COUR DU TRAVAIL DE LIEGE

Transcription

COUR DU TRAVAIL DE LIEGE
Rép.2011/222
N° D'ORDRE
Droit du travail – Contrat de travail – Secteur public – 1. Responsabilité – Contractuel
occupé dans un emploi supérieur – Absence de droit à la rémunération correspondante –
Dommages et intérêts – Faute de l’autorité publique – Preuve – Dommage – Loi du
3/7/1978, art.20 ; A.R. du 22/12/2000, art. 30 ; Code civil, art. 1134, 1382 et 1134 –
2. Rémunération – Allocation informatique – Conditions d’octroi – Liste des bénéficiaires
– A.G.C.F. du 7/3/2002 et du 3/10/2002 – 3. Vacances annuelles – Jours de congés non
pris à la cessation du contrat – Indemnisation – Directive 2003/88/CE, art. 7 ; Loi du
14/12/2000, art.9 – 4. Licenciement – Abus de droit – Circonstances – Absence
d’audition préalable – Essai de reclassement interne – Tentatives biaisées – Code civil,
art. 1134 ; principe général de droit « Audi alteram partem »
COUR DU TRAVAIL DE LIEGE
Section de NAMUR
Audience publique du 26 avril 2011
13ème Chambre
R.G. n° 2009/AN/8.850
Réf. Trib. trav. Namur, 2e ch., R.G. n°07/134.785/A
EN CAUSE DE :
La COMMUNAUTE FRANCAISE, représentée par son gouvernement
en la personne de Monsieur le Ministre Président, dont les bureaux
sont établis à 1000 BRUXELLES, Place Surlet de Chokier, 15/17
appelante, intimée sur incident, comparaissant par Me Jérôme Claessens
qui remplace Me Marc Uyttendaele, avocats.
CONTRE :
Monsieur Jacky N
intimé, appelant sur incident, comparaissant personnellement assisté par
Me Gaëlle Jacquemart qui remplace Me Jean-Louis David, avocats.
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
2/32
MOTIVATION
L’arrêt est fondé sur les motifs suivants :
1. Quant à la recevabilité des appels.
Il ne résulte d’aucune pièce ni élément du dossier que le
jugement dont appel aurait été signifié.
L’appel, régulier en la forme, est recevable.
L’appel incident introduit par conclusions est également
recevable.
2. Les faits.
- Le 1er juin 1989, M. N, ci-après l’intimé, est engagé par la Communauté
française en qualité de technicien A2 (électronicien) dans le cadre d’un
contrat « chômeur mis au travail » (C.M.T.). Il est affecté au centre de prêt
de matériel de Naninne. A ce moment, il est titulaire d’un diplôme
supérieur en radio-télévision couleur et d’un autre en microprocesseur
(cours de promotion sociale).
- Le 1er juillet 1989, il devient agent contractuel subventionné (A.C.S.). Sa
fonction est celle d’aide technique. Les activités qui lui sont dévolues
consistent à soit répondre à des besoins exceptionnels et temporaires en
personnel, soit accomplir des tâches auxiliaires ou spécifiques. Sa
rémunération est équivalente à celle d’un agent de l’Etat occupant la
même fonction (rémunération et pécules).
- En juin 1990, il obtient le diplôme de l’enseignement supérieur en
informatique programmation.
- En septembre 1990, il est affecté au centre d’Auderghem où il est chargé
de la coordination et de la responsabilité du secteur audiovisuel et des
services techniques auxquels incombe la réparation du matériel des deux
centres.
- Sa rémunération n’est pas revalorisée, pas plus que le titre de sa
fonction rectifiée. Il bénéficie d’indemnités versées sur la base de
déclarations de créances pour compenser sa rémunération officielle à
l’échelle 20/1 avec celle correspondant à l’échelle 22/4.
- En 1992, l’intimé demande l’obtention de la rémunération à l’échelle
22/4.
- Il ne l’obtient pas parce que le droit à l’échelle 22/4 risquerait de
mettre en péril l’octroi de la subvention par la Région de BruxellesCapitale. Il faudrait rompre le contrat A.C.S. et signer un contrat
ordinaire à d’autres conditions mais avec la garantie, non acquise,
de l’obtention du visa de
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
3/32
l’Inspecteur des Finances. La demande en restera là, la proposition
émise n’étant pas suivie d’effets.
- Le 8 juin 1993, l’intimé écrit à son supérieur : « Considérez que ces
fonctions de responsabilité, de formation du personnel, de contact avec
les sociétés avec lesquelles nous traitons, des diverses élaborations
techniques, des nombreux déplacements pour l’approvisionnement en
pièces détachées et visites des sociétés, d’étude des marchés, de la
maîtrise du personnel, des rapports concernant la gestion du service
n’auront plus raison d’être ; ceci jusqu’à nouvel ordre. Je m’en tiendrai
donc à la fonction indiquée sur mon contrat d’emploi, c'est-à-dire aide
technique ». Son directeur en prend acte tout en le regrettant et dit
interpeller la direction générale sur la question de la revalorisation au
niveau 2+.
- Le 25 juin 1993, le centre d’Auderghem ferme ses portes et l’intimé est
transféré à Naninne où il réintègre sa place de technicien. Le bénéfice des
indemnités versées précédemment lui est retiré.
- En juillet 1994, son supérieur M. L. (gestionnaire du centre) interpelle la
direction générale de la Communauté française afin que l’intimé puisse
bénéficier d’une « rémunération mieux appropriée à ses qualifications »
sous peine de risquer de voir partir l’intimé dont la compétence est
précieuse.
- Le 16 février 1995, M. L. lui aurait demandé de reprendre la coordination
du centre. Il lui est alloué à nouveau des compléments sous forme
d’indemnités.
- Une note du Ministre-Président de la Communauté française du 23 juin
1997 propose de revoir les contrats des membres du personnel
(contractuels) engagés au niveau 2 avant la création du niveau 2+ aux
trois conditions suivantes : diplôme donnant accès à ce niveau (graduat),
être effectivement chargé d’une fonction pour laquelle le diplôme de
gradué correspondant aux fonctions occupées est requis au recrutement
d’une statutaire, vacance d’un emploi de niveau 2+.
- Le 16 septembre 1997, l’intimé, qui dispose d’un grade reconnu d’aide
technique comme étant assistant ou assistant principal (catégorie du
grade spécialisé groupe de qualification 2, correspondant au niveau 2
depuis les arrêtés du 22 juillet 1996), demande à nouveau une
revalorisation barémique au niveau 2+.
- Cette demande est rejetée car engagé au niveau 2, l’intimé ne réunirait
pas les conditions d’octroi du niveau 2+ (diplôme requis, vacance de
poste).
- Les indemnités sont supprimées à la suite de la dénonciation faite par
l’intimé. De ce fait, l’intimé donne sa démission le 19 février 1998.
Cependant, il soutient avoir continué, sur l’insistance de son directeur, à
assumer ses responsabilités antérieures, avec la responsabilité des
matières informatiques.
- En 2001, l’intimé dénonce au Ministre compétent la pratique, irrégulière
voire frauduleuse, des paiements de primes ou indemnités
complémentaires.
- Le 17 mai 2001, son directeur, M.L., fait part de problèmes rencontrés et
écrit : « La situation aujourd’hui m’oblige à vous rappeler votre devoir de
poursuivre toutes les activités, y compris informatiques, qui sont les vôtres
-
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
4/32
depuis plusieurs années. Celles-ci ne s’arrêteront réellement que le jour
où vous déciderez de nous quitter de manière définitive. Personnellement,
je ne le souhaite pas, mais si cette intention devenait cependant réalité, je
vous demanderai alors de mettre M. D.D. au courant du travail
informatique que vous accomplissez ».
- Le 31 juillet 2001, le Ministre répond à la dénonciation qui lui a été faite
et signale que le nécessaire a été fait pour mettre fin à ces pratiques
irrégulières, sans qu’elles puissent être qualifiées de frauduleuses.
- Le 26 novembre 2001, l’intimé propose que lui soit octroyée la
rémunération équivalente au rang 220/2 (équivalente à celle perçue
précédemment), puisqu’il n’est pas possible de lui attribuer le niveau 2+
ou d’être désigné comme chargé de mission...
- La réponse est négative parce que le rang 220/2 correspond à l’échelle
de traitement liée au grade ultime de niveau 2 et n’est accessible que par
promotion aux seuls statutaires. Il est signalé qu’il est envisagé de
revaloriser les fonctions techniques et que la direction générale doit faire
des propositions pour 2002.
- Le 22 juillet 2002, le directeur de cabinet présente le plan stratégique
2002-2003 : l’intimé est repris comme responsable « audiovisuel » et il est
fait état que « une revalorisation barémique pourrait être envisagée dans
le cadre de l’octroi de ces quatre postes à responsabilités. Des formations
particulières pourront être organisées pour ces quatre responsables afin
qu’ils s’intègrent au mieux dans leurs nouvelles fonctions ».
- Le 30 août 2002, le directeur de cabinet du Ministre introduit une
demande de valorisation des nouvelles attributions de l’intimé
(responsable de l’audiovisuel) et de deux autres responsables
(administration et camping) du centre de Naninne, valorisation pécuniaire
à l’issue de la période d’essai de six mois.
- Le 9 septembre 2002, l’intimé exprime des réserves quant à la nouvelle
fonction (responsable du service audiovisuel dont le descriptif des tâches
lui est remis) si elle ne s’accompagne pas d’une revalorisation pécuniaire
(au 1er septembre 2003) et d’un nouveau contrat.
- Le 25 septembre 2002, une dame Jocelyne L. est désignée gestionnaire
du centre de Naninne avec effet au 3 octobre. Elle renonce très
rapidement à cette fonction.
- Le 21 octobre 2002, le même directeur de cabinet, compte tenu du refus
de la nouvelle gestionnaire du centre, considère comme nulles les
nouvelles attributions auxquelles il a été fait référence dans sa note du 30
août. C’est M. Marcel Th. qui est désigné gestionnaire. Il ajoute qu’il entre
dans les intentions du Ministre de recruter, prochainement, deux
personnes pour épauler le nouveau gestionnaire : une spécialisée en
informatique (à prendre en charge dans le futur par l’ETNIC) et l’autre dont
le profil est à déterminer. Il est précisé que des déclarations de vacances
d’emploi ont déjà été visées par l’Inspection des Finances.
