Juillet-août 2006

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Juillet-août 2006
LA CHRONIQUE PL. FIN.
Rémunération:
Dividendes ou bonus, quelles sont
les nouvelles règles du jeu?
HÉLÈNE MARQUIS
es budgets fédéral et provincial
de 2006 ont apporté des changements importants au régime
fiscal applicable à la fois aux sociétés
par actions exploitant une entreprise
et à leurs actionnaires. Des pratiques
auparavant routinières, comme la
décision de payer un bonus ou un
dividende, doivent maintenant être
remises en question à la lumière des
nouveaux taux d’impôt applicables.
Voici un aperçu des changements
proposés en 2006.
À partir du 1er janvier 2007, le plafond des affaires sur les bénéfices des
entreprises exploitées activement par
le biais d’une société privée sous
contrôle canadien (SPCC) passera de
300 000 $ à 400 000 $ au fédéral. Le
taux d’impôt réduit sera donc accessible sur une plus grande partie du
revenu engendré.
Au Québec, un taux de 8,5 % est
applicable sur les premiers 400 000 $
à partir du 1er janvier 2006 jusqu’au
23 mars 2006. Le taux combiné est
donc de 21,6 % sur les premiers
300 000 $ de revenu et de 30,6 %, au
lieu de 32 %, sur la tranche suivante,
jusqu’à concurrence de 400 000 $. À
partir du 24 mars, le taux du Québec
est réduit à 8 %. Le taux combiné du
fédéral et du provincial sera donc de
21,1 % sur les revenus de moins de
300 000 $ et de 30,1 % sur la tranche
de 300 000 $ à 400 000 $ 1.
L
Majoration des dividendes
Le régime fiscal applicable aux dividendes est aussi modifié de façon
significative par les mesures mises de
l’avant dans le but, rappelons-le,
d’éliminer les avantages fiscaux dont
OBJECTIF CONSEILLER
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bénéficiaient les revenus gagnés par
l’entremise d’une fiducie de revenu
comparativement aux sociétés par
actions. Les nouvelles règles ont
comme effet de créer deux catégories
distinctes de dividendes, soit les dividendes admissibles et les autres dividendes. Ces mesures sont en vigueur
depuis le 1er janvier 2006 au fédéral
alors que le Québec a proposé des
mesures d’harmonisation dans son
budget du 23 mars 2006, lesquelles
sont applicables à partir de cette date.
LES DIVIDENDES ADMISSIBLES: Ce sont
ceux qui auront droit au taux de majoration de 45%. Ce sont les dividendes
payés par les sociétés publiques, par les
sociétés privées résidant au Canada et
dont le contrôle n’est pas canadien,
ainsi que par les sociétés privées sous
contrôle canadien sur les revenus d’entreprise qui excèdent la limite admissible à la déduction accordée aux
petites entreprises (DAPE).
LES DIVIDENDES NON ADMISSIBLES: Les
autres dividendes sont ceux payés par
une SPCC sur son revenu admissible
à la DAPE et sur son revenu de placement. La majoration de ce type de
dividende est maintenue à 25 %. Des
mesures techniques seront toutefois
mises en place pour permettre que
les dividendes admissibles reçus par
une société de portefeuille et versés à
ses actionnaires puissent être majorés au taux de 45 % entre les mains
de ces derniers, ainsi que pour différencier les dividendes payés sur les
revenus admissibles à la DAPE de
ceux qui ne le sont pas.
Ces nouvelles règles font en sorte
en collaboration avec
que les taux d’impôt marginaux les
plus élevés payables sur les dividendes
encaissés par les résidents du Québec
en 2006 s’établiront comme suit:
Dividendes
admissibles (%)
(majorés 45%)
Fédéral
Québec
(avant le 24 mars 2006)
Québec
(après le 23 mars 2006)
nération est payée. Le caractère raisonnable des salaires et des bonus ne
sera pas contesté en autant que la
répartition des profits de cette
Taux combinés
(%)
12,11
Autres
dividendes (%)
(majorés 25%)
Taux combinés
(%)
16,36
16,46
28,57
16,46
32,82
17,55
29,66
20,00
36,66
Le taux d’impôt marginal maximum payable sur les dividendes de
toute provenance des résidents du
Québec en 2005 étant de 32,82 %,
ceci représente donc une baisse du
taux combiné de 3,16 % sur les
dividendes admissibles et une augmentation de 3,84 % sur les autres
dividendes.
