
curieusement présent de nos jours, puisqu'installé avec soin. En 2008 encore, il est possible
d'observer une économie totalement privatisée, et concentrée, qui fomente chaque jour un
peu plus les inégalités. Ce système régit encore la société chilienne dans son intégralité.
Lorsque Pinochet arrive au gouvernement en 1973, nous avons déjà évoqué le fait qu'il
ait été aidé par le gouvernement des Etats Unis. Mais le terrain avait été en fait totalement
préparé à l'avance par des envoyés spéciaux économiques de l'école de Chicago, aux Etats
Unis. L'économie libérale a été implantée avec soin, ce qui explique en partie son arrimage
aux politiques actuelles.
La politique économique en vigueur au Chili a été exportée directement des Etats
Unis par les « Chicago Boys », économistes gradués aux Etats Unis. Au début des
années 1970, ils arrivèrent au Chili principalement pour donner des cours dans les
universités et développer un nouveau courant économique, à l'image de l'expansionnisme
que prétendait le gouvernement américain. Un véritable plan économique s'est mis en place,
les chercheurs de Chicago se réunissant souvent avec les hommes politiques, les chefs
d'entreprise et toute personne de pouvoir du Chili, dans le but
d'influencer leur vision. Ils prennent également un large pouvoir au sein de l'Université
15
Catholique , devenant la référence de l'avancement économique. Ils donnent des cours et
réalisent des opérations secrètes avec l'élite économique du Chili de l'époque. Ces plans
économiques réalisés en secret par les chefs d’entreprise lors de leurs « almuerzos »,
14
La existencia de estas revistas significaba una amenaza constante, ya que continuamente habrían recordado los viejos
valores con que se formó la Concertación, enrostrando a sus dirigentes su alejamiento de los principios con que pudieron derrotar a
la dictadura" DERMOTA, Ken Leon, Periodismo bajo democracia, Santiago, Chileinedito, 2002, 424p
15
12
Universidad Catolica
1. La concentration économique des médias chiliens comme résultat d'un néolibéralisme bien
ancré
de leurs déjeuners, va rapidement être le plan économique à l’œuvre lors de la dictature.
L’économie va se privatiser, se capitaliser avec l’entrée d’investisseurs étrangers, pour ne
16
finalement appartenir qu’à un petit groupe, les « dueños » , les chefs, l’élite en rapport
direct avec le gouvernement.
Le néolibéralisme devient virulent pendant la dictature et réussit vraiment à s'ancrer
profondément dans toutes les structures politiques du pays.
Pour les dirigeants, le néolibéralisme signifie un état de bien être de la scène politique.
Il s'agit d'un conservatisme moral qui se traduit par une forte libéralisation, une privatisation
17
des entreprises publiques dans le but de dynamiser l'économie .
Il convient de souligner que l'implantation du néolibéralisme a été facilitée par un
des géants de l'information, Agustin Edwards, pilier de notre étude. C'est lui qui impulse
l’économie capitaliste et néolibérale qui s’installe au Chili, et qui sera à l’origine de tous les
problèmes démocratiques actuels du pays. Il se réunit et travaille avec les « Chicago boys »,
économistes gradués aux Etats-Unis, pour établir un plan économique de privatisation
capitaliste. Ils contrôlent par la suite le Département d’Economie de l’Université Catholique
et donnent des leçons d’économie générale aux chefs d’entreprise. Pendant ces années,
l'industrie culturelle a fortement augmenté sa présence dans l'activité économique, et
devient un secteur avec beaucoup de dynamisme et de compétition.
A la transition et encore à l'heure actuelle, le modèle néolibéraliste n'a jamais
vraiment été remis en cause par les gouvernements de la Concertation. Les successifs
gouvernements de gauche ont préféré garder ce système et s'intéresser en priorité au
rétablissement de la démocratie. Le Chili entier est toujours possédé par l'élite de droite,
directement ressortissante de la dictature. C'est encore elle qui domine toute l'activité
économique du pays. La santé, l'éducation, le transport, les eaux, les parcs naturels,
les télécommunications, tout est privé. Il n' y a que très peu de place pour les services
publics. Cette privatisation est impulsée par le néolibéralisme. Le gouvernement n' a pas osé
s'attaquer à une structure si grande et rétablir un minimum de service public. Le marché est
sensé dominer et réguler le jeu économique, et la société par la même voix, mais perpétue
les inégalités.
Les médias obéissent également à cette structure néolibéraliste, comme toute
entreprise. Ils sont pour la majorité privés, et délivrent au lecteur ou spectateur un véritable
produit. La stratégie commerciale et de vente est un élément crucial pour eux. Ils s'inscrivent
dans une véritable logique de concurrence, même si ce sont des entreprises d'information.
Le modèle néolibéraliste est donc un modèle clairement implanté.
1.2 La concentration actuelle des médias
La concentration économique des médias au Chili est un des éléments fondamentaux à
l'obstacle démocratique. Pour un pays comme celui-ci qui sort récemment d'une période
féroce de dictature, il faut reconstruire la démocratie et rendre la transition active, et il
convient pour cela de passer par une mutation de l'information unique à une information
16
17
maîtres
PALACIOS, Rolando, Concentración oligopólica de la industria cultural en Chile: escenario global y nacional, Revista Latina
de Comunicación Social 52, �Universidad Diego Portales�, Santiago, décembre 2002.
13
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
pluraliste et diverse. Pourtant, la concentration économique surprenante ne va que se
renforcer après la dictature, en agissant sous forme de duopole, comme nous l'indique Ken
18
Dermota . Pour en étudier les caractéristiques, il convient de l'étudier sous l'angle des
grands groupes de communication présents dans chaque média.
Le système de concentration est inhérent a la dictature et au système néoliberal. La
libre concurrence voulue a finalement entraîné un processus historique et économique qui
n'a pas laissé de place aux plus petits acteurs.
Principalement, on assiste à la concentration impressionnante du marché de la presse
19
et de l’audiovisuel . Les quelques médias alternatifs qui sont apparus ces dernières années
n’ont aucun poids quotidien. La radio, elle, est beaucoup plus ouverte et pluraliste, mais
représente de manière caricaturale gauche ou droite, droite ou gauche.
1.2.1 La concentration de la presse
Commençons par la presse. La presse écrite comme je l’ai déjà expliqué a toujours
eu un rôle prépondérant dans l’histoire politique du pays. C'est le plus ancien média
de communication, il apparaît au siècle passé comme l'expression de certains groupes
politiques qui ont cherché à influencer la naissante république. Lors du processus de
contrôle idéologique imposé par la dictature, et la suppression de la presse réfractaire,
plus que deux entreprises se trouvent sans concurrence, dans un paysage littéralement
débroussaillé à partir de 1990. C’est à ce moment qu’apparaît le duopole, qui restera
dominant jusqu’à nos jours, composé de « El Mercurio » et de l’entreprise COPESA, qui
possèdent plus de la moitié des quotidiens nationaux à leur effigie.
20
Il existe au Chili selon les chiffres de la Universidad de Chile , 90 périodiques, 56
quotidiens, et 34 hebdomadaires. Des 56, 9 sont des nationaux, 45 des régionaux et 2 sont
des gratuits. Les journaux quotidiens nationaux sont, principalement : « El Mercurio », « Las
Ultimas Noticias », « La Segunda », « La Tercera », « La Cuarta », « La Nacion ». Les
gratuits sont au nombre de 2, avec Publimetro et La Hora. C’est globalement le duopole qui
gère tous ces journaux, avec en plus, l’entreprise « La Nacion ». Le « Mercurio » contrôle 53¨
% de la circulation et COPESA 46%. Publimetro est géré par des investisseurs étrangers.
Il appartient au holding international Modern Times Group (MTG).
Le plus gros acteur du marché, qui possède plus de la moitié de la publication en
quotidiens est le « Mercurio », de la famille Edwards. Il est présent dans 14 villes du Chili ce
qui révèle de sa force de diffusion, et possède de multiples réseaux locaux dans le Nord, le
Sud et à l’Ouest, qui lui permettent une assise dans tout le pays. « El Mercurio » possède
21
en fait 4 entreprises : « El Mercurio », avec ce même journal, « las Ultimas Noticias », et
« La Segunda », qui sont des quotidiens nationaux mais aussi la « Sociedad Periodistica
Del Norte » avec 8 journaux régionaux diffusés dans le nord, « El Mercurio de Valparaiso »,
avec 3 journaux dans l’ouest côtier et la « Sociedad Periodistica Araucaria », qui domine le
Sud avec 7 régionaux, dont le « Diario Austral ». La famille Edwards contrôle ainsi 3 des
18
DERMOTA, Ken Leon, Periodismo bajo democracia, Santiago, Chileinedito, 2002, 424p
19
“Concentración del mercado de los medios, pluralismo y libertad de expresión”, Universidad de Chile, Instituto de la
Comunicación e Imagen.
20
21
14
Ibid
Claudio Duran, El Mercurio, Ideología y Propaganda 1954_1994, Ediciones Chileamerica-CESOC, 1996.
1. La concentration économique des médias chiliens comme résultat d'un néolibéralisme bien
ancré
8 nationaux, 18 des 45 journaux régionaux. C’est principalement ses quotidiens nationaux
22
qui sont choisis par les lecteurs comme référence .
La deuxième plus grosse entreprise, est la COPESA, de la famille des Pico-Canas,
avec des journaux comme « la Tercera » et « Cuarta », « La Hora » y « Que Pasa ».
L’entreprise appartient aujourd’hui à un holding d’entreprises, dirigé par le banquier Alvaro
Saieh Bendeck. Un troisième petit acteur est « La Nacion », dont l’Etat est propriétaire
à 69,3%, 29% à des actionnaires, 5% aux investissements Colliguay et 1,2% à d'autres
particuliers.
Presque tous les quotidiens nationaux passent donc par ces deux géants. Les
interviewés en annexe sont tous d'accord avec ce fait: le duopole accapare presque tout
le marché de la presse, ne laissant presque aucune place à ses concurrents. Il y a donc
clairement des intérêts défendus, que nous analyserons un peu plus tard. Il existe une
concentration des lecteurs également: El Mercurio accumule 56% du public alors que la
Tercera et la Cuarta de COPESA s'offrent 43% du public. El Mercurio domine en région, sa
stratégie régionale et nationale étant beaucoup plus forte que celle de COPESA.
1.2.2 La concentration de la télévision
Au niveau de la télévision, on observe le même phénomène « droitisant » que la presse
écrite subit.
La télévision a été instaurée au départ par et pour la représentation de l’Etat, afin de
créer une chaîne qui pourrait diffuser tous les actes publics du gouvernement. Le canal
de l'Etat est créé en 1969: TVN. La même année, la loi 17;377 sur la télévision est votée,
connue comme Loi Hamilton. Elle institutionnalise et formalise le média télévision comme un
media d'information, de culture, et d'intégration des chiliens. Le coup militaire modifie la loi
de 1970, supprimant les structures pluralistes de l'Etat et intervenant au sein des universités.
(Beaucoup d'entre elles étaient propriétaires des chaînes de télévision). La dictature
instaure le contrôle absolu des chaînes de télévision, pendant 18 ans. La libéralisation
des canaux de télévision se fait néanmoins progressivement grâce à l’intervention de la
publicité, et des capitaux privés qui vont jouer un rôle de plus en plus présent à partir de
1977. En 1980, la télévision s'ouvre à la privatisation. Dans les derniers jours de la dictature,
la loi 18.838 est votée permettant l'arrivée de capitaux étrangers. En 1992, une loi sur la
télévision permet de créer une ouverture pour l’achat de nouvelles chaînes, la création
d’autres canaux, et l’arrivée d’investisseurs étrangers. Vers les années 90, de nouvelles
chaînes se créent, et relancent la concurrence des vieilles chaînes enracinées dans la
politique depuis bien trop longtemps.
23
Les deux principales chaînes sont le Canal 13 de l'Université Catholique , qui
appartient au Pontificat et à l’Université, de la droite réactionnaire, et TVN, chaîne du
gouvernement, un peu plus pluraliste.
24
Il y a en fait 5 canaux nationaux qui contrôlent la presque totalité du marché.
« Chilevision » est un holding mixte, vénézuélien et chilien. « Megavision » appartient à
un groupe chilien qui s’appelle « Claro », et La « Red TV » appartient à un investisseur
22
23
24
SUNKEL, Geoffroy, Concentración Económica de los Medios de Comunicación, LOM, Santiago, 2001.
“Universidad Catolica”
“La concentración de los medios y la libertad de expresión en Chile”Documento de trabajo, Escuela de Periodismo,
Universidad de Chile. Portales, Diego (1999)
15
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
étranger, Angel Gonzalez. Les 4 principales chaînes de télévision concentrent plus du 89%
25
de l’investissement publicitaire et plus de 90% de l’audience dans tout le pays.
Il existe aussi une trentaine de chaînes régionales dans lesquelles on peut observer
une tendance à la concentration, principalement de la part de TVN, qui possède un tiers
des chaînes. Les chaînes de télévision sont toutes d’idéologie de droite. Seule la chaîne
nationale à la chance de voir quelques percées à gauche, du fait que le gouvernement est
tout de même un gouvernement de gauche ouvert à certains thèmes comme les droits de
l’homme.
1.2.3 La Radio
La radio est beaucoup moins concentrée, et surtout beaucoup plus ouverte au niveau
idéologique, quoique très représentative de manière caricaturale d’une polarisation droite
gauche.
La première radio est créée en 1923 mais s'implante vraiment dans les années 1940.
La massification des radios s'effectuent en 1960, avec la diffusion de récepteurs transistors.
En 1960 se créent 78 stations en régions. Les radios au départ vont appartenir à quelques
individuels, qui vont finalement se constituer en groupes et sociétés avec un niveau de
production plus élevé.
En 1970, pour la première fois des radios sont prises par la gauche: Radio Diego
Portales, Radio Magallanes du PC. C'est en 1980 que la structure de la radio va changer
radicalement.
La radio s'ouvre aux capitaux étrangers à partir de 1990, grâce à l'approbation de la loi
26
sur la liberté d'opinion et d'information et sur l'exercice du journalisme , qui annule le fait
que seuls les chiliens pouvaient être propriétaires de médias, ou en cas de multinationale,
27
d'un minimum de 85% de représentation chilienne .
Sur tout le pays, on constate une abondance de radios: il y a 336 stations de radio. Il
y a plus de FM que de AM. Les radios locales sont très présentes en régions. On ne peut
pas affirmer que la radio locale a disparu, malgré la transformation du système.
La radio appartient à des grands groupes aussi. On peut classifier quatre types
d'entreprises propriétaires des radios: le consortium étranger, les entreprises nationales,
les radios à aide institutionnelle, et le chef d'entreprise régional qui a réussi à s'implanter
28
en national .
Il y a de plus en plus de consortium étrangers. Les deux plus grands sont la Ibero
American Radio de l'entreprise Iberoamerican Media Partners, et le Consorcio Radial de
Chile.
La première appartient à des actions des Etats Unis et du Venezuela, et a opté pour la
stratégie d'acheter des médias qui étaient déjà présents sur le marché national. Il contrôle
9 émissions nationales: Imagina, Concierto, Pudahuel, FM dos.... Le Consorcio Radial
25
26
27
SUNKEL, Geoffroy, Concentración Económica de los Medios de Comunicación, LOM, Santiago, 2001.
« Ley sobre libertades de opinion e informacion y ejercicio del periodismo »
JIMENEZ, Cesar, MUNOZ, Jorje, Estructura de los medios de comunicacion en Chile, N°60 Revista Razon y Palabra,
México, 2008
28
16
SUNKEL, Geoffroy, Concentración Económica de los Medios de Comunicación, LOM, Santiago, 2001
1. La concentration économique des médias chiliens comme résultat d'un néolibéralisme bien
ancré
de Chile appartient à la chaîne colombienne Caracol. Elle possède 4 stations de radios
nationales: W Radio, Radioactiva, Besame FM et 40 distribuées sur le reste des ondes.
A côté d'eux on retrouve trois entreprises nationales. Les radios à aide institutionnelle
sont des radios à caractère politique ou économique, ou religieux, comme la Radio Nuevo
Mundo pour le PC. L'entreprise Biobio est la seule entreprise régionale qui a su s'imposer
en national. En plus des radios commerciales, il y a des radios qui représentent des
organisations civiles: églises, universités, syndicats.
Ce point est une exception assez intéressante, à savoir que les universités produisent
des radios nationales, diffusées dans tout le pays. Ce sont les étudiants qui font l’information,
et réalisent les notes d’actualité et les piges, accompagnés par des professeurs pour la
rédaction, comme la « Radio Portales » ou la « USACH ». Le reste de la journée, ce sont des
journalistes qui reprennent la radio. Il existe de multiples radios de droite, représentant du
29
parti de l'Union Démocratique Indépendante , (UDI), parti de droite, mais surtout beaucoup
de radios de gauche, ce qui bouleverse un peu le reste du paysage médiatique : on pense
à la radio « Bio bio », la « Nuevo Mundo », celle de la « Universidad de Chile ». La radio
« Nuevo Mundo », affiliée au Parti Communiste, est une des plus vieilles radios du pays, qui
a su persister malgré son exclusion de la politique. Une des seules radios à être à l’écoute
du peuple et de ses revendications. La radio est donc beaucoup plus pluraliste que la presse
écrite et la télévision, puisqu'elle propose une ouverture à gauche.
Au niveau de l'audience, les entreprises étrangères rassemblent plus d'audience et
33,52% du rating FM. Les deux entreprises étrangères à elles seules concentrent 46,92%
de l'audience.
La radio est donc un média également dirigé par de grands groupes, malgré une
diversité un peu plus conséquente.
1.2.4 La concentration par groupes
Etudier le nombre total de médias dans chacun des grands groupes est intéressant afin de
comprendre les vrais termes de cette concentration économique.
Sur 230 médias analysés, on peut voir qu'il existe quelques groupes et une forte
concentration des plus grands médias dans deux groupes.
Des premiers groupes économiques de communication, trois sont des conglomérats
chiliens sur cinq: Edwards, COPESA, et Claro, deux sont étrangers (Televisa et Cisneros).
Les deux premiers groupes duopolisent le secteur de la presse et des revues nationales,
laissant le groupe Claro avec une importante participation sur le marché, surtout en
télévision. Televisa est le plus grand producteur de revues et Cisneros est maître en radio
nationale, avec 8 fréquences.
Le groupe Edwards possède le plus de médias avec 41, le groupe COPESA en possède
21, et Televisa 21 également. Le groupe Edwards possède également 20 entreprises de
communication, COPESA 10. Dans les deux cas, l'Etat intervient en cinquième position.
La concentration économique des trois médias au Chili est un phénomène indéniable
et est présent
au seins des trois médias.
29
Union Democratica Independiente
17
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
1.3 Fonctionnement et image des entreprises: entre
néolibéralisme et autorité
Les entreprises de communication au Chili possèdent une certaine régulation, mais
fonctionnent tout de même sur un modèle très libéral. De plus, les chefs d'entreprise ne
sont pas seulement des chefs d'entreprise de communication mais se déploient dans de
nombreuses activités économiques.
1.3.1 Les structures de l'entreprise de communication
Le fonctionnement des entreprises de communication à l'heure actuelle obéit à une logique
de néolibéralisme hérité de la dictature, et a été étudié par de multiples auteurs.
Les médias de communication au Chili se caractérisent, comme le voulait le modèle
de la dictature, par une forte centralisation au niveau politique, économique, et territorial,
30
associé a une forte composante idéologique .
Le modèle productif est un modèle centralisateur, qui concentre le pouvoir. Les
entreprises se développent d'abord d'un point de vue territorial fixe pour ensuite s'étendre à
d'autres territoires plus petits. La plus grande partie des médias appartiennent à des groupes
de caractère oligopole qui, depuis la capitale du pays (Santiago), contrôlent le marché de
la presse, la radio et la télévision.
Le modèle économique est à l'heure actuelle un vrai commerce, avec la participation de
la publicité qui engendre un flux d'investissements et de soutien économique. La publicité
de l'Etat au Chili est un élément essentiel pour financer la publication du journal. Elle peut
provenir d'entreprises mais aussi de l'Etat, publicité qui est beaucoup plus importante.
C'est au travers de la publicité que l'Etat distribue son financement. Ce serait une sorte
31
de subvention indirecte, à travers un système commercial de distribution . Ces complexes
relations économiques donnent comme résultat un secteur fortement centralisé et oligopole.
L'Etat en plus de posséder des médias, est un fort acteur publicitaire. Cela l'empêcherait32
il de jouer un rôle régulateur? Les autres études sont toutes d'accord sur ce cas: Selon
S.Godoy, les médias opèrent dans un contexte de libre marché, ouvert sur l'extérieur dans
lequel l'Etat devrait avoir un rôle important: assurer la transparence et la compétitivité du
système, parce que sans cela il n'y a pas de libre marché. L'arrivée de la télévision par
câble et internet aide à ouvrir le spectre, et normalement le marché devrait permettre que
se multiplient les chaînes audiovisuelles. L'Etat suppose qu'il n'a plus besoin d'administrer
les ressources ni d'imposer des contenus sur les opérateurs de télévision. Mais, les forts
coûts d'investissement empêchent l'industrie d'ouvrir ses portes qui finalement se forme en
monopole. Il devient difficile pour un autre média d'arriver sur le marché.
30
“La peculiaridad del caso chileno es que estos procesos económicos de concentración van acompañados de un marcado
‘monopolio ideológico' y la presencia de grupos extranjeros que se mueven en la lógica de la ‘industria de la entretención', van copando
los espacios comunicativos y relegando a los márgenes la diversidad cultural y política”, Carlos del Valle 2006.
31
La publicité que distribue l'Etat est appelé « avisaje estatal ». Il m'a été difficile de traduire le mot avisaje, estatal signifiant
de l'Etat. La publicité se dit publicidad en espagnol. Le dérivé du mot « avisaje » en nom commun signifie « annonceur ». L' »avisaje »
serait donc en effet de la publicité, des annonces distribuées par le gouvernement.
32
JIMENEZ, Cesar, MUNOZ, Jorje, Estructura de los medios de comunicacion en Chile, N°60 Revista Razon y Palabra,
México, 2008
18
1. La concentration économique des médias chiliens comme résultat d'un néolibéralisme bien
ancré
En termes économiques, les industries du média se caractérisent en fait par un marché
de produit duel. Les médias créent un produit mais participent à deux marchés de biens et
services séparés.
Dans un premier temps, les médias produisent des biens, l'information, le contenu:
on peut l'évaluer avec le poids de la circulation, les ventes et taux d'audience. Le second
marché est celui de la publicité: les médias vendent à leurs annonceurs un accès aux
audiences. Beaucoup de journaux dépendent du marché publicitaire pour survivre, d'autres
33
se contentent de la vente .
Cette structure de l'entreprise de communication est surtout valable pour la presse.
La radio au Chili représente le cadre le plus libéral économiquement et politiquement:
il n'y a pas de supervision des contenus, il n'y a pas de restrictions corporatives ou
économiques spéciales. La Constitution de 1980 proposait originalement un Conseil
National de Radio et Télévision (Consejo Nacional de Radio y Television), qui n'a pas été
mis en place. La loi générale sur les télécommunications N°18.186.82 et modifications N
°19277 en 1994, introduit un concours public annuel pour obtenir les fréquences, à celui
qui propose le meilleur schéma de publication. Si les deux projets sont de même qualité
34
technique, un organisme appelé SUBTEL décide du gagnant de la concession. Les radios
ont alors un droit de durée qui varie selon l'année d'acquisition, c'est gratuit, et s'il se passe
un changement de propriété, le SUBTEL doit en être averti.
Il n'existe pas de restrictions spéciales sur la nationalité du concessionnaire ni sur
la quantité de fréquences qu'il peut exploiter. De cette manière se sont consolidées de
multiples entreprises de radios chiliennes mais aussi étrangères. Les plus importantes sont
celles qui combinent des radios musicales, qui visent divers types d'audience et une grande
publicité. Il est dur pour les petites radios de rivaliser avec ces grandes entreprises.
La télévision en revanche est libérale dans ses aspects économiques mais restrictive
dans ses contenus, du fait que la norme soit très orientée à définir et sanctionner les
contenus considérés comme indésirables. Ces dernières années, le Conseil National
de Télévision (CNTV) a essayé de jouer un rôle plus positif et moins persécutant. Il a
tenté d'impulser plusieurs programmes en coopération avec les chaînes de télévision
pour diffuser une vision saine au sein des foyers. Il a également réinstauré la «Bande
Culturelle » (« Franja Cultural ») des années 1980, c'est à dire l'obligation d'émettre à
une heure précise de la semaine un programme culturel à grande audience. Enfin, il
s'est battu pour augmenter les fonds par voie de concours pour favoriser la production de
programmes de haute qualité. En 1998, on offrait des concessions télévisuelles au postulant
qui s'engageait publiquement à offrir une certaine grille de programmes, et qui réussissait
à combiner liberté éditoriale, autorégulation et rôle subsidiaire de l'Etat. Mais deux ans plus
tard le CNTV oublia cette suggestion et offrait des concessions digitales sans condition
35
aucune .
A différence des radios, un concessionnaire de télévision ne peut pas revendre sa
fréquence à un tiers, et ne peut pas posséder plus d'un canal de télévision dans la même
ère de service. Les chaînes créées avant 1990, c'est à dire pendant la dictature, bénéficient
d'avantages: leurs concessions sont permanentes, alors que les chaînes nées pendant la
33
34
35
SUNKEL, Geoffroy, Concentración Económica de los Medios de Comunicación, LOM, Santiago, 2001
Subsecretaria de Telecomunicaciones
CORRALES Jorquera Osvaldo, SANDOVAL MOYA, Juan, Concentración del mercado de los medios, pluralismo y libertad
de expresión, Universidad de Chile, Centro de Estudios de la Comunicacion e Imagen, 2005
19
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
transition n'ont le droit de se servir de l'onde que pendant 25 ans. On observe donc qu'au
niveau de la structure même de la prise de possession de l'entreprise de communication, il y
a un certain avantage donné à la tradition de la dictature. Les chefs d'entreprise de télévision
36
les plus puissants pendant la dictature se maintiennent donc sans aucun problème .
L'Etat fait payer vingt mille dollars annuellement à chaque concessionnaire de
télévision.
Les structures de l'entreprise de communication ont donc un statut particulier. La presse
et la radio obéissent à un cadre assez libéral, où la concurrence est ouverte, mais où les
grandes entreprises finissent par l'emporter sur le marché. La télévision quant à elle possède
un cadre plus restrictif et donne seulement la chance à des chefs d'entreprise qui en auraient
les moyens, et à ceux installés avant la démocratie. A cet effet, Paul Walder, éditeur de
elclarin.cl affirme que « La télévision est aussi un média qui s’est privatisé, qui oblige à
développer des productions à forts coûts, c’est un circuit en relation directe avec l’entreprise
37
et le pouvoir économique” . Le cadre favorise largement les propriétaires apparus sous
la dictature et fait ainsi perdurer le système de concentration dans les mains d'une élite
historique.
1.3.2 Présence dans l'activité économique
Il faut également savoir que ces grandes entreprises en lien avec les médias ont augmenté
leur présence dans l'activité économique plus globale, rendant le secteur plus compétitif
et dynamique. Les biens et les services deviennent des marchandises, et les grandes
entreprises finissent par installer des grandes corporations à présence multiterritoriale.