- Le 12 novembre 2002, l’intimé insiste encore pour qu’une solution
empirique soit trouvée pour la valorisation du traitement compte tenu de
ses fonctions.
- Le 2 décembre 2002, l’intimé rappelle à la direction générale qu’il
assume le travail de responsable de l’audiovisuel depuis le 1er septembre
2002 et insiste pour obtenir la revalorisation pécuniaire.
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
5/32
- Le 16 janvier 2003, le nouveau gestionnaire du centre confirme la
répartition des tâches et l’attribution de celle de responsable de
l’audiovisuel à l’intimé.
- Le 6 février 2003, il est donné acte à l’intimé de sa candidature au poste
de « correspondant informatique ».
- Le 9 mai 2003, l’organisation syndicale intervient à son tour.
- La candidature de l’intimé n’est pas retenue afin de pourvoir aux emplois
ouverts au sein de l’ETNIC. La motivation est la suivante : « Il est rappelé
au préalable qu’il s’agit d’une procédure de transfert, et non de promotion,
qui vise à allouer à un nouvel organisme d’intérêt public, chargé de
centraliser les tâches informatiques antérieurement remplies par les
différentes entités de la Communauté française elles-mêmes, les
ressources humaines utiles à son bon fonctionnement […]. Il est
également précisé que le Service de prêt de matériel de Naninne est un
service déconcentré et délocalisé qui remplit, avec un nombre de
personnes limité, des tâches particulières. […[. Il est, par ailleurs, constaté
que, même s’il intervient dans la gestion de l’outil informatique, [l’intimé]
est plutôt affecté au secteur du matériel audiovisuel de Naninne. Le
transfert de [l’intimé] dans une fonction de correspondant informatique à
ETNIC qui suppose que l’intéressé travaille à temps plein à la réalisation
de missions relevant de la compétence de cet organisme n’apparaît en
conséquence ni en véritable adéquation avec le profil de fonction de
l’emploi actuellement occupé par lui, ni cohérent avec la perspective d’un
maintien voire d’un renforcement de l’équipe actuelle de Naninne en vue
d’assurer la relance des activités de ce service » (pièce 29 du dossier de
la Communauté). Il n’y aura pas de recours.
- Le 11 juin 2003, la directrice générale soulève l’irrégularité du système
de paiement de primes pour les responsables et confirme l’impossibilité de
faire bénéficier l’intimé de l’échelle 220/2.
- Le 11 juillet 2003, dans le cadre de la restructuration du centre de
Naninne, la direction générale adresse au Ministre une note sollicitant
l’alignement de la rémunération de l’intimé sur le grade de 1er assistant
(échelle 220/2) par références à des exceptions précédemment admises.
Par contre, le grade 2+ ne peut lui être reconnu dès lors qu’il n’en remplit
pas les conditions.
- Le 17 juillet 2003, il est informé que la formation informatique qu’il voulait
suivre ne sera pas dispensée faute de candidats en nombre suffisant.
- Le 27 mai 2004, en réponse à l’évaluation, l’intimé écrit in fine : « Je
prends donc bonne note que je vais être remplacé pour la production
informatique (bien que cela devait être fait depuis un an et demi). Je vous
propose dès lors de regagner directement le service technique.
Conformément à la note du SLFP confirmant mon contrat d’engagement
pour cette tâche initiale et tel que je vous l’avais demandé au mois de
janvier. Ceci vous conviendra fort bien, puisque je suis le plus qualifié
techniquement et que vous avez besoin de vrais techniciens ! ».
- En juin 2004, l’intimé est chargé par le gestionnaire du centre de faire
l’acquisition d’un matériel d’écoutes destiné à prendre connaissance des
débats syndicaux sur le site. Ce fait sera révélé en novembre 2006 à la
suite d’une information donnée par l’intimé lui-même aux organisations
syndicales (cf. rapport : la délégation syndicale dépose des copies de
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
6/32
documents confiés par un agent du centre à un délégué permanent). Le
rapport interne conclut en la responsabilité des trois intervenants : le
directeur du centre, M. Marcel Th. qui a autorisé (lire demandé) l’achat et
a testé l’appareil (outre deux faits portant atteinte à la vie privée des
travailleurs), l’intimé qui a participé au projet (sous les ordres de M. Marcel
Th.) et un sieur E.H. qui a participé au test.
- Le 30 octobre 2006, le gestionnaire du centre adresse un courrier de
reproche à l’intimé parce qu’il a placé des mots de passe sur le serveur et
les p.c. et rappelle que « Voici maintenant plusieurs années que je vous
demande de bien vouloir partager vos connaissances du réseau local et
force est de constater que ce n’est toujours pas chose faite. Il est anormal
et malsain qu’une seule personne ait la mainmise sur le réseau
informatique du centre ». Il envisage aussi de rediscuter du profil de
fonction, eu égard à ses états de service et à ses compétences dans le
contexte d’une gestion et d’une maintenance informatique chapeautée par
l’ETNIC. Un échange de courriers va intervenir les 6 et 7 novembre 2006,
l’intimé contestant avoir placé des mots de passe et des restrictions
d’accès.
- Depuis le 9 novembre 2006, l’intimé est en congé de maladie
(dépression) en pleine affaire dite des écoutes de Naninne.
- Le gestionnaire du centre, l’intimé et une troisième personne feront
l’objet de sanctions disciplinaires. Le gestionnaire, M. Marcel Th.,
reconnaît que c’est à sa demande que l’intimé a acheté le matériel
d’écoute (cf. rapport d’enquête : pièce 27 du dossier de la Communauté)
et subira dès novembre 2006 une suspension de six mois dans l’intérêt du
service.
- Le 11 décembre 2006, l’intimé est à son tour entendu dans le cadre de la
procédure de suspension dans l’intérêt du service (par référence à l’arrêté
royal du 31 mars 2004). Le rapport précise que le 10 novembre 2006, les
organisations syndicales ont transmis au Ministre un échange de courriels
semblant indiquer que le directeur du centre aurait commandé ou fait
commander du matériel d’écoute pour enregistrer les débats syndicaux
sur le site de Naninne. Il est demandé à l’intimé de répondre par oui ou
par non à la question de savoir s’il a acheté ou pris livraison d’un matériel
d’écoute et il répond par l’affirmative. Il précisera que c’est sur ordre de la
hiérarchie.
- A l’issue de la période couverte par l’incapacité, l’intimé sera suspendu
(sans maintien du traitement) puis suspendu dans l’intérêt du service pour
une durée de 6 mois à dater du 1er janvier 2007 et ensuite éloigné du
centre de Naninne (décision du 22 juin 2007). Le rapport d’enquête
conclut en ce sens que « En tout état de cause, [l’intimé] a directement et
concrètement participé au projet et doit donc être sanctionné en
conséquence. S’agissant d’un contractuel, la seule sanction possible est
normalement le licenciement. Toutefois, compte tenu des circonstances
prérappelées, il apparaît qu’en équité, une telle sanction pourrait être
disproportionnée, d’autant que, s’il a commis une faute, [l’intimé] était
soumis aux ordres de M. Th. En conséquence, il est proposé que [l’intimé]
soit déplacé dans un autre emploi du Ministère correspondant à son
niveau ».
- La Communauté contacte les divers services dans lesquels l’intimé
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
7/32
pourrait être réaffecté ; il est informé (cf. courrier du 29 juin 2007) qu’à
défaut, il sera licencié. A chaque courrier, est joint le courrier du 22 juin
2007 par lequel le Secrétaire général rappelle les raisons de la mesure
prise (écoutes) et fait en outre état de reproches plus généraux en ces
termes « votre attitude, au-delà d’un irrespect de la hiérarchie, du mépris,
voire de l’arrogance, à l’égard de vos supérieurs ».
- Il est affecté, avec son accord, à Loverval où il doit se présenter le 3
septembre 2007.
- Il constate que les tâches confiées (tonte de pelouse, réparations) ne
correspondent pas du tout à sa qualification et s’insurge de la situation,
mettant alors la Communauté en demeure, le 10 septembre 2007, de le
réintégrer dans ses fonctions antérieures de responsable du service
informatique.
- Le directeur général y répond le 14 septembre.
- Le 17 octobre 2007, il est licencié, avec effet le lendemain, moyennant
paiement d’une indemnité de 12 mois (30.511 € ou 2.542,58 € par mois),
portée à 19 mois ultérieurement. La motivation est l’absence de tâches à
confier à l’intimé.
- Le 5 juin 2008, la Chambre des mises en accusation de Liège clôture
l’action pénale. Celle-ci aboutit, en ce qui concerne l’intimé, à un non-lieu
partiel et à une suspension du prononcé pour le fait d’avoir installé un
appareil d’écoute.
3. La demande.
Par citation du 22 novembre 2007, l’actuel intimé entend obtenir
la condamnation de la Communauté française à payer une somme de
54.550,279 € (!) au titre d’arriérés de salaire (régularisation), de 31.116,00
€ nets d’indemnité complémentaire de préavis sur la base d’un préavis de
19 mois (sous déduction des sommes versées), de 1 € à titre provisionnel
pour les jours de congés non pris en 2006 et 2007 et de 1 € à titre
provisionnel également au titre d’indemnité pour abus de droit de
licenciement.
Dans ses dernières conclusions, l’intimé reproche à la
Communauté de lui avoir confié une fonction supérieure à celle pour
laquelle il a été engagé et de lui avoir retiré des primes.
-
-
Il chiffre ses demandes (arriérés ou dommages et intérêts) à :
100.000 € pour le préjudice lié à la période antérieure à la
rupture ;
32.000 € d’indemnité complémentaire de préavis ;
1 € provisionnel pour le préjudice subi pour la période de
pension.
En outre, il demande :
les intérêts sur l’indemnité complémentaire de préavis versée
(286,57 €) ;
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
-
8/32
1 € à titre provisionnel pour les congés annuels non pris ;
5.000 € à titre provisionnel pour l’indemnité pour abus de droit
de licenciement.
4. Le jugement.
Le tribunal relève tout d’abord que l’intimé ne réclame plus
d’arriérés de rémunération mais des dommages et intérêts compensant le
dommage causé et qu’il limite la période concernée aux cinq dernières
années.
