Audiologie et psychomotricité 1. Retentissement de la surdité sur le

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Audiologie et psychomotricité 1. Retentissement de la surdité sur le
D.U. Audiologie 19 novembre 2013
Audiologie, orthophonie et psychomotricité
: Enrichissement des pratiques
Audiologie et psychomotricité
Comment puiser dans les connaissances et outils de la psychomotricité au service des
enfants et adultes souffrant de troubles de l’audition et de l’équilibre.
La psychomotricité est d’abord un concept : elle se base sur l’interrelation entre les fonctions motrices
et la vie psychique de l’individu, le corps étant considéré comme point d’ancrage des expériences
sensori-motrices, émotionnelles et affectives, cognitives et sociales.
La psychomotricité est également une discipline scientifique puisqu’il s’agit d’une pratique rééducative
et thérapeutique qui place les manifestations corporelles de l’être humain au centre de sa vie affective
et psychique.
La thérapie de la psychomotricité contribue à retrouver un équilibre entre les fonctions motrices et la
vie psychique de la personne.
Elle est une ressource pour l’enfant et son environnement. Elle est également bénéfique pour les
adolescents, les adultes et les personnes âgées.
Plan :
1. Retentissement de la surdité sur le vécu psychique et corporel
a. Chez l’enfant et ses parents
b. Chez l’adulte âgé
2. Retentissement des troubles vestibulaires chez les personnes porteuses
d’un handicap auditif
a. Sur le développement psychomoteur de l’enfant
b. Chez la personne âgée
3. Mises en situations en atelier
a. Distance relationnelle et proxémie
b. Communication non verbale : toucher, regard, posture et dialogue
tonique
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1. Retentissement de la surdité sur le vécu psychique et corporel
La surdité peut affecter l’individu dans son vécu psycho-coprorel tout au long de sa vie, qu’elle soit
d’apparition précoce ou tardive. Nous allons plus particulièrement aborder le retentissement qu’elle a
sur sa communication et sur son sentiment de sécurité. Nous aborderons brièvement ce qu’en disent les
adolescents et jeunes adultes, puis nous aborderons l’impact de la surdité sur la vie sociale du sujet âgé.
a. Chez l’enfant et ses parents, chez l’enfant grandissant
• De 0 à 6 mois
Le fait que l'enfant sourd soit privé des informations auditives émanant de lui-même et de son
environnement a des conséquences importantes sur sa perception du monde et le sentiment de sécurité
qui l'habite.
Il est peu fréquent que le diagnostic de surdité soit posé dans les premiers mois de vie de l'enfant, car les
signes évocateurs sont en général assez faibles, et, de ce fait, ignorés des parents.
L'enfant déficient auditif, qu'il le soit totalement ou partiellement, manque d'informations sur son
environnement, et particulièrement d'une source d'information sécurisante : celle de la voix de sa mère.
Il met rapidement en place un système de suppléance visuelle, mais la vue n’est pas utilisable en continu
(quand le parent est hors de la pièce, ou dans l’obscurité). Cela peut créer chez l’enfant une angoisse de
séparation qui va le maintenir en alerte, provoquant chez lui un tonus particulièrement élevé (carapace
tonique) ainsi qu’une hyper vigilance visuelle.
• De 6 à 12 mois
A cet âge, l’enfant qui a faim, soif, est fatigué, a besoin d’être changé, porté... émet des signaux auxquels
ses parents répondent. Le temps de frustration qui s'écoule entre la demande et la réponse, s'il n'est pas
trop long, permet à l'enfant de se construire.
Par exemple un enfant entendant qui pleure parce qu’il a faim va pouvoir entendre sa mère lui dire
« Ne t’en fais pas, ça arrive ! Maman est en train de préparer ton biberon », il va également pouvoir
entendre les bruits de la préparation du biberon.
L’enfant sourd, lui, pleure, sans savoir si sa demande est prise en compte, sans savoir si sa faim va être
assouvie. Si la mère est dans la pièce voisine et lui parle pour le faire patienter, il ne l’entend pas et
considère, puisqu’il ne la voit pas, qu’il est seul.
