2. BLE

Transcription

2. BLE
(Sur la distribution de)
B L E
à
R O M E
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Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2006
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PRESENTATION
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Lecteur !
Dans divers Tomes, j'ai souligné l'importance du blé dans l'économie
romaine avec, pour corollaire immédiat, le souci constant du sénat de faire en
sorte que l'approvisionnement en blé de la Ville de Rome soit assuré avec
régularité, des magasins de stockage de ce blé ayant été installés tant dans la
Ville elle-même que dans divers ports de la mer Méditerranée, hors d'Italie, qui
sont ports exportateurs de blé vers Rome.
Tu trouveras ci-dessous le texte de deux sénatus-consultes qui donnent
des informations sur l'organisation administrative de la distribution du blé. Ainsi
pourras-tu constater l'importance de l'économie du blé à Rome.
Tu trouveras, à la suite, un texte de Tacite signalant les malversations des
circuits commerciaux, suivi d'une note précisant les diverses impositions établies
sur le blé.
Tu trouveras, enfin, un texte de Strabon traitant indirectement des risques
de famine, en ce sens qu'il fait constater une relation existant entre la hauteur des
crues du Nil et l'importance de la récolte.
Ainsi
pourras-tu
constater
l'importance
de
la
sécurité
d'approvisionnement du blé, question essentielle qui est la préoccupation
principale du sénat : celui-ci doit tout prévoir afin d'éviter une famine pouvant
survenir dans Rome quelle qu'en soit la cause : météorologique par exemple ou
politique : soulèvements des peuplades dominées par Rome, mouvements
révolutionnaires en Italie et, surtout, dans la Ville elle-même. Ceci t'expliquera
les réactions du sénat contre toute décision d'un empereur allant à l'encontre même involontairement - de sa politique fondée sur un état de paix et sur le
maintien de l'ordre dans l'ensemble des territoires sous la férule de Rome.
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SENATUS - CONSULTE
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Le sénatus-consulte dont le texte est donné ci-dessous est relatif à la
distribution des eaux et il se réfère à l'organisation existante de l'administration
ayant en charge les distributions de blé au peuple romain :
«Sénatus-consulte:
Les consuls Q. Aélius Tubéron et Paulus Fabius Maximus, ayant fait un
rapport sur l'organisation des curateurs des eaux publiques nommés de l'avis du
sénat par César Auguste, ont demandé au sénat ce qui lui plaisait à ce sujet.
Sur quoi, il a été arrêté :
- que ceux qui sont chargés de l'administration des eaux, lorsqu'ils sont hors de
la Ville pour cause de leurs fonctions, aient deux licteurs, trois esclaves publics,
un architecte pour chacun d'eux, des greffiers, des expéditionnaires des
huissiers, des crieurs en nombre égal à celui accordé aux fonctionnaires qui
distribuent le blé au peuple.
- lorsqu'ils exerceront leurs fonctions dans la Ville, ils auront, à l'exception des
licteurs, le même cortège.
De plus, l'état des appariteurs accordés aux curateurs des eaux, par le
présent sénatus-consulte, sera, dans les dix jours de sa promulgation par eux
présenté au Trésor Public, et ceux compris dans cet état, recevront par an du
préteur du Trésor les mêmes salaires et rations qu'accordent et délivrent les
préfets chargés de la distribution du blé, cependant ils pourront recevoir la
totalité en argent, pourvu que cela se fasse sans fraude.
En outre, ils sera fourni aux dits curateurs les tablettes, le papier et tout ce
qui est nécessaire à l'exercice de leurs fonctions. A cet effet, les consuls Q.
Aelius et Paulus Fabius sont priés tous les deux ou l'un à défaut de l'autre, de se
concerter avec le préteur du Trésor pour affermer ces fournitures. »
Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2006
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Il fut de plus arrêté que les administrateurs des eaux vaqueraient aux
jugements publics et particuliers de leur compétence pendant la quatrième partie
de l'année, temps auquel les administrateurs chargés du blé et des chemins
exerçaient leurs fonctions.'
(Frontin : Sur les aqueducs de la Ville de Rome 99)
Le texte de Frontin donne ensuite les noms de ceux qui remplirent les
fonctions d'administrateurs des eaux jusqu'au moment où il écrit, c'est à dire
jusque l'année 97 (après J.-C.)... lorsque l'administration des eaux nous a été
confiée'.
Je note, dans cette liste, les renseignements suivants :
- (année 71) :
le troisième consulat de Vespasien
le premier de Cocceius Nerva,
et
- (année 74) :
le cinquième consulat de Vespasien et le troisième de Titus.
LES CONTROLEURS DU BLE
Selon les préceptes en usage, Rome taxait chacune des provinces
extérieures, dépendant de l'empire, pour fournir une certaine quantité de blé à
l'Italie. Or, au lieu de recevoir le blé en nature, il était parfois proposé de payer à
la place une certaine somme d'argent. Rome en profitait parfois pour élever le
prix du blé, ce qui augmentait d'autant la somme que le gouverneur de la
province devait envoyer à Rome. Mais le gouverneur répercutait l’ 'impôt du
blé' sur les contribuables locaux et il s'arrangeait pour fixer le prix du blé très
bas, ce qui augmentait d'autant la quantité de blé que chacun devait lui fournir.