A l’heure actuelle, les médias chiliens se trouvent à l’épicentre d’un mouvement dirigé
par quelques des personnages les plus riches, qui se servent habilement de l’occasion
pour promouvoir leur idéologie et une économie de droite. Ce sont ces mêmes gens
qui appuyèrent le coup d’Etat. Ce même groupe qui détient aujourd’hui les plus gros
investissements dans les domaines de la santé, de l’industrie et de l’éducation. Car en
effet, ces maîtres du Chili ne sont pas seulement propriétaires des médias mais sont aussi
propriétaires économiques. Les grandes familles du Chili possèdent en fait des actions dans
tous types d’industries, qui touchent toutes les couches de la population. Ils vont jusqu’à
posséder le transport public. L’industrie médiatique est finalement primordiale pour eux afin
de garantir leurs intérêts capitalistes. Ils profitent ainsi de leurs journaux, pour éviter les
débats comme l’environnement, les lois syndicales. Par exemple, l’industrie forestière est
liée à l’industrie médiatique. Le bois qui n’est pas exporté se transforme en papier pour le
Chili, vital pour les journaux. La famille Edwards, du « Mercurio », concentre tout le pouvoir
économique de l’industrie forestière et possède des directeurs dans les cinq entreprises
38
principales . Autre exemple, les Edwards sont en lien avec les plus puissants et riches du
pays, et finalement en finissent par s’auto défendre dans les médias, entre eux, entre élites.
On pense à un des autres grands « dueños » du Chili, le chef d’entreprise Angellini. Il est le
propriétaire de la majeure partie des industries nationales. Car tout comme la concentration
médiatique, il existe concentration industrielle et économique au Chili. Mais, de nombreuses
36
JIMENEZ, Cesar, MUNOZ, Jorje, Estructura de los medios de comunicacion en Chile, N°60 Revista Razon y Palabra,
México, 2008
37
38
20
annexe
Sunkel, Geoffroy, Concentración Económica de los Medios de Comunicación, Santiago, LOM, 2001.
1. La concentration économique des médias chiliens comme résultat d'un néolibéralisme bien
ancré
de ses usines, dans le sud à Valdivia, ou dans le nord, ont pollué des rivières, comme le cas
de la rivière Mataquito, qui correspondait à la seule source de travail et de nourriture pour
les pêcheurs ou paysans de la région. La faune et la flore y ont été totalement détruites.
Alors que dans la plupart des journaux de gauche ou même sur la télévision nationale, les
informations essayaient toujours de suivre l’actualité de cette situation, « El Mercurio »,
39
ami d’Angellini, n’en a pas touché un mot . Encore pire, comme le dit mon collègue Raul
Mandres, les pêcheurs se sont tous rendus au Palais Présidentiel pour demander à la
Présidente de forcer l’entreprise à des indemnisations, personne n’a parlé de cet événement
dans la presse quotidienne, mais on tous parlé en première ligne d’un pédophile qui venait
40
d’être attrapé. Il y a donc bien un lien entre la concentration médiatique et la concentration
économique, la première sert la deuxième et permet une manipulation totale des plus riches,
au niveau de l’information, mais au niveau économique aussi.
Deux groupes de communication en sont un exemple parlant: il s'agit de COPESA, et
CLARO.
La famille COPESA au départ n'a rien à voir avec le milieu des médias. Le groupe
COPESA est en fait un groupe qui regroupe des activités économiques très diverses, et
dont les actions sont partagées entre plusieurs entreprises. COPESA est partagé entre
les actions de « Prohabt Inversiones S.A (16,6%), « Inversora Inmobiliaria Centenario
S.A. » (16.6%), « Inversiones Industriales .S.A ». (16.6%), Inversiones San Carlos (16.6%),
Inversiones Antillanca (16.6%) et Gasa S.A. (16.6%).
Le groupe CLARO possède également de nombreuses activités économiques affiliées
à son groupe.
Depuis 1975, le groupe Elecmetal, de CLARO, maintient le contrôle de la propriété et
l'administration de l'entreprise. Il est leader dans la production de verre, et couvre un secteur
ample entre le vin, les bières, licoeurs et aliments. Une véritable entreprise médiatique va se
construire autour de Elecmetal, il est intéressant d'en voir son évolution. En 1989, Elecmetal
acquiert la concession à perpétuité de 21 fréquences de télévision de portée nationale.
En 1995, le groupe Elecmetal obtient un pourcentage de propriété du journal économique
« El diario ». La nouvelle administration effectue une relance du produit et matérialise une
association avec le Réseau de Journaux économiques. En 1991, se constitue CIECSA
S.A (« Comunicacion, Informacion, Entretencion y Cultura S.A), entreprise qui concentre
son activité dans la communication. Il est propriétaire du holding « Cristalerias Chile ».
Il est propriétaire d'entreprises métallurgiques, touristiques, de services et d'immobilier. Il
possède des concessions portuaires, des terres en zone de conflit mapuche .
L'entreprise Edwards de El Mercurio est également connue pour avoir diversifié son
entreprise vers d'autres activités économiques. D'ailleurs, El Mercurio n'appartient pas à
Agustin Edwards lui-même, mais à des actions de ses différentes entreprises: il est constitué
au niveau de ses actions de Comercial Canelo S.A et Compania Ltda à 74,9%, Comercial
Canelo à 25% et Agustin Edwards ne possède directement que 00,9%. Ces entreprises
sont diversifiées dans les domaines économiques, agricoles, fruticoles, immobilières...
Ces entreprises de communication sont donc de grosses entreprises privées qui
gèrent de nombreuses activités dans tout le Chili. Elles concentrent les produits et leurs
distributions, dans les mains d'une élite qui a su se diversifier.
39
40
Medios de Comunicación en Chile: Es Falso que sean Neutros”, Antonio Cortés Terzi.
Interview de Raúl Martens, Annexe
21
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
1.3.3 L'image des grands maîtres.
La concentration économique des médias chiliens reflètent plus largement une image de
grands maîtres, installés depuis la dictature et encore sous démocratie. Ce sont les héritiers
des grands propriétaires terriens des siècles passés, des familles pour la plupart ancrées
dans la haute hiérarchie historique chilienne. Ces familles se distinguèrent par exemple
lors de la colonisation, ou encore à l'heure de la réforme agraire. Dans la société actuelle,
elles sont intouchables, et placées au rang de véritable institution. Elles provoquent la peur,
pour raisons historiques. Elles ne font pas partie du peuple, mais représentent bien plus
un élément impalpable pour la citoyenneté, comme greffée dans le pays. Elles possèdent
enfin tout le pouvoir économique du pays, fortement rattachées au PIB. Je tenterai ici
d'étudier l'image sous l'angle de la peur et de l'inaccessibilité, nous nous intéresserons à
leur formation de droite en deuxième partie d'étude.
Le Chili est un pays assez typique de l'Amérique Latine, dans le sens où il a su garder
ses profondes marques néolibérales, surtout à travers la permanence d'un large système
privé. Tout est privé au Chili, même ce qui devrait toucher le plus à la sphère publique, et il
convient de le rappeler rapidement. Le domaine de l'éducation est dans sa presque totalité
privé et appartient à des personnalités morales existantes depuis des générations.
La santé se distribue entre deux organismes privés que sont les FONASA et ISAPRE.
Le transport appartient à de multiples actionnaires. Enfin, la nature elle même est privatisée.
Les eaux qui font la richesse du pays sont partagées entre grands groupes, et même les
parcs nationaux. Toutes les richesses présentes sont des biens de marchandise.
Il existe une phrase à laquelle il est souvent fait référence. : « Les propriétaires du Chili
c'est nous, les propriétaires du capital et du sol: le reste n'est que masse influençable et
41
vendable; elle ne pèse rien ni en opinion ni en prestige. » Cette phrase a été prononcée
par l'arrière grand père de Eliodoro Matte Larrain, une des familles qui continue à l'heure
actuelle de contrôler le PIB chilien. Elle agit comme un véritable pouvoir factice intervenant
dans tous les enjeux nationaux, et tentent de convaincre à travers les médias que le marché
et le pouvoir de l'argent n'ont pas d'idéologie.
La richesse de ces grands maîtres chiliens est une des plus grosses d'Amérique
Latine. Selon FORBES, Institut de Statistiques, entre les 25 latino-américains les plus
riches, possédant plus de 1000 millions de dollars, trois chiliens remportent la première
place: Andronico Luksic, Anacleto Angelini et Eliodoro Matte. Ces trois personnages sont
des protagonistes de la dictature et encore aujourd'hui sous démocratie, favorisés par la
politique de l'Etat.
Ces familles ont des histoires et des possessions qui parlent d'elles mêmes quant
à leur pouvoir et influence sur la société actuelle. L'actuel Eliodoro Matte est diplômé
d'un Master à l'Université de Chicago (cf Chicago Boys). Il est professeur à l'Université
Catholique, préside le Centre d'Etudes Publiques, est vice président du Conseil Directif de
l'Université Finis Terrae, finance le Centre d'Investigation Scientifique de Valdivia. Sa famille
participe à l'Institut Liberté et Développement, la Fondation de la Paix Citoyenne, la Société
de l'Instruction Primaire, et est présente dans le conseil supérieur de Canal 13 et TVN,
les deux chaînes nationales les plus connues. Outre ses activités, il possède également
de nombreuses entreprises. Il dirige l'entreprise Forestal Mininco avec plus de 400 000
hectares réclamés par les mapuches, indigènes du pays, l'entreprise électrique Colbun,
41
« Los dueños de Chile somos nosotros, los dueños del capital y del suelo; lo demás es masa influenciable y vendible; ella
no pesa ni como opinión ni como prestigio » Punto Final N°512 et N°533, Los amos de la prensa, Los duenos de Chile
22
1. La concentration économique des médias chiliens comme résultat d'un néolibéralisme bien
ancré
Banco Bice, des inversions forestières en Argentine avec CMPC, la plus grande fabrique
de papier d'Amérique du Sud, et participe dans plus de 30 entreprises dans les secteurs
financier, minier, sanitaire, de bois, télécommunications, énergie, ports et industries. La
famille Matte est donc présente dans tous les domaines, cachée derrière de nombreuses
entreprises du Chili. Cette situation économique est surprenant et rappelle bien évidemment
la dictature. C'est une des familles maître du pays, qui fait peur, qui semble inaccessible, et
dont surtout nous n'entendons jamais parler. Il est très rare que les Chiliens en connaissent
le nom et les possessions. C'est un pouvoir caché.
Le groupe Claro dirigé par Ricardo Claro en est également un bon exemple: comme
nous avons déjà vu, il concentre beaucoup d'activités économiques.
Le maître du Chili qui fait bien sûr le plus peur, pilier de notre étude, est Agustin
Edwards. Nous avons déjà vu en filigrane qu'il possède l'entreprise de El Mercurio, et
beaucoup d'autres. Edwards est le symbole par excellence de ces grands maîtres, mais
au niveau de la communication. Il réunit de nombreux pouvoirs. Outre son influence
idéologique, il exerce une influence et un pouvoir sur la politique et sur la scène publique
qui est impressionnant, et est l'incarnation de ces maîtres charismatiques mais cachés.
Dans un premier temps, il est inaccessible et préside le plus grand journal de Chili.
42
Ignacio Aguero, réalisateur d'un documentaire sur « El Mercurio » , affirme qu'il n'a pas
réussi à l'interviewer pour son projet, alors qu'il en était le protagoniste. Le documentaire
43
était de plus travaillé en collaboration avec l'Université du Chili , véritable institution
chilienne. Ignacio Aguero affirme que Agustin Edwards n'a tout simplement pas voulu
donner l'interview. Il explique:
« Il ne donne d'interview à personne. Et le peu d'interview qu'il donne vont être des
interviews réalisées par son propre journal El Mercurio. Quand El Mercurio souffle sa
centième bougie, il réalise une interview préparée par une propre journaliste de son journal.
La seule autre interview qu'il a donnée fut une interview sur TVN, pour la libération de son
fils séquestré ». Son fils avait été en effet séquestré durant 145 jours contre rançon, par le
44
Front Patriotique Manuel Rodriguez .
Il est donc l'un de ces maîtres cachés, qui inspire une certaine peur et inaccessibilité.
Il inspire la peur des médias également, de par sa légitimité historique et politique. Une
influence qui a à voir avec des questions économiques aussi, comme l'explique Ignacio
Aguero:
« Pour être un journal aussi important, presque toutes les entreprises ont un lien
avec lui, économique. Mais il existe aussi une influence politique, très grande.
Etre seul contre lui, tôt ou tard, c'est s'isoler et rester seul. Un directeur de
presse, de TVN, avait un programme sur la participation de la CIA au Chili, dans
lequel s' abordait rapidement le lien entre El Mercurio et la CIA. Le programme
s'est arrêté, il n 'a pas pu être diffusé. Un directeur de TVN a été licencié à la
45
suite. (...) C'est une influence qui possède des effets concrets » .
42
43
44
interview de Ignacio Aguero, annexe N°1
Universidad de Chile
Frente Patriotico Manuel Rodriguez: ligue révolutionnaire de gauche qui inicie ses acttivités de rebellion en 1983 contre la
dictature. On le dit lié au PC pendant le dictature.
45
Entretien avec Ignacio Aguero, annexe N°1
23
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
Il préside de plus la Fondation Paz Ciudadana, une institution qui impose une philosophie
répressive et conseille le Ministère de l'Intérieur en politique de « sécurité citoyenne »,
comme par exemple sur la délinquance et les moyens à utiliser pour lutter contre. Il exerce
par ce moyen une véritable influence sur les politiques. Edwards a des liens avec le groupe
Matte, qui lui fournit son papier pour les journaux. Agustin Edwards est un maître respecté
au Chili, tellement ancré dans l'histoire et dans la tradition que sa légitimité en devient
inégalable. Il est connu de tous les journalistes, qui le respectent même s'ils le critiquent,
du pouvoir qu'il a su gagné au fur et à mesure des années.
Les maîtres caractérisent ainsi un pouvoir caché de la société. Le problème, selon
46
Guillermo Sunkel , se situe dans les chefs d'entreprise: ils représentent une classe
beaucoup trop homogène, « éduqués au néolibéralisme et conservateurisme ».
Le fonctionnement et l'image des entreprises de communication répondent clairement
à une structure de néolibéralisme et d'autorité: le marché chilien a développé quelques
grands, qui étendent leurs activités et sont devenus des véritables maîtres du Chili.
La concentration économique au Chili suit donc un modèle néoliberal hérité de
la dictature. Elle est très virulente en presse et en télévision, et n'a pas changé ses
termes à l'arrivée de la démocratie. Elle est d'autant plus grave que l'information est un
élément essentiel lors des transitions politiques pour fomenter le pluralisme. Néanmoins,
la concentration s'est renforcée avec la démocratie et n'a pas changer système libéral
d'acquisitions et le fait que quelques grands chefs économiques possèdent tout le système
en aval. Il convient de s'intéresser en quoi ceci peut limiter la liberté d'expression et fomenter
une concentration idéologique qui n'est pas à même de développer le pluralisme en créant
une ouverture à gauche.
46
24
SUNKEL, Geoffroy, Concentración Económica de los Medios de Comunicación, LOM, Santiago, 2001.
2. La concentration idéologique des médias ou la survivance de la droite autoritaire en époque de
transition
2. La concentration idéologique des
médias ou la survivance de la droite
autoritaire en époque de transition
La concentration économique à l'oeuvre dans les médias génère directement une
concentration idéologique et une mainmise homogène de la droite sur l'ensemble de
l'information et de ces grands maîtres de la communication, visible au sein de la société.
J'appelle concentration idéologique le fait que les idées et courants diffusés par les groupes
de communication soient homogènes, ne représentant qu'une seule classe d'intérêts. Ce
phénomène est virulent, tant à l'échelle régionale que nationale, même si l'on pourrait croire
que le local offre toujours plus de pluralisme. L'univers médiatique est très formaté et ne
laisse presque aucune place à l'expression de l'officiel et de la gauche. La sphère médiatique
semble être exclusivement une possession de la droite.
2.1 Une concentration idéologique marquée à droite:
la face cachée de la propriété
Certes la concentration économique n'est pas propre au Chili, et elle est même très virulente
dans des pays comme les Etats Unis ou en Europe, comme l'Italie, ou on assiste à une
mise en place d'entreprises qui monopolisent tout le marché, au niveau économique, et
idéologique aussi dans le cas de l'Italie. Au Chili, le marché reflète un monopole idéologique
également, non celui de l'Etat, mais celui de l'élite de droite autoritaire et capitaliste, qui
concentre la propriété et l'opinion.
La concentration idéologique a été étudiée en filigrane dans notre première partie. Les
quelques groupes qui possèdent l'ensemble de la presse, la télévision et la radio sont des
groupes marqués fortement à droite, et pour la plupart en relation directe avec l'époque de la
dictature de Pinochet. Ce sont donc des groupes reliés a la droite autoritaire, qui continuent
sous démocratie d'être propriétaires de l'information. Comme la concentration économique,
la concentration idéologique découle directement du néolibéralisme, qui a permis à ces
groupes ou familles de s'élever encore un peu plus dans la hiérarchie sociale de leur pays.
2.1.1 La concentration idéologique de la presse
Au niveau de la presse, il convient de revenir sur les tendances extrêmes de droite du
duopole. « Ces deux groupes appartiennent à un secteur public clairement défini, la droite
conservatrice.
25
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
Ainsi, malgré le fait que le duopole El Mercurio-COPESA soit en concurrence sur le
47
marché, ils imposent en fait un monopole idéologique. » La presse est l'illustration parfaite
de cette forte concentration à droite. Les deux groupes qui la dominent sont exagérément
des symboles de la dictature. El Mercurio et son propriétaire Agustin Edwards, comme nous
l'avons déjà vu, ont été les piliers de la dictature de Pinochet, et la propagande de droite
réactionnaire. C'est avec son voyage aux Etats Unis que le Coup d'Etat Militaire de 1973 a
pu être mis en place. Il est l'incarnation médiatique de la droite autoritaire. D'ailleurs, quand
Ignacio Aguero dans son interview nous affirme qu'il ne donne pas d'interviews, il précise
que c'est car il sait ce qu'on peut lui demander. On peut le questionner sur sa participation
48
au coup d'Etat militaire . Au niveau de la représentation, il représente clairement les
intérêts des chefs d'entreprise et des politiques de droite. Il ne fait aucun doute sur le poids
inégalable de El Mercurio dans le pays, et donc sur le fait que le journal le plus charismatique
est un journal ayant un jour été à l'extrême droite. Véritable institution l'appellent beaucoup
des interviewés. Outre son lien avec le sort d'Allende et ses antécédents précédemment
évoqués, le poids de son idéologie est écrasant. Il représente une droite autoritaire, voire
perverse. L'interview avec Ignacio Aguero, réalisateur d'un documentaire sur El Mercurio
en temps de dictature, a à cet effet était très révélatrice. Ce film documentaire n'a pas été
rendu public à l'heure de l'écriture. La manière dont il s'exprime sur son sujet, avec des mots
pesés, pensés et recherchés par des faits, dévoile tout à fait ce poids écrasant que peut
posséder ce personnage. Agustin Edwards représente l'autorité et cette droite cruelle de la
dictature. A la fin de son interview pour cette étude, il m'a même demandé si je ne travaillais
pas pour lui en tant qu'espionne française, pour en savoir plus à propos du film et savoir
sa date de publication. A travers El Mercurio, véritable essence du Chili, la vision de droite
s'impose depuis des siècles et a marqué profondément toutes les couches de la société.
Tout le monde lit son journal. Tout le monde connaît El Mercurio. Il concentre la majorité
des lecteurs, la majeure circulation, publicité, et la majeure reconnaissance. C'est le journal
de référence de la société chilienne, il possède une forte influence sur toutes les couches
sociales de la société. Cependant, beaucoup des journalistes que j'ai interviewé concèdent
que le journal nuance de plus en plus sa position, surtout avec le reportage un peu plus
poussé du dimanche. Jorje Andres Gomez Arismendi explique:
“Mais je crois aussi que d'une autre manière le journal est en train de changer
sa position. Il n'est plus aussi extrême qu'avant, mais un peu plus ouvert à considérer
différentes opinions. Par exemple, avec l'opinion du reportage du dimanche, il est possible
de voir différentes approches d'un même thème. Et cela, c'est déjà une avancée.
Maintenant, de toute évidence, ils maintiennent toujours leurs positions comme propriétaires
du journal qui cherche à influencer
l'opinion publique, celle des gouvernants, et de différents secteurs sociaux. Mais il
49
existe clairement une ouverture, que la société elle même exige je crois. ”
Le deuxème groupe dominant en presse, COPESA, est politiquement proche de l’«
Unión Democrática Independiente », l’UDI, principale référence de la droite issue de la
dictature, et parti le plus réactionnaire en 2008. Les partenaires de ces entreprises sont
connus sous les noms de Miguel Angel Poduje, Sergio de Castro, Alberto Kassism, Alex
47
“Ambos grupos pertenecen a un sector político claramente definido, la derecha conservadora. Así, aunque el duopolio El
Mercurio-COPESA compite en el mercado, en verdad suponen un monopolio ideológico” Corrales. Concentracion economica de los
medios de Comunicacion. Guillermo Sunkel, Esteban Geoffroy
48
49
26
Interview de Ignacio Aguero, annexe N°1
Interview de Jorje Andres Gomez Arismendi , annexe N°4
2. La concentration idéologique des médias ou la survivance de la droite autoritaire en époque de
transition
Abumohr, personnages qui furent liés a la dictature militaire. Sergio de Castro est par
exemple l'ancien ministre du Trésor Public sous la dictature. Le directoire de COPESA
est présidé par le chef d'entreprise Alvaro Saieh, proche de l'UDI également. A côté de
ces médias, il possède une entité bancaire, CorpBanca, et une université, l' « Universidad
Andres Bello ». Le second groupe du pays est donc également marqué bien à droite du
spectre politique.
Ces deux groupes contrôlent plus de 60% des journaux du pays, et tous les quotidiens
nationaux les plus fameux, les plus diffusés et les plus lus du pays. Plus de 60% de
l'information est donc encore produite par des groupes proches de la droite autoritaire.
Une vraie concentration de l'idéologie est mise en place dans la démocratie actuelle. Le
pluralisme en presse n'existe pas, et le danger d'une information trop orientée menace
d'influencer la société.
De plus, cette information a tendance à servir de véritable modèle pour les autres
médias, qui la reprend comme source. Paul Walder, éditeur de elclarin.cl parle de rétro
alimentation.
“En ce sens, le danger réside dans le fait que “El Mercurio” et “La Tercera” sont
très similaires et qu'ils construisent la même information qui va ensuite circuler
dans tous les médias. Les journalistes de la télévision, pour les informations,
vont lire “El Mercurio”, et vont réécrire l'information: c’est une rétro-alimentation
et c’est le même phénomène pour la radio. Dans ce sens on peut dire la liberté
d’information au Chili est limitée. (...) On peut dire que la liberté d’expression est
50
assez utopique, artificielle” .
Le gouvernement s’en est un peu rendu compte, a tenté de créer une petite alternative
en 2002 avec “La Nación Domingo”. Pedro Santander affirme que “c’est une première
51
réponse timide du gouvernement pour établir un média avec un discours un peu différent” .
La Nación permet d'aborder des thèmes qui ne sont pas forcément mis dans l'agenda
politique national. Le journal a récemment développé le Journal Officiel, le développement
de son impression, et créé des filiales afin de diffuser une information locale qui influencerait
l'agenda thématique de la région. La Nación Domingo sera un des premiers journaux de
la transition à se prêter à une série de reportages dénonciateurs, même si ce ne fut que
52
de courte durée .
Mais cette réponse est insuffisante pour faire face à la concurrence.
2.1.2 La concentration idéologique de la télévision
Au niveau de la télévision, on assiste au même phénomène avec des particularités très
intéressantes: il existe cinq chaînes, toutes de droites, mais représentant toutes des droites
différentes.
Le « Canal 13 » appartient à l'Université Catholique du Chili, et donc à l'Eglise. Ses
contenus sont très conservateurs et reflètent une vision de droite traditionaliste. Un de ses
plus vieux journalistes, par exemple, se nomme Pablo Honorato, et est connu pour être un
50
51
52
Interview de Paul Walder, annexe N°9
Interview de Pedro Santander, annexe N°8
SANTANDER Pedro, Medios en Chile, Voces y Contextos
27
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
des grands journalistes complices de l'occultation des crimes de dictature. Cette chaîne est
une des chaînes les plus moralisatrices.
« Megavisión » appartient au chef d'entreprise Ricardo Claro, riche avocat qui possède
également un des réseaux de la téléphonie mobile du même nom. Il était conseiller du
Ministère des Relations Extérieures pendant la dictature militaire, admirateur de Pinochet et
conservateur à outrance. Il est un de ces grands maîtres du Chili que nous avons étudié en
première partie, placé également à droite du spectre politique. Il est propriétaire du holding
Cristalerias Chile.
Il est connu pour avoir des amis la Concertation Andrés Zaldívar, Jaime Estévez y
Enrique Krauss. Il préside la réunion directive de l'Université de Santiago.
« Chilevision » reflète la droite d’entreprise, elle est possédée par un homme politique
et chef d'entreprise dont on entend souvent prononcer le nom au Chili, puisqu'il est le
redoutable futur candidat pour les élections présidentielles, Sebastian Pinera. Il fait partie
d'un nouveau parti de droite, la Rénovation Nationale, qui a pris naissance il y a quelques
années, et tente de s'opposer à la traditionnelle division droite/gauche. Il est fameux pour
son libéralisme et sa défense de la globalisation.
TVN est la chaîne de l'Etat mais, selon Juan Pablo Cardenas, elle « fait la concurrence
avec les chaînes de droite privées avec la publicité et ses contenus ne parlent pas non plus
de télévision publique. Ce n'est pas une télévision publique comme on conçoit la télévision
53
publique en Europe par exemple” .
Le même phénomène que la presse écrite se produit : il n’existe pas de chaîne de
gauche, ni de chaînes alternatives, toutes les informations sont produites par des partisans
de la droite. Pour le spectateur il n’y a donc pas de choix possible. Le formatage de la
population en est rendu inévitable .
2.1.3 Concentration à droite par classes sociales
« S'ils étaient tous de gauche, ce serait autant pernicieux. Le thème de fond n'est
pas qui est le propriétaire du média: le problème est qu 'ils sont peu et qu'ils
pensent la même chose, et que les médias ne représentent donc pas la diversité
54
de positions qui existent dans la société. Et au final, le perdant est le citoyen. »
Pedro Santander pense, quant à lui, que « tout ça est une bonne chose, le Chili ou n’importe
quel endroit du monde doit avoir une presse de droite…le problème est qu’ici il n’y a que
55
la presse de droite” .
