Pourquoi accueillir un auteur ? Accueillir et rencontrer un auteur

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Pourquoi accueillir un auteur ? Accueillir et rencontrer un auteur
Conférences des Jeudis du livre
Jeudi du livre du 19 novembre 2015
Pourquoi accueillir un auteur ?
Sylvie Gouttebaron, Nadine Gil, Jean-Luc Seigle
Matinée professionnelle d’Ecrivains en Grésivaudan
Sylvie Gouttebaron est directrice de la Maison des écrivains à Paris, Nadine Gil est directrice de la
bibliothèque municipale de Seyssinet, Jean-Luc Seigle est écrivain.
Sylvie Gouttebaron débute la matinée en s’attardant sur la notion d’accueil. Celle-ci a du sens
aujourd’hui car les écrivains sont de plus en plus sollicités.
La Maison des écrivains existe depuis 30 ans, elle permet aux écrivains de gagner un peu plus que leurs
seuls droits d’auteurs, par le biais de l’animation.
Accueillir et rencontrer un auteur
Depuis quelques années, les bibliothécaires ont de plus en plus envie de rencontrer les auteurs. Ils
doivent cependant veiller à ne pas oublier qu’il y a d’abord un texte. Rencontrer un auteur c’est
chercher le point aveugle, « la question de la question » posée est première.
Ce n’est pas évident de se confronter à un texte qui ne nous parle pas toujours, mais la littérature aide
à aller vers ce que l’on ne connaît pas. Il faut se demander qui va poser les questions à l’auteur. On
peut le faire soi-même (ça se travaille). Sylvie Gouttebaron interroge souvent les écrivains sur leurs
obsessions. La lecture est une traque, les questions doivent continuer dans ce sens.
Que sont les rencontres ? Pour les éditeurs, il s’agit du service après-vente du livre. L’auteur recherche
autre chose dans la rencontre. Jean-Luc Seigle a l’impression qu’on lui rend quelque chose qu’il a fait.
Les lecteurs ne lui parlent pas de ce qu’il a écrit mais de ce que le texte leur a fait, et que l’auteur ne
peut imaginer. Pour Sylvie Gouttebaron, il doit se passer quelque chose lors de la rencontre, il faut
faire en sorte que ce moment ne soit pas la reprise d’un discours.
Dans la rencontre, il faut savoir prendre des risques, la littérature n’est pas normée, elle est libre. Il
faut donc veiller à éviter la tendance au performatif dans les accueils d’auteurs. Pour Jean-Luc Seigle,
le tissu associatif existant dans et autour des bibliothèques est plus important que ce qu’il imaginait, il
se mobilise pour faire vivre la littérature et contredit les politiques parisiennes qui annoncent sa mort.
Claire Toussaint – Médiat Rhône-Alpes
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Pour Sylvie Gouttebaron, le sens de l’accueil qu’ont les bibliothèques font que la littérature est vivante.
Accueillir est essentiel, l’accueil permet de travailler en confiance avec l’écrivain. Ainsi, le texte et la
personne sont pris en compte.
Organiser l’accueil d’un auteur en bibliothèque
Nadine Gil est contente lorsque les auteurs ont l’impression que l’accueil est quelque chose de simple,
alors que cela demande beaucoup de travail. Le travail et la préparation sont d’ailleurs indispensables
pour que tout se passe bien. Accueillir un auteur c’est prendre des risques, il n’y a parfois personne.
Le sens que l’on donne à l’évènement va en faire une réussite : Pourquoi ? Comment ? Qui le
demande ?
Qui demande d’organiser un évènement littéraire ? Est-ce une commande politique des élus, une
demande hiérarchique, une demande de l’équipe ou une demande des usagers ? Pour Nadine Gil,
l’idéal pour que l’accueil fonctionne est que la demande vienne de l’équipe. Il faut ensuite associer les
élus, leur expliquer ce que l’on veut faire pour obtenir leur soutien, puis associer les usagers qui sont
les meilleurs partenaires.
La mission des bibliothèques de promotion de la lecture auprès du plus grand nombre donne du sens
à l’accueil d’un auteur.
Il faut préparer l’évènement avec ceux qui participeront et il est indispensable qu’ils aient lu les livres ;
pour cela des animations peuvent être préparées en amont. La réussite ne nécessite pas forcément de
gros moyens, ni des formules très ambitieuses.