Il rappelle les principes applicables dans le secteur public aux
agents et aux contractuels en ce qui concerne le droit au traitement et
notamment le fait que la progression pécuniaire est liée au grade reconnu.
En l’espèce, l’actuel intimé a été engagé selon l’échelle 20/1
correspondant au niveau 2, rang 1, devenue l’échelle 200/2 (assistant de
niveau 2 ; 1er rang, groupe de qualification 2). Son traitement correspond
au niveau 2.
Les tâches confiées à l’intimé dépassaient largement celles
d’un aide-technique ou simple assistant puisqu’il a assumé la fonction de
responsable du secteur audiovisuel. Même sa hiérarchie estimait qu’il
devait pouvoir prétendre à l’échelle 220/2 (premier assistant de niveau 2,
rang 3). Le tribunal constate diverses fautes commises par la
Communauté (absence de cadre précis, absence d’offre de possibilités de
désignation avec octroi de la rémunération conforme au travail fourni,
opportunités qui s’offrent aux statutaires et pas aux contractuels ce qui est
une source de discrimination). Les dommages et intérêts sont équivalents
à la différence de traitement (échelle 220/2 et 200/2).
Il retient la prescription de 5 ans (créance non produite).
En ce qui concerne les chiffres, il ordonne la réouverture des
débats pour évaluer le dommage (perte de rémunération, montant de
l’indemnité compensatoire, pension future) mais alloue provisoirement
10.000 € nets.
Il accorde les intérêts de retard sur le complément brut versé
tardivement.
Par contre, il estime que le licenciement n’est pas abusif même
si la façon dont l’intimé a été traité a pu le meurtrir. Le fait de présenter
négativement l’intimé à chaque service dans lequel une tentative
d’affectation a été faite devait aboutir à un refus mais le dommage est
réparé par les dommages et intérêts couvrant la période allant du 1er
janvier 2003 au 17 octobre 2007.
Enfin, en ce qui concerne les jours de vacances non pris à la
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
9/32
date de la rupture, il admet le droit théorique à la compensation lorsque
les jours n’ont pas pu être pris en raison de la suspension de son contrat
tandis que ce droit n’existe pas lorsqu’il y a non-activité. La réouverture
doit aussi porter sur cette question et sur le décompte.
5. Les appels.
La Communauté relève appel au double motif que sa
responsabilité n’est pas engagée en l’absence de faute et de tout droit
pour l’intimé à un traitement supérieur à celui reçu et qu’une
compensation ne peut être allouée pour les congés non pris. Elle
demande la confirmation du jugement en qui concerne l’absence d’abus
de droit de licenciement.
L’intimé entend voir le licenciement être reconnu comme étant
constitutif d’abus de droit.
6. Fondement.
6.1. La rémunération d’un contractuel occupé dans la fonction
publique.
Les textes.
En vertu de l’article 30 de l’arrêté royal du 22 décembre 2000
(remplaçant l’arrêté royal du 26 septembre 1994) fixant les principes
généraux du statut administratif et pécuniaire des agents de l’Etat
applicables au personnel des services des Gouvernements de
Communauté et de Région et des Collèges de la Commission
communautaire commune et de la Commission communautaire française
ainsi qu’aux personnes morales de droit public qui en dépendent, dit
A.R.P.G., :
Les personnes engagées par contrat de travail ont droit à l’échelle de
traitement, au revenu minimum garanti, au pécule de vacances, à
l’allocation de fin d’année et aux indemnités, allocations et primes
équivalents a ceux d’un agent ayant la même fonction ou une fonction
équivalente.
Cette disposition reproduit une disposition figurant déjà à
l’article 9 de l’arrêté du régent du 30 avril 1947 fixant le statut des agents
temporaires.
L’article 4 du contrat de travail de l’intimé mentionne la
rémunération barémique à l’indice pivot 114,20 et précise ensuite : « La
rémunération ainsi fixée est au moins égale au traitement octroyé à un
membre du personnel de l’Etat pour la même fonction ou pour une
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
10/32
fonction analogue ainsi que les augmentations barémiques qui y sont
liées ».
En droit : La situation pécuniaire des contractuels au sein de la
fonction publique.
La Cour de céans a examiné la situation des contractuels et a
statué comme suit :
« Dans la fonction publique, il faut en effet tenir compte que :
- la fonction (sans distinction entre la nature manuelle ou intellectuelle)
correspond à la notion de place occupée dans le cadre et au grade
correspondant à la position de l’agent dans la hiérarchie. En schématisant,
il peut être résumé qu’elle dépend de la vacance d’un emploi, de
l’autorisation de recrutement et du grade auquel accède l’agent à la suite
d’un concours.
- jusqu’à la mise en vigueur des arrêtés royaux des 26 septembre 1994,
l’administration était divisée en 4 niveaux eux-mêmes subdivisés en
rangs.
- la promotion ne constitue pas un droit mais une vocation de l’agent. Elle
est fonction de l’ancienneté ou, pour certaines promotions, dépend de la
réussite d’un examen d’avancement, voire d’un concours d’accession à un
niveau supérieur. Elle dépend donc selon les cas d’un automatisme ou
d’un classement.
Si dans le secteur privé, la détermination des salaires repose
principalement sur la convention des parties pour autant qu’elle respecte
les minima barémiques, la situation dans le secteur public se présente
différemment.
Les traitements y sont fixés par des arrêtés royaux portant statut
pécuniaire1.
L’agent bénéficie de l’échelle correspondant à son grade et à l’intérieur de
l’échelle, au traitement attribué en fonction de son ancienneté pécuniaire.
Le contractuel engagé dans les services publics est dans une situation
hybride dans la mesure où bien qu’étant sous contrat, il se voit attribuer
l’équivalent du traitement auquel peut prétendre l’agent qui exerce la
même fonction, en ce compris les pécules et primes de fin d’année.
Il ne peut pas prétendre non plus à une promotion. De même, il ne peut
pas être rétrogradé sans son accord supposant la conclusion d’un
nouveau contrat. Comme un agent, il est affecté à un poste déterminé
équivalent à celui qui est fixé dans le cadre et au traitement duquel il a
droit. Le traitement est fonction du grade attribué par le contrat et reste
fixé comme tel tant que le contractuel n’est pas nommé ou n’obtient pas
un contrat lui attribuant un grade supérieur.
Sur ce point, la situation des agents et des contractuels est strictement
identique.
En fonction de leur grade, les contractuels sont rattachés aux barèmes
fixés par les arrêtés royaux sans pouvoir invoquer ni la loi du 5 décembre
1
A ce propos, F. MASSON écrit : « L’attribution de la rémunération n’est pas conventionnelle
mais réglementaire, tant pour les agents statutaires que pour les contractuels », in « Parlons
d’argent ! Heurts, bonheurs et malheurs de la protection de la rémunération », Une terre de droit
du travail : les services publics (J. JACQMAIN, dir.), Bruylant, 2005, p.63, spéc. p.71.
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
11/32
1968 sur les conventions collectives et les commissions paritaires […], ni
une disposition qui imposerait à l’Etat de verser au personnel contractuel
qu’il occupe une rémunération correspondant non pas à la fonction pour
laquelle ce personnel a été engagé mais à celle qu’il a remplie
effectivement.
Cette particularité liée à la fonction publique ne peut être écartée par la
référence « aux principes fondamentaux du droit du travail subordonné »,
pas plus que par la référence au contrat dont l’article 8 précise seulement
la rémunération applicable et ajoute qu’elle est majorée ou réduite dans la
même mesure que les traitements du personnel permanent des
administrations par référence à l’indice des prix.
En l’espèce, c’est l’arrêté royal du 4 avril 1975 qui a déterminé l’échelle de
traitement pour l’intimé.
Cet arrêté s’impose en ayant égard au contrat et non à la situation exacte
de la personne occupée.
L’intimé reste en défaut de citer une quelconque autre source de droit qui
lui permettrait de revendiquer une rémunération équivalente à celle d’un
agent d’un niveau supérieur à celui pour lequel il a été engagé mais
correspondant aux prestations effectuées réellement.
Une personne, sous statut ou non, peut dans le secteur public occuper
une fonction supérieure à celle pour laquelle elle a été nommée ou
engagée sans pour autant pouvoir prétendre au traitement correspondant.
C’est en ce sens que se prononce la jurisprudence invoquée par
l’appelant2.
[…]
Par contre, comme indiqué ci-dessus, la remise en cause de l’échelle de
traitement par un contractuel qui a effectué des tâches autres que celles
pour lesquelles il a été engagé n’est pas conforme au droit social de la
fonction publique.
En signant un contrat d’auxiliaire le rattachant à l’échelle 42/3
correspondant à l’agent statutaire de niveau 4 avec la qualification de
métreur (ouvrier qualifié B), l’intimé est lié par cette référence barémique.
Dès lors, c’est à raison que l’appelant soulève le moyen selon lequel
l’intimé a été engagé en qualité d’auxiliaire sous le statut d’ouvrier et ne
peut, même s’il a exercé une fonction autre que celle pour laquelle il a été
engagé, revendiquer un statut et un barème correspondants à cette autre
fonction »3.
Commentant cet arrêt, J. JACQMAIN4 écrit :
« A Liège comme à Bruxelles, les juridictions sont parvenues à une
conclusion inévitable. Dans le secteur privé, la démonstration par le
travailleur que les parties ont donné à leur contrat une exécution différente
de ce que prévoyaient ses clauses, peut justifier une requalification et,
2
Trib. trav. Bruxelles, 12e, ch., 3 décembre 1992, R.G. n°79.696/91 confirmé par Cour trav.
Bruxelles, 3e ch., 7 avril 1995, R.G. n°27.900.
3
Cour trav. Liège, sect. Namur, 13e ch., 27 juin 2002, Chron.D.S., 2002, p.453, obs. J.
JACQMAIN, « Faire fonction d’employé ? » et Rev. rég. dr., 2002, p.525.
4
J. JACQMAIN, « Faire fonction d’employé ? », obs. sous Cour trav. Liège, sect. Namur, 13e ch.,
27 juin 2002, Chron.D.S., 2002, p.453. Voir aussi F. MASSON, « Parlons d’argent ! Heurts,
bonheurs et malheurs de la protection de la rémunération », Une terre de droit du travail : les
services publics, op. cit., p.75.