L'ouïe a un rôle fondamental d'information : elle prévient des bruits familiers, qui rassurent, ou des
bruits inhabituels, des dangers. La provenance et l’intensité des bruits l’informent sur leur localisation.
L'enfant sourd, lui, est dans l'incapacité d'anticiper la venue de l'Autre. Cet autre fait irruption,
intrusion dans son champ visuel, ou alors, un contact tactile direct s’établit sans que l’enfant n’ait pu se
préparer. Le message d'alerte n'a pas été transmis et l'enfant est surpris. Cela fait partie du quotidien de
l’enfant sourd.
Pendant toute cette période, l’enfant est souvent porté par ses parents, dans un contact très proche et
sécurisant. Dans le cas où l’enfant est sourd, le parent va être obligé d’éloigner son enfant pour capter
son regard. Cet éloignement brutal peut troubler l’enfant qui ne comprendra pas pourquoi son parent
l’a mis à distance. Il peut alors se sentir insécurisé.
• De 12 à 24 mois
A la fin de la première année, l'enfant s'éloigne de sa mère pour explorer le monde extérieur grâce à ses
capacités locomotrices. Il est à noter qu'il est souvent délicat, pour l'enfant sourd, de s’aventurer,
d’explorer seul, de se séparer de sa mère. Là où l’enfant entendant peut être rassuré et encouragé par les
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paroles de sa mère, l’enfant sourd a besoin d’un contact visuel permanent avec sa mère pour percevoir
sa présence. Or il est difficile, pour l’enfant sourd, pour se concentrer à la fois sur ses découvertes, sur sa
marche, et à la fois sur la présence et le regard rassurant de sa mère.
• Surdité et communication
Il est peu fréquent que le diagnostic soit posé lors de ses premiers mois de vie, ainsi l'environnement
agit naturellement, comme si l'enfant entendait. C'est ici que l'aspect corporel du langage prend tout
son sens.
En effet, au cours des premiers mois, l’enfant sourd produit des vocalisations quelle que soit
l’importance de sa perte auditive, qu’elle soit acquise ou congénitale. Le babil se met en place.
Etant privé d'audition, ce n'est pas sur les sons produits par autrui qu'il s'appuie, mais bel et bien sur ses
sensations, internes et externes.
Internes car lorsqu'il émet un son, celui-ci vibre en lui. Il ne l'entend pas, mais il le sent dans son corps.
Externes car lorsque l'autre répond aux sons émis par l'enfant, dans un face à face, l’enfant y associe ce
qu’il voit du regard de l’autre, de ses mimiques, et des mouvements de ses lèvres.
Grâce à cela, l'enfant sent qu'il donne quelque chose de lui et perçoit une réponse. Le dialogue s'établit,
même s'il n'est pas sonore, vocal.
Puis, le babil s’éteint car les informations sonores ne sont pas perçues par l’enfant lui-même (les jeux
vocaux dans lesquels l’enfant entendant prend du plaisir n’ont pas lieu chez l’enfant sourd).
Ce n’est souvent que vers l’âge d’un an, âge autour duquel l’enfant entendant prononce son premier
mot, que les suspicions de surdité apparaissent, étant donné que l’enfant n’évolue pas vers le langage
oral.
Comme pour tout handicap, l'annonce du diagnostic de surdité est d'une grande violence pour certains
parents. Ceux-ci vivent tour à tour incompréhension, déni, colère, tristesse et découragement. A ce
moment là, les relations entre les parents et leur enfant peuvent être perturbées. Par ailleurs, ils se
retrouvent en difficulté quant à leurs possibilités de communication avec leur enfant et celle-ci, pourtant
établie au départ, s'épuise. En effet, dans bien des cas, les parents ne savent plus vraiment comment
faire : les interactions vocales se raréfient, et de ce fait les mimiques, les sourires, les contacts visuels et
tactiles qui y étaient associées également. Ainsi dans ces cas, sans en comprendre la cause, l'enfant se
voit privé de toute cette richesse relationnelle pourtant nécessaire à sa construction.
