Les instruments de musique dagara
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Les instruments de musique dagara
ETHNOMUSICOLOGIE DAGARA LES INSTRUMENTS MUSICAUX Nos ancêtres chantaient jadis en s’accompagnant d’instruments à cordes, d’instruments à vent et surtout d’instruments musicaux à percussion qu’on retrouve encore aujourd’hui dans les régions encore traditionnelles. tous ces instruments avaient un usage fonctionnel. Certains, de nos jours, sont en voie de disparition parce que l’organisation de la société qui se modernise a rendu leur utilisation caduque. Toutefois, dans l’ensemble, le Dagara du temps moderne conserve et utilise toujours les trois catégories suivantes d’instruments : les instruments à cordes, les instruments à vent et les instruments à percussion INSTRUMENTS à CORDES Les instruments à cordes que nous avons pu recenser actuellement sont : le Kankara, le Pènè, le Korigyõnn le Dè-gûgûnè-gûnè, voici la description phénoménologique et l’utilisation qu’on faisait de ces instruments. 1- LE KANKARA Le Kankara est un instrument en forme d’arbalette. Il ressemble à un arc d’enfant. Il est fait d’une branche mince et flexible d’un arbre et d’une fibre spéciale tendue entre les deux extrémités de la branche flexible taillée en bâton. En tirant la fibre, elle donne au bâton la forme d’un demi-cercle. C’est le Kankara, dont la matière première (fibre et branche) ne se trouve que dans les régions humides et surtout en forêt ou dans les bosquets. Il produit le son que veut lui donner l’artiste car la bouche du musicien et le mouvement de sa main gauche tenant un bâtonnet appliqué sur la fibre tendue, jouent un rôle primordial pour l’émission des sons mélodiques. En effet, l’instrument se tient de la main gauche, la bouche du musicien est alors ouverte, 1 la fibre tendue se situe à mi-chemin entre la lèvre supérieure et inférieure du musicien tenant de sa main gauche un bâtonnet appliqué sur la fibre et de sa main droite une tige légère qui percute sur la fibre pendant que le bâtonnet de la main gauche fait des mouvements de va et vient sur la fibre. L’émission mélodique sonore grave ou aigüe se produit suivant une savante combinaison du mouvement du bâtonnet de la main gauche et de l’ouverture plus ou moins grande de la bouche du musicien qui joue le rôle de caisse de résonnance. Le Kankara est beau à entendre et se joue en temps de repos, le soir sur la terrasse après le travail. On le rencontre aussi sur la place publique pour mettre de l’ambiance. Il a un caractère ludique et récréatif par l’usage qu’on en fait. (..) 2- LE PENE Le pènè est entièrement fait avec de la paille spéciale très dure appelée « pîimie ». Pîi-mie est un mot composé de Pîi -> flèche et mur -> bâtonnet, tige, paille. C’est la matière qu’on emploie pour sceller les flèches empoisonnées pour la chasse, d’où le nom « Pîi-mie », les tiges qu’on utilise pour sceller les flèches. Cette matière découpée en bâtonnets de même taille est fendue à une extrémité de manière à ce qu’on puisse introduire un autre bâtonnet. On répète la même opération aux deux extrémités de chaque bâtonnet. On obtient finalement un 2 ensemble de bâtonnets qui se tiennent entre eux grâce à deux bâtonnets principaux qu’on tend ou détend pour donner un son plus ou moins aigü. (..) Un bon Pènè assez grand peut avoir ainsi plus d’une dizaine de bâtonnets. Il résonne comme un petit balafon. Le pènè était utilisé comme le Kankara. 3- LE KORIGYÕN Le Korigyõn est un instrument dont la première partie ressemble au Kankara. La différence avec le Kankara est cependant fondamentale car le Korigyõn - s’il a aussi la forme d’un arc – cet arc repose sur une calebasse : « mwãn-kuor » qui sert de caisse de résonnance. De plus, il a 5 cordes parfois plus en fils de coton, alors que le kankara n’a qu’une seule corde en fibre. D’autre part, il se joue alors que la calebasse repose sur le ventre du musicien qui par contraction de muscles du ventre fait émettre à l’instrument qu’il joue des deux mains, les sons qu’il veut. Le son mélodique du Korigyõn est agréable à entendre et ressemble un peu à celui du Pènè. Cependant le Korigyõn est plus majestueux et grave comme mélodie. Cet instrument a un usage récréatif. 