Il est vrai que l'on ne peut pas prouver l'influence que cette presse et télévision de
droite peuvent avoir sur la population, si elles peuvent vraiment affecter l'opinion générale et
l'espace public. Les champs interagissent forcément les uns sur les autres, et en montrant
53
54
Interview de Juan Pablo Cardenas, annexe N°2
“Si todos fueran de izquierda sería igual de pernicioso. El tema de fondo no es quien sea el dueño del medio: el
problema es que sean pocos y piensen lo mismo, porque entonces los medios no representan la diversidad de posiciones
que existen en la sociedad. Y al final, el mayor perjudicado es el ciudadano” Sandoval. Concentracion economica de los
medios de Comunicacion. Guillermo Sunkel, Esteban Geoffroy
55
28
Interview de Pedro Santander, annexe N°8
2. La concentration idéologique des médias ou la survivance de la droite autoritaire en époque de
transition
ainsi une opinion de droite dans les principaux médias de communication, il y a de fortes
chances pour que la société reçoit une image déformée de ce qu'elle est vraiment.
Le paysage médiatique est donc clairement dominé par des idéologies contraires,
et dominantes à droite. Pour mieux le mettre en valeur, il est possible de réaliser un
56
classement de la presse par tranche sociale . L'avantage d'un tel classement permet
de rendre compte comment les classes sociales se distribuent l'information, et comme
l'élite de droite la plus riche concentre la majorité de l'information nationale. En effet, l’élite
économique possède 17 quotidiens de la chaîne du « Mercurio », « Copesa » (« la Tercera »,
« La cuarta », « Que pasa »), « Radio Agricultura », « Canal 9 » et « Canal 13 ». Participent
à ces possessions la vieille aristocratie, composée de fondamentalistes religieux, riches
depuis bien avant Pinochet, ainsi que la nouvelle oligarchie, ceux devenus riches durant la
dictature. Les libéraux chrétiens possèdent des médias un peu plus pluralistes, comme la
radio « Cooperativa » et radio « Chilena », pro syndicalistes et surtout contre l’économie
issue des Chicago boys. Il reste enfin la vieille gauche, partisans de l’Union Populaire de
Allende qui n’ont que quelques journaux comme « El Siglo », « Punto Final » y « la Firme »,
mais ce ne sont pas des quotidiens. Toutes leurs radios disparurent avec la dictature sauf
la radio « Nuevo Mundo », affiliée au Parti Communiste.
Il est clair que les médias au Chili appartiennent pour la plupart à la droite, ou plus
exactement à deux types de droite: la droite traditionnelle dans le passé autoritaire et
militaire, qui s'est adaptée aux nouvelles structures de la scène nationale et internationale,
et la droite plus libérale et capitaliste, nouvelle, qui apparaît avec les nouvelles technologies.
Ces deux droites sont maîtres de la majorité de l'information, et prônent un système
néolibéral, héritage de Pinochet.
2.1.4 La droite ne reconnaît pas la concentration: défense des intérêts
Le thème de la concentration tant économique qu'idéologique est un thème évoqué surtout
par les partisans de gauche, et totalement nié par la droite. Il est intéressant de voir comment
la concentration idéologique à droite peut ne pas être évoqué par ses partisans, de manière
à éviter le problème dans le débat public.
Ce fait s'expérimente évidemment dans la pratique, dans le côtoiement du milieu, la
plupart des politiques de droite ou encore journalistes de droite ne voulant pas parler du
sujet, ne voulant pas être enregistrés. Ma rencontre en juin 2007 avec Pablo Honorato,
journaliste des tribunaux pour le Canal 13 depuis plus de 20 ans, en est le symbole le plus
parlant. Dans une de ses interviews dans le journal de La Cuarta, il affirme être toujours
présent pour les étudiants en journalisme qui arrivent aux pautas où il est là. C'est en effet ce
qu'il a fait avec moi, en se présentant comme serviable et pédagogue. En attendant le début
d'une conférence de presse, nous avons commencé à parler du sujet qui nous intéresse, et
de la concentration des médias à droite du spectre politique. Il est facile de reconnaître une
expression surprise et embarrassée venant d'un homme qui ne sait pas quoi vous répondre,
gêné d'un tel sujet. Il s'est mis à rigoler en me demandant de quoi je parlais, que je me
trompais dans mes déductions, affirmant que la dictature était belle et bien finie, et que la
diversité de la presse était indéniable.
Je ne connaissais pas ses idées ni son affiliation politique, a part celle reliée au Canal
13, c'est a dire celle de l'Eglise Catholique. J'ai été surprise de sa réaction, sachant déjà
les chiffres de la concentration au moment de lui parler. En rentrant au sein de la Radio
56
Ken Leon Dermota, Periodismo bajo democracia, Chileinedito, 2001
29
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
Nuevo Mundo, radio affiliée au Parti Communiste, mes collègues m'affirment tous que Pablo
Honorato est un des plus grands journalistes de l'histoire de la dictature, et qu'il a aidé
fortement à ce que certains thèmes relevant des droits de l'homme ne soient pas abordés
devant le grand public. Il est la véritable incarnation du journaliste relais de la droite. Je
comprenais donc mieux en quoi le thème dont je lui avais parlé le dérangeait.
Une des interviews également n'a pas été retranscrite dans cette étude. Il s'agit de
l'interview avec Marcelo Andres Cofre Lorenas, publiciste pour le journal diplomatique
« Cuerpo Diplomatico ». Il ne voulait pas vraiment répondre à mes questions, avait accepté
l'entretien mais devait demander l'aval de son chef tout d'abord, et ne voulait d'ailleurs même
pas, pour les questions auxquelles il a répondu, que le nom de son journal apparaisse. Le
contenu de ces réponses retenues n'avaient donc aucune valeur.
Que ce soient les hommes politiques de droite ou les journalistes de droite, tous ont
appris à nier la concentration et s'adapter au système néolibéraliste, et a ne surtout pas
critiquer les intérêts des uns des autres.
Un article publié dans El Mercurio le 10 juillet 1995
totale de la concentration.
57
laisse apparaître cette négation
« Dans le domaine de la presse, il existe un nombre significatif de journaux.
Effectivement, quelques uns appartiennent à une même chaîne mais cela est un
phénomène naturel sur le marché dans lequel se doivent de bouger les grands
capitaux pour se maintenir dans une dynamique propre d'incorporation des
nouvelles technologies. Ces journaux pointent divers segments du marché, ce
qui constitue une forme de pluralisme. Ce serait une erreur empirique d'analyser
le marché des communications au Chili comme s'il existait au pas de la porte un
58
risque de monopole. »
Cette phrase a été prononcée par Jose Joaquin Brunner, ministre secrétaire du
gouvernement pendant le premier mandat de Patricio Aylwin. Son opinion était que tant que
le système de compétition est en oeuvre, le pluralisme devrait fonctionner: le fait qu'il y ait un
monopole ou journaux appartenant à la même chaîne est un effet naturel du développement
du marché.
Le phénomène de concentration se sait pourtant au sein de la profession, mais nié
dans la plupart de ses structures, ou relativisé.
Le plus difficile de notre étude est de prouver en quoi ces droites peuvent influencer sur
l'information. Elles sont partisanes du libre marché et de la libre concurrence, possèdent de
nombreux médias, mais cela ne signifie pas concrètement qu'elles manipulent l'information
et qu'elles formatent la société. Le Chili est cependant un pays qui sort à peine d'une
dictature très féroce et qui a récupéré sa démocratie au début des années 1990. La
transition démocratique est jeune, bancale, surtout s'il est possible de remarquer une
tension homogène sur l'information.
57
José Joaquín Brunner, "No debe trabarse la propiedad de la industria de los medios de comunicación, El Mercurio,
10/07/1995, citado por Meza, 1996:85-86
58
" En el área de la prensa hay un número significativo de diarios. Efectivamente algunos pertenecen a una misma
cadena pero éste es un fenómeno natural en un mercado en donde se deben mover grandes capitales para mantenerse en
la dinámica propia de la incorporación de nuevas tecnologías. Esos diarios apuntan a diversos segmentos del mercado, lo
que constituye una forma de pluralismo. Sería un error empírico analizar el mercado de las comunicaciones en Chile como
si estuviera en el umbral de un riesgo monopólico" Ibid
30
2. La concentration idéologique des médias ou la survivance de la droite autoritaire en époque de
transition
Il convient d'étudier à cet effet en quoi cette concentration idéologique a un effet sur
l'information et sur la population.
Pour comprendre l'influence de cette concentration idéologique sur l'information, je
m'intéresserai aux structures théoriques concrètes de l'élaboration de l'information au Chili,
mais aussi ce qui se passe dans la pratique, qui est reconnu mais pas forcément évoqué
dans les livres. Le théorique renverrait plutôt à comment se fait l'information concrètement
et techniquement au Chili, et le pratique d'un sens plus qualitatif, au niveau du contenu
de l'information. A travers ces éléments, il sera possible de comprendre comment la
concentration idéologique de droite peut agir sur l'information, et donc sur la représentation
de la population et la population elle même.
2.2 Un cadre restrictif et homogène: élaboration de
l'information bloquée, hiérarchie et mode imposé
2.2.1 La salle de presse et le statut du journaliste au Chili
La salle de presse au Chili et les structures de l'entreprise de communication obéissent à
une structure très horizontale et hiérarchique.
Les trois acteurs principaux sont: le propriétaire du journal, l'éditeur et le journaliste.
Les médias au Chili reflètent chacun la vision de leur propriétaire. Celui ci n'est donc pas
indépendant de l'information qu'il produit, les médias étant connus pour être de droite ou de
gauche, appartenant à un tel ou tel. Il est connu comme le maître suprême qui a le pouvoir
sur n'importe quelle information. Un journaliste qui travaille pour lui est censé connaître la
ligne éditoriale et ne pas s'opposer à la vision du propriétaire. Ils sont considérés comme
des maîtres inaccessibles, puisqu'ils n'entrent en contact avec personne sauf par le biais de
leurs secrétaires, et n'accordent que rarement des interviews publiques. Les médias sont
rarement dirigés par des journalistes, comme l'explique Jorje Andres Gomez Arismendi:
« les médias ne sont en général pas dirigés par des journalistes. Il sont dirigés par des
personnes en relation avec l'activité commerciale, par des avocats. Un jeune journaliste
possède toujours cet idealisme qui est mal vu. On considère aussi que le journaliste ne sait
59
rien en matière d'entreprise ou économique” .
Les éditeurs sont le relais du directeur: Ils décident du choix des thèmes traités, des
conférences à couvrir et de l'agenda du média. Ils sont chargés d'exercer un contrôle en
amont des informations qu'ils reçoivent et décider du contenu des informations. Ils dirigent
littéralement les journalistes, les indiquant les questions à poser, et les sujet à ne pas traiter.
En bas de l'échelle se situe le journaliste, qui ne possède pas beaucoup d'autonomie
et de liberté dans ses sujets. Loin d'être un free lance de nouvelle génération, qui
tenterait de trouver un angle original et spécifique à un sujet d'information, le journaliste
chilien est un simple reproducteur d'information. Dans un premier temps, il n'est pas un
journaliste spécialisé. Les formations de journaliste au Chili sont des universités en cinq
ans, qui proposent une éducation multimédia et des grands thèmes de la communication,
59
Interview de Jorje Andres Gomez Arismendi, annexe N°4
31
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
mais aucune spécificité en économie, ou politique, ou géographie etc. Cela génère un
phénomène de banalisation des journalistes, et d'homogénéité des apprentissages. Le
journaliste devient un journaliste remplaçable, à modèle simple et unique. Il n'a pas ce plus
qu'apporte la spécialisation et la différence par rapport à ses collègues. Il n'est ensuite pas
libre d'écrire ce qu'il veut: les indications lui sont clairement données par son éditeur, les
thèmes à traiter voire même les questions à poser, et l'angle souhaité. Quand son article
est fini, l'éditeur reprend toujours ce qu'il est écrit. Enfin, le journaliste est reproducteur
d'information, et rentre dans un cercle homogène fermé, comme tous les collègues de sa
profession. Les conférences de presse de la matinée au Chili sont couvertes par tous les
médias. Un lecteur ou spectateur qui lit ou regarde l'information au Chili se rend vite compte
que l'information est la même dans presque tous les médias. Les références et sources sont
toutes les mêmes, et sont en général des politiques, seule la façon de les rendre compte
diffère légèrement. Il arrive souvent aussi que le journaliste en radio, ou le journaliste en
télé , reprennent les informations matinales d'autres médias pour les réécrire et les diffuser
l'après midi. Cela arrive surtout en radio, ou l'après midi sont reprises les informations de la
télévision, pour ajouter les événements qu'il n'a pas été possible de couvrir le matin.
Jorje Andres Gomez Arismendi, dans son interview insiste beaucoup sur ce point:
« Le journaliste a été réduit à un simple instrument de transmission
d'information. ll ne demande pas sur ce qu'il informe, et très souvent il ne sait
pas ce qu'il écrit, et il devient juste un mécanisme de transmission d'information.
(...) Le journaliste à l'heure actuelle est un média worker, et il y a beaucoup de
journalistes dans les salles de rédaction, et le journaliste a perdu son autonomie
comme investigateur, comme questionnant tout. Il doit toujours passer par
l'éditeur et le chef de rédaction. La plupart du temps, leur notes peuvent ne
pas être adéquates à la politique du média et à la ligne editoriale, et restent à la
60
poubelle, alors qu'elles pourraient être plus importantes que d'autres” .
La salle de presse et structure de l'entreprise ne laisse donc aucune chance de liberté et
d'originalité pour le journaliste qui se situe au bas de l'échelle. Loin d'être un générateur
d'opinion, il écrit ce qu'on lui dit d'écrire et reproduit des informations quotidiennes plates.
2.2.2 Homogénéité de l'information à travers la pauta
Le journaliste chilien dans son emploi quotidien, ne se voit pas attribuer non plus de très
grandes libertés à cause de « la pauta » et du discours qu’on lui donne, qui ne laisse pas
de place à un réel débat.
La « pauta », c’est le rendez vous du jour, le calendrier des conférences, des réunions et
des déclarations de politiciens. Elle est généralement délivrée par une agence d'information
61
privée appelée ORBE . L’éditeur dès le matin, répartit ses journalistes sur les différentes
« pautas » de la capitale. Le journaliste ne fait qu’obéir et enregistrer l’information sur son
magnétophone. Ce système est à l’œuvre dans tous les médias d’information : télévision,
presse écrite, et radio. Il entraîne plusieurs facteurs qui empêchent le bon fonctionnement
de la démocratie dans les médias.
60
Ibid
61
ORBE est une agence chilienne d'information, fondée en 1955. Elle est privée et indépendante qui selon ses termes, agit
de manière libre sans aucune influence de groupes de pression.
32
2. La concentration idéologique des médias ou la survivance de la droite autoritaire en époque de
transition
Dans un premier temps, c’est une source commune que se partage tous les médias,
tous les jours. Ceux-ci se basent donc sur les même discours, les mêmes paroles. Seule la
formulation de l’article diffère, suivant la direction idéologique du journal. Il est intéressant de
comparer des articles de mêmes contenus et de même source, mais formulé différemment
de manière à favoriser la droite, ou la gauche. Il n’existe donc aucune diversité de point de
vue dans l’information.
La pauta est choisie en fonction des intérêts politiques du média, comme l'indique Paul
Walder, éditeur de elclarin.cl: « Les grands médias prennent la “pauta” d’information, mais
62
celle ci est distribuée selon les intérêts politiques” .
63
La pauta est un réel problème d’uniformisation du sujet et de l’information. La
conséquence est qu’aucun d’entre eux n’apporte de nouvelle perspective sur les faits.
L’information parait la même dans la plupart des médias. Le contenu de l’information est de
plus un contenu répété, non analysé ni recherché. Généralement, les informations couvrent
les évènements qui ont lieu dans les dernières 24 heures, qu’ils soient de people, politique…
L’immédiateté de l’information apporte une certaine « objectivité » sur ce qu’il a été dit, ou
plutôt un « repeat ». En effet, concrètement, le journaliste part enregistrer les déclarations
publiques des hommes politiques, sans trop leur poser de questions ou lancer le débat. Il y a
tout de même de nombreuses questions posées, mais toujours à la limite du polémique. Les
journalistes se contentent de couvrir l'événement, écouter la réunion et répéter simplement
ce qui a été dit : c’est rare de les voir parler aux représentants après une réunion. Les
informations manquent du coup cruellement d’investigation et d’analyses spécialisées. La
conséquence en est un journalisme vide, qui n’offre pas l’information suffisante à une
démocratie émergente pour un débat politique sérieux et ouvert. Il n’y a en général peu de
discussions ou d’échange entre l’éditeur et le reporter sur le contenu de la pauta, celui-ci
devant simplement répondre à la ligne éditoriale du journal. Il n’existe ainsi pas de réflexion
commune du journaliste avec son éditeur.
De plus, la plupart des informations s’appuie en général sur une seule source, qui est
le plus souvent une source d’autorité, la voix du gouvernement. Le problème donc, c’est la
source unique et officielle. Tous les matins sont rythmés par les politiciens, ainsi que chaque
note d’actualité. Paulo Ramirez, ancien éditeur de l’ « EMOL » (Mercurio on line) affirme que
ce système est un des vestiges de la dictature. Pinochet et ses ministres étaient les uniques
sources de l’information. « Chili est un pays dans lequel il peut être très difficile ou très facile
de faire du journalisme. C’est très facile si on suit le courant. Si on veut arriver au fond des
64
choses, c’est très difficile. » Ainsi, les articles d’information ne se basent généralement que
sur les discours des députés, des sénateurs, ou des ministres. La légitimité politique est une
condition nécessaire à la source, et empêche les opinions adverses de s’exprimer. Claudia
Lagos souligne que « il est commun que dans des thèmes comme la Sécurité Citoyenne,
tous les médias aient comme référence le Colonel de Police de Pedro de Valdivia, quand
il existe de multiples ONG expertes dans cette matière. Cela ne possède qu'un seul nom;
médiocrité. Pour nous améliorer, nous devrons toujours consacrer un temps extra pour
65
chercher de meilleures sources. »
62
63
64
65
Interview Paul Walder, annexe N°9
Interview de Raul Mandres, annexe N°6
Interviewé dans Ken Leon Dermota, Periodismo bajo democracia, Chileinedito, 2001.
"es común que en temas como Seguridad Ciudadana, todos los medios tengan como referente al Coronel (r) de Carabineros
Pedro Valdivia, cuando existen múltiples ONGs expertas en esta materia. Eso tiene un solo nombre: mediocridad. Para mejorar
siempre tendremos que dedicar un tiempo extra para buscar mejores fuentes".
33
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
Le système de la « pauta » est donc un réel obstacle au journalisme d’investigation.
Très peu sont les journaux qui ne couvrent pas ces rendez vous. Plusieurs fois lors de mon
expérience, il m’est arrivé d’aller à des « pautas » ou tout le paysage de la presse était
présent. Et de regarder la télévision le soir même, vous pouvez changer 4 fois de chaînes
et tomber sur les mêmes discours, les mêmes informations.
D’ailleurs, les nouveaux journaux alternatifs chiliens, prônant une meilleure
investigation, ne sont jamais là durant ces matinées. Ce sont les seuls à vraiment interviewer
et rechercher l’information durant deux semaines, pour en faire de vrais articles de fond et
d’analyse. Raul de la radio « Nuevo Mundo », insiste sur le fait que ce qui fait la qualité
d’un journal comme « El Periodista », est que justement, ses journalistes doivent chercher
leurs propres « pautas », et qu’ils font leurs propres notes d’actualité, en ayant beaucoup
plus de liberté que les autres médias. Il affirme que cette liberté entraîne une fraîcheur, une
nouveauté ou différence dans l’information, et que les journalistes doivent sortir dans la rue,
la où se passent les choses, pour donner d’autres yeux à ce que les gens ne peuvent pas
66
voir . La « pauta » évite tout type d’investigation. Une vraie facilité pour le gouvernement.
67
Raul, explique qu’il existe au Chili le journalisme de “pelotón” : où va le groupe, tout le
monde suit. C’est la circularité de l’information. Il est vrai que dans toutes les informations,
ce sont les mêmes extraits de députés, les mêmes paroles qui uniformisent l’information.
Même si le protagoniste a parlé d’autre chose, les journalistes donnent les mêmes extraits.
Raul donne l’exemple d’un matin à la « Moneda » où la Présidente aborde trois thèmes :
un pédophile capturé au Brésil, une menace à l’encontre de Lagos, et des travailleurs de
l’entreprise CODELCO. Tous les journalistes commencèrent par la première note d’actualité,
entraînant une totale homogénéité de l’information à travers tous les médias. Selon lui, il
n’y a aucune profondeur dans les thèmes traités.
La « pauta » est donc l’antithèse du pluralisme et de la liberté d’expression. Le
journaliste est dirigé et formaté dans ses prises de position, obligé de copier l’information
délivrée par le gouvernement, sans débat ni prise de position. Ce système est l’outil du
gouvernement utilisé pendant la dictature pour empêcher un vrai travail d’investigation. Le
journaliste est dépendant de ce système et ne peut pas s’en délester.
Au niveau de l'élaboration de l'information, il existe donc un premier blocage en théorie.
Le fait de sa hiérarchie, et de l'obligation du journaliste à simplement suivre les ordres et
les pautas du jour, l'information n'est pas une information libre, et encore moins le fruit
d'une longue investigation. L'information obéit à un cadre prédéterminé, duquel elle ne peut
s'échapper.
2.3 Pressions sur les contenus: manque de
représentation et dérives
En plus d'être bloquée dans les structures mêmes de son élaboration, l'information subit
des pressions au niveau de son contenu, qui tendent encore plus à l'homogénéiser. La
concentration idéologique à droite semble avoir des conséquences sur la représentation et
la liberté d'expression.
66
67
34
Interview de Raul Mandres, annexe N°6
peloton (Collins)
2. La concentration idéologique des médias ou la survivance de la droite autoritaire en époque de
transition
2.3.1La représentation
Au niveau de la représentation du peuple dans les médias, et la représentation de l'espace
public, il reste quelques éléments perturbateurs: les dirigeants sociaux sont oubliés, ainsi
que le chilien moyen, pendant que l'intérêt de l'élite est défendu.
Dans un premier temps, aucune place n'est faite pour l'expression des dirigeants
sociaux et syndicaux. Il est impossible de voir au Chili une couverture de journal citant un
syndicat. Ils sont mis totalement à l'extérieur de la sphère médiatique, comme de la politique,
puisqu'une loi les interdit d'être députés. La représentation de la sphère publique paraît
biaisée. Le journaliste Loreto Rebolledo l'affirme parfaitement : « On perçoit généralement
que, à travers les médias de communication massifs, sont représentés seulement ceux qui
ont de l'argent, les chefs d'entreprise en lien avec les propriétaires de journaux et ceux qui
ont le pouvoir, c'est à dire, les hommes politiques et les militaires., ou encore ceux qui ont
68
du prestige, comme les artistes ou les journalistes. ». Les voix de l'opposition sont mises
sous silence, en particulier de la gauche, qui n’a pas de moyen de publication; les journaux
comme “El Mercurio” ou “La Tercera” décident eux de ce qu'ils vont publier: ils décident de
qui se cite dans le journal et de qui on parle.
Paul Walder, dans son interview, affirme que les médias fonctionnent comme un monde
fermé.
“C’est comme si ce qui est autour n’existait pas. Or tout ce qui est autour, c’est
ce qu'on appelle les anti systèmes, anarchistes, les extraparlementaires, les utopiques,
les gauchistes...,n'existent pas. Ainsi les jeunes qui se sont inscrits pour aller voter sont
seulement de 7% et 3% de la classe la plus pauvre est inscrite, ils ne sont pas intéressés;
l’espace laissé aux institutions par les médias est chaque jour moins grand. Tout ce qui est
69
dehors est dehors, et n'a pas de moyen de s'exprimer, c’est un processus très violent” .
Juan Pablo Cardenas, Prix National de journalisme, regrette également qu'il n'y ait
aucune presse qui rende compte des grands problèmes sociaux: “La liberté d'expression
n'est pas une liberté des journalistes et chefs d'entreprise, mais un droit du peuple organisé.
70
Mais le peuple n'a pas de médias pour s'exprimer et rendre compte de sa réalité” .
Jorje Andres Gomez Arismendi, quant à lui, affirme, que “n'importe quel discours qui
va dans le sens contraire d'un ordre imposé, même si le discours est très léger, sera
71
directement catalogué de communiste, d'extremiste, de subversif, d'anti système” . Le
discours de gauche est donc laissé de côte, et celui des dirigeants sociaux encore plus.
Ils ne possèdent aucune représentation dans la presse et ne sont que rarement cités. On
préfèrera citer des sources officielles que des organisations civiles.
La presse, dans ces grands traits, ne reflète même pas le chilien moyen. Le Chili,
rappelons-le, est un pays assez développé, mais surtout dans sa capitale, le reste du pays
68
« La percepcion generalizada es que en los medios de comunicacion masivos solo estan representados los que tienen
dinero, los empresarios que estan vinculados con los duenos de los medios y los que tienen poder, es decir, los politicos y militares,
asi como los que tienen prestigio, artistas y periodistas »Concentracion economica de los medios de Comunicacion. Guillermo Sunkel,
Esteban Geoffroy
69
70
71
Interview Paul Walder, annexe N°9
Interview de Juan Pablo Cardenas, annexe N°3
Interview de Jorje Andres Gomez Arismendi, annexe N°4
35
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
reste tout de même très précaire, attaché à sa terre et dans les coins perdus de la Cordillère
des Andes, qui longent tout de même tout le pays, de purs paysans. Il existe une partialité
de l’information due au fait qu’on laisse beaucoup de thèmes de côté. Ce cas est bien
évidemment encore celui du « Mercurio », qui pour rien au monde ne montrerait une fois
l’intérêt des travailleurs. Durant les manifestations des travailleurs, en 1999, « el Mercurio »
et « la Tercera » ne montrent les émeutes que sous un angle, les policiers blessés par
les opposants, et il n’y a aucun travailleur interviewé ou étudié dans leurs revendications.
Des thèmes comme la situation des mapuches, indigènes traditionnels du pays, sont des
thèmes que vous ne retrouverez jamais dans un quotidien, puisque les journaux de droite
72
ne traitent pas de ces thèmes . Pourtant, ce thème devrait avoir assez d’intérêt au sein
de la population, faisant partie du patrimoine historique. Il y a donc de la part de la plupart
des grands journaux, une manipulation des thèmes, une volonté de faire l’impasse sur de
nombreux sujets. De l’autre côté en radio par exemple, ces sujets sont largement étudiés :
droits de l’homme, situation de la femme. La presse de droite ne représente pas les intérêts
de la population. Elle n’est pas représentative. Elle n’est pas démocratique. La presse
serait beaucoup plus démocratique si au moins elle représentait le chilien moyen, si elle
représentait la population. Non seulement elle n’est pas pluraliste et appartient surtout à la
droite réactionnaire, mais en plus elle est totalement manipulée idéologiquement. On est
donc très loin d’une démocratie. Ces grands chefs d’entreprise manipulent l’information, et
imposent leur idéologie en défendant leurs intérêts par le biais de leurs journaux.