Ces parents ont alors besoin d’être soutenus, et d’être rassurés qu’une grande part de la communication
peut passer par le regard, les mimiques, les portés, le toucher... : tout ce qui constitue la communication
non verbale.
• L’enfant d’âge scolaire
Ce vécu d’insécurité des premiers mois peut expliquer les états toniques très élevés d’enfants sourds,
constamment en alerte, comme sur leurs gardes. Cette insécurité chronique peut également expliquer
les attitudes de retrait ou d’instabilité psychomotrice des enfants sourds en grandissant.
Certains enfants ont tendance à s’isoler et se retirer des rapports sociaux, ce qui peut s'expliquer par le
vécu d’insécurité qui les habite, mais aussi par la frustration liée aux malentendus, aux
incompréhensions.
L’agitation psychomotrice est normale jusqu’à 5 ans. L’enfant a besoin de vivre avec tout son corps.
C’est aussi grâce à son exploration motrice qu’il apprivoise l’espace du lieu, à défaut d’en entendre les
bruits. Par la suite, elle est une réaction à un environnement en décalage avec ses aptitudes (tout y est
fait pour des entendants), ou un mode de lutte contre l'angoisse et la dépression. De plus il est difficile
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de bouger sans se déplacer chez les enfants sourds dont les mouvements du corps sont leur langage. Il
leur faut beaucoup plus de temps que les autres enfants pour apaiser leur décharge motrice, puis
coordonner, réduire sa motricité ou s’immobiliser.
Certains paraissent distraits ou inattentifs. Leur fatigue est reliée à leur attention accrue pour entendre
(quand c’est possible) et pour voir, et ce d’autant plus qu’ils sont entrés dans les apprentissages scolaires.
• Souffrance exprimée par les adolescents et jeunes adultes
Certains adolescents et adultes déplorent, de façon générale, l’amalgame que font les entendants entre
la surdité et le retard intellectuel. D’autres jeunes sourds profonds se plaignent d’être constamment
évalués par rapport à l’oral (dans lesquels ils sont moins ou non performants) et par là même, d’être
déconsidérés. Certains malentendants déplorent le fait que, parce qu’ils parlent, les entendants ont
tendance à oublier qu’ils sont sourds.
Psychomotricité :
Le rôle du psychomotricien sera d’encourager l’enfant à explorer sa
motricité sous le regard sécurisant du professionnel. Un important travail
de régulation tonique proposera des situations de décharges mais aussi
d’apaisement tonique (relaxation). Cet espace relationnel lui permettra
également un autre mode d’expression du corps, étayée par sa
communication non verbale (regard, mimiques, posture, dialogue
tonique), l’aidant à comprendre et mieux vivre ses émotions. Tous ces
pré-requis lui seront indispensables pour évoluer au mieux sur le plan
affectif, mais aussi linguistique et dans ses apprentissages scolaires. La
guidance et l’accompagnement des parents sont ici indispensables.
Audiologie :
Tous ces signes cliniques entrevus peuvent expliquer bien des situations inconfortables
rencontrées par les professionnels auprès d’enfants sourds : repli de l’enfant, inhibition,
agitation, labilité d’attention, frustration, refus… Les comprendre vous aidera à les vivre.
Dans un second temps il s’agira d’adopter une attitude de contenance plutôt que de
maîtrise. L’enfant peut avoir besoin d’explorer la salle avec vous, s’y sentir en sécurité parce
qu’il la connaît mieux. Il peut avoir besoin d’engager tout son corps dans la
communication. Il trouvera un apaisement et une sécurité par l’accroche de votre regard et
la permanence de votre attention à son égard. Votre communication non verbale peut
suppléer à toute autre communication quand celle-ci est compromise et votre calme et
relâchement corporels seront vecteurs d’apaisement chez l’enfant. Le parent peut être une
présence rassurante pour lui. Un parent investi et convaincu sera indispensable pour que
l’enfant le soit.