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
12/32
notamment, l’application d’un autre barème conventionnel. C’est
impossible dans le secteur public, où la conclusion du contrat entraîne le
rattachement du travailleur à une fonction d’où découle le barème
réglementaire qu’obtiendrait l’agent statutaire en raison du grade lié à
cette fonction. Seule une modification du contrat permettrait,
éventuellement, de remettre la situation en ordre. C’est évidemment une
voie béante pour les abus ». Et l’auteur de suggérer, en ce qui concerne
les contractuels, le recours à l’article 20, 1° de la loi du 3 juillet 1978 et la
réclamation de dommages et intérêts.
Si le tribunal du travail de Bruxelles a admis l’octroi de la
différence de rémunération en fonction des barèmes applicables selon la
fonction convenue et la fonction exercée, cette conclusion a été critiquée
par la doctrine5.
D’autres décisions jurisprudentielles s’en sont strictement
tenues à la rémunération convenue6. Selon le cas et en fonction de ce qui
leur était demandé, elles ont ou non accordés des dommages et intérêts
en réparation du dommage causé.
Il faut également tenir compte, dans le secteur public, de la « loi
du changement » selon laquelle rien n’empêche l’autorité publique « de
modifier unilatéralement certaines règles qui auront un effet sur les
engagements contractuels ou statutaires en cours. Sous réserve du
respect des formalités qui régissent l’adoption de nouvelles normes, ces
changements ne peuvent être critiqués sur le plan de la légalité »7. C’est
ainsi qu’en matière de rémunération, la mise en œuvre de la « loi du
changement » permet à l’employeur de « modifier le statut et les
dispositions qui régissent les droits et devoirs des travailleurs de la
fonction publique »8.
En l’espèce : la situation de l’intimé.
L’intimé est bien conscient qu’il ne peut obtenir des arriérés de
rémunération.
Après avoir revendiqué de tels arriérés, il modifie sa demande
et la fonde sur l’octroi de dommages et intérêts qu’il évalue, pour
l’essentiel, à la différence entre la rémunération perçue et celle à laquelle
il aurait pu prétendre si un nouveau contrat avait été conclu et si la
rémunération avait été adaptée à ses nouvelles fonctions.
5
Trib. trav. Bruxelles, 14 mai 2003, Chron.D.S., 2005, p.237, obs. J. JACQMAIN, « Mélanger les
torchons et les dossiers ».
6
Cour trav. Liège, sect. Namur, 13e ch., 10 juin 2004, R.G. n°7.248/02 ; Cour trav. Liège, 9e ch.,
19 décembre 2006, Rev. rég. dr., 2006, p.378 ; Cour trav. Bruxelles, 16 janvier et 11 septembre
2007, Chron.D.S., 2008, p.167, obs. J. JACQMAIN, « Un paradis patronal ? » ; Cour trav.
Bruxelles, 19 mars 2009, J.T.T., 2009, p.284.
7
F. MASSON, « Parlons d’argent ! Heurts, bonheurs et malheurs de la protection de la
rémunération », Une terre de droit du travail : les services publics, op. cit., p.73.
8
Même auteur, p.74.
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
13/32
Il faut, à ce point de l’analyse, constater que l’intimé était sans
droit pour revendiquer une revalorisation de son traitement tant qu’un
nouveau contrat n’était pas signé.
6.2. La mise en cause de la responsabilité de la Communauté
française.
Les parties sont en désaccord sur le contenu des fonctions
exercées par l’intimé, sur la (les) faute(s) commise(s) par la Communauté
ainsi que sur l’existence et a fortiori sur la hauteur du dommage.
6.2.1. Sur la nature des fonctions exercées.
En instance, la Communauté plaidait (cf. ses 2 conclusions de
synthèse) que « la compétence principale de (l’actuel intimé) étant
l’informatique, il est normal qu’une partie des missions qui lui furent
confiées aient été en lien direct avec son aptitude première. Bénéficier
d’une telle compétence était non seulement profitable au centre de prêt de
Naninne mais permettait également à (l’intimé) de se rendre utile et
d’appuyer ainsi ses revendications salariales ».
Toute l’argumentation s’appuyait sur l’absence de droit à une
rémunération supérieure.
En degré d’appel, la Communauté remet en cause la nature
des fonctions exercées.
S’il est exact que par période, l’intimé a refusé de poursuivre
ses fonctions au vu du peu de considération qu’il en retirait, et donc s’il est
exact que pour des périodes déterminées limitées dans le temps, il n’a
pas exercé de fonctions supérieures, il n’empêche qu’il est avéré par les
nombreux éléments du dossier9 que l’intimé a été amené à travailler tant à
Bruxelles qu’à Naninne non pas seulement pour s’occuper de la
maintenance des appareils audiovisuel mais pour gérer ce service
informatisé au fil du temps, même si à un moment donné, il sera,
théoriquement ou non (la Cour n’a pas à s’appesantir sur le rôle de ce
service), chapeauté par l’ETNIC, service extérieur.
Les tâches confiées par le contrat d’engagement ont donc été
largement dépassées. Apporter une aide technique, ce n’est pas gérer un
service audiovisuel et moins encore informatique.
Il est inutile d’examiner quelle fut la fonction exercée avant
2002 puisque la demande porte sur la période débutant le 27 novembre
2002.
9
Cf. l’énoncé des faits et les multiples interventions de ses supérieurs notamment pour qu’une
solution soit trouvée sur le plan pécuniaire. Le titre de l’intimé, responsable de l’informatique ou
de l’audiovisuel, est notamment repris en juillet et août 2002 ainsi qu’en janvier 2003.
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
14/32
Depuis lors, il n’est pas sérieusement contestable que l’intimé a
bien géré le service audiovisuel de Naninne et s’occupait de l’informatique
du centre de prêt.
6.2.2. Sur les fautes commises par la Communauté et leur
conséquence.
6.2.2.1. Les textes.
L’article 20, 1° et 3° de la loi du 3 juillet 1978 relative aux
contrats de travail prévoit :
L’employeur a l’obligation :
1° de faire travailler le travailleur dans les cond itions, au temps et au lieu
convenus, notamment en mettant à sa disposition, s’il y échet et sauf
stipulation contraire, l’aide, les instruments et les matières nécessaires à
l’accomplissement du travail.
[…]
3° de payer la rémunération aux conditions, au temp s et au lieu convenus.
Selon, les articles 1134, 1382 et 1383 du Code civil,
Article 1134
Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont
faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou
pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Article 1382
Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige
celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.
Article 1383
Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par
son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
6.2.2.2. Leur interprétation.
L’obligation dont question à l’article 20, 1° de l a loi du 3 juillet
1978 est distincte de celle visée au 3° de payer la rémunération. Elle vise
l’obligation de faire travailler dans les conditions convenues et est
susceptible de déboucher, en cas d’inobservation, sur l’octroi de
dommages et intérêts10.
Par ailleurs, tout employeur public ou privé qui commet une
faute engage sa responsabilité à l’égard de son travailleur.
L’indemnisation ne trouve un tempérament qu’en matière de risques
professionnels. Le fait de ne pas exécuter la convention de bonne foi peut
constituer cette faute et entraîner la responsabilité de son auteur.
10
M. JAMOULLE, Le contrat de travail, tome II, Fac. Dr. Liège, 1986, p.66, n°54
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
15/32
Jugé11 que l’Etat commet une faute en maintenant en service
un travailleur contractuel en lui confiant des fonctions, toujours plus
importantes, largement supérieures à celles pour lesquelles il a été
engagé alors qu’il n’organise pas la promotion des agents contractuels
afin de leur permettre d’obtenir une désignation formelle conforme aux
prestations fournies bien que la promotion soit envisageable.
Ce n’est pas parce que la loi est strictement respectée qu’une
faute ne peut pas être commise.
Le principe général de droit de l’enrichissement sans cause ne
paraît par contre pas être une source de droit applicable dès lors que la loi
elle-même est la cause de l’enrichissement et de l’appauvrissement12. La
législation permet à l’employeur public d’occuper au travail un contractuel
même s’il l’est dans des fonctions supérieures à celles pour lesquelles il a
été occupé. Il reste donc à déterminer s’il y a en une telle hypothèse
existence d’une faute et dans quelles conditions.
6.2.2.3. Leur application en l’espèce.
a) Les obligations mises à charge de l’employeur.
La Communauté a l’obligation de faire travailler le travailleur
dans les conditions convenues et de payer la rémunération sur laquelle
les parties se sont accordées.
La rémunération convenue a été payée. Par contre, l’intimé n’a
pas été occupé dans les conditions convenues.
Il faut alors apprécier si cette occupation en-dehors des
conditions convenues est constitutive de faute.
b) La responsabilité de l’employeur, personne publique.
Quelles sont les fautes qu’aurait commises la Communauté à
l’égard de l’intimé ?
Celui-ci invoque :
- le fait de l’avoir contraint à exercer des fonctions nettement supérieures
à celles pour lesquelles il a été engagé, sans lui donner la possibilité
d’avoir le titre et la rémunération attachés à pareille fonction en l’absence
de formation et d’examen de promotion.
- le retrait, sans contrepartie équivalente, de l’avantage acquis ayant
compensé ce supplément de charges.
- le fait de l’avoir écarté de la promotion possible à l’ETNIC (ancien CTI).
11
Cour trav. Bruxelles, 16 janvier et 11 septembre 2007, Chron.D.S., 2008, p.167, obs. J.
JACQMAIN, « Un paradis patronal ? ».
12
Cf. B. DE CONINCK, « A titre subsidiaire, l’enrichissement sans cause », in La théorie
générale des obligations, suite, CU.P., vol.57, 2002, p.49, spéc. p.64.
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
16/32
- le fait de ne pas lui avoir payé l’allocation de fonctions informatiques.
b.1) Les fonctions et le retrait de l’indemnité.
L’intimé est technicien A2 électronicien et est engagé pour
réparer le matériel audiovisuel. Il sera rapidement amené à gérer le
service technique et plus tard le service informatique.
Il va bénéficier de primes pour compenser la différence de
revenus espérée. Ensuite, ces primes lui seront retirées et il ne
bénéficiera plus que du traitement de départ.
Il est un fait que l’intimé a été amené à exercer (et même obligé
de s’y plier) des fonctions nettement supérieures à celles pour lesquelles il
a été engagé.