Il est nécessaire de s’interroger sur le pourquoi et le pour qui dans le cadre de l’accueil d’un auteur. Il
existe d’autres interlocuteurs que l’auteur, qu’il est aussi possible d’inviter, par exemple, les éditeurs,
les journalistes…
Pourquoi ? Les réponses peuvent être : faire venir du monde à la bibliothèque, vitrine, montrer une
autre image du métier, élargir les publics, se faire plaisir.
Pour Nadine Gil, ce ne doit pas être un moment où il ne se passe rien de particulier. Il faut créer quelque
chose avec le public, tout en ayant en tête que la bibliothèque n’est pas là pour promouvoir les livres
ou l’auteur.
Qui anime ? En tant que bibliothécaire, il ne faut pas avoir peur d’animer soi-même la soirée littéraire,
d’autant que les lecteurs sont là pour aider, d’où l’importance des clubs de lecteurs. Ainsi, la
préparation se fait 4 à 5 mois avant la date de l’évènement. Pour plus de confort, il est possible d’inviter
2 personnes en même temps, le dialogue est ainsi facilité. En amont du projet, il faut penser faire une
présentation aux élus, à préparer les conventions…
Les ouvrages sont commandés en plusieurs exemplaires, ils circulent d’abord dans le club des lecteurs.
Une petite animation peut être mise en place lors de leur mise en circulation, ce qui incite à lire les
ouvrages. Toute personne qui a lu un livre est légitime pour en parler : il y autant d’avis que de lecteurs.
L’accueil de l’auteur doit se faire dans les meilleurs conditions pour ce dernier (comme à la maison),
on va le chercher à la gare, on lui offre un verre, on l’invite à diner, par exemple avec le club
des lecteurs.
Claire Toussaint – Médiat Rhône-Alpes
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Lors de la soirée, un temps est consacré aux questions des lecteurs, un libraire est présent. Il est aussi
important de prévoir un temps d’échange individuel avec l’auteur en fin de soirée.
La présentation de l’auteur
La question de la manière dont on présente un auteur est posée par Sylvie Gouttebaron. Ce qui lui
paraît le plus pertinent et qui se fait à la Maison des Ecrivains, c’est de présenter l’auteur avec quelques
titres révélateurs et quelques phrases justifiant sa venue. Pour Jean-Luc Seigle, le bibliothécaire doit
trouver des liens. L’engagement de celui qui présente face aux textes et à l’auteur est très important.
Pour lui, il existe aussi un besoin d’intimité dans les lieux choisis pour la lecture de textes et l’accueil
d’un auteur.
La commande d’un texte
Sylvie Gouttebaron poursuit sur la commande d’un texte à un auteur invité. Elle se demande si elle est
pratiquée par les bibliothèques car elle trouve cette commande tout à fait légitime. Cette commande
est mise en œuvre à la Maison des Ecrivains. Jean-Luc Seigle confirme cette légitimité des
bibliothèques à demander à l’auteur d’écrire un texte lors de sa venue. Il ajoute que solliciter un
écrivain pour écrire un texte n’est pas une chose difficile.
L’entretien
Sylvie Gouttebaron incite à trouver les moyens de donner du sens dans les entretiens. Pour Jean-Luc
Seigle, un écrivain ne cherche pas de l’argent. Dans l’écriture il y a quelque chose de profondément
gratuit. Si un écrivain ne vend pas, il déprime car il n’est pas lu et non parce qu’il ne gagne pas d’argent :
« Je suis écrivain quand j’écris et non quand je publie ». Sylvie Gouttebaron souligne l’importance
d’entrer dans une vraie relation avec l’auteur lors de l’entretien. Jean-Luc Seigle confirme que
lorsqu’un écrivain rencontre ses lecteurs, il se passe quelque chose. Il a d’ailleurs l’impression qu’il
n’écrit plus seul depuis qu’il participe à des rencontres. Celles-ci lui permettent de sortir de son
narcissisme d’écrivain et de travailler encore mieux pour aller plus loin dans l’écriture.
Les bibliothèques ont la responsabilité de ne pas choisir les auteurs qui sont de bons orateurs au lieu
de ceux qui ont une œuvre littéraire intéressante d’après Sylvie Gouttebaron. L’auteur n’est d’ailleurs
pas indispensable pour échanger. Nadine Gil confirme et ajoute que le choix de la salle est primordial
(surtout la taille de la salle en fonction du nombre de personnes qui viennent).
Claire Toussaint – Médiat Rhône-Alpes
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