4- LE DE-GÛGÛNE Le Dè-gûgûnè, instrument à une corde, est fait d’une calebasse taillée « ‘mwãnpègr », et d’une fibre d’une gousse de Néré tendue aux deux extrémités de la calebasse cassée. 3 Par un mouvement de flexion du « Mwãn-pègr » et en pinçant la corde, on obtient le son qu’on veut. Mais la mélodie généralement émise par le Dè-gûgûnè-gûnè est une onomatopée traduisant la démarche d’un impotent marchant péniblement. Il ne peut pas se tenir droit parce que d’une part il ploie sous le poids de son âge et d’autre part il est atteint de gale et d’ulcère dans tout le corps. Il ne marche pas, il rampe presque. « U gûgûne na ». La musique est très berçante et imite bien le pas lent du vieillard et de l’impotent incapable de se presser lui-même. D’où le nom de ‘instrument : « Dè-gûgûnè-gûnè » qui est un nom composé de « Dèb » (homme) et du verbe « gûgûne » (marcher courbé et à pas lents). L’autre groupe de mot « gûne » est une répétition qui marque la forme progressive lente de la marche de l’impotent. Nous avons alors Dè-gûgûnè-gûnè, qu ets utilisé dans la société par la gardienne d’enfant « le bi-yaal » pour bercer le bébé excité et récalcitrant. (…) INSTRUMENTS à VENT Les instruments à vent sont plus nombreux que ceux à cordes. Les principaux que nous connaissons encore sont : le « Wiè », «le « Iil », le « ‘La ‘Lir » ou le « LiiLii » et le « Fã-Fã », le « Wele », le « Vulo » et le « Nû-fola » 1- LE WIE Le Wiè et le Iil sont généralement une corne de gros gibier retravaillée (walpielIil) ou d’une vache ou d’un taureau (naab-iil). Pour annoncer la chasse par exemple, on se sert du Wiè, il suffit de souffler dedans, mais il faut être connaisseur pour le faire rendre au maximum. On le sonne soit la veille de la chasse, soit le jour même de la chasse pour inviter les chasseurs à se rassembler à un lieu déterminé. On s’en sert également quand on recherche quelqu’un d’égaré en pleine brousse. 4 2- LE ‘LA ‘LIR ou LE ‘LII-‘LII et le FÃ-FÃ Egalement instruments à vent, ces instruments sont de la famille de Wiè. Ils sont en bambou et se jouent comme une flûte ou une clarinette pour émettre une mélodie douce et sourde. Ils se jouent aux instants solennels de la chasse quand les chasseurs font un grand silence. Les animaux aiment bien le son du « ‘la ‘lir » et c’est l’harmonisation des sons de tous ces instruments qui attire les animaux pour les chasseurs. 3- LE WELE Le Wele est un instrument à vent, généralement taillé dans du bois. Il est percé de trous, maximum 4 ou 5. Une de ses fonctions principales est d’alerter en cas d’égarement en brousse, aussi tout chasseur et surtout tout berger portera un Wele, qui fait partie intégrante de son accoutrement. 4- LE VULO Le Vulo, de la famille de Wele, a la forme du Wele avec trois trous maximum. Il est plus gros que le Wele vulgaire du berger. On le joue au retour de la chasse pour annoncer une chasse fructueuse. Son timbre plus grave et majestueux fait qu’on l’utilise pour des fonctions solennelles. Ainsi on jouera le Vulo dans les cérémonies d’intronisation des mânes des ancêtres dans une maison (…) 5- LE NÛ-FOLA Le Nû-fola n’est pas un instrument de musique à proprement parlé, puisqu’il est fait par une position combinée des 2 mains de l’homme. Le Nû-fola est pratiqué par des bergers d’une part « Nakyîinbè » et surtout par des « Bom-gurbè », gardienne des champs. Le Dagara d’autrefois avait une notion aigüe des hiérarchies de valeurs. Nous le coyons dans sa récréation avec des instruments à caractère ludique, (instruments à cordes) dans ses sports (chasse) avec des instruments à vent, dans ses rapports avec le sacré il emploiera des instruments à percussion. 5 INSTRUMENTS à PERCUSSION Les instruments à percussion sont de beaucoup les plus nombreux et les plus importants dans l’histoire de la musique dagara. Nous sommes conscients de n’avoir pas fait un inventaire exhaustif de ces instruments. Cependant les enquêtes nous ont révélé comme instrument à percussion : le Kur-‘lerete, le Wõwola, le Sèsègr, le Gbelnyè, le Da ‘lara, le Kuor, le Gãgaar, le « Lôlôg, le Kpãkpol et le Gyil, (balafon). 