La Communauté n’hésite pas, contre les éléments du dossier et
avec une mauvaise foi surprenante, à soutenir que l’intimé « se
complaisait à organiser au maximum son indispensabilité, veillant pendant
tout le cours de son contrat de travail, à ne pas partager ses
connaissances et à s’approprier des tâches non expressément attribuées
par l’autorité en place » alors que son directeur l’a obligé à assumer la
fonction de responsable du service informatique du centre de prêt, même
quand l’intimé ne voulait plus continuer à s’en préoccuper lorsqu’il était
lassé des promesses non tenues de revalorisation barémique.
Au demeurant, la Communauté écrit par ailleurs, en s’appuyant
sur l’article 5 de l’arrêté du Gouvernement de la Communauté française
du 22 juillet 1996 qui dispose que « les fonctionnaires généraux […] ont
pour devoir de veiller, par une gestion adéquate des membres du
personnel […] à ce que les missions dévolues […] soient remplies au
mieux », que la fonction de l’intimé a pu éminemment varier au cours du
temps dans le cadre de la gestion efficace des ressources humaines et
que « la situation difficile du centre de prêt explique que les agents
n’étaient pas strictement limités dans leur monographie de fonction, tous
s’étant accordés quant au maintien d’une solidarité fonctionnelle en vue
de le redynamisation du centre dépourvu de moyens humains, matériels
et financiers ».
C’est là reconnaître que certains agents et contractuels du
centre ont nécessairement dû exercer des activités supérieures aux leurs
afin de pallier à l’impécuniosité de la Communauté. Les éléments du
dossier montrent clairement que l’intimé est en tout cas l’un de ces
contractuels dont les fonctions ont été nettement supérieures à celles
convenues et non pas seulement adaptées à l’évolution technologique.
L’intimé n’était pourtant, ainsi qu’il a été vu supra, pas en droit
d’obtenir le paiement d’une rémunération supérieure à celle convenue, ni
en droit d’obtenir le paiement de primes illégales, même si elles lui ont été
accordées pendant plusieurs années. Il ne peut y avoir là droits acquis à
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
17/32
un « avantage ».
Par contre, il est évident que la réalisation par l’intimé de
fonctions supérieures à celles pour lesquelles il a été engagé n’a pas été
compensée par une promotion et par la rémunération supérieure
correspondante.
Si, comme le soutient la Communauté, l’intimé n’était pas dans
les conditions permettant l’octroi d’une promotion (réservée aux seuls
statutaires : cf. la réponse au courrier du 26 novembre 2001), le fait de le
laisser pendant autant d’années exercer une activité aussi éloignée de
celle contractuellement convenue est constitutif de faute.
Si on peut admettre qu’à titre temporaire, il lui ait été demandé
de remplir une telle fonction, en aucun cas il ne peut être toléré que ce soit
de manière permanente. Il s’agit là d’un détournement volontaire des
conditions convenues.
La Communauté pouvait, ce n’est qu’une question de volonté
politique, créer un poste adapté à la fonction et si l’intimé remplissait les
conditions, l’engager et dans le cas contraire, confier le poste en question
à une autre personne et alors laisser l’intimé se contenter de remplir les
fonctions qui sont réellement les siennes.
Elle n’avait par contre pas à accorder le barème 2+ puisque les
conditions requises n’étaient pas réunies (pas de graduat, pas de poste
vacant). A cet égard, l’intimé ne peut prétendre y avoir droit en
contournant la législation grâce à sa désignation comme expert ou chargé
de mission. La Cour ne peut cautionner une telle interprétation des textes,
fût-elle-même occasionnellement mise en œuvre comme l’a été aussi
l’attribution à l’intimé d’une indemnité couvrant des frais inexistants.
Il faut cependant relever qu’en 1994 déjà, une circulaire
précisait que « les agents engagés ou recrutés au niveau 2 et qui
possèdent un diplôme donnant accès au niveau 2+, passeront du niveau 2
au niveau 2+ de fait, lorsqu’ils occupent une fonction correspondante ; les
agents qui ne possèdent pas le diplôme donnant accès au 2+, se verront
offrir la possibilité d’y accéder par un examen spécifique. En cas de nonréussite, ces agents resteront au niveau 2, dans un cadre d’extinction.
Malgré son appellation, le niveau 2+ n’est pas à considérer comme un
niveau supérieur au niveau 213 […]. Le 2+ correspond à une spécialisation
sanctionnée par un diplôme spécifique ».
Le passage d’un niveau à l’autre était donc automatique pour
ceux qui étaient dans les conditions de diplôme tandis que les autres
devaient passer des examens spécifiques (et bien évidemment les réussir
même si la circulaire ne le précise pas expressis verbis). La Communauté
n’établit pas qu’elle a organisé les examens dont il est question dans la
13
On ne peut qu’être surpris de cette affirmation alors qu’en 2001, il sera écrit qu’il s’agit d’une
fonction de promotion : cf. la réponse au courrier du 26 novembre 2001.
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
18/32
circulaire et elle n’a donc pas permis à l’intimé d’obtenir le niveau 2+
auquel il aspirait. Il s’agit là aussi d’une faute commise.
La faute consiste donc à avoir confié à l’intimé pendant des
années des tâches supérieures à celles pour lesquelles il a été engagé et
payé et simultanément soit à ne pas avoir organisé de formations pour lui
permettre de rentrer dans les conditions d’octroi d’une fonction avec une
rémunération supérieure à la sienne, soit à ne pas avoir créé un poste
adapté à la fonction exercée (grade de promotion de 1er assistant) dans
lequel il pouvait être engagé s’il remplissait les conditions pour y être
désigné, puisque dans le cas contraire, si le poste était confié à une autre
personne, il n’y aurait plus eu de faute dès lors que l’intimé aurait repris
ses fonctions.
En rétribuant alors l’intimé selon les nouvelles fonctions
auraient été les siennes, il ne pouvait y avoir de discrimination avec
autres agents ou contractuels. La prise en compte de la situation
l’intimé n’aurait, dans ces conditions, pas été elle-même source
discrimination à l’égard de collègues de travail.
qui
les
de
de
Par contre, en négligeant de se préoccuper de la situation de
l’intimé pendant autant d’années, la Communauté ne s’est pas comportée
comme une personne responsable, normalement raisonnable et prudente.
b.2) L’écartement de la promotion possible à l’ETNIC.
L’intimé a posé sa candidature et n’a pas été retenu.
Il disposait de la possibilité d’attaquer la nomination de son
concurrent devant le Conseil d’Etat et ne l’a pas fait.
Il ne peut reprocher à la Communauté de ne pas l’avoir nommé
à cette fonction pour laquelle il aurait, s’il avait été retenu, obtenu une
échelle barémique d’informaticien d’exploitation. Il n’établit pas la faute
qu’aurait commise la Communauté.
Il semble évoquer une sorte de complot ourdi contre lui mais ne
le démontre pas. Aucune faute ne peut être retenue.
b.3) L’allocation informatique.
Le texte.
L’arrêté du 7 mars 2002 du Gouvernement de la Communauté
française octroyant une allocation pour l’exercice de fonctions
informatiques à certains membres du personnel des Services du
Gouvernement de la Communauté française et des organismes d’intérêt
public relevant du Comité de secteur XVII prévoit :
Article 1er :
Le présent arrêté s’applique aux membres du personnel statutaire et
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
19/32
contractuel des niveaux 1, 2+, 2 et 3 […].
Article 2 :
Une allocation est accordée aux membres du personnel visés à l’article 1er
chargés de tâches informatiques […].
Article 3 :
Les membres du personnel visés à l’article 1er doivent être titulaires d’un
des grades suivants ou exercer des fonctions y correspondant en
exécution de leur contrat de travail :
[…]
Assistant ou assistant principal (catégorie : administratif – groupe de
qualification 2).
Ils doivent faire l’objet d’une évaluation favorable.
Article 4 :
Sans préjudice de l’article 6, chaque membre du personnel figurant sur la
liste visée à l’article 5 reçoit, mensuellement, pour autant qu’il ait exercé
sans interruption durant le mois d’activité des tâches informatiques […] et
que, durant la même période, il n’ait pas bénéficié d’indemnités pour
l’exercice d’une fonction supérieure, une allocation dont le montant est fixé
à 12,5 % de son salaire mensuel brut. […].
Article 5 :
Le Secrétaire général […] et les fonctionnaires dirigeants […] établissent
mensuellement […] la liste des membres du personnel visés à l’article 3
qui exercent les tâches reprises à l’article 2, alinéa 2. […]. Cette liste est
visée par l’Inspection des Finances.
Cet arrêté est abrogé par l’arrêté du 3 octobre 2002 entré en
vigueur le 28 novembre 2002, sauf pour les membres de l’ETNIC (cf.
articles 10 et 14 de l’A.C.F.).
Les membres du personnel non transférés à l’ETNIC continuent
à bénéficier de l’indemnité pendant deux ans : la première année à 100%
et la seconde à 50% (cf. article 10 de l’arrêté du 3 octobre 2002).
Le droit à l’allocation.
L’intimé était rémunéré à l’échelle 200/2 en tant que « assistant
de niveau 2, 1er rang, groupe de qualification 2 ».
Il rentre dans la liste des bénéficiaires potentiels visés à l’article
3.
Par contre, il n’a pas perçu l’allocation vraisemblablement parce
qu’il n’a pas figuré sur la liste dont il est question à l’article 5 et aussi parce
qu’il n’a pas demandé à en bénéficier, du moins ne dépose-t-il pas de
document en ce sens alors que, ainsi qu’il ressortit de nombreuses pièces
de son dossier, il n’a pas manqué de revendiquer par écrit pendant des
années une revalorisation de son traitement.
Dans ses conclusions, l’intimé demande que la Communauté
s’explique sur les raisons pour lesquelles il n’a pas bénéficié de
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
20/32
l’allocation. Il n’en demande cependant pas le paiement.
De son côté, la Communauté ne s’explique pas dans ses
conclusions, lesquelles n’abordent pas cette question.
Il convient donc d’ordonner la réouverture des débats afin que
la Communauté s’explique sur les raisons pour lesquelles l’intimé n’a pas
été placé sur la liste des bénéficiaires de l’allocation et qu’elle précise à
quel montant mensuel l’intimé aurait eu droit si le bénéfice de l’allocation
lui avait été reconnu et pendant combien de mois, il y aurait eu droit.
