La conjecture du coureur solitaire

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La conjecture du coureur solitaire
La conjecture du coureur solitaire
Encadrant: Yan Gerard (mathématiques)
Jean-Marie Favreau (informatique)
Laboratoire d’accueil: LIMOS
Equipe: G4 - Géométrie, alGorithmique...
Lieu: France/Clermont-Fd
Téléphone: 06.11.12.34.65
Email: [email protected]
Proposition de stage
Ecole Normale Supérieure
8 décembre 2016
Mots clés : Géométrie discrète, Géométrie des nombres, Réseau, Billard.
Le sujet de stage peut être envisagé dans le cadre d’un double parcours mathématiques/informatique
mais il ne nécessite pas nécessairement des connaissances mathématiques très avancées pour être appréhendé et choisi.
Cadre : Laboratoire LIMOS
Le stage est proposé à Clermont-Fd dans le laboratoire d’informatique LIMOS, unité mixte de recherches
UMR 6158 du CNRS et de l’Université Clermont Auvergne. Le thème de recherche G4 (Géométrie,
imaGes, alGorithmique et apprentissaGe) réunit plusieurs chercheurs à la frontière de la géométrie
et de l’informatique parmi lesquels J-M. Favreau et Y. Gerard, tous deux maîtres de conférences et
encadrants du stage.
Présentation de la conjecture
L’énoncé initial de la conjecture du coureur solitaire (lonely runner conjecture en anglais) est très simple.
Elle est par exemple décrite sur la page wikipedia sous sa forme la plus classique : k coureurs partent
de la ligne départ et courent chacun à une vitesse différente autour d’une piste close (autrement dit, ils
se rattrappent les uns les autres après quelques tours). La longueur d’un tour est fixée à 1. La conjecture stipule que pour chaque coureur, il existe un instant t pour lequel tous les autres coureurs seront
éloignés de lui d’une distance au moins 1k .
Cette conjecture a été proposée en 1968 par Jorg M. Wills [3]. Elle a été démontrée jusqu’à 4 coureurs en
1972, 5 coureurs en 1984, 6 coureurs en 2001 [2] et 7 coureurs en 2008 [1]. En 2015, Terence Tao, l’une
des grandes stars des mathématiques a publié une note sur son blog montrant que pour un nombre de
coureurs k fixé, la conjecture est décidable dans le sens où l’ensemble des points entiers à examiner pour
conclure est borné. La borne fournie ne laisse néanmoins aucun espoir d’une approche exhaustive. Cela
pose néanmoins la question suivante : peut-on montrer la conjecture, par exemple pour 8 coureurs, en
utilisant un programme ? C’est précisemment le sujet du stage proposé. C’est d’autant plus intéressant
que la conjecture est un sujet très étudié en ce moment : Mathias Beck a publié en juillet 2016 un
manuscrit censé démontrer la conjecture pour tout k puis l’a retiré. En septembre 2016, un nouvel
article basé sur les zonotopes a été publié sur arXiv par Matthias Henze et al..
Formulation géométrique du problème
La plupart des approches reformulent la conjecture sous la forme d’un problème d’intersection. Si l’on
considère un coureur spécifique, dont par différence on ramène la vitesse à 0, la conjecture équivaut à
prouver que toute droite issue de l’origine dans une direction v ∈ Rd non triviale (les coordonnées vi
d−1
d−1 d
sont toutes non nulles et deux à deux distinctes) coupe un hypercube [ 2(d+1)
, 2(d+1)
] centré sur un point
du réseau 12 1 + Zd obtenu par translation de Zd par le vecteur 12 1 de coordonnées toutes égales à 12 . La
figure Fig.1 illustre cette formulation géométrique.
On ramène alors le problème à déterminer si pour tout direction v (qu’on peut supposer entière), le cyd−1
d−1 d
lindre engendré par le cube 21 1+[ 2(d+1)
, 2(d+1)
] contient un point entier. Le problème possède au moins
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Proposition de stage La conjecture du coureur solitaire
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Figure 1 – A gauche, la conjecture se ramène au problème suivant : montrer que toute droite issue de
l’origine (en pointillé rouge) dans une direction non triviale coupe un cube (vert) centré sur un point
d−1
(rose) de 12 1 de taille d+1
. Au milieu, il est équivalent de montrer que le cylindre engendré par le cube
(gris) dans toute direction v non triviale contient un point entier (rose). A droite, certains points entiers
(rouges) jouent un rôle particulier en occultant les autres.
une direction critique pour laquelle le cylindre engendré dans la direction (1, 2, 3, ..., d) n’a des points
entiers que sur son bord (cela justifie la taille du cube de la conjecture, elle ne peut pas être réduite car
cette direction fournirait alors un contre-exemple). D’une certaine façon, la conjecture consiste à déterminer s’il existe d’autres directions critiques dans le sens où le nombre de points entiers projetés sur
le cube est fini (voir nul, ce qui infirmerait la conjecture). Sans nous étendre sur le sens exact des mots
suivants, l’idée serait de proposer un algorithme érodant progressivement des ensembles de directions
dans un espace discrétisé...
Compétences demandées au stagiaire
De la curiosité scientifique, de la créativité et de l’imagination et pourquoi pas, un certain goût pour la
géométrie. Le langage de programmation est laissé au choix. Il s’agit d’un stage réellement à la frontière
des mathématiques et de l’informatique, qui peut pencher d’un côté ou de l’autre. Son contenu peut
varier en fonction des goûts et intérêts de l’étudiant pour la théorie ou la programmation. Notre objectif
est de faire découvrir au stagiaire le monde de la recherche, de stimuler sa curiosité et sa créativité
en lui soumettant un sujet potentiellement très difficile mais sous un angle original dont on ne peut
absolument pas présager des résultats (si on arrive à produire et coder un algorithme en dimension
arbitraire, ce qui est l’objectif, pourra-t-on contenir l’explosion combinatoire due à l’augmentation de la
dimension pour permettre des calculs en dimensions 5, 6, 7 et pourquoi pas 8 ?).
Références
[1] Javier Barajas and Oriol Serra. The lonely runner with seven runners. Electr. J. Comb., 15(1), 2008.
[2] Tom Bohman, Ron Holzman, and Daniel J. Kleitman. Six lonely runners. Electr. J. Comb., 8(2), 2001.
[3] Jörg M. Wills. Zur simultanen homogenen diophantischen approximation. Monatsh. Math., 72,
1968.