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b. Chez l’adulte âgé
Le vieillissement de l’appareil cochléovestibulaire s’accompagne d’une perte progressive de l’audition
(portant principalement sur les sons aigus) à l’origine d’une presbyacousie. Après 65 ans, celle-ci touche
une personne sur trois, mais elle serait sous estimée car seule une minorité consulte et demande un
appareillage. Cette réticence ne touche pas le port des lunettes, ce qui peut s’expliquer par le fait que la
surdité soit associée à une certaine image de la vieillesse.
Lorsqu’elle est brutale, la surdité peut s’accompagner de surcompensation : la personne âgée parle
beaucoup (comme si cela lui évitait d’écouter et de faire répéter) ; elle peut même nier sa surdité.
Lorsque cette dernière survient de manière progressive, elle s’accompagne également d’une phase de
déni de l’infirmité voire de méfiance à l’égard de l’entourage et de tendance à l’isolement social. Ce type
d’attitude peut même s’accompagner d’un refus d’appareillage.
Après 65 ans, la perte des fréquences importantes pour la vie de relation s’associe à des altérations
centrales de discrimination du langage (brouillage des voix, acouphènes, chevauchements de sens...), ce
qui peut expliquer certains échecs d’appareillage car le gain audiométrique de l’appareil ne compense
pas le déficit de l’intelligibilité du langage.
La désafférentation auditive de la personne âgée est davantage considérée comme une privation sociale
qu’une privation sensorielle, car elle la prive de communication à une période de sa vie ou elle en a
particulièrement besoin, subissant déjà un certain nombre de pertes. Ceci peut expliquer la fréquence
d’un vécu dépressif associé à cette désafférentation sensorielle, parfois passé inaperçu par l’entourage.
A l’inverse, il arrive parfois que le syndrome dépressif n’advienne qu’après appareillage, et pourrait être
expliqué par les conséquences d’une hyperstimulation auditive après un long appauvrissement.
Quelques rares patients atteints de surdité peuvent présenter une attitude délirante appelée « paranoïa
des sourds » (dépression, anxiété, hallucinations auditives par phénomène d’habillage progressif de
l’acouphène).
La thérapie psychomotrice proposera à la personne âgée un espace d’expression de sa
souffrance et de son vécu dépressif. Le plaisir moteur, dans un contexte relationnel
sécurisant et soutenant, peut être un vecteur de sortie de crise. La personne âgée a
parfois besoin d’être accompagnée et soutenue dans l’acceptation de sa maladie (et
plus largement des effets du vieillissement sur sa vie). Cet espace pourra lui permettre
d’entraîner sa suppléance visuelle lors d’exercices et de jeux moteurs, d’imitation et de
visée.
Dans le cadre d’un appareillage, on perçoit bien l’importance d’une alliance
thérapeutique avec le patient, garantie par la qualité de l’échange relationnel avec le
professionnel. Il faudra sans doute du temps et de la patience pour que la personne
accepte la surdité et de ce fait l’appareillage. En effet, de façon générale, le
vieillissement s'accompagne d'une diminution des capacités de l’individu à s’adapter à
une nouvelle situation (surtout si elle est anxiogène) ou une mise en œuvre plus
longue de cette adaptation.
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2. Retentissement des troubles vestibulaires chez les personnes
porteuses d’un handicap auditif
Rappelons que la prévalence entre surdité et dysfonctionnements vestibulaires est d'environ 60 % avec
la répartition suivante :
• 20 % d'aréflexie bilatérale complète;
• 40 % d'atteinte partielle: canalaire ou otolithique, asymétrique ou unilatérale.
L'équilibre est une fonction complexe. Il fait appel à 3 afférences sensorielles (vestibulaire, visuelle,
proprioceptive). L’ensemble de ces informations sont intégrées dans le système nerveux central qui
déclenche les actions appropriées pour rétablir et maintenir l’équilibre, la coordination et le bien-être.