La question de la prescription peut éventuellement se poser, la
demande ayant été, apparemment, introduite par conclusions déposées le
25 février 2011.
Si l’intimé n’invoque le non-paiement de l’allocation que comme
faisant partie de son dommage dont il demande réparation, il conviendrait
qu’il le précise clairement. Rappelons que l’allocation n’est pas cumulable
avec l’octroi d’une indemnité pour exercice d’une fonction supérieure.
6.2.3. Sur le dommage subi.
Ainsi qu’il a été démontré supra, l’intimé ne peut revendiquer le
droit à la rémunération non versée.
Le dommage subi par le fait que la rémunération ne lui ait pas
été allouée ne doit donc pas consister nécessairement en l’équivalent de
la rémunération perdue.
Il est impossible d’affirmer que l’intimé aurait nécessairement
réussi les formations, pas plus que d’être certain que si le poste adapté
avait été créé, c’est sur lui que se serait posé le choix de la Communauté.
Dès lors, il ne peut y avoir que la perte d’une chance14. Le lien
entre ce dommage et la faute est incontestable : si la faute décrite cidessus n’avait pas été commise, le dommage ainsi circonscrit n’aurait pas
été subi.
Dans ces conditions, la Cour ne peut chiffrer le dommage avec
précision. Il convient d’avoir recours à l’évaluation ex aequo et bono.
Pour pouvoir procéder à une telle évaluation, la Cour doit
disposer des éléments suivants :
a) quel aurait été le montant net de la rémunération, en ce compris les
primes et pécules (à comparer avec le traitement versé), dont l’intimé
aurait pu bénéficier à l’échelle 220/2 durant la période allant du 1er janvier
2003 au 17 octobre 2007 s’il y avait eu droit ?
b) quel aurait été le montant net de la rémunération à l’échelle 270/3
14
Voir à ce sujet les conclusions de l’avocat général Werquin précédant Cass., 1er avril 2004, Pas.,
2004, p.527.
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
21/32
(niveau 2+), avec les primes et pécules, pour la même période ?
c) quel aurait été le montant net de l’allocation informatique si l’intimé
l’invoque comme étant un élément de son dommage (cf. supra).
Une réouverture des débats est ordonnée à cette fin à charge
pour la Communauté de fournir ces renseignements et aux parties de
débattre de la hauteur du dommage.
Tout autre point de comparaison est inadéquat et la Cour
n’entre pas dans les discussions sans fin des parties à ce propos. Il
importe également peu que les personnes ayant été engagées
ultérieurement au centre de prêt l’aient été à un barème autre que le 220/2
dès lors que leurs fonctions ne correspondent pas à celles exercées
effectivement par l’intimé.
6.3. L’indemnité complémentaire de préavis et l’incidence sur la
pension.
L’intimé ne peut prétendre à une indemnité compensatoire et
complémentaire de préavis englobant une revalorisation barémique dès
lors qu’il ne peut, comme indiqué ci-dessus, justifier du droit à la
rémunération mais à des dommages et intérêts.
Par contre, le dommage dont il est question ci-dessus doit
englober la période de 19 mois couverte par ces indemnités.
Il en va de même de l’incidence de l’octroi d’une rémunération
inférieure à celle due sur le montant de la pension. Il ne faut cependant
pas perdre de vue que le montant de la rémunération pris en compte pour
le calcul de la pension est plafonné (cf. A.R. n°50 du 24 octobre 1967,
article 7).
Par contre, les intérêts de retard sur le montant (brut) payé
tardivement sont dus. L’appel ne porte pas sur cette question qui n’a été
litigieuse que devant le 1er juge.
6.4. La récupération de congés non pris avant la fin du contrat.
6.4.1. La demande.
L’intimé soutient qu’il pouvait prendre en 2006 un solde de 12
jours et demi de vacances de 2005 à majorer des 26 de 2006 (plus 2 jours
et demi « compensatoires ») soit 41 jours alors qu’il n’en a pris que 34
sans pouvoir prendre le solde de 7 jours avant la fin de l’année en telle
sorte qu’il demande un pécule complémentaire que la Communauté
devrait calculer et lui payer.
Rappelons que l’intimé a été suspendu (sans maintien du
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
22/32
traitement) dans le courant du mois de décembre 2006 puis suspendu
dans l’intérêt du service pour une durée de 6 mois à dater du 1er janvier
2007. L’intimé ne demande cependant pas de pécules pour l’année 2007,
année durant laquelle il a été en non-activité.
6.4.2. Les textes.
En droit international.
La Convention du 24 juin 1970 concernant les congés annuels
payés adoptée à Genève, applicable « à toutes les personnes employées,
à l’exclusion des gens de mer » (art. 2), traite du délai dans lequel les
congés annuels doivent être octroyés et pris, ainsi que du sort du solde
des congés non pris et de tout accord portant sur l’abandon du droit à ces
congés.
L’article 12 de cette Convention dispose :
« Tout accord portant sur l’abandon du droit au congé annuel payé
minimum prescrit au paragraphe 3 de l’article 3 de la présente Convention
ou sur la renonciation audit congé, moyennant une indemnité ou de toute
autre manière, doit, selon les conditions nationales, être nul de plein droit
ou interdit ».
Cette Convention a été ratifiée par la loi du 9 mars 200315.
En droit européen.
L’article 1er de la directive 2003/88/CE du Parlement européen
et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de
l'aménagement du temps de travail prévoit :
« Objet et champ d’application
1. La présente directive fixe des prescriptions minimales de sécurité et de
santé en matière d’aménagement du temps de travail.
2. La présente directive s’applique:
a) aux périodes minimales […] de congé annuel […] ».
L’article 7 de cette directive est libellé comme suit :
« Congé annuel
1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout
travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines,
conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les
législations et/ou pratiques nationales.
2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par
une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail ».
En vertu de son article 3, la directive « s’applique à tous les
secteurs d’activités, privés ou publics, au sens de l’article 2 de la directive
15 Voir J. JACQMAIN, « Congés payé et services publics – Ratification de la Convention n°132
de l’O.I.T. Concernant les congés annuels payés : incidence dans les services publics »,
Chron.D.S., 2004, p.241.
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
23/32
89/391/CEE, sans préjudice des articles 14, 17, 18 et 19 de la présente
directive ».
L’article 17 de la directive 2003/88 prévoit que les États
membres peuvent déroger à certaines dispositions de cette directive.
Aucune dérogation n’est admise à l’égard de l’article 7 de ladite directive.
Cette directive a remplacé en la coordonnant la directive
93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 concernant certains aspects
de l'aménagement du temps de travail. Toutefois, les textes sont
identiques. Ainsi, l’article 7 de la directive est resté inchangé. La
jurisprudence antérieure de la Cour de Justice reste donc d’actualité et
celle postérieure relative à la directive 2003/88 peut s’appliquer au texte
identique de la directive qu’elle a remplacée.
Les normes de droit interne.
L’article 9 de la loi du 14 décembre 2000 fixant certains aspects
de l’aménagement du temps de travail dans le secteur public énonce :
« Les travailleurs ont droit à un congé annuel de vacances payé dont la
durée minimale est de vingt-quatre jours ouvrables pour des prestations
complètes.
La période minimale de congé annuel de vacances payé ne peut être
remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de
travail ».
Relevons que le règlement en vigueur réglant les prestations et
congés des centres de prêts précise que « si en fin d’année, tous les
congés ne sont pas épuisés, ils sont reportés à l’année suivante et doivent
obligatoirement être pris avant le 1er septembre de cette année ».
6.4.3. Leur interprétation.
Le régime des vacances annuelles des travailleurs salariés
n’est pas applicable aux contractuels de la fonction publique16.
La Cour de Justice des Communautés européennes a, sur
question préjudicielle, jugé que :
« L’article 7 de la directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993,
concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, telle
que modifiée par la directive 2000/34/CE du Parlement européen et du
Conseil, du 22 juin 2000, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce
qu’une disposition nationale permette, pendant la durée du contrat de
travail, que les jours d’un congé annuel au sens du paragraphe 1 de cet
article 7 qui ne sont pas pris au cours d’une année donnée soient
remplacés par une indemnité financière au cours d’une année
ultérieure »17.
16
Cass., 6 novembre 2000, Pas., 2000, p.1691.
C.J.C.E., 6 avril 2006, affaire C-124/05, Federatie Nederlandse Vakbeweging c/ Staat der
Nederlanden.
17
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
24/32
Par arrêt du 20 janvier 200918, la Cour de Justice des
Communautés européennes a décidé que :
« L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement
européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains
aspects de l’aménagement du temps de travail, doit être interprété en ce
sens qu’il ne s’oppose pas à des dispositions ou à des pratiques
nationales selon lesquelles un travailleur en congé de maladie n’est pas
en droit de prendre un congé annuel payé durant une période incluse
dans un congé de maladie.
L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 doit être interprété en ce
sens qu’il s’oppose à des dispositions ou à des pratiques nationales qui
prévoient que le droit au congé annuel payé s’éteint à l’expiration de la
période de référence et/ou d’une période de report fixée par le droit
national même lorsque le travailleur a été en congé de maladie durant tout
ou partie de la période de référence et que son incapacité de travail a
perduré jusqu’à la fin de sa relation de travail, raison pour laquelle il n’a
pas pu exercer son droit au congé annuel payé.
L’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 doit être interprété en ce
sens qu’il s’oppose à des dispositions ou à des pratiques nationales qui
prévoient que, lors de la fin de la relation de travail, aucune indemnité
financière de congé annuel payé non pris n’est payée au travailleur qui a
été en congé de maladie durant tout ou partie de la période de référence
et/ou d’une période de report, raison pour laquelle il n’a pas pu exercer
son droit au congé annuel payé. Pour le calcul de ladite indemnité
financière, la rémunération ordinaire du travailleur, qui est celle qui doit
être maintenue pendant la période de repos correspondant au congé
annuel payé, est également déterminante ».
Par cet arrêt, la Cour ouvre le droit à une indemnité financière
correspondant à la rémunération ordinaire du travailleur lorsque les jours
de congé n’ont pas pu être pris à l’issue de la période de référence
notamment parce que les relations de travail prennent fin à l’issue d’une
incapacité de travail ayant perduré durant tout ou partie de la période de
référence ou d’une période de report19.