Enfin, la presse actuelle promeut les intérêts de ses propriétaires. Plus loin encore, la
presse reçoit toutes sortes de pression, de la part de l’Eglise, des chefs d’entreprise ou des
militaires. La concentration des médias finalement entraîne ce qu’on appelle un journalisme
d’intérêt personnel, tout le contraire d’une information d’intérêt public. Pablo Moreira, affirme
dans ce sens que « quand il existe un problème ou un dommage causé par leurs entreprises,
ils parlent à travers des principaux médias de communication: TVN, Canal 13, El Mercurio,
la Tercera, pour éviter l’affrontement des critiques. Et cela génère un lavage de cerveau de
73
la société en général. »
Une journaliste interviewé, Barbara Partarrieu clarifiait un peu ce qui se passe : «
Je ne travaille pas pour une organisation informative. Ca c’est sûr. Je travaille pour une
74
entreprise ».
Une entreprise, voilà ce qu’est simplement un journal chilien, défendant l’intérêt de son
propriétaire.
Un autre point intéressant à développer, qui découle de cette mainmise idéologique est
le contrôle de l’information, qui bénéficie à ceux qui sont déjà au pouvoir. Tout d’abord, le
contrôle et la non critique de l’économie. Comme nous l’avons déjà remarqué, l’économie
chilienne est une économie privatisée jusque dans ses services publics ; santé, transport,
éducation…et offre à une élite le pouvoir. Cette élite, politisée a droite, profite de sa
mainmise sur les médias pour ne pas critiquer le système économique et le faire perdurer
comme il est. Il existe bien évidemment des journaux de gauche, ou des radios, qui pensent
que ce système est un abus, mais qui ne se permettraient jamais, ô non jamais, de l’expliciter
publiquement. Car ce serait s’attaquer à un bien trop gros poisson, maître de tout, qui peut
tout faire basculer quand il a décidé de claquer du doigt. Ainsi que le peuple se contente
de cette économie, purement et simplement, et ne l’entend jamais être critiquée dans les
72
73
74
36
Ken Leon Dermota, Periodismo bajo democracia, Chileinedito, 2001.
Interview de Pablo Moreira, annexe N° 7
Interviewé dans Ken Leon Dermota, Periodismo bajo democracia, Chileinedito, 2001.
2. La concentration idéologique des médias ou la survivance de la droite autoritaire en époque de
transition
journaux. Le gouvernement actuel de Michelle Bachelet, pourtant de gauche et rayonnant
suffisamment à travers le monde, se contente aussi de défendre cette sphère privée, et
l’intérêt de ses propriétaires. Et personne ne le critique. Le gouvernement, en temps de crise
d’une entreprise privée, doit gérer cette crise en défendant les intérêts du privé. Je pense
par là à la crise 2007 du gouvernement à propos du Transantiago, nouveau système de
transport public. C’est une entreprise privée qui gère ce système, mais quand il y a problème
au niveau de la population, c’est le gouvernement qui gère la crise. Le gouvernement
est une paroi, un mur épais qui se dresse devant les intérêts capitalistes de l’élite. Juan
Pablo Cardenas, Prix National de Journalisme, affirme que « la représentation est en fait
composée de forces qui co-gouvernent le Chili, avec des tensions à intérêts personnels, qui
75
ne sont pas en fait des différences idéologiques” .
La représentation dans les médias est totalement inégalitaire de fait. Cela peut
s'observer également à travers la représentation des genres, et plus particulièrement celle
de la femme.
Le Chili est un des pays les plus conservateurs de l'Amérique Latine, celui ou le poids
de l'Eglise et des visions traditionnelles catholiques représentent la norme à suivre. En ce
qui concerne la femme, d'énormes avancées restent encore à effectuer pour les rendre
égales aux hommes. Le pays est un pays sévèrement machiste et qui manque de parité,
malgré le fait que le Président de la République soit une femme et qu'elle même ait voulu
établir la parité. La femme au Chili reste représentée par son rôle stéréotype de femme au
foyer, d'épouse, et de mère. Un thème comme l'avortement est une véritable insulte pour
la société, et n'est jamais apparu dans l'agenda politique. Il y a certes eu des avancées
comme la création d'un Service National de la Femme (SERNAM), qui traite des problèmes
de violence intrafamiliale, ou encore de la pilule du lendemain (récemment projet de loi
rejeté par le Parlement), mais qui ne sont pas suffisantes dans un pays comme celui ci où
l'homme et la femme suivent un rapport de dominés/dominants.
Dans le milieu de la presse, la représentation fait défaut à la femme, autant qu'aux
acteurs sociaux. Lors d'une étude sur le discours de deux journaux et leur façon de
76
traiter les femmes dans leur représentation , M Pilar Bruce Hoyuelos y Macarena Deney
Pineda affirment que l'information chilienne génère un centrisme linguistique, provoqué lui
même par l'histoire de la représentation de la femme. Pour eux, il existe une véritable
discrimination de genre dans les médias, à travers des stéréotypes et des clichés, ainsi
qu'une infrareprésentation de la femme en information. En effet, on observe une large
77
disproportion entre les sources masculines et les sources féminines .
Les investigateurs étudièrent 43 informations de « El Mercurio » et « Siete, » entre
le 8 et le 14 octobre 2005, plus particulièrement relevant d'informations politiques, 24
appartenant au journal El Mercurio et 19 au journal Siete. Ils distinguent dans leur étude le
côté plus traditionnel et privé de la représentation de la femme et le côté post moderne, plus
public. Les conclusions de cette étude sont très significatives: la femme est principalement
représentée sous un aspect traditionnel, avec des adjectifs qualificatifs personnellement.
La plupart des femmes citées sont des femmes politiques, et surtout la présidente Michelle
Bachelet. Dans une des informations, elle est associée a son rôle de mère et de femme de
75
76
Interview de Juan Pablo Cardenas, annexe N°3
Lenguaje sexista en la prensa chilena. Los casos de El Mercurio y Siete. SANTANDER Pedro, Medios en Chile, Voces
y Contextos
77
cf etude « La brecha del genero: las mujeres aun estan ausentes como fuentes para el periodismo » del Proyecto para la
Excelencia del Periodismo. cf en france 17% de sources feminines. AFJ.
37
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
maison: « Au début de la campagne présidentielle, Michelle Bachelet se réservait les fins de
78
semaine. Maintenant, elle a intensifié le travail. » . Ce serait donc seulement à l'approche
des élections que la dame aurait abandonné son foyer. En période électorale, de nombreux
adjectifs la caractérisent. Elle est décrite dans la presse comme une femme conciliante,
affective quand elle visite les mineurs, ou accusatrice et ironique, quand elle confronte ses
adversaires politiques. Elle a été bien plus décrite à travers son caractère que ses formules
politiques. Au niveau du discours, il n'est pas employé de distinction de genre quand on
formule les candidats, tout est employé au masculin. Encore plus loin, il existe des manières
de qualifier la Présidente très personnelles, comme la Michelle, ou la Bachelet, termes que
de nombreuses personnes emploient, et n'ont jamais employé pour qualifier des Présidents
hommes. Il existe une certaine exclusion du langage dans la presse de la femme.
Ces éléments nous montrent exactement à quel point la limitation de la représentation
est active. Il existe toute une partie de la population chilienne qui ne voit pas ses intérêts
représentés dans les médias. La concentration idéologique semble agir sur la représentation
dans l'information, étant bien plus traditionnelle de droite que progressiste de gauche.
2.3.2 La limitation de la liberté d'expression
La concentration idéologique s'exprime fortement à travers la limitation de la liberté
d'expression, la censure directe ou non, et l'autocensure des journalistes. Je m'intéresserai
ici à expliciter la censure, ou la limitation de la liberté d'expression principalement liée aux
thèmes des médias, de la droite, et aux grands géants de la droite. Je n'aborderai pas ici
les possibles interventions du gouvernement.
La censure est exercée principalement par les éditeurs, qui s’imposent comme relais
du propriétaire du journal. Elle agit ainsi principalement à l’encontre de toute critique envers
le système économique, la propriété, et la mainmise idéologique, bien évidemment. Lors de
mon stage au journal « El Periodista », j’ai écrit deux articles, je pense, assez intéressants
et critiques, censurés littéralement par mon éditeur. Le deuxième surtout, était une interview
d’un écrivain, actrice de théâtre également, Monica Echeverria. Son livre est une biographie
de Sonia Edwards, de la famille Edwards, propriétaire d’une grande partie des médias
chiliens, et sœur de Agustin Edwards, nous l’avons déjà évoqué, lui qui ramène avec
l’aide des Etats-Unis la dictature dans le pays. Sa sœur était opposée aux actions de son
frère. Sous la dictature, elle aidait les révolutionnaires à se cacher, et guérissait les blessés.
Elle meurt à cette époque, son frère n’ayant rien fait pour l’aider. Ce livre, à travers une
très longue investigation, est une critique virulente de Agustin Edwards, de son pouvoir
exacerbé et de sa mainmise sur les médias à travers le « Mercurio ». Elle critique les grands
de la dictature, encore au pouvoir aujourd’hui, une critique qui n’a jamais été vraiment faite
explicitement, toujours masquée. Elle m’explique dans son interview qu’elle a du démarcher
toutes les agences éditoriales, et qu’aucune n’a accepté de publier son livre. La raison
est simple : l’édition appartient dans ses gros traits à la famille Edwards. Aucun éditeur
n’aurait pris le risque, encore aujourd’hui, de publier une telle critique, pourtant basée sur
des faits réels. Mon article n’a pas non plus été publié. Pourtant, c’est un article « culture/
livre » assez prenant, faisant ressortir toute la polémique de la dictature, encore largement
présente aujourd’hui dans l’actualité.
78
trabajo. »
38
« Al inicio de la campana presidencial, Michelle Bachelet se reservaba los fines de semana. Ahora ha intensificado el
2. La concentration idéologique des médias ou la survivance de la droite autoritaire en époque de
transition
Les médias subissent tous types de pressions directes des institutions. Jorje Andres
Gomez Arismendi explique: « Les médias reçoivent différents types de pression de
différentes sources de pouvoirs et institutions. Il y a toujours la pression de dire que cette
publication n'est pas recommandable. Il y a même des gens qui disent: si cela se publie,
79
je retire mon appui économique au média » . Pressions politiques, économiques, des plus
grands.
Dans un premier temps, il existe une pression au niveau de la source, qui peut déformer
l'information délivrée. Les questions du journaliste ne peuvent pas être délivrées librement, il
y a contrôle préalable des interviews. « Généralement ce qui se passe, c'est qu'on demande
au journaliste qu'il envoie les questions, et une fois que les questions ont été verifiées,
l'interviewé demande à voir les questions ou dit qu'il va juste répondre à cela. L'interview
perd de toute sa capacité, de quelconque forme d'improvisation de l'interview, de faire des
contre questions, il existe toujours une censure préliminaire. Et ceci limite clairement le
80
développement de l'information” .
Mais, plus généralement un journal de droite n’accepte pas et ne publie jamais des
déclarations venant des hommes politiques de la gauche et vice versa. En effet, un
journaliste ne s’intéresse qu’aux déclarations politiques qui intéressent son journal. Si le
journaliste, dans son article, fait allusion à d’autres déclarations contraires, ne serait-ce
que pour les critiquer, il est immédiatement censuré par son auditeur. L’exemple le plus
probant auquel j’ai assisté est celui d’une collègue de travail, Ruth Carcher, stagiaire à la
radio « Nuevo Mundo ». Alors qu’elle écrivait un article sur un conflit entre la droite et la
gauche, elle fait un paragraphe dans sa note d’actualité avec les extraits d’un député de
droite, pour instaurer une critique de ses propos, et les comparer avec les faits. L’éditeur
reprend sa note avant de la diffuser sur les ondes. Quand il voit l’allusion à ce député,
qui s’avère être de la UDI, le parti de droite le plus réactionnaire du Chili, il s’étonne en
s’exclamant : « Mais qu’est-ce qu’il vient faire là lui ! On s’en fout, cela ne nous intéresse
pas ». Et d’expliquer à la stagiaire qu’il ne faut jamais mettre d’extraits de la droite, car ce ne
sont des propos inutiles auxquels on ne fait jamais référence dans la radio, je le rappelle,
affiliée au Parti Communiste. Il y a donc partialité de l’information, censure idéologique.
Comme nous l’avons déjà vu dans une première partie, les journaux de droite ne traitent
jamais des travailleurs par exemple. Le journal s’interdit donc la pluralité des références, et
des points de vue. Le point de vue contraire est censuré.
Au niveau d'interventions plus concrètes, on assiste à quelques interventions de chef
d'entreprises représentant les intérêts de la droite.
Il faut savoir que deux semaines après son apparition, La Nacion Domingo diffuse un
article sur les employés d'une chaîne de supermarché une des plus importantes du pays,
D&S, propriétaire du magasin Lider. Le journal écrit un article sur les strictes codes de
conduite et de morale que le chef d'entreprise Nicolas Ibanez, gérant général de la chaîne
de supermarché imposait a ses employés, mais aussi à propos des sujets de violence
familial le concernant. Bien que ce soit rare que la presse de transition dénonce des attitudes
qui incommodent les chefs d'entreprise. Le reportage est surprenant, tant au niveau de la
dénonciation que la solution trouvée pour se débarrasser du journal. Le gérant a envoyé des
81
gens acheter toutes les éditions des LND dans tout le pays: le reportage n est pas sorti .
Cette action est très surprenante et démontre bien comment un grand chef d'entreprise
79
80
81
Interview de Jorje Andres Gomez Arismendi, annexe N°4
Ibid
SANTANDER Pedro, Medios en Chile, Voces y Contextos
39
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
au Chili peut également exercer une pression, une sorte de censure sur l'information. Le
reportage n'est jamais sorti.
82
Plus loin encore que la censure, on assiste à une autocensure de la part du journaliste.
Les journalistes, en effet, ont été habitués à ce système dès l’éducation à l’orientation de leur
université. Ils ont acquis consciemment ou inconsciemment l’habitude d’écrire l’information
sans opinion, sans pluralisme, répondant simplement à la ligne éditoriale de leur journal.
Consciemment pour ceux qui rêvaient d’objectivité et de regard critique au début de leurs
études, et qui se sont vite rendus compte que le système ne s’y prêtait pas, et qu’il ne fallait
pas chercher plus loin. Ces journalistes font partie de ceux qui auraient du aller au bout
de leurs idées pour changer les choses, mais qui ont finalement accepté leur condition.
Lors de mes rendez vous de l’actualité, j’ai rencontré beaucoup de jeunes journalistes
dont une, Rocio Alorda, travaillant pour la radio « USACH ». J’ai entretenu de nombreuses
conversations avec elle sur l’autocensure automatique des journalistes. Elle m’expliquait
que la plupart des jeunes qui arrivent dans les rédactions sont tous au début, assez étonnés
du manque de liberté d’expression dans la rédaction de leurs articles mais qu’ils finissent
tous par ne plus le remarquer, s’appropriant la censure eux même et s’oubliant de leur
opinion.
Mais on ne peut pas nier que beaucoup de journalistes chiliens ont accepté ce
formatage idéologique de manière inconsciente et normale, surtout chez les étudiants des
grandes universités, de droite bien évidemment. Leur tradition familiale et scolaire s’inscrit
dans la défense des intérêts privés des grands. L’autocensure pour cette génération,
leur manque d’intérêt pour les couches les plus pauvres, est écrite dans les gènes,
inconsciemment.
83
84
Selon Raul Mandres , les médias « ningunean » : il existe une forme d’autocensure
issue de la dictature, qui font que les médias font l’impasse sur de nombreux sujets. Il ajoute
que de nombreux journalistes sont « restés en arrière »justement pour ne pas avoir à servir
les intérêts de la droite. Ils travaillent tête baissée, en évitant de traiter certains thèmes par
avance, sachant qu’ils subiront la censure.
Il existe ainsi beaucoup de cas de limitation de liberté d'expression liée au milieu de la
droite et aux grands maîtres de l'information. Ce ne sont certes pas toujours des censures
préliminaires, mais des moyens de pression qui font que certaines informations n'arrivent
pas jusqu'au public, et qui sont en général les informations les plus polémiques.
2.4 Une idéologie qui s'ouvre mais pas assez
Ces dernières années il est cependant possible de remarquer une certaine ouverture offrant
une alternative à cette concentration idéologique de droite, un certain changement dans
l'univers de la presse. La radio et de nouveaux médias offrent un certain souffle nouveau,
tandis que la presse traditionnelle de droite se rénove dans l'infotainment. Mais cette
ouverture n'est pas à la hauteur.
82
83
84
On entend par autocensure une prohibition et retenue réalisé sur soi même, soit de part du journaliste, soit de par de l’éditeur.
Interviex de Raul Mandres, annexe N°7
“ningun”: aucun (Collins), dans le sens de rien. « Ningunear » devrait signifier rendre nul, approximativement. Ce n’est pas
un mot du dictionnaire, il est utilisé dans le discours de Raul comme image.
40
2. La concentration idéologique des médias ou la survivance de la droite autoritaire en époque de
transition
2.4.1 La radio maintient un semblant de pluralisme et de proximité
La radio est un des seuls média porteur de l’espoir démocratique, de par sa variété, son
nombre de stations, et son impact sur le public.
La radio au Chili possède toute une légitimité historique, c’est par son biais que les
principaux changements de régime ont été effectués. Elle a su garder cette légitimité aux
yeux de l’opinion publique, très attachée à la radio, à son information et à son édition.
La radio apparaît au Chili en 1922, lors d’une transmission entre l’Université du Chili, et
« El Mercurio ». Grâce au développement des technologies, elle a su étendre très vite son
réseau à tout le pays. Elle fait partie du cœur des chiliens : 97,1% l’écoute, dont 84,1% tous
85
les jours . Elle est considérée de première nécessité, et possède donc une crédibilité très
différente de la presse et de la télévision.
La radio est beaucoup moins concentrée que ses concurrents, et beaucoup plus
pluraliste. Le paysage radial est très vaste, proposant des émissions pour tous types
d’auditeurs, éparpillées de part et d'autre du spectre politique.
Tout d’abord, elles permettent une ouverture à gauche. Il existe de nombreuses radios
de gauche sur les ondes, porteuses d’idées différentes, comme la radio « de Chile ». Les
radios « bio bio » et « Nuevo Mundo » par exemple, s’intéressent beaucoup plus à l’intérêt
des travailleurs que les autres médias. Ce sont d’ailleurs de vrais travailleurs syndicalistes
qui y exercent leur profession, dans le sens où ce sont les descendants de la génération de
Allende, de l’espoir du Parti Communiste à la tête de l’Etat. Ces deux radios ont le mérite
dans le trouble médiatique chilien de restaurer l’étude de thèmes, peu traités dans d’autres
journaux. Alors que les quotidiens n’abordent presque jamais les thèmes de la femme,
86
ces radios suivent de près l’action du SERNAM , qui établit de nombreuses mesures
dans ce pays machiste et dominé par l’homme. Le thème de l’environnement est un thème
amplement développé également. Ces radios sont très écoutées dans le pays, et surtout
par les plus pauvres et la couche des travailleurs. Il est vrai qu’un pêcheur du Nord, dont la
région souffre de problèmes économiques et d’un manque de subventions sera plus enclin
87
à écouter ces deux radios que celles concentrées à droite. Raul Mandres , insiste sur la
grande pluralité de la radio « bio bio » et de la radio « Nuevo Mundo ». Pour lui, ces deux
radios sont les seules à posséder une gamme d’informations ample, malgré le fait que les
journalistes de ces médias travaillent dans de mauvaises conditions. La radio « bio bio »
selon lui est très pluraliste et propose une vision beaucoup plus réfléchie que les autres
médias. La radio « Nuevo Mundo », quant à elle, personnalise la voix des travailleurs et des
droits de l’homme, en écoutant les revendications du peuple. Raul affirme qu’il ne pourrait
continuer de travailler dans cette radio si ce n’était pour cette raison. Mais ces dernières
n'ont pas assez d'impact auprès du public, et sont tout de même isolées dans les ratings
d'audience.
La radio est un média qui par ses fonctions, pourrait largement amener plus de
pluralisme et de représentation. La radio est proche de son auditeur et permet d’instaurer
un contact plus direct, dans un climat de confiance. Face au grand défi actuel posé par la
concentration, aucun média ne peut mieux qu’elle sauver l’identité culturelle, régionale et
ethnique. C’est le média le plus personnel, le plus instantané et étendu, qui a les capacités
de développer une meilleure participation citoyenne. La radio est un média amical. Elle
85
86
87
“Los límites de la tolerancia. Libertad de expresión y debate público en Chile”, Human Rights Watch,Lom, Santiago, 1998.
Servicio Nacional de la Mujer, équivalent du Ministère de la Femme.
Interview de Raul Mandres, annexe N°7
41
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
accompagne tous types de personnes. Elle possède une programmation variée et une
présence dans tout le pays. En parcourant le pays, vous ne manquerez jamais les marchés
fourre-tout bien connus en Amérique Latine, « bouibouis » et vendeurs ambulants, avec
toujours des petites radios électroniques en vente. La radio est présente partout, il n’existe
pas d’endroit ou il n’y ait pas au moins un récepteur de radio. Le public identifie généralement
les stations, sait trouver ses programmes favoris, et fait preuve d’une fidélité et coutume
quotidienne.La radio fait partie de la communauté : elle est le média d’information locale, qui
retransmet les événements de la zone, et établit une proximité inévitable avec son auditeur.
Enfin, les radios offrent plus d’espace de débat. La radio est le média le plus interactif,
invite ses auditeurs, participe en un dialogue actif à travers appels téléphoniques et cartes,
plus immédiat et fréquent que les autres médias. L’information, comme la presse écrite et
audiovisuelle, respecte le système de la « pauta ». Mais les radios à côté des informations
développent de nombreuses émissions politiques, avec députés et sénateurs, offrant un
réel espace au débat et à la participation des auditeurs.
Ce média est donc réellement porteur d’espoir et de pluralisme. De nombreuses radios
sont des radios de gauche qui ne subissent pas la concentration et ont su conserver toute
leur légitimité face au public. Malheureusement, elles n’ont pas assez de pouvoir pour
rétablir le système à elles seules. Elles sont tout de même écrasées par le poids des plus
grands médias, journaux et chaînes de télévision, préférés par la majorité des chiliens. Les
radios ont surtout très peu de moyens financiers. Les travailleurs des radios « bio bio »
et « Nuevo Mundo » sont des journalistes qui croient au pluralisme et à la démocratie,
et qui travaillent uniquement dans cette visée, sans gagner d’argent, avec très peu de
moyens, mais sans jamais abandonner. Leurs conditions de travail sont très précaires, et
les travailleurs sont loins d'utiliser du matériel audio de haute technologie. La radio est un
média qui résiste et persiste dans l’espoir de se faire entendre. Le public est réceptif, la
radio fournit des points de vue différents mais n’a pas les moyens financiers de défier les
grands de droite, et surtout doit se méfier de ne pas empiéter sur leur terrain, ou exprimer
trop de critiques, pour ne pas en pâtir les conséquences.
La radio à elle seule, n’a que le pouvoir d’offrir plus d’espace au débat.
2.4.2 L'apparition des journaux alternatifs
Il existe de plus en plus au Chili des journaux alternatifs, qui font leur différence, et peu
à peu, font avancer le pluralisme des médias. Dans cette lignée on inclura également
les médias internationaux, avec cependant certaines réserves, et l’arrivée fulgurante de
Internet, qui nous font penser que peut-être, le Chili se laisserait tenter par une petite
ouverture démocratique, qui affectera on l’espère, les prochaines générations.
Comme nous l’avons déjà étudié, le début des années 1990 et le rétablissement de la
démocratie entraîne la disparition d’un certain nombre de journaux alternatifs, ne laissant la
place qu’aux plus grands. Dès le début des années 2000, on assiste cependant au progressif
retour de certains journaux alternatifs, qui peinent à se frayer un chemin sur le marché,
mais qui pourtant, ramènent un certain horizon démocratique au sein du Chili. On entend
par alternatif, média qui n’est pas idéologiquement ni trop à droite, ni trop à gauche, mais
qui simplement vise à la véracité de l’information, transforme le paysage médiatique en lui
apportant un point de vue nouveau, différent et critique. Evidemment plus à gauche qu'à
droite, la presse étant concentrée à droite.
42
2. La concentration idéologique des médias ou la survivance de la droite autoritaire en époque de
transition
Le seul journal qui pourrait faire face financièrement au conglomérat de la famille
Edwards, se nomme El Clarin. Un journal beaucoup ouvert que ses concurrents, beaucoup
plus intéressé par les abus des droits de l’homme, et même justement par la « probable »
concentration des médias. Malheureusement, il a été fermé en 1973 à l'arrivée de la
dictature de Pinochet. Malgré de nombreuses procédures employées, le journal n'a jamais
réussi à récupérer les biens qui lui ont été confisqués. Paul Walder surtout, mais aussi
88
Juan Pablo Cardenas, font tous deux allusion à ce journal dans leurs interviews . Ce
journal était le principal concurrent des deux géants, fort d'articles d'investigation et d'une
forte popularité. Il n'y a aucune raison pour que la démocratie actuelle refuse de lui rendre
ses biens. A l'heure actuelle, il est resté un journal électronique, en ligne. J’ai trouvé de
nombreux articles à propos du manque de liberté d’expression dans les médias, et ce,
uniquement dans ce journal. Ce qui témoigne de son ouverture d’esprit critique. Mais n'étant
disponible que sur Internet, il n'a pas su s'imposer de nouveau dans la démocratie.
Le Monde s’est également implanté là bas dans le but d’attirer un public plus libéral, très
présent au Chili. Vers les années 2000, il a tenté de créer une filière avec des investisseurs
chiliens, mais exigeant que ceux-ci soient de positions variables pour assurer la pluralité.
Il visait également dans ses mesures, à rétablir la participation du lecteur. Finalement, seul
Le Monde Diplomatique en espagnol est un journal très implanté et lu parmi les intellectuels
chiliens, et sert de référence très souvent à l’intérieur de l’élite du pays. Son directeur,
a d’ailleurs en 2007 participé à un forum organisé par l’ « Universidad de Chile » sur la
concentration de la presse. Il s’est prononcé à cette occasion pour un appui significatif aux
médias alternatifs.
Un des autres journal qui fait sensation au Chili ces dernières années, c’est The
89
Clinic . Journal créé en 1998, c’est un hebdomadaire satirique qui allie montages de
figures politiques, corps de femmes, satires textuelles virulentes. Un journal qui fait parler
les mauvaises langues, et multiplient les critiques à l’encontre des grands du pays et
des membres du gouvernement. C’est comme un Guignol de l’info. Le premier depuis la
dictature. Il se vend très bien et est devenu une référence, malgré le fait que les textes
sont tout de même très légers et qu’ils ne se privent pas non plus d’articles sur Britney
Spears. Un journal de référence, mais de petite référence, ironique. Au moins, ce journal
a le mérite d’avoir répondu à la nécessité de faire rire et réussit son impact sur les gens.
Mais on ne peut pas nier que ce soit beaucoup plus un journal de divertissement qu'un
journal d'information. Selon Paul Walder, « The Clinic s’est institutionnalisé plus comme un
média de divertissement que comme un média de dénonciations politiques. A force de ne
pas vouloir se lier aux problèmes sociaux, ce qui est une véritable carence, il y a a eu une
dérive vers le média de divertissement. C’est un média qui a eu un rôle très important; mais
90
c’est insuffisant, car c'est un bimensuel” . Le journal « The Clinic » a d'une certaine maniere
rompu avec le conventionnalisme des médias traditionnels écrits et a réussi à capter de la
publicité et se maintenir,, mais c'est définitivement tourné vers de l'information à sensation.