De leur concordance dépend un fonctionnement normal et inconscient de l'équilibre. Une atteinte de
l'appareil vestibulaire entraine un trouble de l'équilibre qui se traduit entre autre par des manifestations
vertigineuses.
a. Retentissement des troubles vestibulaires sur le développement psychomoteur
de l’enfant
Ce qui est moins connu, ce sont les répercussions psychomotrices à moyen terme d'une atteinte
vestibulaire précoce chez l'enfant sourd : des difficultés de régulation tonique et une structuration du
schéma corporel défaillante qui ont des conséquences sur le contrôle du geste; et un véritable retard
dans la construction d'un référentiel spatial et temporel.
Ces pré-requis étant trop fragiles, les enfants sourds/vestibulaires peinent davantage à construire un
langage structuré, qu'il soit oral ou gestuel, et plus encore écrit. On constate donc au bout de deux ou
trois ans de scolarisation une difficulté plus grande chez ces enfants à progresser dans les apprentissages.
• Dans les deux premières années
Un enfant sourd sur cinq présente une atteinte vestibulaire congénitale complète qui offre un tableau
clinique caractéristique :
• Une hypotonie axiale importante. L'enfant est passif aux manœuvres de redressement et de maintien
de la tête. Le bébé a généralement du mal à soutenir son regard, ce qui peut avoir des incidences sur les
interactions précoces.
• Une intolérance aux mouvements. Du fait de l'absence de stabilisation du corps et de la tête (absence
de réflexes vestibulo-oculaire et vestibulo-spinal*) l'enfant perd constamment ses repères lors des
mouvements trop rapides ou lors des tentatives de bercements qui auraient pu l'apaiser. Il préfère
généralement rester allongé avec le plus de contact possible avec une surface stable. Certains adoptent
des positions raides pour tenter de stabiliser leur corps et leur champ visuel, mais limitent de ce fait
leurs explorations.
*Le réflexe vestibulo-oculaire a pour fonction de maintenir les yeux fixés de façon stable sur un point pendant les
déplacements de la tête en compensant automatiquement ceux-ci par un déplacement équivalent des yeux en direction
opposée. Les réflexes vestibulo-spinaux contribuent à la stabilité de la posture et à l’équilibre.
• Un retard de développement psychomoteur. Lors d'une aréflexie bilatérale complète, toutes ces
étapes seront franchies avec un retard d’âge : tenue de tête ; tenue assise ; verticalisation ; premiers pas.
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Les étapes ultérieures de locomotion sont retardées également : s'accroupir ; monter une marche avec
aide, tirer au pied dans un ballon, courir avec aisance, sauter sur un pied.
• Des chutes fréquentes. Des chutes fréquentes et souvent non anticipées pourront également alerter
sur le bon fonctionnement vestibulaire. De fait, l'enfant privé de fonction canalaire ne peut gérer les
rotations rapides de la tête. On peut alors observer des chutes spectaculaires avec une absence de
"réaction parachute" par non anticipation du déséquilibre.
• Une recherche plus fréquente d'appuis. Les appuis au sol sont une référence et l'enfant aura du mal
à s'en détacher. Plus grand, l'enfant recherche le contact du mur ou de la main de l'adulte lors des
parcours d'équilibre ou dans les descentes d'escaliers.
• Investissement moteur désordonné ou inhibé. Le jeune enfant sourd est classiquement décrit
comme hyperactif, cherchant par sa motricité exubérante les limites de l'espace qui l'entoure. L'aréflexie
vestibulaire amplifie le phénomène car elle retarde la bonne structuration du schéma corporel autour
d'un axe central unificateur (l'axe tête-cou-colonne vertébrale). À l'inverse, l'enfant plus craintif et
éventuellement échaudé par des chutes intempestives pourra réduire ses expériences de locomotion et se
montrer inhibé dans son investissement moteur de l'espace.