Les règles internes qui ne prévoient pas cette indemnisation
doivent être écartées.
Par conséquent, un agent, qu’il soit statutaire20 ou contractuel,
qui n’a pas pu prendre les journées de vacances auxquelles il a droit
avant la fin du contrat peut prétendre à la rémunération y afférente sous
forme d’indemnités.
Le fait que la Communauté n’ait pas édicté de règle
18
C.J.C.E., 20 janvier 2009, aff. C-350/06 et 520/06.
Cf. M. MORSA, « La réglementation en matière de vacances annuelles du secteur privé à la
lumière de la jurisprudence récente de la Cour de justice des Communautés européennes », J.T.T.,
2009, p.97.
20
Cour trav. Liège, 29 juin 209, Chron.D.S., 2010, p.29.
19
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
25/32
comparable à l’article 12, §2 de l’arrêté royal du 19 novembre 1998
applicable au niveau fédéral ne la dispense nullement de ne pas respecter
les dispositions supranationales et de se retrancher derrière l’absence de
texte prévoyant l’obligation de payement des jours de congé non pris lors
de la cessation de fonction.
6.4.4. Leur application en l’espèce.
Il convient que la Communauté calcule le montant revenant à
l’intimé pour les jours de congés non pris en 2006 avant la cessation du
contrat et que l’intimé n’a pas pu prendre du fait de la suspension de celuici (maladie jusqu’en fin d’année 2006), ni reporter en 2007 du fait de la
suspension de son contrat pour raison disciplinaire.
La réouverture des débats doit également porter sur cette
question.
6.5. L’indemnité pour abus de droit de licenciement.
6.5.1. En droit
Si l’ouvrier peut en cas de licenciement se prévaloir d’une
présomption du caractère abusif de celui-ci et voit en outre la hauteur de
son dommage être fixée forfaitairement, l’employé, par contre, doit non
seulement établir l’existence d’une faute dans le chef de son employeur
mais également un dommage spécifique21 et un lien de causalité entre la
faute et le dommage.
L’indemnité compensatoire de préavis couvre de manière
forfaitaire l’intégralité du dommage matériel et moral qui découle de la
rupture irrégulière22.
« L’employé licencié qui se prétend victime d’un licenciement
abusif ne saurait se contenter d’invoquer que celui-ci s’appuie sur des
motifs non avérés, voire des motifs inexistants, mais doit apporter la
preuve certaine que l’acte juridique qu’est la rupture est concrètement
constitutif d’abus de droit, soit qu’il est totalement disproportionné par
rapport à l’intérêt servi, soit qu’il est révélateur d’une intention de nuire,
soit qu’il détourne le droit de sa fonction sociale, soit encore qu’il révèle un
comportement anormal, et qu’il est par ailleurs générateur dans son chef
d’un préjudice distinct de celui que répare forfaitairement l’indemnité
compensatoire »23.
« Le caractère abusif du licenciement d’un employé ne se
21
Cf. Cass., 19 février 1975, Pas., I, p. 622.
Cass. 7 mai 2001, J.T.T., 2001, p.410, obs. Cl. WANTIEZ, « Le caractère forfaitaire de
l'indemnité de préavis – La portée de l'interruption de la prescription ».
23
Cour trav. Mons, 3e ch., 10 septembre 1992, R.G. n°8317 et 21 avril 1994, J.L.M.B., 1994, p.
1409.
22
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
26/32
déduit ni de l’absence de motivation de celui-ci, ni, le cas échéant, de
l’inexactitude du motif invoqué »24 mais « des circonstances dans
lesquelles il intervient »25.
Deux auteurs26 ont catalogués 8 critères : l’intention de nuire, la
légèreté blâmable, le détournement du droit de licencier de sa finalité
économique et sociale, l’absence de motif légitime de congé, l’exercice
anormal du droit de licencier, les mesures de représailles de l’employeur,
les circonstances qui entourent le licenciement et l’absence de
proportionnalité. « Dans la construction de la théorie de l’abus de droit sur
la base du critère de proportionnalité, ce n’est plus l’intention de nuire qui
est constitutive d’abus ; ce n’est plus le dépassement [manifeste27] de
l’usage du droit qui est sanctionné mais c’est la disproportion entre
l’avantage de l’un et le préjudice de l’autre »28.
L’exercice du droit de rupture peut être constitutif d’abus s’il
dépasse les limites de l’exercice normal que doit en faire un employeur
normalement prudent et diligent29.
Il est de jurisprudence constante que l’employeur est seul juge
des nécessités de l’entreprise, les tribunaux n’ayant pas à s’immiscer
dans la gestion de celle-ci30.
L’absence préalable d’audition du travailleur ne rend pas le
licenciement abusif sauf si les circonstances de l’espèce auraient dû
contraindre l’employeur à avoir recours à cette mesure d’instruction31.
Il a aussi été jugé que lorsque l’employeur est un service public,
il ne peut prendre à l’égard de son personnel, même contractuel, une
mesure grave en raison du comportement de l’intéressé, telle la rupture du
contrat, sans respecter le principe général de droit d’être entendu au
préalable (« Audi alteram partem »)32.
24
Cour trav. Bruxelles, 21 avril 1993, J.T.T., 1994, p. 82.
Cour trav. Liège, 4e ch., 3 novembre 1994, R.G. n°21.484.
26
V. VANNES et L DEAR, La rupture abusive du contrat de travail. Théorie et applications,
Bruylant, 2011, p.431, n°463.
27
L’exercice du droit doit être raisonnable et non plus manifestement raisonnable : V. VANNES et
L DEAR, La rupture abusive du contrat de travail. Théorie et applications, p.22, n°11 ainsi que
pp.41 et s., n°23 à 27.
28
V. VANNES et L DEAR, La rupture abusive du contrat de travail. Théorie et applications,
p.62, n°41.
29
Cf. Cass., 12 décembre 2005, J.T.T., 2006, p.155 et Chron.D.S., 2007, p.39.
30
Cour trav. Liège, 19 novembre 1996, Chron.D.S., 1998, p. 67 ; Cour trav. Liège, sect. Namur,
12e ch.,19 avril 1999, R.G. n°5498 ; Cour trav. Mons, 23 décembre 1994, J.L.M.B., 1996, p. 1422
et J.T.T., 1995, p. 141.
31
V. VANNES et L DEAR, La rupture abusive du contrat de travail. Théorie et applications,
p.539, n°589. La Cour du travail de Bruxelles a ainsi considéré dans un cas particulier que
l’audition s’imposait tout à la fois parce qu’elle est prévue au règlement organique du C.P.A.S.
mais aussi parce que les circonstances de fait de la cause l’exigeaient : Cour trav. Bruxelles, 4e ch.,
7 juillet 2009, R.G. n°49.838.
32
Cour trav. Bruxelles, 18 décembre 2008, J.T.T., 2009, p.153.
25
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
27/32
Serait-ce le cas33, encore convient-il alors que le travailleur
licencié établisse un dommage distinct lié à l’absence d’audition34, le plus
souvent assimilé à la perte d’une chance de conserver son emploi35.
6.5.2. En l’espèce.
L’intimé considère que la faute est établie par l’absence
d’audition préalable et par les circonstances dans lesquelles le
licenciement a eu lieu. Il fait état d’un dommage moral et matériel, ce
dernier étant lié à sa thérapie (lié au harcèlement et à l’état dépressif).
La Communauté considère que l’audition de l’intimé n’était pas
requise dès lors que la mesure de licenciement a été prise parce qu’il n’y
a pas eu de possibilité de reclasser l’intimé dans un autre service. Son
audition n’aurait à cet égard rien pu changer puisqu’il n’y avait pas
d’alternative.
Par ailleurs, elle affirme avoir fait tout ce qui était possible pour
recaser l’intimé dans un autre service et que ce n’est que faute d’y arriver,
et à la réception du courrier de l’avocat de l’intimé refusant l’emploi
proposé à Loverval, que le congé a été envoyé.
Enfin,
licenciement.
elle
conteste
l’existence
d’un
dommage
lié
au
La faute.
Après la mesure de suspension de six mois (au demeurant
illégale puisque applicable aux seuls agents statutaires), la Communauté
a décidé la réintégration de l’intimé mais ailleurs qu’au centre de prêt.
Dès lors que l’intimé a participé aux faits litigieux (ce qu’il ne
peut remettre en cause au vu de la décision pénale définitive), il était en
effet souhaitable d’éloigner l’intimé, ce qui nécessitait son accord qu’il a
donné.
L’audition de l’intimé n’aurait pas permis d’éviter la mesure
33
La question est débattue en cas de licenciement pour motif grave. Contre son application : Cour
trav. Liège, 5 août 2008, J.L.M.B., 2010, p.636, Rev. rég. dr., 2008, p.104 et J.T.T., 2009, p.14 ;
Cour trav. Liège, 28 octobre 2008, J.T.T., 2009, p.43 ; Cour trav. Liège, 24 juin 2009, J.T.T., 2010,
p.13 ; Cour trav. Liège, 5e ch., 22 décembre 2010, R.G. n°36666/09. Pour son application : Cour
trav. Bruxelles, 4e ch., 7 juillet 2009, R.G. n°49.838 (mais sans incidence sur la validité de la
rupture pour motif grave).
34
Voir Trib. trav. Charleroi, 12 septembre 2006, Chron.D.S., 2008, p.307 ; Trib. trav. Charleroi,
18 juin 2007, J.T.T., 2008, p.172, obs. St. GILSON ; Cour trav. Liège, 28 octobre 2008, J.T.T.,
2009, p.43.
35
M. JOURDAN, « La rupture de la relation de travail des membres du personnel soumis à la loi
du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail », in Une terre de droit du travail : les services
publics (J. JACQMAIN, dir.), Bruylant, 2005, p.309, spéc. p.352. voir aussi, O. DEPRINCE,
« Audition préalable et motivation du licenciement : un état de la question, quelques réflexions »,
in Le droit du travail dans tous ses secteurs (M. DUMONT, dir.), Anthémis, 2008, p.132, spéc.
pp.142 et s.
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
28/32
prise à défaut de pouvoir le reclasser ailleurs.
Par contre, la Communauté a commis une faute en faisant
semblant de faire des efforts pour recaser l’intimé dans un autre service et
en ne sanctionnant que le seul intimé pour des faits dont il n’aurait pas dû
assumer la principale responsabilité.