91
Enfin, un des journaux les plus récemment porteur d’espoir, est « El Periodista » .
Ce journal, possédé par un journaliste indépendant, Francisco Martorell, est diffusé toutes
les deux semaines dans la capitale de Santiago. Contrairement au formatage des autres
journaux, il privilégie un journalisme d’investigation, qui s’échappe du système de la
88
89
90
91
Interview de Paul Walder, annexe N°9
Ken Leon Dermota, Periodismo bajo democracia, Chileinedito, 2001.
Interview de Paul Walder, annexe N°9
Couverture du journal El Periodista
43
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
« pauta ». Ses articles sont des articles avec de vraies réflexions politiques et économiques,
d’actualité mais ne couvrant pas seulement les dernières 24 heures. Le journal existe depuis
maintenant 5 ans, et n’est diffusé que dans la capitale chilienne, Santiago. Il a de nombreux
abonnés, mais néanmoins beaucoup moins de lecteurs que les autres médias, considéré
comme plus alternatif, et par conséquent moins accessible. Le journal se présente en format
A3 et est composé de pages politiques, économiques, culturelles, publicitaires, et une page
de santé. Les journalistes et pigistes qui y travaillent se détachent vraiment du lot. C’est
92
ce que pense également Raul Martens , quand il affirme que « El Periodista » est une
des meilleures revues, dans le sens ou elle traite une ample information, et ce, grâce à sa
réelle force d’investigation, qui justement manque dans tous les autres médias. (Susanna
Rojas, journaliste dans ce média, passe généralement deux semaines pour ses recherches
sur un seul article.). Raul insiste sur la fraîcheur de ce journal, qui cherche ses propres
notes, et qui est doté d’une liberté, plus rare chez les autres médias. Mais ce journal n'a pas
les moyens de concurrencer les plus grands journaux, pour la simple raison qu'il n'est pas
quotidien mais bimensuel, et possède donc beaucoup moins d'impact sur la population. Le
directeur, Francisco Martorell, est un homme assez connu dans le métier, connu pour son
sens de la critique. Il fut victime de la censure chilienne, pour un livre qui révélait les orgies
de certains politiciens, qui s’étaient prononcés eux-mêmes à l’encontre de toute conduite
sexuelle dérivée, comme l’adultère et le divorce. Ce livre, comme on l’imagine bien, a par
conséquent attisé quelque haine du corps dirigeant. Néanmoins, malgré son petit budget,
c’est un journal qui se développe à chaque numéro, et a su réveiller dans l’esprit chilien une
certaine curiosité par l’originalité et la profondeur de ses articles, qui défient chaque fois
plus le formatage médiatique que subissent ses concurrents.
L’arrivée des journaux gratuits peut être également considérée comme un espoir de
pluralisme avec « Publimetro », appartenant à des investisseurs étrangers.
L’apparition de ces quelques journaux alternatifs (« El Clarin », « The Clinic », « El
Periodista ») sont réellement porteur d’espoir, quoique peu nombreux. Mais on ne peut
pas nier qu’il est très dur pour eux de persister sur le marché, ne recevant généralement
aucune subvention égale à celles des grands journaux de droite. Ils ne reçoivent aucune
subvention de l’Etat. Il préfère se ranger du côté de la droite, même en étant critiqué par elle.
Le journal alternatif crée une percée, mais ne reste qu’une pierre de posée vers le progrès
démocratique. Ils sont lus, mais pas suffisamment. Leur diffusion est moindre comparée
aux géants de la presse. Reconnus par la profession, mais sans suffisant impact sur la
population, cachés par les autres. Tous les interviewés sont d'accord sur ce point. Ils tentent
de redessiner l’image de la presse, mais subissent de fortes pressions des milieux de droite,
les obligeant a restreindre tout de même une critique directe. Ainsi que le marché devient
pour eux un marché serré et dangereux, dans lequel il doive se frayer une petite place, sans
non plus trop se faire remarquer.
Enfin on pense à Internet, moteur d’ouverture pluraliste dans de nombreux pays à
l’heure actuelle, usé dans toutes ses formes par les nouvelles générations. Il est visible au
Chili que de nombreux étudiants en journalisme sont bien au courant de ce qui se passe
dans le monde, par le biais d’Internet qui est une vraie référence, et qui leur fournit une
source d’information incontestable. D’ailleurs, le « Mercurio » a sorti sa version en ligne,
beaucoup moins conservatrice que la version papier, EMOL, profitant de cette nouvelle
vague pour diffuser encore plus son information. La plupart des journaux au Chili ont suivi
le modèle, et la majorité possède à l'heure actuelle un site correspondant à une information
actualisée instantanément. Mais Internet ne s'immisce pas dans tous les foyers chiliens.
92
44
Interview de Raul Martens, annexe N°7
2. La concentration idéologique des médias ou la survivance de la droite autoritaire en époque de
transition
Rappelons que le pays est un des pays les plus inégalitaires de l'Amérique Latine, et que
tous les chiliens ne peuvent y avoir accès. Même s'il est largement présent dans la capitale,
il est loin d'être implanté dans la Cordillère des Andes, qui longe tout le pays. Paul Walder,
éditeur de elclarin.cl, nous éclaire à ce propos:
“Internet n’est pas encore un vecteur d’information qui a beaucoup de poids, de succès,
d’impact dans le domaine politique, les nouvelles circulent d’une autre manière, dans des
médias plus publics, ceux qu'on voit dans la rue, alors qu’internet est une forme plus privée
d’accéder à l’information. Je pense qu’aujourd’hui ceux qui ont accès à internet sont une
population avec un niveau d’éducation généralement plus élevé. Les statistiques le montrent
bien cette différence. 80% des gens ne peuvent pas aller sur Internet. Ces chiffres montrent
qu’il reste encore beaucoup d’inégalités. Aujourd’hui, ceux qui produisent l'information, et
qui sont les grands propriétaires de l'information, ce sont les médias écrits; “La Tercera”
ainsi qu'”El Mercurio” ont les départements de presse les plus importants, orientés vers tous
les champs d’information. En lisant “El Mercurio” je peux tout savoir, sur qui est mort, tel
93
film, sur telle nouvelle loi,etc .”
Tous ces médias « alternatifs » aident à reconstruire la liberté d’expression et la
démocratie dans les médias, aidant à redessiner les contours de l’opinion publique. Mais en
définitive, ils ne parviennent tout de même pas à se constituer en contrepoids suffisant pour
faire face aux géants de l’entreprise médiatique et défier de véritables institutions enracinées
du système. Plusieurs obstacles les empêchent de changer la donne, comme les facteurs
historique, financier, et le manque de réception de la population, formatée par les grands
depuis bien longtemps.
2.4.3 La « farandula » dans la presse traditionnelle, ou vers un
appauvrissement de l'information.
Les médias de droite principalement se sont redessinés ces dernières années et quelques
quotidiens nationaux ont abandonné leur fonction d'informer au profit d'un nouveau
phénomène appelé au Chili « farandula »: la spectacularisation de l'information. Ce
bouleversement des structures traditionnelles apportent clairement une nouvelle vision sur
la société, une ouverture de l'idéologie, mais vers le spectacle. L'information des principaux
journaux de droite est donc un produit qui perd de sa valeur informative, et ce, surtout
à la télévision. Cette nouvelle entrée en matière ne permet évidemment pas d'améliorer
le pluralisme politique des médias, mais il est intéressant d'observer la nouveauté dans
l'ouverture des médias de droite.
Ce phénomène s'est développé de manière effrayante.. Au Chili, on avait toujours
distingué l'information du divertissement. Mais de plus en plus, les journaux d'information
sont devenus des journaux de divertissement. Les couvertures de journaux à l'heure actuelle
montrent cette envie d'attirer l'attention, avec de fortes couleurs en première page. Cette
spectacularisation de l'information est surtout visible dans les grands médias de droite.
Pedro Santander, journaliste et professeur responsable du master journalisme à
94
l'Université Catholique, caractérise cette tendance de « centripète et endoforique » . Pour
lui, deux phénomènes marquent l'arrivée de la « farandula » au Chili. Le premier s'impose
93
94
Interview de Paul Walder, annexe N°9
voces y contextos
45
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
95
en 2001, le journal « LUN » se transformant en journal qui fait du spectacle sa source
d'information principale, le second en 2003 avec l'importation des reality shows par Canal
13. « LUN » appartient au conglomérat Edwards et représentait un quotidien d'information
général avant de devenir un quotidien du divertissement. Le Canal 13 quant à lui, appartient
à l'Eglise. Ce sont donc deux médias de droite qui vont marquer cette entrée de l'information
96
quotidienne dans une information de divertissement quotidienne .
Cette entrée dans le spectacle répond tout d'abord à un besoin économique, et
ce, surtout dans le cas des « LUN », « Las Ultimas Noticias », permettant de sauver
économiquement le journal qui était en récession. « LUN » est vite devenu, après une crise
économique, un des journaux les plus vendus en passant par la spectacularisation: 60 000
exemplaires sont vendus par jour jusqu'en 2000, mais le journal triple ses ventes à 150 000
à partir de 2002. Le journal s'est transformé en un journal presque sans aucune information.
Le titre de couverture, qui occupe 79% de l'espace de la couverture et qui simule un écran
de télévision, peut suivre pendant des mois les différents épisodes d'une série télé. En 2003,
77% de tous ses titres versaient dans la farandula, et 12% sur le sport.
Les « LUN » est le journal le plus représentatif de la « farandula ». La plupart du
temps, la couverture représente une personnalité du monde du spectacle dans une position
compromettante avec un titre accrocheur, écrit en jaune sur fond de photo. Au mois de juillet
2008, une des couvertures montrait une lycéenne envoyant de l'eau dans la figure de la
Ministre de l'Education. La couverture titrait « cabras chicas », qui est très vulgaire au Chili,
signifiant pauvres gamines, d'un ton assez négatif. Jorje Andres Gomez Arismendi affime
aussi qu'il “existe aussi des informations questionnables quant à leur véracité: dans ce cas
97
là, l'information ne sert pas.”
Cette dynamique s'installe sur les médias traditionnels également, comme El Mercurio,
qui, entre 2001 et 2003, publie à peu près 30 sujets de couverture qui touchent au
98
spectacle . Mais le lecteur continuera de lire El Mercurio parcqu' il est habitué alors que le
lecteur des « LUN» est un lecteur qui est attiré par les titres.
Comme résultat du succès de la spectacularisation de l'espace public, d'autres journaux
de presse quotidienne nationale vont suivre le même exemple, et dériver leur information
vers une information de divertissement. Le premier avril 2003, La Cuarta commence à
développer le même schéma. En 2003, 67,5% de ses titres sont de « farandula » et 11,5%
de sport. La Tercera, journal politique, change également l'emphase de sa couverture: le
premier titre qui était politique avant, le second anciennement sportif deviennent titres du
monde fashion.
La tendance se maintient pendant l'année 2003. La Cuarta augmente ses couvertures
de 223 à 259, soit 71% des couvertures par an relèvent du monde du spectacle. Sur ces
71%, 35% des titres de la télévision. En 2004, la tendance augmente également. Dans le
journal « LUN » 76% des couvertures sont en lien avec le monde du spectacle, et 35%
autour du sport.
95
96
Las Ultimas Noticias
« Como vemos, dos medios que pertenecen a fuerza sociales conservadoras impulsan en nuestro país el fenómeno del
espectáculo » SANTANDER Pedro, Medios en Chile, Voces y Contextos.
97
98
46
Interview de Jorje Andres Gomez Arismendi, annexe N°4
SANTANDER Pedro, Medios en Chile, Voces y Contextos
2. La concentration idéologique des médias ou la survivance de la droite autoritaire en époque de
transition
Ce grands quotidiens qui avant étaient des journaux politiques, titrent à l'heure actuelle
des informations qui n'ont plus rien a voir avec la sphère politique comme « La vie après la
réalité », 4 janvier 2004, « Le futur incertain de Karen Doggen weiler », 5 septembre 2004.
Cette arrivée de la spectacularisation est phénoménale au Chili, et d'une vitesse
impressionnante. Les couvertures de journaux quotidiens au Chili à l'heure actuelle
emploient des couleurs et des titres accrocheurs, qui enlèvent tout sens politique à
l'information. Cette dérive de l'idéologie de droite en une idéologie de spectacle ne permet
pas au lecteur d'enrichir ses connaissances mais bien plus de s'abrutir.
La conséquence de cette ouverture des médias de droite vers une spectacularisation
n'aide évidemment en rien à rendre l'information plus approfondie. Au contraire, elle vide tout
le contenu politique de l'information et ne permet plus au lecteur ou spectateur de réfléchir
face à ce qu'il reçoit. Serait-ce le but voulu?
Quoi qu'il en soit, les hommes politiques se prêtent à ce nouveau jeu avec beaucoup
d'aisance et de simplicité. Comme l'évoque Alvaro Ruiz Mardones, dans une des interviews
non retranscrite, les hommes politiques nous offrent un véritable spectacle de cirque, il n'y a
aucune information d'importance dans ses journaux. Jorje Andres Gomez Arismendi ajoute
que les hommes politiques «participent à des programmes de télévision, dans des reality
show, des fois font du ridicule pour générer une certaine proximité avec les gens qui de
plus, est malentendue. Evidemment, l'homme politique, dans sa relation avec les médias,
rompt avec la logique élective politique, car il ne fait pas de politique, il fait de la publicité,
du marketing, mais ce marketing politique est tellement extrême que finalement l'homme
99
politique n'en est même plus un. Et cela est le réel problème” .
Pour se rendre compte un petit peu de l'ampleur de la spectacularisation sur la
politique elle même, il est possible de comparer avec la France actuelle. Notre président
Nicolas Sarkozy et sa nouvelle épouse, Carla Bruni, sont très présents dans les magazines
people: amourette, vie secrète, déclarations...Au Chili, c'est un peu la même chose
mais en beaucoup plus approfondi, les revues étant des quotidiens format A3 avec des
titres multicolores. Le phénomène est beaucoup plus ample au Chili, et encore plus
désinformateur. Les couleurs des titres de journaux sont également plus fortes et vives,
contrastées. Les titres sont également beaucoup plus forts, et vulgaires.
Cette spectacularisation est donc très virulente surtout dans les médias de droite,
et empêche l'information de s'ouvrir vers une idéologie saine. Il y a ouverture mais vers
le monde du spectacle, l'information politique perd ainsi beaucoup de son essence. Le
président Lagos a d'ailleurs, durant son mandat, fait allusion à ce trop de spectacle, surtout
au niveau de la télévision. La polémique avait duré quelques jours, avant de s'éteindre.
La scène médiatique chilienne est donc très limitée au niveau de son ouverture. En
effet, la radio et certains médias alternatifs laissent croire en un espoir de contrebalance,
mais n'arrivent pas dans les faits, les chiffres mais aussi les esprits, à concurrencer les plus
grands. Le bouleversement de la presse traditionnelle en presse de spectacle démocratique
n'aide en rien à relever la valeur de l'information.
La concentration idéologique à droite est donc très forte sur le système médiatique
chilien. La plupart des médias appartient à une élite de droite, qui profite de leurs médias
pour manipuler l'information et exercer tous types de pression sur celle ci. Le système
en place n'est de plus pas favorable au développement du journaliste, ainsi que la scène
médiatique actuelle. Très peu d'espace est laissé au chilien moyen. Les médias, qui
99
Interview de Jorje Andres Gomez Arismendi, annexe N°4
47
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
devraient représenter le pluralisme nécessaire à la bonne installation de la démocratie
n'existe pas.
48
3. La transition n'a rien fait pour la presse : une gauche qui bloque l'entrée en démocratie
3. La transition n'a rien fait pour la
presse : une gauche qui bloque l'entrée
en démocratie
Le manque de pluralisme dans les médias chiliens et leur manque de reflet démocratique, du
à une concentration idéologique, est également du à la politique gouvernementale. En effet,
le gouvernement de la transition, la Concertation, n'a pas su prendre de mesures concrètes
en matière de presse et en matière politique, pour transformer le régime autoritaire en
démocratie avancée. La transition chilienne est une transition indécise, comme cela peut
se refléter au sein même des médias et de leur lien avec le gouvernement. L'Etat Chilien
n'a rien fait pour rétablir un système de presse pluraliste, et est coupable de deux crimes
contre sa propre volonté de démocratie. La démocratie chilienne est donc très loin de l'image
qu'elle procure sur la scène internationale, malgré le fait que ce soit une femme qui soit
à la présidence. Le pays peine à en finir avec la transition et les anciennes structures du
système, et à rétablir la démocratie et l'égalité.
Dans un premier temps, il n'a pas su réformer le système en profondeur,
préférant assurer une politique de continuité des structures et d'omission des grandes
problématiques.
Bien plus loin encore, il est complice direct des médias de droite et entretient leur
existence par deux moyens. Un complot entre les gouvernements de la transition et les
grands journaux ressortissants de la dictature existerait, comme une entente naturelle
apaisant le conflit. Au niveau de la publicité distribuée aux journaux, une grande partie
de l'annonçage public, ou publicité de l'Etat, est dirigée en grande partie aux plus grands
médias de droite.
3.1 Une politique de continuité des structures et
d'omission
Les successifs gouvernements de la Concertation (Patricio Aylwin de 1990 à 1994,
Edwards Frei de 1994 à 2000, Ricardo Lagos 2000-2006, Michelle Bachelet 2006-), n'ont
curieusement pas été des gouvernements très réformateurs. Successeurs de la dictature
et héritiers d'un Etat basé sur l'autorité, ils incarnent des mandats essentiels pour le
développement de la démocratie, dans un contexte où la gauche n'a pas accédé au pouvoir
depuis vingt ans et a souffert démantèlement, poursuites et tortures. Au lieu de s'imposer
sur la scène publique chilienne comme de véritables promoteurs d'un nouveau régime,
le gouvernement chilien en transition suit une politique de continuité des structures et
d'omission des grandes problématiques, liées justement à la valeur de la transition. Trois
points sont intéressants à étudier ici: la valeur de la transition, l'omission des grandes
49
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
problématiques tant au niveau politique qu'au niveau médiatique, et son manque de réforme
au niveau de l'éducation.
3.1.1 Le passage de la dictature à la démocratie dans la continuité:
quelle valeur progressiste de la Concertation?
La dictature de Pinochet est connue comme une des plus féroces dictatures militaires
d'Amérique Latine, de par son pouvoir d'extension sur toutes les couches de la société. Elle
a été vécue de manière très marquante par la société. La majeure partie du pays garde
encore les traces de la période autoritaire, que ce soit dans les idéologies ou les mentalités,
ou dans les structures mêmes. Le manque de liberté et la forte répression n'a été oubliée
par personne, mais il reste encore de nombreux admirateurs de Pinochet au sein du Chili.
La société est encore à l'heure actuelle largement divisée et dominée par une élite de droite
et une masse de gauche, comme en 1990 à la fin du régime militaire. L'année 2006 incarne
parfaitement cette division encore vivante au Chili. Pinochet décède, et se déchaînent alors
manifestations pro et contres, entre ceux qui pleurent à chaude larmes sur sa tombe, et
d'autres qui célèbrent la victoire de la liberté.
En 2008, le Chili est démocratique, mais garde certaines failles qui sont directement
héritées de la dictature. Il convient de s'interroger sur le rôle de la transition démocratique,
et de savoir si elle a été suffisante pour installer un vrai régime de démocratie, après une
dictature bien installée elle aussi.
Le régime démocratique chilien est réapparu en 1990, à travers l'établissement de
nouvelles élections présidentielles, prévues par la Constitution de 1980, comme nous
l'avons étudié dans notre première partie. Cela faisait 20 ans que le pays n'avait pas eu
le droit de participer à des élections démocratiques. Une coalition de gauche se forme et
remporte les élections: la Concertation. La gauche gagne alors la dictature. Pinochet reste
chef des Forces Armées jusqu'en 1998. De 1990 à 2008, quatre gouvernements de la
Concertation se succèdent.
Dans toute l'Amérique du Sud, les années 80' et 90' ont correspondu à celles
des transitions démocratiques. Des pays comme l'Argentine ou le Brésil et la Bolivie
abandonnent leur période autoritaire au profit d'une reconstruction démocratique. Cette
grande phase de transition est commune à la majorité des pays. En 2008, on parle d'une
grande vague de gauche à l'oeuvre sur ce continent, unique en son genre puisque la seule
à potentiellement critiquer le modèle américain. Elle est l'expression du rejet des grandes
dominations militaires et d'une volonté de créer de nouvelles sociétés plus sociales et
représentatives. De nouveaux acteurs et dirigeants sont visibles sur les scènes nationales,
apportant un véritable souffle nouveau après les modèles strictes et autoritaires militaires
des années 1980: Lula pour le Bresil, Evo Morales l'indigène en Bolivie, Chavez et sa
politique anti américaine au Venezuela...Ces modèles de gauche sont très différents les
uns des autres, mais impulsent tous une dynamique de renouveau de la gauche, qui s'était
éteinte pendant les dictatures à cause de la répression.
Au Chili, la gauche au pouvoir représentée par Michelle Bachelet, n'a pourtant rien à
voir avec les autres gauches du continent. Elle n'a pas du tout ce côté révolutionnaire ou
bolivarien que possèdent le Vénézuela ou la Bolivie, ou alors repose-t-il seulement dans le
fait que la présidence soit personnalisée par une femme. La transition démocratique n'a pas
non plus été réalisée sous les mêmes termes. Alors que tous les pays d'Amérique Latine
50
3. La transition n'a rien fait pour la presse : une gauche qui bloque l'entrée en démocratie
ont changé de Constitution au passage à la démocratie, le Chili est le seul à avoir gardé
sa Constitution.
Il convient de s'intéresser aux raisons de cette permanence. Pinochet a en fait
élaboré une Constitution en 1980 qui affirme que la souveraineté repose dans la nation,
qui procède à l'élection de ses représentants, par le suffrage ou par plébiscite. Celle ci
assurait également l'organisation d'un référendum de soutien au Président 9 ans après.
Si les résultats se prononcent contre le président Pinochet, il est stipulé que doivent être
organisées de nouvelles élections démocratiques. Pinochet est rejeté par 54,6% de la
population au référendum de soutien. Mais la Constitution ne précise pas qu'il faut changer
de régime pour autant. Les élections démocratiques s'organisent donc selon les termes
de la Constitution. Patricio Aylwin représentant la Concertation est élu, et prépare alors le
retour à la démocratie.
Le système de la Constitution a été accepté comme réalité juridique par les secteurs
politiques. Pendant les premières années de la Concertation, aucune réforme substantielle
n'a été réalisée, principalement à cause de l'opposition de l'Alliance pour le Chili (Alianza
por Chile). Ces dernières années cependant, plusieurs réformes constitutionnelles ont été
réalisées surtout pendant le gouvernement Lagos, qui a réussi à générer un consensus
pour éliminer les dernières enclaves antidémocratiques. La loi N°20.050 du 26 août 2005,
introduit 54 modifications dans la Constitution, dont les principales sont: l'élimination des
sénateurs désignés à vie, la réduction de la durée du mandat présidentiel, la possibilité de
renommer le Commandant en Chef.
La permanence de l'ancienne Constitution en transition démocratique est un élément
très important: elle démontre un manque d'initiatives de la part de l'Etat, un manque de
volonté de changement.
Dans la pratique de la transition politique, il est également possible d'observer que les
politiques sociales ne sont pas entreprenantes et qu'il existe certaines actions totalement
critiquables au niveau démocratique. Le premier mandat de la Concertation est celui de
Patricio Aylwin, démocrate chrétien. Ce mandat est de courte durée et de peu d'impact sur
les structures. Il crée cependant la Commission Nationale de Vérité et de Réconciliation,
présidée par Raul Rettig, qui en 1992 publie l'étude Rettif, destinée à dévoiler les violations
des droits de l'homme pendant la dictature. Ce rapport est une des premières étapes de
la justice des droits de l'homme, mais n'a aucun impact à ce moment sur la punition des
responsables. Il crée également une Corporation Nationale de Développement indigène.
En 1994, Eduardo Frei est élu jusque 2000, politicien qui a appuyé le gouvernement
militaire en 1973. Son mandat se caractérise par l'impulsion d'une politique économique
internationale forte à travers l'élaboration de traités de libre échange, une vraie continuité
de néolibéralisme. Le gouvernement le plus fort de la Concertation est celui de Ricardo
Lagos, entre 2000 et 2006. Il se détache vraiment des deux premiers mandats par
des initiatives concrètes de rétablissement de la démocratie. Les réformes sociales sont
pour la première fois un peu conséquentes: une assurance chômage est mise en place,
payée par l'Etat; une loi pour réformer le système de santé à travers une liste explicite
d'attentions spéciales (auge), un programme de protection sociale pour les familles en
situation d'extrême pauvreté, (Chile solidario), l'école devient obligatoire jusque 12 ans,
et la loi sur le divorce est approuvée en 2004. Cette loi sur le divorce est une avancée
considérable dans une société conservatrice comme le Chili. De plus, Lagos forme une
Commission pour évaluer l'ampleur de la torture au Chili, et annonce qu'une compensation
sera attribuée aux victimes de la torture: 30000 cas furent considérés comme légitimes. Mais
quelques actions sont de légalité discutable. Par exemple, à partir de 1997, il y a beaucoup
51
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
d'occupations et d'attentats à l'incendie dans certaines entreprises forestières, considérées
comme des territoires ancestraux des mapuches, indigènes du pays. Ceux ci s'étaient vus
faire enlever leur terre entre 1883 et 1930 dans un processus que l'on appelle de réduction.
Depuis cette époque, les mapuches de génération en génération tentent de récupérer leurs
terres. Les organisations ont été qualifiées dans les années 2000 comme terroristes par
le gouvernement Lagos, et de nombreuses arrestations ont eu lieu, dont la légalité a été
remise en cause par des organisations de droits de l'homme chiliennes et internationales et
les Nations Unies. Se vote également pendant le gouvernement Lagos le projet minier de
Pascua Lama , mine qui se situe en dessous des trois glaciers qui alimentent la vallée de la
rivière Huasco. Ce projet permet à une entreprise canadienne, Barrick Gold, de bénéficier
des richesses du sous sol chilien, en déplacant des glaciers. Ces deux exemples sont des
actions critiquables, qui montrent que les intérêts du peuple et plus largement les intérêts
du pays ne sont pas les intérêts primordiaux. Les relations entre Ricardo Lagos et la presse
furent très ambiguës également. Il fut très critiqué pour son influence dans les médias.
En septembre 2005, Lagos envoie une carte à Agustin Edwards Eastman, directeur de El
Mercurio, que beaucoup caractérisent de menaces voilées. L'autre cas connu est la critique
de Lagos envers le programme Contact (Contacto), de la chaîne Canal 13, un épisode qui
signalait les points faibles de la bureaucratie et de la corruption. Ricardo Lagos réussit à faire
100
pression et à s'exprimer en direct juste après la retransmission de l'épisode . On retrouve
ici la manipulation possible des médias par le gouvernement et les pressions illégales que
reçoivent certains médias à diffuser des reportages trop critiques. Michelle Bachelet est la
première femme à être élue au Chili, elle rentre en fonction en 2006, et représente le Parti
Socialiste au sein de la Concertation. Elle réalise quelques réformes sociales intéressantes.