• La fatigabilité. Les enfants sourd/vestibulaires doivent développer une énergie considérable pour
maintenir un équilibre postural nécessaire et suffisant aux activités quotidiennes.
• Conséquences à plus long terme
• Une régulation tonique mal ajustée. À partir des premières expériences de locomotion, l'hypotonie
constatée jusque-là peut faire place à une hypertonie d'action et se transformer en hypertonie
d'habituation. En effet, l'enfant pour maintenir un équilibre nécessaire à ses déplacements et
mouvements aura tendance à rigidifier son axe tête-cou-tronc, mais également les articulations du bassin
et des jambes. Ces attitudes de compensation sont perverses car elles induisent une limitation de
l'exploration visuelle (rigidification du cou) et de la motricité générale.
Le manque d'adaptation tonique est fréquent dans la plupart de ses activités motrices et graphomotrices
(tenue hypotonique du crayon qui peut alterner avec une crispation exagérée).
• Un schéma corporel mal intégré. On constate une grande imprécision dans la connaissance du corps
et de ses limites, liée sans doute à un défaut d'expérimentation sensori-motrice.
• Une latéralité indécise. Chez l'enfant sourd/vestibulaire on constate souvent que l'enfant a du mal à
choisir une main pour le graphisme, qu'il change de pied dans les jeux de ballons ou ne sait pas dire de
quel côté il est le plus à l'aise dans les appuis uni-podaux.
L'hypothèse pourrait être que ces enfants n'ont pas une conscience claire de la verticale et de leur axe
corporel, il se crée alors une sorte d'indifférenciation des deux hémicorps. Sur le plan fonctionnel,
l'ancrage de ces enfants dans leurs appuis au sol, avec un écart des deux pieds un peu élargi, est
nécessaire au maintien de l'équilibre, et pourrait retarder l’expérimentation d’une préférence latérale du
pied.
Plus gênant encore est la difficulté à discriminer la droite et la gauche sur soi (puis sur autrui). Ces
lacunes perturbent ainsi la manipulation de l'espace orienté: jeux de constructions, graphisme,
reconnaissance des lettres et écriture, espace signé en Langue des Signes Française (LSF).
• Des lacunes dans l'orientation spatiale. L'organisation de l'espace est mise à mal par la double
déficience: auditive (réflexes d'alerte et d'orientation] et vestibulaire. Il faut comprendre que l'enfant
sourd/vestibulaire n'a pas de perception interne, dans son propre corps, des notions de pesanteur, de
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verticalité (de haut, de bas, de droite, de gauche, d'avant ou d'arrière). Il doit se faire une idée de ces
notions essentiellement grâce au système visuel et à la proprioception. Seule une expérimentation de
l'espace proche suffisamment stimulante peut permettre de compenser.
• Une organisation rythmique impossible ? Plusieurs hypothèses peuvent expliquer les difficultés de
ces enfants aux épreuves de reproduction rythmique : leur surdité, les troubles de la fonction sacculaire,
mais également le fait que certains enfants supportant mal d'être portés et bercés auront moins bénéficié
des rythmes de portage de leurs parents.
• Des lacunes dans la notion de temps chez les enfants signant. On note que les notions de temps
sont traduites en LSF par des gestes orientés par rapport au corps: déroulement d'arrière (événements
passés) vers l'avant (futur); et progression de gauche à droite pour marquer la régularité d'une action. Les
enfants sourd/vestibulaires ayant une plus grande difficulté à s'orienter par rapport au corps propre
(avant/arrière, gauche/droite) seront donc pénalisés dans la traduction signée des notions de temps.