1- LE KUR ‘LERETE Le Kur ‘lerete est un instrument forgé, très ancien qui a presque disparu aujourd’hui. Il consiste en deux blocs inégaux de fer forgé en forme de cloche et soudés ensemble sur une barre de fer. En frappant alternativement sur les deux cloches avec un bâton, on obtient un son harmonieux. Cet instrument n’existe pratiquement plus chez les Dagara. On le rencontre encore au Ghana chez les Dagara traditionnels. Il avait pour rôle de convoquer le peuple sous l’arbre à palabre quand le chef de famille ou le chef d’une grande soukala avait des avis et communiqués importants à communiquer. Le Kur ‘lerete ne sonnait que dans les cas urgents, c’était une sorte de sirène. Celui qui le jouait se plaçait sur l’étage de la maison (..). Au son du Kur ‘lerete, c’était la paralysie complète de la vie sociale qui ne revenait que lorsqu’on revenait de chez le chef. Le Kur ‘lerete ne résonnait que dans ce seul but de convoquer le peuple en cas de danger imminent ou pour des communications d’ordre sociales urgentes. 6 2- LE WÕWOLA ou OKOLEU Le Wõwola est un instrument éphémère, c’est à dire qu’il n’existe qu’à certaines saisons et disparaît aussi avec la saison. Il est fait d’un fruit d’arbre « Uor ». On extrait du fruit ce qu’il y a de comestible, puis on remplit sa carapace d’éléments hétéroclites (tessons de bouteille, ferraille..) propres à faire du bruit. C’est plutôt un jouet d’enfant qu’autre chose, une sorte de castagnette. 3- LE SÊSEGR Le Sêsegr est fait par le même procédé. A l’origine, c’était le fruit d’une plante grimpante produisant des fruits ressemblant à la pastèque et à la calebasse. Mais cette plante ne produit pas la calebasse « Mwãn » mais la louche « sulu ». On cueille donc le Sulu quand il est mûr. On fera un trou tout juste pour le vider de son noyau puis on y introduit comme pour le Wõwola, des cailloux, ferraille, grains etc …. On referme l’orifice et voilà le Sêsegr qui n’est ni plus ni moins qu’un hochet. Il est utilisé dans les cérémonies du « Bagr-sèb » pour marquer le rythme et mettre de l’ambiance. Il faut noter qu’aujourd’hui on trouve surtout un « sêsegr » évolué qui est fait de paille tressée avec à une extrémité un morceau de calebasse cassée « Mwãnpègr » sur lequel résonne les éléments qu’on y a introduits. C’est ce genre de Sêsègr qu’on voit dans les églises du pays dagara. Cependant les animistes dès qu’il s’agit des cérémonies traditionnelles, du « Bagr », refont le Sêsègr original, qu’ils utilisent dans leurs cérémonies. Le Sêsègr original est beaucoup plus sonore que le Sêsègr en paille tressée. 4- LE GBELNYÊ Le Gbelnyê est une sonnette forgée et utilisée dans le « Bagr » et les exorcismes, pour attirer l’attention des Esprits qui restent sourds aux invocations. Ceux qui l’utilisent souvent sont les « Bagr-burbè », personnes qu’on consulte pour l’interprétation des évènements et des faits de vie. 7 5- LE DA ‘LARA Le Da ‘lara est un tambourin fait avec un goulot de canari cassé sur lequel on a tendu une peau généralement d’un reptile comme le varan (wuo) ou le « ùu ». Il est exclusivement employé pour les réjouissances populaires au clair de lune à caractère peu sérieux. Le Da ‘lara se joue généralement le soir après le travail et exclusivement en saison sèche, surtout fin de la saison des pluies jusqu’à la fin des récoltes et la mise de la récolte dans les greniers. Il se joue suivant trois rythmes bien combinés : le velkpele, le zãkra et urbali. Les rythmes du velkpele, du zãkra et urbali combinés produisent une harmonie que recréent les jeunes la nuit au clair de lune. 6- LE KUOR Le Kuor est une grosse gourde sphérique ouverte à une extrêmité sur laquelle on a tendu une peau de varan ou de gueule tapée (wuo-gan, bii, uùgan). Il paraît que la peau d’un singe s’y prête très bien également (mwãadaa-gan). Le Kuor st le seul instrument utilisé pour les funérailles d’enfants pour marquer le rythme qui localise la mélodie du cantateur « Lãg-kone ». Il fait partie intégrante