Le 13 mars, elle applique la gratuité immédiate au système de santé publique pour les plus
de 60 ans par exemple, ce qui représente une véritable avancée dans un système de santé
qui est totalement privé et bouché. Des turbulences marquent son mandat et principalement
au niveau de l'éducation. De très grandes manifestations ont lieu en 2006 dans l'éducation
secondaire, et en 2007 et 2008 dans les universités. Les étudiants exigent une réforme de
l'éducation chilienne, qui selon eux, est loin d'être démocratique et accessible à tous. Le
gouvernement Bachelet reçoit également de nombreuses critiques en ce qui concerne le
Transantiago. Les réformes sociales de ce gouvernement n'ont pas pris d'ampleur spéciale
et s'est inscrit dans la continuité des trois autres.
On voit donc bien après une analyse des points forts de chaque mandat que la politique
de transition n'a pas été une politique de gauche très ambitieuse et accompagnée de
réformes profondes des structures de la société. La politique de la transition a été une
politique peureuse et hésitante. Quelques avancées certes, mais timides. Au niveau social,
nous sommes très loin d'un service public comparable au service français, ne serait ce que
le système de sécurité sociale.
Enfin, un des domaines controversé et qui exemplifie parfaitement cette continuité
est le mode de scrutin et le système binominal, qui n'a jamais été modifié, et perpétue
largement le pouvoir de la droite même quand la gauche est au pouvoir. Le système
binominal dans un premier temps a été conservé et n'a pas été réformé. Le scrutin binominal
a tendance en effet à favoriser la seconde liste. Le Chili est encore le seul pays à élire deux
candidats par circonscription. Pour remporter les élections, la liste gagnante doit remporter
plus du double de la liste perdante. Ainsi, un parti ayant recueilli 33,3% des suffrages aura
autant de représentants qu'un parti cumulant 66,5% des préférences. La droite chilienne est
bénéficiaire de ce système qui lui permet de s'assurer de pratiquement la moitié des sièges
100
52
SANTANDER Pedro, Medios en Chile, Voces y Contextos
3. La transition n'a rien fait pour la presse : une gauche qui bloque l'entrée en démocratie
du Sénat et de la Chambre des Députés avec seulement un peu plus de 30% des suffrages.
Les représentants d'une frange importante de l'électorat est exclu. « Le système binominal
fait que celui qui obtient 30% a les 50%, ce qui est une force de négociation très forte. Mais
je crois aussi que la grande erreur de la Concertation – je ne sais pas si cela a été une erreur
– fut qu’elle n’a pas voulu approfondir la démocratie. Elle a d’abord voulu obtenir le pouvoir,
101
le pouvoir politique; et voir ensuite, faire une transition vers la démocratie» . Selon Paul
Walder, « On a pas changé le système binominal. Donc quand on parle d’une transition vers
la démocratie, je pense qu’il s’agit d’une transition indéterminée et infinie. Ce n’est pas un
système démocratique». La transition a finalement été tellement impatiente de rétablir la
démocratie qu'elle en aurait oublier de faire les réformes correspondantes. Ce système est
un réel problème car il oblige les partis de la Concertation à remporter la majorité absolue
des votes pour avoir les deux chaises. La droite passe à tous les coups, et finit par être au
même niveau de représentation que la gauche au Parlement.
Il est encore très dur aujourd'hui de croire en la progression du système, et une
transition vraiment réformatrice. Elle n'a été que continuelle, et beaucoup des interviewés
osent même dire que le Chili n'a pas récupéré sa démocratie. Juan Pablo Cardenas
pense par exemple que cette démocratie ne représente en rien les intérêts du peuple:
« Je pense que le Chili n'a pas récupéré sa démocratie. Nous avons deja eu l'expérience
d'une démocratie beaucoup plus profonde, et qui représentait beaucoup plus la diversité
qui existe dans le pays. La transition démocratique n'a pas construit un régime fort. Nous
nous trouvons dans un pays où moins de 10% des travailleurs sont organisés, le système
électoral est binominal, par conséquent exclu du Congrès National aux représentants et de
102
nombreuses agroupations et partis politiques» .
Enfin, ce problème de continuité de la transition est également du à l'hétérogénéité de
sa formation.
La formation de la coalition est très variée, évidemment elle n'est pas homogène: par
exemple le Parti Socialiste a encore des restes de ses idéologies les plus fortes mais
est aussi traversé par des plus libéraux, comme le PPD, qui est un parti très hétérogène
en interne, ce qui a généré des sorties de membres emblématiques. Le Parti Radical qui
paraissait congelé dans le temps, a finalement réussi à survivre à la logique de changement
politique. C'est peut être l'entrée du liberalisme au sein du parti socialiste qui chamboule
tout et qui mélangent les positions. Le libéralisme contemporain entre dans socialisme et
renforce la contradiction du parti. A l'interieur même du Parti Socialiste, il y a des positions
très libérales, qui cherchent à établir un Etat plus liberal, et d'autres positions qui veulent
revenir à l'ancienne image du socialisme. Ils n'ont pas réussi à faire une conciliation entre
les deux. Il existe encore et toujours des discussions à ce propos, et ceci a également
profondément marqué le Parti Socialiste.
Beaucoup d'auteurs comme Tironi ou Sunkel affirme que la transition est une transition
achevée. Lagos a affirmé avoir mis fin à la transition quand ont été votées les modifications
de la Constitution. L'image internationale nous affirme que la transition chilienne est
achevée, et que la démocratie rayonne à travers le monde.
Cependant, on ne peut pas affirmer que la politique de la transition soit une vraie
politique de gauche progressiste. Tous les interviewés pour cette étude sont d'accord sur
ce point. Il est dur de croire en un gouvernement de gauche à l'heure actuelle. Tous les
faits concordent à affirmer que la politique de la transition n'a pas été et n'est pas une
101
102
Interview de Jorje Andres Gomez Arismendi, annexe N°4
Interview de Juan Pablo Cardenas, annexe N°3
53
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
politique progressiste, sinon une politique de continuité des structures néolibérales. Juan
Pablo Cardenas à cet effet emploie une phrase très significative: « Idéologiquement, nous
sommes totalement dirigés par des positions de droite. De coeur ou d'intelligence, tous
103
ceux qui ont deja été de gauche et rebelles ont trahi maintenant leurs convictions» . Il est
surprenant d'interviewer des journalistes, tous d'accord sur le fait que le gouvernement de
gauche actuel n'en est pas un. Pedro Santander affirme:
“Objectivement. Chili est un pays qui possède une politique très néolibérale,
très pro chef d'entreprises. Dans divers domaines, il ya une série de lois et de
dispositions qui font clairement penser à du centre gauche. Il y en a quelques
unes de centre gauche mais évidemment, ce n'est pas un gouvernement
socialiste. Bachelet est du Parti Socialiste mais cela ne signifie pas qu'elle fasse
des mesures socialistes dans la pratique de son gouvernement. D'un autre
côté, la réponse que donne le gouvernement aux grands mouvements sociaux,
c'est une des plus grandes preuves qui montre que le gouvernement n'est pas
socialiste, quand ils répondent aux mapuches et au monde des travailleurs avec
104
répression, ce n'est pas du dialogue” .
La Concertation ne correspond donc pas à ce qu'elle reflète. Tous les faits sont présents
pour affirmer qu'elle n'a pas su réformer les structures autoritaires de l'Etat de manière
efficiente. Il est sûr qu'en comparaison avec le dernier gouvernement de gauche, qui fut
celui de Salvador Allende, dans lequel le peuple a mis tout son espoir, le gouvernement de
la Concertation parait bien pâle. A ce propos, Paul Walder affirme que Lagos avait prononcé
que « Allende serait progressiste s'il était avec nous à l'heure actuelle».
Tous ces éléments prouvent clairement que la politique de la Concertation s'est installée
dans la continuité.
3.1.2 Le thème des droits de l'homme et grands thèmes d'information
bloqués en transition
Lors de la transition, il faut savoir que la volonté est de rétablir la démocratie et de ne
plus parler des horreurs qui se sont passées pendant la dictature, et d'éviter les sujets
polémiques qui peuvent enflammer les opinions de la population. J'essaierai dans cette
partie de parler des cas de pression ou de censure provenant plus généralement de l'Etat
plutôt que la censure provoquée directement par les médias de droite comme déjà étudiés,
même si les deux sont très liés.
L'implantation de cette censure s'est faite de manière silencieuse, de telle manière que
la généralité de la société chilienne n'en est même pas consciente. Le thème de la dictature
de Pinochet, la condamnation de ses généraux, la mémoire aux victimes de torture, et tous
les documents de la torture « cachés » dans les bâtiments de l’armée nationale est un sujet
plus que vivant dans les organisations civiles, 18 ans après la fin de la dictature, qui réveille
toute la problématique des droits de l’homme, et tous les discours publics des associations
de la citoyenneté. Les familles des victimes ou disparus sont en plein travail avec la justice
pour punir les chefs militaires coupables de séquestrations. Un sujet émouvant, très dur à
couvrir, qui n’échappe pas à la règle du dramatique et des larmes de ses représentants. Par
103
104
54
Ibid
Interview de Pedro Santander, annexe N°8
3. La transition n'a rien fait pour la presse : une gauche qui bloque l'entrée en démocratie
exemple, il existe des polémiques qui surgissent au mois de juin 2007, comme la fuite du
général Raul Iturriaga Neumann. Condamné à 5 ans de prison ferme pour avoir séquestré
deux protagonistes de la résistance, sous Pinochet, ce général s’est proclamé publiquement
dans les médias en fuite contre la justice et ses institutions. Au lieu de se présenter pour sa
peine, il a envoyé une vidéo de lui aux plus grands médias chiliens dans laquelle il proclame
qu’il n’acceptera pas la décision de la justice et restera caché pour ne pas faire sa peine.
Bien évidemment, de nombreuses réactions politiques s’en suivirent : manifestations des
pro et des contres, discours effarés des députés. Ces thèmes des droits de l'homme sont
couverts par les médias, mais de manière insuffisante. Ils peuvent se retrouver dans des
médias de gauche comme la Radio Nuevo Mundo mais ne se retrouveront que rarement
dans les médias les plus lus. Par exemple, en ce qui concerne la fuite du général Raul
Itturiaga, El Mercurio titrait « Soutien des députés de l'UDI au général ».On assiste à une
réelle autocensure sur le thème des droits de l'homme, lié au gouvernement libéral, on
évite de donner tous les détails à la télévision, principalement. Les informations expliquent
quand un tribunal n'a pas réussi à faire aboutir une condamnation mais il y a rarement
de reconstruction de période, ou de condamnation éthique du système. Il n'y a jamais eu
de retour de la télévision elle même sur son appui enthousiaste à la dictature. Le cinéma
chilien de l'exil par exemple est encore aujourd'hui que rarement diffusé à la télévision, et de
nombreux documents critiques en sont jamais parus dans celle ci. Pourtant, de nombreux
documentaires ont été écrits comme ceux de Patricio Guzman:“La batalla de Chile”, “La
memoria obstinada”, “El caso Pinochet” y “Allende”.
Cet oubli des grands thèmes des droits de l'homme est volontaire à la transition, comme
l'affirment de nombreux interviewés. Le gouvernement a voulu se débarrasser du problème,
en l'évacuant et en ne le couvrant pas.
Les problèmes de censure de grands thèmes existent encore aujourd'hui, et de
nombreux cas en témoignent. En demandant à Ignacio Agüero s'il n'avait pas peur que
son documentaire sur El Mercurio en temps de dictature soit censuré, il a affirmé que ce
n'était pas possible. A ma question s'il pouvait y avoir une procédure quelconque contre la
publication de son film, il m'a répondu que cela était possible. D'ajouter qu'il a tout organisé
avec son avocat pour que tout se passe bien, pour être sur qu'il n'y ait aucun problème.
« Pour stopper la circulation, il peut y avoir une procédure, mais cela dépend de quel
chemin ils décident de prendre, car ils ont souvent pris le parti d'ignorer la critique. C'est
très important qu'ils l'ignorent, car si moi par exemple je n 'apparaîs pas dans le Mercurio
j'ai peu d'existence publique. Après, il existe tellement d'influence qu'il est difficile que ce
105
film passe à la télévision, c'est impossible. »
106
Le cas d'Alejandra Matus
est très révélateur de la censure qui peut exister sur
certains thèmes sensibles, comme la corruption du gouvernement. La journaliste est auteur
107
du livre Le livre noir de la justice chilienne , un reportage sur la complicité des juges et
magistrats pendant les crimes de la dictature militaire. Ce documentaire révèle le contact
secret du gouvernement avec les anciens de la dictature, et les mécanismes d'impunité qui
ont été mis en place au début de la transition.
105
106
Interview de Ignacio Aguero, annexe N°1
Alejandra Matus, 33 ans, journaliste de la dénonce, a travaillé pour le journal La Epoca, et s'est intéressée principalement
aux procesus de corruption
107
El libro negro de la justicia chilena (Planeta, 1999)
55
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
Les premiers mots de son livre sont très révélateurs: « Sans liberté d'expression le
journalisme se pervertit, perd de sa posture éthique et peut se transformer en un monstre
avorton: inquisitif, osé, acerbe, péjoratif, et jusque cruel contre ceux qui n'ont pas de loi qui
les protège; tolérant, condescendant, et servile avec les pouvoirs, sans exclure, bien sur,
108
l'autorité qui, en contrepartie, est appelée a fiscaliser. »
Les autorités engagèrent des actions contre la journaliste, en confisquant le livre.
Alejandra Matus fut forcée de s'exiler a Miami. Lors des IV rencontres internationales des
écrivains a Monterrey, au Mexique, de nombreux écrivains demandent que cesse cette
attaque aux droits de l'homme, « pour que la solidarité internationale empêche qu'au Chili
se nie le droit de la société à l'information et cesse cette attaque contre les droits de
109
l'homme. »
Lors d'une interview, elle stipule que juste après avoir présenté le livre devant la presse,
un ministre de la Cour Suprême a lancé une action criminelle en justice, en prenant pour
base la loi de la Sécurité de l'Etat, qui protège toutes les autorités chiliennes de quelconque
110
offense ou calomnie.
Dans un second temps, beaucoup de pressions provenant des pouvoirs institutionnels
ont été exercé sur les médias.
Le 10 janvier 2001 est licencié Juan Pablo Cardenas, directeur du journal digital Primera
Linea, indirectement contrôlé par l'Etat, après avoir publié sur le site quelques articles
critiques du gouvernement. Le gouvernement aurait émis des pressions sur le directoire
de Primera Linea. Juan Pablo Cardenas avait accepté la direction du site en 2000 avec la
condition de pouvoir exercer « un journalisme critique et indépendant». Il a déploré l'attitude
du gouvernement en lamentant que, dix ans après la transition, il n'existait aucun media
pluraliste au Chili.
La Nacion Domingo en 2002 publie un reportage sur le gouvernement: 600 millions de
dollars n'auraient finalement pas servi à des subventions ou des crédits pour paysans et se
seraient perdus en intermédiaire, en consultations et centres d'études. Le reportage a été
censuré et n'est pas sorti en circulation. A partir de ce moment la 13 journalistes renoncèrent
au journal et ont formé un autre hebdomadaire, Plan B, mais de courte durée de vie.
L'année 2004 va également être une année où des pouvoirs vont effectuer quelques
pressions sur les médias, dans le but que ceux ci ne cherchent pas trop à investiguer, et
qu'ils calment leurs ardeurs de curiosité. L'investigation journalistique semble incommoder
les autres pouvoirs sociaux et le gouvernement. En effet, selon Pedro Santander, un
journalisme d'investigation réapparaît en 2002, et surtout en presse écrite, provoquant des
effets sur les champs sociaux et une pression sur la politique. Pour son analyse, il se
base sur la théorie de Bourdieu selon laquelle le champ journalistique interfère comme
108
"Sin real libertad de expresión el periodismo se pervierte, pierde su postura ética y puede transformarse en un engendro
monstruoso: inquisitivo, osado, mordaz, descalificador y hasta cruel contra quienes no tienen leyes que los protejan; tolerante,
obsecuente y servil con los poderosos, sin excluir, por supuesto, a la autoridad a la que, sin embargo, está llamado a fiscalizar"
109
"para que la solidaridad internacional impida que en Chile se niegue el derecho de la sociedad a la información y cese
este ataque contra los derechos humanos"
110
La ley de seguridad del Estado representaba un riesgo latente, de hecho, dediqué el prólogo a la posibilidad de que se
presentara este tipo de acción pero, sinceramente, pensé que si se presentaba, no iba a durar mucho, si tomamos en cuenta que
en Chile se recuperó la democracia hace nueve años y lo impopulares que son, a nivel internacional, los actos de censura. Lo que
imaginamos, tanto los editores como yo, fue que al presentarse el libro transcurriría un plazo razonable, nunca que hubiera una acción
tan rápida y eficaz »
56
3. La transition n'a rien fait pour la presse : une gauche qui bloque l'entrée en démocratie
un système structuré qui interagit avec les autres champs sociaux. La presse touche
directement le champ politique, et va ainsi recevoir une réponse des autorités.
En 2003 se succèdent une série de reportages et de coups journalistiques,
produit de l'investigation entre professionnels, comme nous l'avons vu avec La Nacion
Domingo précédemment. Les dénonciations sont de tous types mais surtout dirigées vers
des membres du gouvernement. Radio Chilena dénonce par exemple des magouilles
économiques qui font tomber un ancien ministre du gouvernement. Mais, après une courte
période de dénonciations, la presse reçoit certaines pressions en 2004: certains discours
contre l'activité de la presse, une « ingérence des pratiques discursives prononcé par des
111
acteurs pour le capital symbolique » .Trois discours vont être prononcés cette année,
menaçants envers les médias.
En 2003, la Cour Suprême cite l'article 78 du Code de Procédure Pénale et interdit au
pouvoir judiciaire de transmettre de « l'information ou rendre publique les instructions en
112
cours ».
Le 1er mars 2004, lors d'une cérémonie d'inauguration de l'an judicaire, le Président de
la Cour Suprême Marcos Libedinsky consacre 20% de son intervention à avertir la presse,
sur les relations entre médias et pouvoir judiciaire. Il en parle en dernier point juste avant de
terminer son discours. Il développe trois points. Dans un premier temps, il affirme que les
113
médias ont tendance à se tromper et tensionnent le pouvoir judiciaire . Pour lui, les médias
114
sont coupables de la crise de confiance qui existe entre opinion publique et tribunaux .
Le 18 septembre 2004, lors de la Fête patrie, le représentant du Pouvoir ecclésiastique,
le Cardinal de l'Eglise Catholique, Francisco Javier Errazuriz, prononce également un
discours public en commémoration de l'indépendance nationale. Juste avant la conclusion
de son texte, il avertit également les médias. Il consacre 20% de son discours dans ce but.
L'intérêt de ces discours est important: ce sont des monologues, qui ne peuvent pas
être interrompus par le public, par des questions ou des commentaires. Ce sont de plus des
événements retranscrits dans tous les médias, et écoutés avec attention par l'élite nationale.
En 2005, le pouvoir exécutif incarné par Ricardo Lagos prend la parole également. Il critique
les informations de la télévision, remettant en cause l'agenda médiatique et le thème de la
délinquance. Les trois grands pouvoirs du Chili s'expriment donc à l'encontre des médias
la même année, dans le but de calmer le trop d'investigation.
En 2004, on assiste également à des actions de discipline plus sévères qui affectent la
sphère médiatique. Les journalistes sont on situation d'infériorité, totalement dominés par
les pressions du gouvernement.
En septembre, c'est le temps des excuses, le directeur de presse de Chilevision,
Alejandro Guillier présente des excuses publiques au juge Calvo pour des enregistrements
effectués en caméra cachée qui rendent compte de son penchant homosexuel. Mais il est
licencié.
111
112
SANTANDER Pedro, Medios en Chile, Voces y Contextos
“dar información o hacer público, por medio de entrevistas de prensa, radio o televisión, aspectos y diligencias de
instrucciones impartidas o por decretar, en las causas criminales que se están conociendo”,Ibid
113
“nosencontramos con que la relación entre justicia y medios de comunicación se presenta como una tensión constante,
en la que cada uno de los términos desconfía profundamente del otro y hace lo posible para neutralizarlo” (p.37); “la relación entre
medios de comunicación y sistema judicial se manifiesta, casi universalmente, con niveles de tensión permanente” (p.38), etc.Ibid
114
“la credibilidad del sistema judicialdepende, en gran medida, de la prensa” (p.39)Ibid
57
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
En 2004, Francisco Martorell est soumis en procès comme directeur de la revue El
Periodista, pour une publication qui affectait le chef d'entreprise Jorge Rabié.
Tous ces exemples sont des faits de jurisprudence, et prouve que le gouvernement agit
sévèrement sur les médias quand leur investigation commence à être un peu trop poussée.
Beaucoup de thèmes d'information sont encore bloqués, comme en 1990 quand on a voulu
oublier le thème des droits de l'homme. Une forme de censure du gouvernement est toujours
présente, à travers des sanctions non négligeables faites aux journalistes.
3.1.3 Le système universitaire et la formation du journaliste
Le système des universités de journalisme au Chili est un des premiers éléments qui
enferme le journaliste dans le système, et le fait accéder à l’élite non démocratique sans
le savoir. Il est élément de continuité également, la transition ne s'étant pas intéressée à
réformer les structures égalitaires de l'accès à l'éducation.
Les universités de journalisme possèdent à présent un rayonnement assez important
sur la sphère médiatique, du à une gamme d’enseignement assez ouverte sur l’extérieur
comme l’enseignement des théories politiques du contrat social. On leur enseigne
une certaine conception de ce qu’est l’objectivité du journalisme. Les étudiants y sont
généralement assez contents. Les universités offrent un très bon cursus aux journalistes.
Toutes les universités possèdent une école de journalisme, une filière en 5 ans, alignée sur
le cycle européen. Les deux plus prestigieuses écoles de journalisme sont l’ « Universidad
Catolica » (UC) et l’ « Universidad de Chile ». La première est clairement à la faveur de
la droite réactionnaire et ecclésiastique, et ne considère pas que la propriété des médias
soit une incidence dans la pratique démocratique. La deuxième, beaucoup plus enclin
au pluralisme, vient juste de réaliser des forums de réflexion sur le manque de liberté
d’expression dans les médias. Les autres universités sont de plus petite taille, mais assez
connues pour une filière en journalisme de qualité comme l’ »Universidad Diego Portales ».
Les étudiants ont la chance d’étudier et de pratiquer le journalisme, en presse écrite, en
radio et en télévision. La plupart des universités possèdent en effet une radio nationale voire
une chaîne affiliée comme le « Canal 13 » pour l’ « Universidad Catolica ». Les universités
ont donc de gros moyens à leur disposition : matériel adapté, nouvelles technologies,
journalistes à leur charge. Au plus grand plaisir des étudiants, qui pratiquent comme de
vrais journalistes sur une radio nationale. Il n’est pas rare, mais très courant de croiser des
étudiants aux « pautas » ministérielles, venant couvrir l’information en même temps que les
quotidiens nationaux. Ils n’ont bien sûr pas autant de crédibilité que les vrais journalistes et
n’assistent pas aux vraies unes de l’information. Néanmoins, ils effectuent le même travail
que le reste de la profession. Le cursus est donc excellent.
Cependant, il possède de nombreuses zones noires également: les universités
manquent de pluralisme et de spécialisation. Le gouvernement n'a en rien changé les
anciennes structures de l'éducation.
Tout d’abord il faut savoir que la plupart des universités au Chili sont des universités
privées, qui coûtent relativement chères. Pour donner un ordre de comparaison, une année
d’université coûte une année de grande école de commerce française. L’accès à l’éducation
est donc un accès pour des privilégiés de la société, qui peuvent se payer des études,
et c’est en général les plus riches qui y accèdent, ceux qui appartiennent aux familles de
droite, puissantes lors de la dictature. Une famille de simples travailleurs ne peut pas payer
l’université à son enfant. Quand on voit les étudiants des universités chiliennes, et qu’on
58
3. La transition n'a rien fait pour la presse : une gauche qui bloque l'entrée en démocratie
visite le pays par soi-même d’un autre côté, l’inégalité est évidente : seuls les enfants de
privilégiés accèdent aux grandes études. Une grande partie de la population provinciale
n’accède pas à ce système éducationnel, et sont de simples paysans.
Selon Jorje Andres Gomez Arismendi,
« le système éducationnel génère l'inégalité avec anticipation. Il est structuré
selon la forme d'un « habitus » qui te déterrmine avec anticipation. Cet habitus te
marque ton futur, parce que c'est comme ca, ton habitus de classe te détermine
a faire quelque chose de précis. Ceci evidemment provient de l'éducation, dès le
115
jardin de l'enfance ils n'ont pas l'éducation préliminaire. ”
Selon Paul Waler, éditeur de elclarin.cl, “l’université chilienne est un marché, un service très
cher. Il y a beaucoup de jeunes qui pourraient développer leur potentiel mais qui n’en ont pas
l’opportunité parce qu’il leur manque l’argent. Si tu nais dans tel quartier comme La Pintana,
où huit personnes sur dix sont sans emploi, où la grande majorité des jeunes s’oriente
vers le traffic de drogues, tu as une très forte probabilité de tomber dans la délinquance,
116
sans possibilité de s’intégrer à l’université” . Selon Pablo Moreira, étudiant de l’Université
Diego Portales, le niveau des universités est assez bon, et développent un certain sens
117
du journalisme . Mais cela dépend de l’université. Il est vrai que les universités dont
l’accès à l’éducation est plus facile et moins discriminant, sont en général les plus ouvertes
et enrichissantes. L’université doit à cet effet avoir de bons instruments et une éducation
vivante, qui permettent de se sentir proche de la profession. Pour cela, Pablo affirme que
le gouvernement doit travailler en partenariat avec les universités pour tout d’abord ouvrir
l’accès aux plus démunis.
Entre 2006 et 2008, de nombreuses manifestations ont d'ailleurs été réalisés par les
lycéens et les universités. A l'heure de l'écriture, quelques universités poursuivent encore
la grève. Le gouvernement tente de réformer la loi générale sur l'éducation, LGE (Ley
General sobre Educacion). Beaucoup de projets de loi ont été tentés par le gouvernement,
mais les étudiants continuent de protester contre ce qu'ils considèrent comme un système
éducationnel inégalitaire, qui ne s'ouvre pas et ne favorise pas l'égalité d'accès.
Ces universités ont en fait été créées par les privilégiés de la dictature, collaborateurs
de la droite, au moment du démantèlement des universités publiques du gouvernement
Allende. Ils sont à la base de toute la privatisation et l’organisation du système éducationnel
actuel. Les universités actuelles sont encore issues de ce mêmes systèmes et appartiennent
à de hautes personnalités économiques. On assiste à une prise intégrale du Chili, dans
le but d’imposer une organisation sociale non démocratique, visant la permanence à
travers les générations futures. A l’arrivée de la démocratie, les universités sont restées
telles quelles. Il n’y eut aucun changement de propriétaires, aucune ouverture à la sphère
publique. Les universités privées sont restées possédées par de grands mécènes de
droite, et érigées dans le but d’assurer la continuité d’une domination idéologique à travers
les enfants. Quelques des directoires sont d'ailleurs accompagnés des propriétaires des
chaînes de télévision de droite.