L'intervention d'un psychomotricien, en lien avec les autres professionnels des
troubles vestibulaires (kinésithérapeutes essentiellement), permettra d'établir dans un
premier temps un bilan des compétences de l'enfant sur le plan psychomoteur et de
proposer ensuite des situations de jeu où l'enfant pourra expérimenter :
- son corps dans l'espace, mais aussi les différents espaces de son corps (axe
vertical, avant, arrière, haut, bas, droite, gauche)
- la régulation de son tonus, l’ancrage au sol
- sa motricité lors des différentes étapes de son développement psychomoteur
(marcher, courir, ramper, sauter, grimper…)
- affiner les représentations de son schéma corporel
Il est primordial d’accorder à ces enfants du temps, de les installer dans de bonnes
conditions et d'éviter autant que possible les doubles/triples tâches. Il est préférable
par exemple de les installer assis à une table, pieds au sol, pour qu’ils puissent utiliser
l’appui au sol, le dossier de la chaise (non roulante) et la table comme stabilisateurs.
L'enfant doit être libéré du contrôle postural pour pouvoir investir toute son attention
dans les tâches qu'on lui demande de mener.
b. Chez la personne âgée
Le vieillissement du système vestibulaire aboutit chez la personne âgée à des difficultés d’équilibre qui
sont compensées par une préférence visuelle. La proprioception, qui peut être un moyen de
compensation chez un sujet plus jeune, ne l’est pas chez le sujet âgé car le vieillissement altère les
performances proprioceptives.
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La personne âgée atteinte de troubles vestibulaires, appréhendant la chute (ou l’ayant vécue plusieurs
fois), développe un « fantasme de fragilité » : prudence excessive, restriction d'activités, confinement à
domicile… Toutes ces mesures ont des conséquences psychomotrices parfois graves.
En effet l’apparition d’un syndrome d’immobilisation peut être consécutive à un alitement ou
simplement une réduction d’activité. On décrit dans ce syndrome des détériorations musculaires,
ostéoarticulaires, cutanées, neurologiques, psychiques, viscérales et métaboliques qui peuvent s'installer
en quelques jours et aboutir à une grabatisation.
La psychomotricité aura pour objectif de :
- « confronter » la personne âgée à ses réelles possibilités, souvent sousestimées, dans un cadre rassurant en encourageant
- lui faire prendre conscience des autres facteurs qui conditionnent
l’équilibre (répartition du poids du corps, tonicité musculaire,
proprioception, visuel)
- axer la rééducation sur ces autres facteurs pour améliorer l’équilibre et
diminuer les symptômes associés (nausées).
Sécuriser les déplacements (aide à la marche, suggestions d’étayage visuel sur un
point fixe) et l’installation de ces personnes (chaise fixe avec dossier, pieds bien
posés sur le sol, table devant elles). Réduire vos propres déplacements,
retournements, gestuelle pour ne pas surajouter à la sensation vertigineuse du
patient.
Bibliographie :
- Marie Hélène Herzog (psychomotricienne), « Psychomotricité, relaxation et surdité », Masson, Paris, 2009.
- Lucie Delesalle-Morin (psychomotricienne), « La surdité : entre manque de perception et perception du
manque ; A propos du sentiment de sécurité de l’enfant sourd », Mémoire de DE de Psychomotricien, Lyon
2007.
- André Bullinger (Professeur honoraire à la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education,
Université de Genève), « La genèse de l'axe corporel, quelques repères », in Enfance, Tome 51 n°1, 1998. pp.
27-35.
- Louis Gonzalez (Médecin gériatre), « Conséquences de la désafférentation sensorielle chez les personnes âgées »,
in La Revue de Gériatrie, Tome 29, N°1 JANVIER 2004 p61 à 66.
- Soline Lecervoisier (psychomotricienne), « Rééducation vestibulaire chez l'enfant sourd - apport de la
psychomotricité », Mémoire de DIU de Rééducation vestibulaire, dir. Dr S. WIENER-VACHER, UPMCParis VI, juin 2009.
- Sylvette Wiener-Vacher (Médecin ORL), et Soline Lecervoisier, « Troubles de l’équilibre chez l’enfant,
comprendre et aider au quotidien », Livret de l’Acfos (Action Connaissance Formation pour la Surdité)
Paris, 2012.
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