Analyse du film - Ciné-club Ulm

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Analyse du film - Ciné-club Ulm
CINÉ-CLUB
NORMALE SUP’
mardi 22 janvier 2002
Le Cycliste
- Mohsen Makhmalbaf FILM IRANIEN, 1987, 95 MIN
AVEC
MOHARRAM ZAYNALZADEH (NASSIM),
FIROUZ KIANI, SAMIRA MAKHMALBAF, MOHAMMAD REZA
MALEKI, ESMAIL SOLTANIAN
Le Cycliste est sans nul
doute une des oeuvres la plus
significative de Mohsen Makhmalbaf, celle où il sort de son
habituel propos moralisateur
pour adopter les attitudes d’un
cinéaste indépendant. “ Avant,
lorsque j’étais guérillero, je
pensais que la seule solution
pour avoir une justice sociale
pour tous, était la lutte armée.
Plus tard, j’ai compris que la
politique avait pour fondement
l’économie et la culture. J’ai
laissé tomber la politique et je
me suis consacré à l’art.”
C’est donc d’abord
comme un film engagé que
doit s’analyser Le Cycliste, car
bien que Mohsen Makhmalbaf
s’acharne à ancrer son histoire
en un ailleurs difficilement
identifiable (le film a été
tourné au Pakistan), il est
impossible de ne pas songer à
l’Iran.Certes, si Makhmalbaf
avait pu bénéficier du choix du
lieu de tournage (sud de
Téhéran), la portée de son travail aurait été d’une toute autre
ampleur ; l’indétermination
dans laquelle baigne le film
affaiblit la virulence de sa
charge, mais dénonce par là
même la censure très stricte qui
règne sur l’Iran depuis la révolution de 1979.
Autre point sensible,
l’interprétation des slogans qui
traversent donne lieu à une
double image : l’analyse économique et politique laisse
transparaître les problématiques à l’ordre du jour en Iran.
L’interprétation psychologique
et sociologique permet d’appréhender la nature d’une population du Tiers-Monde,
écartelée entre deux temps,
celui, rassurant, du passé, et
celui, incertain, de la modernité, à l’image de la juxtaposition sans transition du manège
forain dont un motocycliste
gravit la paroi par la seule
force centrifuge, et des
quartiers misérables. “Après
ses premières expériences
cinématographiques de politisation extrème, Makhmalbaf a
traité le réel de façon plus
intime. Immanquablement politique, Le Cycliste n’est en
rien politisé car il pose un
regard noble et humain sur le
destin du réfugié, de l’exilé.”
Makhmalbaf nous présente en effet un homme en
fuite, à la recherche de son propre chemin, loin de la pauvreté
matérielle, loin de la désespérance morale. Et la compassion du réalisateur s’étend
aussi à d’autres catégories
d’humains ; la séquence dans
la léproserie est d’une rare
force, spectacle douloureux
que Makhmalbaf nous offre de
rangées d’êtres diminués
physiquement, rabaissés dans
leur dignité et s’exclamant :
“Nous sommes heureux !”.
avec un seul plan général sur
ce concentré d’humanité, Le
Cycliste nous instruit avec une
ironie féroce sur le “bonheur”
dont jouit une société iranienne
ravagée . derrière
chaque
lépreux en liesse, il y a un
Iranien “heureux”.
Personnage central du
pénible examen de la misère
conduit par Makhmalbaf,
Nassim, affublé des surnoms
les plus valorisants (Nassim,
qui signifie “zéphyr” en persan, est présenté par le bonimenteur du marathon comme
“faisant le typhon”) est rejeté
par une société où il ne trouve
pas sa place. Makhmalbaf le
filme dans son hébétude, et
suggère peut-être en creux
qu’il est aussi en partie responsable de son malheur, lui qui
naguère avait immobilisé un
train de voyageurs et se contente désormais d’une humble
bicyclette pour mener sa lutte
personnelle ; bouclage de la
dialectique du passéisme et de
la modernité, de l’individualisme d’une quête solitaire et
de la nécessaire solidarité du
peuple iranien.
Car la seule issue que
Nassim trouvera sera une voie
circulaire se refermant sur ellemême, dans laquelle il semble
pris comme par l’éternel retour
du même, voie que la société
lui a tracée et qu’il a déjà
expérimenté mentalement. Le
destin de Nassim est à jamais
inscrit dans la courbe du cercle
(motif qui hante le nouveau
cinéma iranien, spécialement
dans Le Cercle de Jafar Panahi,
où le sort de plusieurs femmes
est sans cesse relié à cette figure d’enfermement). Il semble
irrésistiblement entraîné par
une force diabolique qui substitue à sa victoire christique
toute l’inutilité du martyre.
Sauf contrordre, le sort
que l’avenir réserve est de
partager celui des lépreux, dans
les rangs desquels Nassim croit
un instant se reconnaître. Cour-
be fatidique qu’il paraît devoir
décrire indéfiniment car son
marathon n’a pas de fin. C’est
sur cette image figée pour l’éternité de Nassim en train de
pédaler que s’achève Le
Cycliste, constat amer de la
misère sociale en Iran, et de la
déception révolutionnaire de
Makhmalbaf.
Le cinéma iranien, l’image
d’une société en bouillonnement, de Hormuz Kéy, éd.
Karthala.
Tarifs
Cof : 2,5 € la séance
20 € l’abonnement
Non Cof : 4 € la séance
30,5 € l’abonnement
Actualités
Mardi 29 janvier : Colonel
Blimp, de Michaël Powell, à
20h30.
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