De plus, l'étudiant reste formaté. En effet, l’étudiant rentre dans le système de la
« pauta », de l’information commune. Il reste tout à fait formaté à la rigidité du système, à
l’idéologie de son université et à l’opinion qu’on lui impose. Un étudiant de l’ « Universidad
115
116
117
Interview de Jorje Andres Gomez Arismendi, annexe N°4
Interview de Paul Walder, annexe N°9
Interview de Pablo Moreira, annexe N°7
59
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
Catolica » sera forcement embauché dans un média de droite, alors qu’un étudiant de
l’ »Universidad de Chile », par un de gauche. Leur formation leur empêche de se détacher
du lot réellement. Le journaliste rentrant sur le marché du travail n’a certes pas les moyens
d’assurer son indépendance. Les professeurs de journalisme, non affectés aux médias,
manquent généralement d’expérience. Ils manquent surtout de critique vis-à-vis de la
concentration des médias, thème absent des cours. Les journalistes s’attaquent à un
marché du travail peu prometteur. Sur 1000 inscrits, seuls entre 50 et 100 postes sont offerts
par an. Le salaire n’est pas très élevé, et il existe de moins en moins de poste à la vue
d’une demande croissante.
Raul Mandres, quant à lui, considère que l’université ne fournit pas les éléments
118
nécessaires pour un journalisme de qualité . Selon lui, il existe encore trop de jeunes
étudiants qui assistent aux conférences, et qui ne savent pas le nom des ministres ou le sujet
qu’ils viennent traiter. Pour ma part, je me rappelle avoir croisé un étudiant de l’université
Diego Portales qui venait couvrir une conférence sur la santé, et qui est venu me chercher
pour avoir des renseignements sur la « pauta » à couvrir…Pour Raul, l’Université ne fait
qu’apporter de l’argent en plus aux caisses de l’Etat et n’a pas de grande valeur qualitative
sur le marché du travail.
Enfin, l'enseignement manque de spécialisation. Les carrières en cinq ans sont
très complètes en ce qui concerne l'utilisation des médias mais en ce qui concerne la
spécialisation dans une ère précise c'est très pauvre. Le journaliste qui sort d'une formation
universitaire possède donc une carence: le plus qui change la donne au moment de
l'embauche. Jorje Andres Gomez Arismendi explique dans son interview:
“je crois que c'est du au fait que l'enseignement soit devenu terne, on a
spécialisé certaines pratiques sans fomenter l'esprit critique de journaliste, ni
sa culture, et le journaliste se fond dans une masse de journalistes qui sont
capables de réaliser la même fonction à n'importe quel moment. Et cela rend le
journaliste remplaçable parce que n'importe quel journaliste sait faire la même
chose. Mais s'il se spécialisait plus, et approfondissait plus les choses, ce serait
plus dur qu'il soit remplacé mais cela est plus cher pour un journal alors ils ne
vont pas embaucher. Je crois donc que les universités ont contribué a précariser
le métier du journaliste. Il y a tellement de journalistes, et ils sont tellement
homogènes qu'ils sont tous remplacables à n'importe quel moment. Et cela, à
long terme, incide sur la profession qui perd petit à petit de son prestige, chose
que l'on peut voir actuellement. A l'heure actuelle, les journalistes ne valent rien.
119
Cela est conséquence de l'information obtenue a l'université” .
Ce point est très important car la spécialisation du journaliste est un élément essentiel pour
son développement dans les médias, et la création d'articles à angle original. Les universités
ne fomentent pas le développement de journalistes spécialisés, et par la même, empêchent
les futures générations de se développer.
A la vue de toutes ces polémiques, on ne peut pas dire que l’université au Chili soit
vraiment un outil démocratique aidant le journaliste à avoir une indépendance de son
opinion. Malgré le fait qu’elle soit dotée de moyens spectaculaires, il en demeure peu de
pluralisme au sein idéologique. L’université est le reflet de la société, de la domination de la
droite, et la plupart reste manipulée par elle. Les étudiants, riches à la base, sont également
118
119
60
Interview de Raul Mandres, annexe N°6
Interview de Jorje Andres Gomez Arismendi, annexe N°4
3. La transition n'a rien fait pour la presse : une gauche qui bloque l'entrée en démocratie
de famille de droite. L’université ne permet donc certes pas, malgré un enseignement qu’on
jugera correct, de développer des journalistes indépendants en mesure de se démarquer
d’une salle de rédaction avec des opinions contraires.
Par ces faits, il est clair que la transition démocratique et les gouvernements qui la
représentent sont coupables dans un premier temps de se placer dans une continuité du
système autoritaire. La gauche ne semble pas être de gauche, le gouvernement fait appel à
des procédés de sanctions paraissant à des censures non préliminaires mais postérieures,
et l'université a été gardée telle qu'elle, totalement inégalitaire. Le gouvernement de la
transition a donc été incompétent et inactif sur des éléments essentiels, qui renvoient à la
presse et au pluralisme. Peut on dire dans ce cas que le processus de retour à la démocratie
a été achevé?
3.2 La participation au blocage démocratique de la
presse
Bien plus loin que de simples omissions et une continuité de la politique, les gouvernements
de la transition vont directement être complices des journaux de droite, et responsables
activement du blocage de pluralisme dans les médias à l'arrivée de la démocratie. Cette
véritable participation du gouvernement dans le système de la presse est très paradoxal
mais absolument visible. Elle se dessine à travers trois critères d'actions: un complot entre le
gouvernement et les médias de droite, des initiatives législatives avortées, et une distribution
inégale de la publicité de l'Etat, révélée très récemment.
3.2.1 Le complot avec la droite
En 2008, la situation des médias au Chili offre un constat choquant, qui, pour un œil étranger,
révèle clairement que la démocratie n’en est pas une. Tout est à droite, toute l’information
paraît servir les maîtres du jeu. La gauche, pourtant au pouvoir à travers les partis de la
Concertation (PS, radicaux, centristes et pas de communistes), ne semble pourtant pas
dérangée par ce déséquilibre évident de la presse, ni son manque de pluralisme.
La transition a clairement une responsabilité dans cette situation. « Nous vivons au Chili
120
une transition dont personne n'ose pronostiquer la fin » .
« Nous soutenons que la formation de marché de la presse au Chili n'est pas le
produit du beau jeu « fairplay » de compétiteurs loyaux avec des règles claires et
121
respectées de tous » .
Beaucoup d'interviewés pour cette étude, et tous les spécialistes de la presse au Chili
sont convaincus qu'en 1990, pendant la première phase de transition démocratique, le
gouvernement de la Concertation se serait mis d'accord avec les grands journaux de droite
pour réaliser un acte implicite, un complot, une réorganisation médiatique de la société.
Le débat sur les médias de communication n'a pas été un débat abordé au sortir de la
dictature. Comme nous l'avons déjà abordé, tous les journaux créés dans les années 1980
120
121
« en Chile se está viviendo una transición cuyo final nadie se atreve a pronosticar »Manuel Cabieses
SUNKEL, Geoffroy, Concentración Económica de los Medios de Comunicación, LOM, Santiago, 2001.
61
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
en rébellion contre la dictature, disparurent en 1990 en période de démocratie, ne laissant
la place qu'aux plus grands. Ce n'est bien évidemment pas le fruit d'un événement naturel,
mais une conséquence d'une politique de participation du gouvernement de gauche.
Il y a plusieurs hypothèses qui peuvent expliquer cette attitude du gouvernement de
transition, à ne pas vouloir favoriser le pluralisme dans les médias.
La politique de communication du gouvernement fut de ne pas avoir de politique,
de laisser le libre marché agir de sa main magique comme Adam Smith le croyait. La
Concertation a supposé que le développement naturel de l'industrie aurait régularisé la
liberté d'expression et le pluralisme. Les médias qui surgissent à la fin du régime militaire
disparaissent, par volonté du gouvernement de laisser le marché se réguler tout seul.
Le directeur du Secrétariat de Communication et de Culture du Ministère général du
Gouvernement déclare en 1991 à cet effet que « La meilleur politique de communication
122
est celle qui n'existe pas » Le gouvernement de la Concertation suit donc cette idée
de libre régulation de la communication, et de non interférence dans le développement de
l'information, volontairement.
Le gouvernement n'a en fait pas voulu qu'il existe de médias critiques, car c'était plus
simple d'éviter les critiques au rétablissement de la démocratie. A cet effet, Pedro Santander
affirme que
« le gouvernement ne veut pas de médias critiques, car notre transition politique
n’est pas critique; ce n’est pas une transition politique où s’établissent la
123
réflexion critique, la discussion, la participation » .
Plus loin encore, de nombreux interviewés, dont un directement témoin, invoquent le fait
qu'il y a eu un réel complot entre le gouvernement de gauche et les médias de droite, plus
particulièrement El Mercurio. Ignacio Agüero, pendant son interview, finit par conclure de
ses propres observations qu'il n'existe pas d'autres options, qu'il y a forcément eu un plan
entre les deux courants protagonistes.
« Il a continué de lier l'action entre le pouvoir de la droite et le pouvoir militaire.
Mais ceci fut une option. Il y aurait pu avoir aussi une autre option qui est
l'option d'agir, non sur la base de négociations avec la haute droite et la
gauche de la Concertation, mais plutôt sur la base des gens, du peuple, de
l'information. On a pris la premiere option, négociations entre « cupulas »
dirigeants: la Concertation, ceux qui ont planifié la transition, aux ideologues, le
plan était d'éviter de fomenter le pluralisme dans l'information. Car une presse
démocratique, indépendante, aurait tout dénoncé. Quelques médias ont bien
essayé mais ils furent tus, par cette alliance entre la droite et la Concertation.
Ceci est eévident, évident que ceci est un plan. Après, il faut savoir que je te parle
124
comme étant simple citoyen, en voyant ce qu'il s'est passé... »
Dans cette citation, il convient de souligner que le pluralisme médiatique a été éliminé pour
éviter de ressortir les critiques de la dictature. Quand Ignacio Aguero insiste sur le fait qu'il
parle comme étant un simple citoyen, on comprend bien l'ampleur de ce phénomène sur
la société.
122
"La mejor política de comunicación es la que no existe"
123
Interview de Pedro Santander, annexe N°8
124
Interview de Ignacio Aguero, annexe N°1
62
3. La transition n'a rien fait pour la presse : une gauche qui bloque l'entrée en démocratie
Au niveau de l'alliance possible entre le gouvernement et la droite, il existerait
également un accord entre le gouvernement et la presse de droite. En passant à la transition,
El Mercurio nuance complètement les termes de sa critique, et se met à couvrir l'agenda du
gouvernement. Le journal délaisse donc son côté autoritaire, et s'adapte à la démocratie. En
contre partie, le gouvernement ne peut s'opposer au Mercurio. Ignacio Aguero affirme que:
« El Mercurio arrête d'être un journal qui appuie les militaires. Il apparaît avec une
certaine indépendance, mais c'est un journal de cet accord de transition. Cela
signifie aussi qu'il ne faut pas toucher El Mercurio. El Mercurio a eu beaucoup
de problèmes économiques, beaucoup de dettes avec l'Etat. Toutes ces dettes
furent solutionnées le dernier mois du mandat de Pinochet. Ce furent des
négociations obscures. Mais ceci aurait pu être dénoncé par le gouvernement
démocratique. Mais il ne le fit pas, et fit taire le sujet, et a préféré faire une
alliance avec ce média, grâce au fait de pouvoir faire taire un media, ou ne pas
125
aider un autre media » .
Il a existé une relation très symbiotique entre la coalition du gouvernement et le journal El
Mercurio. Selon la logique des élites, il est possible de voir que El Mercurio couvre beaucoup
l'activité du gouvernement mais pas dans un sens de position, mais d'assimilation. Comme
s'il voulait faire partie de l'élite alors du coup il couvre les informations. De nombreux diners
se sont organisés aussi. Pour cela, le gouvernement ne critique pas les médias ouvertement
car ils sont aussi sujets des médias, et ils entretiennent un bon rapport avec eux: cela
permet aux dirigeants de se montrer, émettre des opinions à travers le média. D'un média
d'opposition, on passe à un média symbiotique au gouvernement. Jorje Andres Gomez
Arismendi affirme que «maintenant qu'a passé un peu le temps, la logique n'est pas non
plus donner des arguments à l'opposition pour qu'elle dise que la situation ressemble à celle
de 20 ans avant. Ils maintiennent donc cette presse de droite, pour montrer qu'ils ont un
discours de démocratie, on ne va pas changer la structure existante, et d'un autre côté s'est
126
aussi créé cette relation symbiotique.» Ca sert au gouvernement qu'existe ce média, ce
n'est pas une situation dysfonctionnelle. Il n'y a donc aucune raison pour la supprimer. Et
ce ne serait pas logique, car cela donnerait plus de force à l'opposition.
Paul Walder pense lui qu'il y a eu une option politique, pour préférer la seule opposition
de la droite, à l'opposition d'une gauche de surcroît. «Je pense qu’il y a eu une option
politique. Il y a deux choses à voir ici: vouloir que l'opposition soit présente dans le schéma
parlementaire, une opposition de droite, et en second lieu l’opposition de gauche, qui n’a
pas de voix au sein du système parlementaire, et qui n’a pas non plus sa place dans la
presse. C’était plus commode pour le gouvernement d’avoir seulement une opposition de
127
la droite» . En relation avec le schéma parlementaire, le gouvernement a tenté de voir
comment il était possible de faire pour que la presse les traite bien, trouver la manière de
contrôler les médias.
Juan Pablo Cardenas affirme à cet égard que: «on a dit aux médias et aux chaînes
de télévision: nous n'allons pas vous toucher, nous n'allons pas vous juger pour les crimes
que vous avez commis en ce qui concerne les droits de l'homme et la désinformation de la
dictature. mais vous devez vous traiter avec indulgence; c'est un grand accord, en échange
qu'ils ne dénoncent pas la corruption des nouvelles autorités, avec l'economie».
125
126
Ibid
Interview de Jorje Andres Gomez Arismendi, annexe N°4
127
Interview de Paul Walder, annexe N°9
63
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
Le complot avec la droite est beaucoup plus complexe, et correspond à des faits bien
précis, dont un des interviewés a été particulièrement témoin, Juan Pablo Cardenas: « Il est
terrible de savoir que durant le gouvernement de Patricio Aylwin de nombreux efforts ont été
faits pour bloquer une aide millionnaire provenant du gouvernement hollandais, destinée à
128
maintenir vivantes les revues Apsi, Analisis, et Hoy. »Juan Pablo Cardenas affirme qu'il y
a eu une véritable politique d'extermination des médias pendant la transition. C'est un fait.
Le journaliste Juan Pablo Cardenas, prix national de journalisme, et actuellement directeur
de la radio Universidad de Chile, qui a vécu en direct, de “carne propia”, le faire taire de la
presse démocratique. La Concertation aurait refusé de l'aide étrangère pendant la transition
pour aider certains médias.
Juan Pablo Cardenas raconte que pendant le mandat de la Concertation, trois
directeurs de revues qui avaient apparu dans les années 1980, Apsis, la Epoca, et le Fortin
Mapocho, ont été invité à un coktail offert par la Ministre de Coopération hollandaise. Elle
même leur propose une aide du gouvernement hollandais, afin qu'ils puissent survivre et
maintenir leur publication. Elle leur a proposé 500 000 dollars, en spécifiant qu'il fallait voir
les détails administratifs avec l'ambassadeur de Holllande. L'ambassadeur les appelle pour
leur dire qu'il est « en mesure d'offrir l'offre fournie» mais que le gouvernement chilien a
laissé entendre que n'importe quelle aide à ces médias serait vue comme une ingérence
dans les affaires internes du pays.» Ils avaient déjà fermé le Fortin Mapocho, La Epoca avait
été vendue. Devant cette situation, il s'adresse au Ministre Secrétaire de gouvernement,
Enrique Correa, qui leur affirme qu'il débloquera la situation. « Jamais ils ne l'ont debloqué.
129
Rien n'ai jamais arrivé jusqu'à l'ambassadeur hollandais, ni un appel ni une lettre» .
Il ajoute qu'un mois après, lors d'une réception à l'ambassade de Norvège,
l'ambassadeur lui fait part de sa stupéfaction sur le fait qu'il n'ait recu aucune aide de l'Etat
pour son journal. Son journal s'est finalement fait racheté par des actionnaires, qui, selon
lui, répondent à une opération directement menée depuis le Palais Présidentiel, La Moneda.
« Il y a une politique d'extermination des médias. Ils nous ont retiré la publicité de l'Etat,
l'appui international, et en plus ils nous ont acheté nos médias pour ensuite les fermer, ils
130
ont dépensé une quantité folle pour juste fermer les journaux» .
Il ajoute que suite à cette situation, il visite le ministre du Trésor Public, Alejandro Foxley,
pour lui raconter l'histoire. Surpris, il tente de résoudre cette situation, mais lui aussi va
voir ses initiatives bloquées sans pouvoir rien faire. Enrique Correa les rappelle furieux à
La Moneda, et stipule qu'il n'y aura aucun peso pour ces médias. Ils ne peuvent donc pas
bénéficier de cette aide hollandaise, sont rachetés et finalement fermés, en en laissant la
place qu'aux deux grands géants de la presse.
Il continue son histoire, en relatant qu'en rentrant de México, il a travaillé pour le
journal digital de La Nacion, Primeralinea.cl. Après quelques critiques exprimées envers le
gouvernement il a été licencié. Il le voit sous cet angle:
“Ce que nous avons commencé a faire a remporté un large succès, il y a eu
beaucoup de visites, et le projet etait assez appuyé au niveau du financement.
128
"Es terrible saber que durante el gobierno de Patricio Aylwin se hicieron inmensos esfuerzos por bloquear una ayuda
millonaria proveniente del gobierno holandés, destinada a mantener vivas las revistas Apsi, Análisis y Hoy ", dijo. Agregó que "lo más
inaudito son las excusas del gobierno chileno, que vislumbró este aporte monetario como una injerencia en los asuntos internos del
país… ¡digno de los mejores tiempos de Pinochet!".
129
130
64
Interview de Juan Pablo Cardenas, annexe N°3
Ibid
3. La transition n'a rien fait pour la presse : une gauche qui bloque l'entrée en démocratie
Mais le gouvernement a imposé au directeur de La Nacion qu'il m'expulse du
poste. Je n'ai pas voulu renoncer au poste, je me suis même battu avec Ricardo
Lagos qui était mon ami, mais il n'a rien fait. Car Agustin Edwards ne permet
pas que des médias surgissent ainsi electroniques et qu'ils puissent faire une
131
certaine concurrence a El Mercurio” .
Le plus emblématique des cas d'extermination du pluralisme est le journal El Clarin. Ce
journal était dans les années 1970 une des seules options aux deux grands géants de la
presse. Le journal a été fermé au début de la dictature, alors qu'il possédait un des plus
haut taux de circulation de l'histoire du Chili. Il a réclamé durant toutes ces années les
biens qui lui furent confisqués par Pinochet, mais on ne le lui a jamais rendu, même à la
transition. Les propres membres de la dictature reconnaissent au proprietaire Edgar Pey, la
propriété qu'il avait sur ce média. Cependant durant toutes ces années, ils n'ont pas rendu
la propriété ni indemnisé les proprietaires. D'ailleurs ils ont porté une plainte internationale,
qu'ils gagnèrent contre l'Etat, en vue d'être indemnisé. « La transition n'a rien fait alors quelle
132
aurait pu si elle avait proné le pluralisme, rendre ce qui a été confisqué» .
Le gouvernement se serait donc mis en accord avec les grands médias de droite et
grands maîtres de droite pour éviter que se fomentent d'autres journaux. «La politique
du gouvernement de la transition a donc été une politique d'extermination des médias
démocratiques qui surgissent à la fin de la dictature, qui ont eu du succès, un poids, mais
qui furent détruits par un accord civico militaire qui jusqu'au jour d'aujourd'hui, perdure.»
Il ajoute:
“Je pense que la presse au Chili est un quatrième pouvoir, mais pas dans le sens
où le veut la théorie. Cest un pouvoir, c'est une ressouce de pouvoir, qui réussit
à affecter les procédés de prise de décision, en influant sur les processus de
décision. En arrivant à influencer les processus de decision, cela signifie qu'il est
un veritable acteur politique. La presse est un acteur politique. Michelle Bachelet
voudrait prendre quelques mesures, immédiatement El mercurio la détruit, en
faisant la lumière sur des actes de corruption. c'est trop tard. Un gouvernement
de gauche, en quoi c'est un gouvernement de gauche?”
Par ces éléments il est donc clair qu'on ne peut pas nier que le gouvernement a empêché
directement le financement de certains journaux alternatifs qui auraient pu dégager le
paysage médiatique. Le complot avec la droite est soupconné fortement par tous, mais
n'a malheureusement aucune preuve sur papier ou testifiée. Néanmoins, au vue des
professionnels interrogés, encore présents sur la scène médiaique actuelle, leur version est
à exposer.
3.2.2 Des Initiatives legislatives avortées et des lois pas assez
avancées
Les cadres de la législation de la dictature sont très stricts, et ne permettent clairement pas
de fomenter le pluralisme nécessaire à la démocratie.
Au début de la transition, le débat sur les médias est légèrement présent en politique:
de grands intellectuels ont affirmé que la concentration des médias ne représentaient pas un
131
132
Interview de Juan Pablo Cardenas, annexe N°3
Ibid
65
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
obstacle à la liberté d'expression, à partir du moment où il existait une diversité à l'intérieur
même de ceux ci. Au fur et à mesure de l'installation de la démocratie, une critique s'est
tout de même initiée, au niveau de la loi. La gauche a souvent demandé au gouvernement
une certaine régulation de la presse en assurant que le marché n'avait pas concrétisé la
liberté d'expression du Chili post-autoritaire.
Les initiatives ont cependant été bien timides au début de la transition, liées de toute
évidence aux faits que nous avons étudié auparavant. Au niveau législatif, les avancées en
presse furent très lentes. En 1995, quelques députés de la Concertation, en considération de
l'inégalité structurelle, ont lancé une série d'initiatives pour fomenter la création de nouveaux
médias. Leurs propositions visaient à baisser de 50% l'impôt sur l'importation d'équipement,
la mise en place de subventions de 25% en équipements, la réduction de 50% les coûts
de formation des professionnels. Ce projet a été déclaré inadmissible par la Commission
Constitutionnelle, la législation et la Justice, pour être considéré comme matière de
l'exécutif. La volonté de changement se situait clairement au niveau de la publicité: les
subventions créent une distorsion économique. Aucune autre initiative parlementaire n'a été
donnée dans les années 1990, première phase de la transition.
La Constitution chilienne permet la liberté d'émettre de l'opinion et d'informer sans
censure préalable, « par n'importe quel moyen et dans n'importe quel média » mais impose
une nuance, en expliquant qu'il ne doit pas être commis de «préjudice de délits ou d'abus
133
en conformité a la loi .
Durant le gouvernement militaire, les lois et règlements destinés à réguler l'exercice du
journalisme étaient d'une trentaine, comme la Loi de la Sécurité de l'Etat et la Loi d'Abus de
Publicité, le Code Pénal et de Justice Militaire. La Constitution de 1980 a ajouté le délit de
diffamation, obligeant le législateur à en recourir pour « assurer le respect et la protection
de la vie publique et l'honnêteté d'une personne et de sa famille ». La diffamation devait se
comprendre comme « l'imputation d'un fait ou d'un acte faux, qui cause de manière injustifiée
134
du mal ou du discrédit à une personne ou sa famille» . Cependant, si le journaliste prouve
qu'il dit la vérité, il peut être seulement poursuivi pour injurie ou calomnie, emprisonnement
ou amende. Le gouvernement, en plus d'appliquer ces règles avec rigueur, appliquait la
censure préliminaire de manière directe, et de nombreux journalistes ont été poursuivis
devant les tribunaux militaires, qui en plus recouraient à des mesures plus spéciales que les
délits communs pour les délits d'opinion. Toute allusion offensive aux forces armées pouvait
être punie de 10 ans de prison.
Pendant la démocratisation, le statut de droit du journaliste change. Patricio Aylwin
ramène le journaliste devant le Tribunal Civil, en considérant les délits comme civil. C'est à
présent la justice ordinaire qui juge les journalistes.
Mais la loi est encore stricte avec les journalistes, par sa multiplicité dans les Codes. La
transition se doit reformer le statut judiciaire. Un projet de loi est envoyé au Parlement pour
modifier la Loi sur les Abus de Publicité. Au début des années 1990, la loi est beaucoup
critiquée. Les politiciens ne veulent pas retourner à un Etat Providence trop interférant dans
133
« Aunque la constitución chilena asegura a todas las personas "la libertad de emitir opinión y la de informar sin censura
previa, en cualquier forma y por cualquier medio", establece en seguida que esto será "sin perjuicio de responder de los delitos y
abusos que se cometan en el ejercicio de estas libertades en conformidad de la ley". O sea, ordena que se dicten leyes para castigar
a la prensa que traspasa los límites que, por lo demás, la misma Constitución señala. » Ibid
134
"la imputación de un hecho o acto falso, que cause injustificadamente daño o descrédito a una persona o su familia"
l'imputation d'un fait ou d'un acte faux, qui cause de manière injustifiée du mal ou du discrédit a une personne ou sa famille ».
66
3. La transition n'a rien fait pour la presse : une gauche qui bloque l'entrée en démocratie
les structures. En 1990 se raniment certaines phrases qu'on entendait prononcer sous la
135
dictature comme « La meilleure loi sur la presse est celle qui n'existe pas » .
On ne peut pas nier que la volonté du moment soit d'assurer la liberté d'information et
d'opinion, l'exécutif ne montrant aucun signe d'obstacle. Pourtant, le pouvoir judiciaire est
très répressif en matière de presse. Un directeur reporter du journal La Tercera a reçu 36
heures de garde à vue pour avoir reproduit en photo quelques parlementaires en pleine
expression de rejet contre le président de la Cour Suprême, Servando Jordan, dans un
débat sur un trafic de drogue. un procès a été engagé à l'encontre des journalistes.
Dans les années 1990, on pouvait lire dans certains journaux comme El Sur de
Concepcion en 1999: « Il n'existe pour le moment aucun intérêt de la part des autorités
ni des dirigeants politiques de réformer cette législation qui, certainement, représente une
136
sérieuse limitation à l'authentique liberté de la presse » . « Si le Chili désire une démocratie
effective et réelle il nécessite une presse autonome, indépendante, et libre, qui fiscalise
comme il faut, et qu'elle rende possible une authentique transparence des actes d'autorité,
137
qu'elle soit ce qu'elle est, mais qu'elle respecte également les droits de la personnalité. »
Durant le Séminaire « Restrictions de la liberté d'expression et d'information » organisé
par le programme de Liberté d'expression de l'Université du Chili, une des déclarations
stipulaient que « La Cour Suprême a approuvé une instructive qui empêche les journalistes
et les cameramen d'aborder les ministres sans autorisation préalable, en les interdisant
également de prendre des images des fonctionnaires du Pouvoir Judiciaire dans les
couloirs de la Cour. A notre jugement, ceci représente un sérieux obstacle au travail
journalistique, impliquant en définitive, un grave attentat contre le droit à l'information de
138
tous les chiliens. »
La nouvelle loi sur la presse est votée le 4 juin 2001, après huit ans de labeur
administratif. Elle est connue comme la loi N°19733 sur la Liberté d'Opinion et d'Information
et l'Exercice du Journalisme, qui supplante la loi sur les Abus de la Publicité en vigueur
depuis 1967. Cette nouvelle loi modifie également les dispositions les plus dangereuses de
la loi sur la Sécurité Intérieure de l'Etat, qui limitait l'exercice de la critique publique. Elle
élimine l'article 6b de l'ancienne loi qui punissait les délits contre l'ordre public et l'intégrité
de l'Etat comme l'injure, la calomnie, et la diffamation, de cinq ans de prison. Cet article a
été invoqué 6 fois durant 2001: pendant le premier semestre 2001, six personnes dont trois
journalistes ont été condamnées à travers ce texte.