D’une part, elle n’a en effet pas réellement tenté de réinsérer
l’intimé en lui proposant un poste équivalent à celui précédemment
occupé (même si en droit et en fait, cette position peut se concevoir
puisque la rémunération supérieure ne pouvait être allouée qu’avec un
nouveau contrat qui aurait constitué une sorte de promotion qui aurait pu
paraître étrange dans les circonstances de la cause) mais encore et
surtout, elle a dénigré l’intimé auprès des services qu’elle a contactés. Ce
n’est pas en présentant les choses comme demandant à des chefs de
service s’ils voulaient bien intégrer un mouton noir (cf. allusions reprises
dans le courrier du 22 juin 2007 joint aux courriers adressés aux différents
services) qu’on peut espérer une réponse positive. Sans cacher les faits
justifiant le changement d’affectation de l’intimé, il fallait aussi mettre en
avant ses qualités et son expérience.
D’autre part, le seul à avoir subi une sanction aussi grave est
l’intimé alors qu’il n’est pas contesté qu’il ait agi sous les ordres de son
supérieur lequel a certes été déplacé mais est resté au service de la
Communauté.
La mesure prise n’est pas proportionnelle comme l’a reconnu la
Communauté puisque le rapport d’enquête disciplinaire conclut comme
suit : « S’agissant d’un contractuel, la seule sanction possible est
normalement le licenciement. Toutefois, compte tenu des circonstances
prérappelées, il apparaît qu’en équité, une telle sanction pourrait être
disproportionnée ».
Ce n’est donc que si le reclassement était impossible que le
licenciement devait s’envisager sans qu’il puisse être constitutif d’abus. En
l’absence de réels efforts de reclassement, le licenciement est alors fautif.
Le dommage et le lien de causalité.
Le dommage n’est pas lié à l’absence d’audition préalable au
licenciement dès lors que l’intimé a été entendu dans le cadre disciplinaire
et que la Communauté s’en tenait à la qualification professionnelle de
l’intimé telle qu’elle résultait du contrat sans égard aux fonctions
réellement exercées et qu’elle n’entendait manifestement pas, dans les
circonstances de la cause, offrir à l’intimé un nouveau contrat (à des
conditions plus avantageuses).
Le dommage moral représente donc celui subi du fait de
l’absence de volonté réelle de reclassement adéquat. Si l’indemnité
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
29/32
compensatoire de préavis couvre tout le dommage, matériel et moral36, lié
à la rupture, l’absence de proportion de la décision occasionne un
dommage moral complémentaire bien distinct de celui déjà compensé par
le paiement de l’indemnité.
Si le dommage moral, tel que précisé, est en lien avec la
rupture, il n’en va pas de même des conséquences d’un harcèlement
(invoqué mais difficile à prouver et que la Cour n’a pas à examiner plus
avant afin d’en apprécier la réalité dès lors qu’il ne peut être pris en
compte) antérieur au processus de licenciement et étranger à celui-ci.
L’intimé ne peut imputer à la rupture le dommage subi du fait de la
dépression qu’il a vécue et dont l’origine est à trouver, selon les éléments
dont la Cour dispose, dans l’information donnée des écoutes
téléphoniques.
Faute de pouvoir chiffrer précisément le dommage parce qu’il
n’est pas quantifiable, il faut recourir à une évaluation ex aequo et bono37.
Compte tenu des fautes commises par la Communauté et de la
très faible chance de réinsertion professionnelle dans un des services de
la Communauté, le dommage sera adéquatement réparé par l’octroi d’une
somme de 1.500 €.
L’appel est très partiellement fondé.
6.6. Les dépens.
Les dépens d’instance doivent être mis à charge de l’appelante.
Outre les frais de citation (143,35 €), l’intimé a droit à
l’indemnité de procédure.
Il se fonde sur le montant de la demande pour réclamer
l’indemnité maximale de 10.000 € au vu de la difficulté du dossier.
Cependant si effectivement, le dossier n’est pas simple et peut
justifier une majoration de l’indemnité par rapport au montant de base, le
montant de la demande est largement surévalué.
La Cour réduit l’indemnité de procédure à 5.000 € compte tenu
de ce que la Communauté a réglé en cours d’instance un complément
d’indemnité de préavis de 17.540,18 €.
36
Cass., 9 novembre 2009, S.2008.0075.N ; Cass., 21 décembre 1981, Pas., 1982, p.531 ; Cass.,
23 novembre 1972, Pas., 1973, p.292.
37
Cass., 9 septembre 2009, P.2009.0360.F ; Cass., 22 avril 209, P.08.171.F ; Cass., 20 février
2004, C.02.0527.F.
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
30/32
INDICATIONS DE PROCÉDURE
Vu les pièces du dossier de la procédure et notamment le jugement
contradictoirement rendu le 20 avril 2009 par la 2ème chambre du tribunal du
travail de Namur (R.G. n°07/134.785/A),
Vu l’appel formé par requête déposée reçue au greffe de la Cour du
travail le 21 septembre 2009 et régulièrement notifiée à la partie adverse le jour
même,
Vu la 1ère ordonnance rendue le 20 octobre 2009 sur la base de
l’article 747 du Code judiciaire aménageant les délais pour conclure et fixant la
date de plaidoiries au 8 juin 2010,
Vu la 2e ordonnance rendue le 8 juin 2010 sur la base de l’article 747
du Code judiciaire aménageant les délais pour conclure et fixant la date de
plaidoiries au 26 octobre 2010,
Vu la 3e ordonnance rendue le 28 octobre 2010 sur la base de
l’article 747 du Code judiciaire aménageant les délais pour conclure et fixant la
date de plaidoiries au 22 mars 2011,
Vu les conclusions principales et de synthèse de l’appelante reçues
au greffe respectivement les 22 (et 25) janvier, 29 avril, 9 août et 27 décembre
2010,
Vu les conclusions principales et de synthèse de l’intimé reçues au
greffe respectivement les 21 décembre 2009, 29 mars, 31 mai et 8 octobre 2010
et 25 février 2011,
Vu les dossiers déposés par les parties à l’audience du 22 mars 2011
à laquelle elles ont été entendues en l’exposé de leurs moyens.
DISPOSITIF
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
après en avoir délibéré,
statuant publiquement et contradictoirement,
vu les dispositions de la loi du 15 juin 1935 sur l’emploi des
langues en matière judiciaire et notamment son article 24 dont le respect a
été assuré,
reçoit les appels principal et incident,
déclare l’appel
partiellement fondé,
principal
non
fondé
et
l’appel
incident
constate que l’appel ne porte pas sur la condamnation de
l’appelante aux intérêts de retard sur l’indemnité complémentaire de
préavis,
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
31/32
confirme le jugement dont appel en ce qu’il considère que
l’appelante a engagé sa responsabilité à l’égard de l’intimé,
réforme ledit jugement en ce qu’il ne reconnaît pas le
licenciement comme étant constitutif d’abus,
condamne l’appelante de ce chef à 1.500 € de dommages et
intérêts, majorés des intérêts depuis le 17 octobre 2007,
liquide l’indemnité de procédure revenant en instance à l’intimé
à 5.000 €,
condamne l’appelante aux dépens
jusqu’ores à 5.143,35 € en ce qui concerne l’intimé,
d’instance
liquidés
pour le surplus, ordonne la réouverture des débats aux fins
susénoncées,
sursoit à statuer sur la hauteur du dommage (cf. 6.2.3) subi du
fait des fautes commises par l’appelante et mentionnées supra sous
6.2.2.3.b.1 ainsi que sur le montant de l’indemnité compensant les jours
de vacances non pris en 2006 (cf. 6.4.4),
invite l’intimé à préciser sa demande en ce qui concerne
l’allocation informatique (cf. 6.2.2.3.b.3) et à apporter la preuve d’une
réelle incidence d’une majoration de la rémunération de base sur sa
pension dans le secteur privé (cf. 6.3.),
ordonne à l’appelante de produire à son dossier pour le 30 juin
2011 au plus tard les éléments permettant de dire :
a) quel aurait été le montant net de la rémunération, en ce compris les
primes et pécules, dont l’intimé aurait pu bénéficier à l’échelle 220/2
durant la période allant du 1er janvier 2003 au 17 octobre 2007 s’il y avait
eu droit ?
b) quel aurait été le montant net de la rémunération à l’échelle 270/3
(niveau 2+), avec les primes et pécules, pour la même période ?
c) quel aurait été le montant net de l’allocation informatique,
fixe à cet effet date au mardi 22 novembre 2011 à 14 heures
30 pour 40 minutes au local ordinaire des audiences de la Cour du travail
de Liège, section de Namur, rez-de-chaussée, Place du Palais de Justice,
5 à 5000 NAMUR,
invite les parties à s’échanger et à remettre au greffe de la Cour
leurs dossiers et observations écrites sur ces questions selon les
modalités suivantes (Code judiciaire, art. 775 nouveau) :
- les conclusions sur réouverture (avec son dossier
complémentaire comprenant les calculs demandés) de
l’appelante pour le 15 juillet 2011,
- les conclusions sur réouverture (avec les précisions
N° D'ORDRE
R.G. 2009/AN/8.850
-
32/32
demandées) de l’intimé pour le 30 septembre 2011,
les conclusions en réplique et de synthèse sur réouverture
de l’appelante pour le 31 octobre 2011,
réserve à statuer sur le surplus, dépens d’appel y compris.
Ainsi arrêté par :
M. Michel DUMONT, Président,
M. Thierry TOUSSAINT, Conseiller social au titre d’employeur,
Mme Ghislaine HENNEUSE, Conseiller social au titre d’employé,
qui ont assisté aux débats de la cause,
assistés lors de la signature de M. Frédéric ALEXIS, Greffier,
qui signent ci-dessous
Le Greffier
Les Conseillers sociaux
Le Président
et prononcé en langue française, à l’audience publique de la
TREIZIEME CHAMBRE de la COUR DU TRAVAIL DE LIEGE, section de
Namur, au palais de justice de NAMUR, Place du Palais de Justice, 5, le
VINGT-SIX AVRIL DEUX MILLE ONZE par le Président et le Greffier.
Le Greffier
M. Frédéric ALEXIS
Le Président
M. Michel DUMONT