également de l’orchestre instrumental aux funérailles des adultes ; 7- LE GÃ-GAAR Le Gãn-gaar était initialement taillé dans un tronc d’arbre. C’est le « gã-gaar – koobr » qui a une forme cylindrique comme un tonnelet. Il est recouvert aux deux extrémités par une peau de vache. C’est lui qu’on emploie pour les funérailles des adultes. Il est très parlant à ses auditeurs par ses différents rythmes. Le rythme du « vigem-vigem » et le rythme du « kpatu-kpatu ». Ce sont deux rythmes qui renseignent à distance, dans leur évolution rythmique, s’il s’agit d’une femme ou d’un homme décédé. Le vigem-vigem annonce un homme et le 8 kpatu-kpatu une femme. Autrefois le Gã-gaar ne se jouait que dans le contexte funéraire des adultes. On rencontre aujourd’hui des « gãgaar » faits avec des tonnelets. 8- LE LÕLÕG Le Lõlõg est un instrument de la famille de Gã-gaar, mais il est plus petit et se porte sous les aisselles. Des lanières de peau permettent d’obtenir des sons aigüs ou graves selon que le musicien sert ou non l’instrument contre ses aisselles. C’est un instrument en voie de disparition chez les Dagara. Comme le Gã-gaar et le Kuor, il servait à marquer le rythme. Ne serait-il pas une importation ? Les vieux soutiennent que les Dagara l’ont toujours eu comme instrument. 9- LE KPÃKPOL Le Kpãkpol est un instrument fait de 14 ou 17 lames de bois taillé qu’on dispose suivant un ordre croissant de grandeur sur une tranchée faite dans le sol. A l’aide de baguettes on joue sur les lames qui résonnent comme un balafon. La tranchée sert de caisse de résonnance. En gros c’est un balafon dans sa plus simple expression, sans carcasse, ni gourdes, un balafon nu, d’où Kpãkpol du même nom que le poussin qui n’a ni duvets ni plumes sur le corps. On le trouve généralement devant les cases dagara dehors sous un arbre. C’est là-dessus que les enfants apprennent à jouer au balafon car il a la même disposition ou intervalle régulier. 9 10- LE BALAFON Le balafon est l’instrument de musique par excellence dans l’ethnie dagara. Il est composé d’une carcasse sur laquelle reposent 14 ou 17 lames de bois taillées (les Gyilbie) qui sont d’inégales tailles. Ce sont les notes, les sons musicaux les plus aigus sont produits par les bois les plus petites et les graves par les plus longs. Ces lames de bois sont rangées non seulement par ordre croissant (de la droite vers la gauche mais aussi par sons musicaux consécutifs décroissants (de droite à gauche). J’appellerai volontiers ces lames des clavecins. Plus un clavecin est petit, plus le son qu’il produit est aigu. Les « Gyil-bie » reposent sur un cadre de bois et sont rattachées les unes ou autres par des lanières en peau : « les gãnè » ou « Gyil-gãnè » généralement « ire-gãn » peau de céphalophe ou biche-cochon. Pour amplifier les sons musicaux, chaque note est placée sous une gourde dont la résonnance musicale correspond à la vibration de la note. Les gourdes sont d’inégale dimension et respectent l’ordre croissant des « Gyil-bie », chacune percée de 2 ou 3 trous recouverts par une membrane de nid d’araignée « pãpir » qui réalise la vibration sonore de la note, l’amplification et l’embellissement des sons musicaux. Le balafon se joue avec deux baguettes qu’on appelle « Gyil-luorè » ou « gyilnèè » vulgaire connu sous le nom de « Guil-bie ». Ces « Guyil-luore » sont recouverts à une extrémité par une sève caoutchoutée traitée à cet effet «‘mõmã-suur », sève de la liane chine. Ce qui favorisera excellemment la percussion et permet de produire des sons musicaux purs. 10 Tiré de : « Jalons pour une ethnomusicologie dagara » Enquêtes livrée par une équipe de chercheurs sous commission de musique sacrée pour l’équipe : Bèkuonè Somè Dèr Joseph – Mukassa Diocèse de Diebougou, année 1976 Courriel : [email protected] Avec son aimable autorisation Photos prises par Annelise Chalamon au Musée de la musique de Ouagadougou et au musée de la musique d’hier et d’aujourd’hui de Bobo Dioulasso avec l’aimable autorisation des responsables Article tiré du site du Consulat du Burkina Faso de Nice http://www.burkinafaso-cotedazur.org 11