Elle est le symbole d'une grande avancée de la transition mais reste limitée dans
certains des aspects. Elle empêche tout d'abord que les journalistes soient jugés en tribunal
militaire pour le contenu de leurs articles. Le Secrétaire Général Claudio Huepe se réfère
135
« La mejor ley de prensa es aquella que no existe »FILLIPPI, Emilio, Libertad de prensa en Chile , Vol 2 Sala de Prensa,
Revista Pulso del Periodismo, Mayo 1999
136
"No ha existido hasta el momento ningún interés de parte de las autoridades ni de los dirigentes políticos en reformar esta
legislación que ciertamente representa una serie limitación a la genuina libertad de prensa" journal El Sur, de Concepcion
137
"Si Chile desea una democracia efectiva y real requiere de una prensa autónoma, independiente y libre, que sea eficaz
fiscalizadora, que haga posible una auténtica transparencia de los actos de autoridad, sea ella cual sea, pero que respete también los
derechos personales." FILLIPPI, Emilio, Libertad de prensa en Chile , Vol 2 Sala de Prensa, Revista Pulso del Periodismo, Mayo 1999
138
"La Corte Suprema aprobó un instructivo que impide a periodistas y camarógrafos abordar a los ministros sin previa
autorización, prohibiéndoles también tomar imágenes de los funcionarios del Poder Judicial en los pasillos de laCorte.A nuestro
juicio, esto representa un serio obstáculo a la labor periodística implicando, en definitiva, un grave atentando contra el derecho a la
información de todos los chilenos".�� Ibid
67
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
à une des avancées les plus significatives en ce qui concerne la liberté d'information. Une
disposition a été votée interdisant la non information de certains cas policiers et politiques.
En ce qui concerne la loi sur le monopole, Huepe explique que « Concrètement, les
mécanismes établis impliquent que si dans une région déterminée, par exemple, quelqu'un
concentre la propriété dans un déterminé mur de médias, il pourra utiliser le système qui
139
existe au Chili pour contrôler les monopoles . Les journalistes chiliens qui ont du s'exiler
à l'étranger pourront revenir quand la loi sera mises en vigueur.
La presse peut grâce à cette loi informer aussi sur les procès judiciaires. Elle élimine
aussi la responsabilité des éditeurs, directeurs de publication ou d'émission télévisuelle
considérés comme contre l'ordre public et pour lequel Le livre noir de la justice chilienne
de l'éditorial Planeta au Chili passèrent quelques jours en prison en 1999. Pour éviter les
risques de concentration, on estime qu'en cas de modification de la propriété de quelconque
media, la Commission Préventive Antimonopole doit être informée, pour que celle ci se
prononce sur les risques de concentration. La loi instaure un fond par concours pour financer
les projets journalistiques régionaux. La loi stipule également que seuls les journalistes
diplômés pourront accéder à l'embauche. Elle fait référence enfin à la protection des
sources. Selon l'étude annuelle de Reporters Sans Frontières de 2002, cette législation n'a
pas enlevé toutes les menaces. Même si l'article 6b a été éliminé, la nouvelle législation de
presse n'a pas éliminé toues les dispositions contenues dans la Loi de Sécurité Intérieure
de l'Etat, comme la plainte pour désobéissance « desacato » à une haute autorité de l'Etat.
L'article 30 de la Loi de Sécurité Intérieure de l'Etat se maintient également, qui autorise
les juges à suspendre les publications.
Des initiatives ont donc été lancées mais la multiplicité des Codes et la nouvelle loi
de 2001 ne permettent toujours pas d'accéder à une législation claire. La loi sur la presse
comporte des insuffisances, et n'a pas supprimé d'autres lois plus conséquentes. Elle n'est
qu'une paroi d'image, montrant une avancée qui n'en est pas réellement une, si elle n'enlève
pas les structures autoritaires prédominantes.
3.2.3 Le cas de la publicité:l' Etat complice de la droite
La publicité dans les médias est essentielle à leur survie et est un indicateur clé pour
indiquer son pouvoir économique. L'Etat ne donne aucune subvention aux médias mais
passe justement par le biais de la publicité pour apporter son aide, comme nous l'avons
vu dans l'étude de la structure de l'entreprise de communication. Juan Pablo Cardenas
s'exprime à ce sujet: « L'Etat ne donne pas de subvention à ce travail qui est fondamental
pour la société, comme le font des pays comme l'Allemagne, qui donne des subventions,
140
des crédits, pour le developpement expressement de la communication» .
« La publicité est celle qui soutient les chaînes de télévision ou les journaux, et
est le véritable client des médias de masse. Ceux la tentent de se positionner
dans les audiences car de cette manière, ils peuvent offrir aux annonceurs un
141
meilleur service, qui consisterait en un public plus ample et captivé ».
« Dans
139
"En concreto, se establecen mecanismos que implican que si en una región determinada -por ejemplo- alguien concentra
la propiedad de un determinado muro de medios, se podrá utilizar el sistema que existente en Chile para controlar monopolios" Ibid
140
141
Interview de Juan Pablo Cardenas, annexe N°3
“La publicidad es la que sustenta a un canal de televisión o a un diario, así que es el verdadero cliente de un
medio masivo. Éstos intentan posicionarse en las audiencias porque así pueden ofrecer a los avisadores un mejor
68
3. La transition n'a rien fait pour la presse : une gauche qui bloque l'entrée en démocratie
notre pays, les médias sont très concentrés dans très peu de mains, ce qui
empêche l'accès de petits groupes journalistiques à de grandes audiences et à la
142
publicité ». N'importe quel média ne peut arriver sur le marché s'il ne reçoit pas
143
les annonceurs nécessaires .
La publicité est distribuée généralement par des entreprises ou l'Etat lui même, ce qui
144
est appelé « avisaje estatal » . La publicité est distribuée de manière très inégalitaire, et
également de part de l'Etat. L'Etat envoie la plus grande partie de ses annonces aux médias
de droite, et évite ainsi l'apparition d'autres journaux, qui ne peuvent pas se maintenir s'ils
ne reçoivent pas de publicité. Cette distribution est la conséquence directe du complot avec
la droite: l'Etat n'envoie pas sa publicité aux médias les plus petits.
La loi N°19.886 sur les Achats Publics (Ley de Compras Publicas) établit la procédure
de l'Etat pour la publicité et diffusion de ses politiques, à travers de l'organisme
ChileCompra. Une licitation publique est convoquée tous les 6 mois par le Conseil
Constitutionnel, et celle ci détermine l'entreprise journalistique qui lui paraît la plus adaptée.
Cet organisme passe les ordres de vente et régule par là la publicité de l'Etat.
Le problème de cette distribution, c'est l'inégalité qu'elle engendre. La Commission est
d'accord sur le fait qu'il existe une concentration des médias, comme limitant le pluralisme.
Eduardo Bertoni, du programme le Liberté d'Expression de OEA, l'Organisation des Etats
Américains, précise que « l'utilisation ou la non utilisation de la publicité officielle possède
145
un lien direct avec l'exercice de la liberté d'expression .
L'Etat en effet distribue sa publicité de manière très favoritiste et incompréhensible.
Les quatre gouvernements de la Concertation ont toujours dit vouloir rétablir le pluralisme
mais n'a finalement rien fait pour le rétablir. Less LUN est le journal qui vend le plus au
Chili, mais il ne reporte que 6% de la publicité de la presse. « Au niveau de l'annoncage,
on perçoit des désajustements aussi importants que ceux de Las Ultimas Noticias ou La
Cuarta, qui sont les journaux les plus lus, mais qui ensemble n'accumulent même pas le 10%
du gâteau publicitaire. Cela se produit car son public correspond à des classes moyennes
ou moyennes défavorisées, avec peu de pouvoir d'acquisition, car ce sont des marchés peu
146
attrayants pour les annonceurs » .
La chaîne Mega a 3 fois moins d 'audience que TVN mais accède à 30% de la publicité
147
en télévision. L'Etat finance la presse de droite.
Le problème de la publicité, de la subvention par publicité, a été ranimé en 2005
quand l'Observatoire de Médias Fucatel, dévoile que 80% de la publicité vont aux deux
servicio, que consiste en públicos más amplios y cautivos”. CORRALES Jorquera Osvaldo, SANDOVAL MOYA, Juan,
Concentración del mercado de los medios, pluralismo y libertad de expresión , Universidad de Chile, Centro de Estudios
de la Comunicacion e Imagen, 2005
142
“En nuestro país los medios están muy concentrados en pocas manos, que impiden el acceso de los pequeños
grupos periodísticos a las grandes audiencias y a la publicidad” Ibid
143
144
Concentracion economica de los medios de Comunicacion. Guillermo Sunkel, Esteban Geoffroy
C'est la publicité distribuée par l'Etat
145
146
“la utilización o no utilización del avisaje oficial tiene una vinculación directa con el ejercicio de la libertad de expresión”
CORRALES Jorquera Osvaldo, SANDOVAL MOYA, Juan, Concentración del mercado de los medios, pluralismo y libertad
de expresión , Universidad de Chile, Centro de Estudios de la Comunicacion e Imagen, 2005
147
Punto Final; Roberto Ortiz
69
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
conglomérats. Pourtant, le groupe COPESA dénonce le favoritisme de l'Etat pour El
Mercurio, et le fait qu'il y ait trop de publicité donnée à El Mercurio. Il possède une circulation
de 18% mais reçoit 41% de la publicité en presse écrite.
La publicité du gouvernement représente 1,220 millions de pesos, dont 77% est destiné
au Mercurio et à COPESA. Il investit en tout 35,5% de son investissement total dans la
presse. Sur ces 77%, le groupe Edwards reçoit approximativement 50% et COPESA un
30%. Seuls les 20% restants sont distribués aux autres journaux. Le journal de La Nacion,
contrôlé par le gouvernement, reçoit 9% de publicité de l'Etat, ce qui est très paradoxal
puisque ce serait le seul journal de gauche qui pourrait confronter l'officiel aux deux grands
géants de droite. Beaucoup de ministères dirigent leur publicité à El Mercurio: par exemple,
la Trésorerie, lui attribue plus de 90% de la publicité, et il reçoit 50% de parts de budgets
des entreprises d'Etat comme Corfo ou Conaf. En 1998, le journal El Mercurio va même
148
jusque recevoir 69,71% de l'investissement publicitaire . Il faut savoir que El Mercurio a
terminé la dictature au bord de la faillite, mais Pinochet lui a laissé 4 années de réserve
de publicité. Il a également bénéficié de certains crédits. Les nouvelles autorités n'ont pas
149
réviser tout cela .
L'investissement publicitaire subit une large concentration au niveau de la télévision
également, Canal 13 reçoit 25,11%, TVN 24,8%, Megavisión 21,51% et Chilevisión 18,3%
d'investissement publicitaire. Cela représente 56,3% de l'investissement publicitaire total,
tous médias confondus.
Ces grands groupes économiques concentrent aussi les mécanismes de distribution et
d'assignation de la publicité, ce qui pose des barrières à l'entrée d'un petit media sur la scène
médiatique. La publication Siete +7 par exemple, a surgi comme un média indépendant et
a fini par se faire intégrer. L'exception est The Clinic qui se maintient uniquement par sa
vente et sans beaucoup de publicité.
A cet effet, la Commission Parlementaire a effectué 29 cessions, entre le 8 août 2006
et juillet 2007, pour tenter d'étudier ce phénomène, présidées par un député socialiste
Marco Enriquez Ominami Gumucio, quatre députés du parti UDI, un député du PS, un
du PP, un du PRSD, et un indépendant de la Rénovation Nationale. La Commission
conclue qu'il faut rétablir la transparence et que la publicité de l'Etat ne devrait pas être
un mécanisme de subvention pour les médias, mais un outil technique et juridique qui
favorise la transparence et l'efficacité de la diffusion des politiques publiques. Le manque
de régulation favorise la concentration et l''arbitraire de sa distribution est un obstacle à la
démocratie. La Commission réclame une régulation de la publicité officielle, l'instauration
d'une loi régulatrice pour plus de transparence, et l'augmentation de l'investissement de
l'Etat dans les médias plus petits et régionaux, pour qu'ils puissent rentrer en concurrence
avec les autres et réintroduire le pluralisme. Le Directeur de le revue Punto Final Manuel
Cabieses, a demandé a La Fiscalisation Nationale d'étudier le cas de la concentration,
l'étude de cas doit être voté.
150
L'Etat ne remplit pas son rôle de promoteur public , mais bien plus d'inégalité. L'Etat
est un chef d'entreprise comme les autres, il fait partie du secteur économique. L'Etat devrait
148
149
150
SUNKEL, Geoffroy, Concentración Económica de los Medios de Comunicación, LOM, Santiago, 2001.
Interview de Juan Pablo Cardenas, annexe N°3
“El rol del Estado es presentar una alternativa, ser una voz distinta; la intervención de éste se plantea no con la propiedad de
un medio, sino que con la generación de espacios y condiciones aptas para el pluralismo” CORRALES Jorquera Osvaldo, SANDOVAL
70
3. La transition n'a rien fait pour la presse : une gauche qui bloque l'entrée en démocratie
fiscaliser et réguler le marché de la communication mais laisse faire, et finalement provoque
151
lui même l'appauvrissement de l'espace public .
« Si l'Etat ne corrige pas ces disproportions du marché au lieu de les stimuler,
cela signifie qu'il promeut l'inégalité d'accès à l'information, la concentration de
la propriété, la mauvaise qualité de notre débat et le peu de pluralisme qui existe
aujourd'hui dans les médias de communication ».
En plus, la distribution de la publicité engendre une pression économique sur l'information:
on ne veut pas critiquer l'annonceur au peur de perdre sa publicité et par la même, ses
revenus. « La realité qui se construit à travers le média n'existe pas. Il se construit une
certaine réalité, un seul aspect, une certaine situation, mais le reste non, car le reste ne peut
pas se montrer car nos actionnaires peuvent être dérangés, et dans ces cas là les médias
perdent une source de financement, et donc les journalistes ommettent cette partie de la
152
réalité. Et cela montre une claire preuve de pression économique sur l'information» .
La publicité est donc une preuve concrète de la responsabilité du gouvernement de la
transition dans l'extermination du pluralisme médiatique. Il dirige presque toute sa publicité
à des médias de droite, ne permettant pas aux plus petits et plus alternatifs d'apparaître ou
de se maintenir. Le gouvernement agit contre une démocratie médiatique.
Il est indéniable au vue de tous ces faits que les gouvernements de gauche ont une
grande part de responsabilité dans la période de transition. A l'heure où les partis de gauche
sont chargés de rétablir la démocratie et par conséquent le pluralisme dans les médias, il
agit directement contre ce système et évite que de nouvelles voix apparaissent sur la scène
publique. Il est coupable d'une atteinte même à la démocratie, et continue en 2008 d'opter
pour des structures de continuité, héritées de surcroît de l'époque autoritaire. La transition
démocratique chilienne ne semble pas avoir été menée à bien.
MOYA, Juan, Concentración del mercado de los medios, pluralismo y libertad de expresión, Universidad de Chile, Centro de Estudios
de la Comunicacion e Imagen, 2005
151
“Debiera fiscalizar, pero al contrario: fomenta esta estructura de poder y, con ello, fomenta el empobrecimiento del debate
público” Ibid
152
Interview de Jorje Andres Gomez Arismendi, annexe N°4
71
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
Conclusion
La transition démocratique chilienne est très ambiguë, et ne semble pas avoir agi avec
la presse de manière démocratique, alors qu'elle aurait du. Si les gouvernements de
la transition n'ont rien fait pour changer ce système de concentration économique et
idéologique, il est impossible de penser en une véritable démocratie et expression pluraliste.
Il semblerait que le pays a comme sauté une phase de transition démocratique, de
vraie gauche, de vraie révolution, et qu’elle s’est enlisée dans un système sur capitaliste en
passant simplement d’une droite autoritaire et nationaliste à une droite, toujours la même,
reconvertie en droite néolibérale.
Le gouvernement reste inscrit dans la défense des intérêts privés, et n’ose pas
s’attaquer aux maîtres économiques du Chili, qui, historiquement, ont fini par acquérir plus
de pouvoir et d’impact que le gouvernement lui-même. Et c’est dans cette lignée que le
gouvernement ne s’attaque pas aux médias. A cet effet, Juan Pablo Cardenas explique:
« Il n'y en a pas. Ceci est le grand mythe qui s'alimente en Europe et dans
d'autres pays, assigner ce pays a une démocratie alors que ce n'en est pas
une. Ce système de propriété des médias n'est pas un système démocratique,
s'ils pensent que le régime politique est un régime démocratique.. c'est faux.
Il faut que les intérêts exprimés soient ceux du peuple et non d'une classe de
dirigeants. Si tu penses qu'on peut appeler démocratie un pays dans lequel il
n'y a pas de réalisations sociales, pas de syndicats, un système éducationnel
totalement injuste, ou il faut payer pour pouvoir accéder à l'éducation... Que
diront les Européens en voyant notre régime? Que ceci est démocratie? Les gens
153
continuent de dire que ceci est démocratie car ils font du business avec » .
Il est possible d'envisager plusieurs types de solution à ce blocage de transition
démocratique, plus particulièrement dans le cas de la presse. Elles n'ont pas été étudiées
dans le corps du rapport puisqu'elles se trouvent inhérentes aux causes. L'intervention doit
de toute manière se faire au sein de l'Etat lui même, l'acteur international pouvant faire
pression à travers toutes sortes d'organisations ou fondations de liberté d'expression.
Pour rétablir la valeur démocratique des médias, il faut réformer tout le système, et
se détacher de la Constitution Pinochetiste, en rétablissant de nouvelles bases, et en
démantelant tous ces géants de l’information issus de la dictature. Un début serait au
moins, d’aider les nouveaux journaux à prendre de l’ampleur, et aider au développement
des journaux de gauche, par de meilleures lois, une meilleure distribution de la publicité,
la création de subventions et de nouveaux médias quotidiens, une meilleure défense des
intérêts publics et représentation, une meilleure liberté dans l'information.
La citoyenneté joue un rôle important et fondamental à l'heure d'exiger ses droits à la
liberté d'expression et de représentation. Les Chiliens croient au pluralisme des médias du
fait qu'il en existe plusieurs, sans que soit important le rôle du propriétaire. Tant qu’il y aura
domination de cette droite sur les médias, et domination de l’information, le chilien moyen
aura du mal à faire bouger les choses. L'espoir se base dans les nouvelles générations qui
153
72
Interview de Juan Pablo Cardenas, annexe N°3
Conclusion
n'auront pas vécu la dictature de Pinochet, qui peuvent apporter un vent d'air frais sur la
société et de nouvelles idées. Pedro Santander pense qu'il existe toute une toile sociale qui
est invisible sur la scène publique mais qui finira par s'exprimer.
L'évolution de cette structure médiatique est très possible, même si elle risque de
prendre du temps. Les critiques se réveillent, même si elles ne sont que très peu visibles,
et peut être que dix-huit ans n'ont pas été suffisants pour se remettre totalement de l'ordre
imposé par la dictature. Les prochaines élections chiliennes se préparent déjà, et un des
redoutables candidats, qui s'était distingué lors des dernières élections, Sebastian Pinera,
a toutes ses chances d'être élu. Il fait parti de la Rénovation Nationale (RN), parti de
droite se disant indépendant et un peu plus progressiste que les partis classiques. Il est
propriétaire de la chaîne de télévision Chilevision. C'est un personnage très redouté par
les personnalités du pays. Peut être son élection permettra de raviver les franges plus
idéologiques de la gauche et une opposition plus riche et intéressante, et au niveau de la
droite aussi.
De toute manière, l'Etat à lui seul possède les moyens de réformer ce système, et de
renforcer son intervention en menant des politiques avec plus d'égalité.
Le phénomène chilien est tout à fait récupérable, puisque nous concevons que la pays
est encore en stade de transition, à un certain niveau d'avancement. Il est donc à relativiser
mais à réformer. Le cas des Etats Unis par exemple est encore plus complexe, du fait
qu'il n'est pas considéré comme un Etat en transition encore fragile, mais comme une
démocratie installée depuis déjà longtemps. La concentration économique y est également
accompagnée d'un formatage idéologique. Les lois de concentration sont très assouplies,
de nombreuses lois comme la loi anti terroriste Patriot Act limite de nombreux niveaux
de la liberté d'expression, la censure et le formatage idéologique sont des éléments très
développés et connus de la scène internationale. Les Etats Unis représentent de plus le
pays le plus puissant à l'heure actuelle sur la scène internationale, et historiquement, le
modèle de démocratie à suivre. Il sera certainement plus facile pour le gouvernement chilien
d'accepter ses failles et de les résoudre, que pour les Etats Unis d'assumer leur pression
sur le contenu de l'information.
Le Chili est le symbole parfait d'un continent en transition, qui a du mal à se défaire des
structures de la période autoritaire.
73
Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
bibliographie
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Ressources électroniques
Organismes
Observatorio de medios fucatel
Colegio de Periodistas
Des journaux
emol.cl
lasegunda.cl
latercera.cl
lanacion.cl
elperiodista.cl
radionuevomundo.cl...
Des universités
uchile.cl
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Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
Annexes
Entretien avec Ignacio Aguero, Santiago, Chili ,10
juillet 2008
Ignacio Aguero est réalisateur de six films entre 1988 et 2004 (Cien niños esperando un
tren, 1988,No olvidar, 1982, Como me da la gana, 1985, Sueños de hielo, 1993, Aquí se
construye, 2000, La mamá de mi abuela le contó a mi abuela, 2004). Il vient à peine de
réaliser un dernier documentaire sur le journal El Mercurio pendant la dictature de Pinochet,
et sa complicité active dans la violation des droits de l'homme. Il me reçoit chez lui dans
une grande maison, respirant l'art chilien.
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Entretien avec Juan Pablo Cardenas - Santiago - 20
Juillet 2008
Juan Pablo Cardenas est un journaliste reconnu au Chili, diplômé de l'Université Catholique.
Il a été rédacteur et directeur de journal Debate Universario (1971-73), Cadena Periodistica
del Sur (75-76), El Pais (Espagne, 94-96), La Epoca et La Nacion.
En 1977, il fonde la revue Analisis, principale opposante au gouvernement militaire, qui
ferme en 1991. Entre 1994 et 1999, il travaille pour l'ambassade du Chili au Mexique. En
2000 il revient pour diriger la version électronique de La Nacion, Primeralinea.cl.
Aujourd'hui en 2008, il est directeur de l'école de journalisme de l'Université du Chili,
et de la radio Universidad de Chile.
A reçu de nombreux prix internationaux comme le prix Vladimir Herzog au Brésil, le prix
Ortega et Gasset (El Pais, Espagne), et le prix national de journalisme en 2005.
A également écrit de nombreux livres comme: Pour un Chili libre, Non a Pinochet,
Journalisme: mythe ou réalité....
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Entretien avec Gonzalo Andrés Figueroa, Cea,
Santiago, 2 juillet 2008
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Annexes
Il a étudié dans une université privée bolivarienne, une filière de 5ans qui ici, au Chili,
équivaut à « journalisme et licence de communication sociale ». Il a fait ses premiers stages
à la radio Nuevo Mundo mais aussi dans le journal El Mercurio. Travaille actuellement pour
le gouvernement, dans le service presse du Ministère des Affaires publiques.
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Entretien avec Jorge,Santiago, Chili,22 juin 2008
Journaliste, depuis 4 ans, diplômé Master de Sciences Politiques, il a travaillé dans des médi
as étrangers comme en Suède, dans une radio et une chaîne de télévision A réalisé
son stage dans des médias étatiques au « Secretaria de Gobierno, de cultura », il donne
des cours, et travaille avec des médias indépendants comme la Revista Masiva. A collaboré
aussi avec des médias suédois. Plus de temps passé à donner des classes. 28 ans.
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Entretien avec Claudia Lagos, Santiago, Instituto de
Comunicacion e de Imagen, 19 juillet 2008
Claudia Lagos est très connue dans tout ce qui renvoie à la liberté d'expression. Son nom
ressort dans une majorité d'études. Elle travaille à l'Institut de la Communication et l'Image
depuis 2004, et dans les aires professionnelles du journalisme principalement, c'est-à-dire
je donne des cours qui ont à voir avec les matières spécialisées du journalisme, rédaction
journalistique, atelier de chronique cours d’interview, atelier reportage, et en ce moment et
l’année dernière, atelier de recherches (enquête).
Selon elle, les relations entre l’institut et la presse sont irrégulières. Parfois il y a de
bons échanges, d’autres fois non.
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Interview de Raul Mandres,Santiago,10 juin 2007
Raul Mandres est journaliste à la radio Nuevo Mundo, en tant que chargé de gouvernement
et du Palais Présidentiel.
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Médias et Démocratie au Chili: les dérives de la transition.
Interview de Pablo Moreira, Santiago, 19 juin 2007
Pablo Moreira est étudiant en journalisme à l'Université de Diego Portales. Il a travaillé pour
la Radio Nuevo Mundo et travaille à présent pour un journal culturel, La Maga.
ient d’un legs de la dictature, les médias vont toujours tenter de détruire l’acteur
gouvernement. Pas du tout comme quand tous les médias qui défendirent l’information de
la dictature. Les médias de communication exercent encore cette influence.
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Entretien avec Pedro Santander, Valparaíso, 8 juillet
2008
Pedro est professeur de théorie du langage et de méthodologie dans l’Ecole Catholique
de journalisme du pays, directeur de Master. Il possède un doctorat en linguistique, et est
journaliste à l’Université du Chili.
Il a étudié à Santiago dans les années 80. et ensuite il est venu à Valparaiso.
Editeur et écrivain dans l'ouvrage collectif: Medios en Chile: voces y contextos.
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Entretien avec Paul Walder,15 juillet 2008
Paul Walder a étudié la littérature espagnole au Chili, puis a fini ses études à Barcelone.
Il est resté à Barcelone pendant les années 80 et a travaillé la bas jusqu’aux années 90. Il
retourne ensuite au Chili et s'intègre dans les médias. Il a travaillé dans la revue Hoy, qui
n’existe plus aujourd’hui, puis à “La Nación”, jusqu'en 1994. Il commence ensuite à faire un
travail plus indépendant, avec des ONG, travail d’analyse économique, qui impliquait aussi
un peu une vision politique, et ça jusqu’à aujourd’hui, jusqu’à l’ère du journalisme en ligne.
Editeur de elclarin.cl à l'heure actuelle.
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