La rémunération des
actionnaires dirigeants
Lorsque la rentabilité de l’entreprise
le permet, la rémunération d’un
actionnaire participant à l’exploitation d’une entreprise constitue habituellement le mélange d’un salaire,
de bonus ou primes et de dividendes,
le tout étant entre autres calculé sur
la maximisation des avantages fiscaux
pour la société et l’individu.
Les primes ou bonus
La politique établie de l’Agence du
revenu du Canada (ARC) est d’accepter que la rémunération sous
forme de bonus des actionnaires dirigeants d’une entreprise puisse
réduire le niveau de revenu d’une
société privée sous contrôle canadien
de façon à atteindre celui admissible
à la DAPE. L’ARC ne fait pas de différence, que les actions du dirigeant
soient détenues par une société de
portefeuille, par une fiducie ou directement par les individus concernés, à
condition que les récipiendaires des
bonus s’impliquent dans l’exploitation de l’entreprise active qui génère
les revenus à partir desquels la rému-
manière constitue une pratique normale de l’entreprise. Les bonus augmentent la rémunération de l’actionnaire et, tout comme les salaires, ils
sont imposés au taux gradué applicable à l’individu.
Les dividendes
Le paiement de dividendes aux
actionnaires peut par contre être restreint par des considérations d’ordre
légal ou contractuel, comme des
limites dictées par une institution
prêteuse ou encore le ratio d’endettement de l’entreprise. Les dividendes sont versés à même les profits
après impôt de la compagnie.
Comme ils ne sont pas déductibles
du revenu, ils ne permettent pas de
réduire les bénéfices pour maintenir
le taux d’impôt réduit de la DAPE.
Par contre, les règles d’intégration
fiscale font en sorte qu’un dividende
payé aux actionnaires donne droit à
un remboursement d’impôt au titre
de dividende (IMRTD) en faveur de
la compagnie.
Le meilleur des mondes :
dividendes ou bonus
Le taux d’impôt de 36,66 % applicable aux résidents du Québec sur les
dividendes non admissibles versés
par les entreprises n’est certainement
pas des plus favorables eu égard au
taux d’impôt marginal maximum
payable entre autres sur le gain en
capital, qui se situe environ à
24,11 %. Il ne sera donc pas surprenant de voir les actionnaires diriJUILLET-AOÛT 2006
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geants favoriser le paiement d’un
bonus afin de diminuer en tout ou en
partie les revenus de l’entreprise au
seuil admissible à la DAPE pour
ensuite favoriser le paiement de dividendes admissibles, soit ceux provenant des revenus excédant le revenu
admissible à la DAPE et des revenus
de placement issus de dividendes
payés par des sociétés publiques, si
aucun ordre de priorité n’est établi
par les règles techniques à venir.
En pratique, des sommes d’argent plus importantes risquent
d’être maintenues dans les sociétés
par actions. Cela signifie aussi que
les individus auront accès à moins de
liquidités et que le planificateur
financier devra être vigilant pour
s’assurer que la planification successorale de ses clients est toujours adéquate. Ainsi, des avantages fiscaux,
comme l’exonération du gain en
capital de 500 000 $ sur les actions
des petites entreprises, pourraient
être perdus si trop de liquidités et de
placements sont maintenus dans la
société en exploitation. Cela favorisera la mise en place de sociétés de
portefeuille, ne serait-ce qu’à des
fins de purification pour maintenir
la qualification des actions à ce titre
et pour détenir certains produits
financiers tels les contrats d’assurance permanents souscrits pour les
fins de la planification successorale
familiale, ainsi que les placements
OC
non enregistrés.
Hélène Marquis, LL.L., D. Fisc.,
Pl. Fin., TEP est conseillère principale en planification, Groupe
conseil en protection du patrimoine,
Financière Sun Life Canada
1. Le taux sera uniforme à 21,1% sur les premiers 400 000$ de revenu à partir du 1er janvier 2007. En 2008, le taux fédéral passera de
13,1% à 11,5% et ensuite à 11% en 2009.