Bien évidemment, le gouverneur gardait pour lui la différence générée par cette
double taxation.
Ceci fait comprendre la raison qui avait amené à organiser, à Rome, un
servi-ce de contrôle du blé par le moyen d'une structure qui, sinon, aurait pu
paraître excessivement lourde. Rien n'étant jamais nouveau dans l'Histoire des
hommes, c'était là, déjà, l'institution des contrôleurs du ravitaillement auxquels
tout Etat doit recourir en période de disette.
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LES ENTREPOTS A ROME
A Rome, il y avait de très nombreux entrepôts : horreum, i, n = entrepôts,
silos, greniers permettant de stocker les marchandises importées :
horrea
ommidiana
horrea
chartaria
horrea
agrippiniana
horrea
piperataria
horrea
candelaria
horrea
horrea
horrea
nerva
du portus
d'Ostie
sur l'Aventin = zone humide / bas-fond humide
contre le Tibre ; l'Aventin est proche du quai vers
Ostie.
sur l'Esquilin : rouleaux de papirus / cahiers de
parchemin.
entre le clivus Victoriae et le vicus Tuscus, en
bordure du Forum.
érigé sous Domitien. (piper, eris, n = poivre,)
gingembre, épices.
(candela, ae, f = chandelle de suif ou de poix),
torches, suif.
sur la voie latine.
de Trajan
de Hadrien (une trentaine d'hectares).
MATIERES IMPORTEES A ROME
Blé
huile
venaisons, lainages bois
salaisons
dattes
épices, gemmes, coraux
soies
étoffes
verreries
ambre
encens
Egypte, Afrique
Espagne
Gaule
Bétique
des oasis
Inde
Extrême-Orient
Orient
Phénicie, Syrie
Baltique
Arabie
or
Dalmatie et
Dacie
plomb
Dalmatie et
Espagne
argent, cuivre Espagne
marbre
Toscane, Grèce et Numidie
porphyre
désert d'Arabie
ivoire
Mauritanie et
Syrtica
papyrus
vallée du Nil.
Bétique : Andalousie, en Espagne.
(Voir ci-après la carte du monde romain).
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LES IMPORTATIONS AU TEMPS D' AUGUSTE
'Sous le règne d'Auguste, l'Alexandrine, armée en navire de charge, entra
pour la première fois dans le port de Rome. Elle apporta 400.000 modii (unité de
volume = un boisseau), 1.200 passagers, du poivre, de la toile de lin, du papier,
du verre et l'obélisque, avec sa base, qui se trouve au Grand Cirque et s'élève à
87 pieds et demi de hauteur.'
(Chronica Urbis Romae)
LE COMMERCE AVEC ROME
Alexandrie fut le principal port de commerce avec Rome et réexportait
divers produits en provenance d'Asie : verre - papyrus - lin. Le fret lourd était
constitué de métaux et de pierres de construction. Il y avait aussi un commerce
fort important de fine poussière pour les besoins des lutteurs dans les arènes,
mais le trafic le plus important fut celui des céréales.
LE DROIT D'USAGE EST PERSONNEL
Voir dans le Tome XVII : Tacite / L'interdiction de l'eau et du feu à la page 64.
'Le droit de concession d'eau ne peut être transmis ni à l'héritier, ni à
l'acquéreur, ni enfin à aucun nouveau propriétaire des domaines : encore
aujourd'hui, le titre de concession est renouvelé avec le possesseur ...' D'où le ...
«Sénatus-consulte:
Les consuls Q. Aelius Tuberon et Paulus Fabius Maximus ... ont
demandé au sénat qu'il lui plaise d'ordonner à ce sujet. Sur quoi il a été arrêté :
- qu'à l'exception des eaux destinées aux bains publics ou concédées au nom
d'Auguste, toute concession d'eau serait maintenue tant que les mêmes possesseurs jouiraient du terrain pour lequel l'eau leur serait accordée. »
(Frontin : même référence - 107)
Il ressort de ce sénatus-consulte que l'interdiction de l'eau et du feu supprime le droit d'occupation du terrain d'où, de ce fait même, l'exil du condamné.
(Voir Tome XVII à la page 64)
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SUR LE BLE DU SOLDAT ROMAIN
Les soldats broyaient et convertissaient eux-mêmes en pain le blé qui leur
était distribué. Le soldat recevait du blé et possédait un petit moulin actionné à la
main. Il pouvait alors confectionner sa galette de pain qu'il cuisait dans une
petite poêle. Par ce système, l'armée romaine pouvait faire de très grands
déplacements et il n'y avait nulle nécessité à ce que la légion soit suivie de
chariots multiples et de cuisines roulantes.
UN SOLDAT DILAPIDE SON BLE
'Un soldat étant accusé, au cours d'une expédition pendant laquelle les
vivres étaient rares, d'avoir vendu cent deniers une mesure de blé qui lui restait
de sa provision, Galba interdit à tous de lui venir en aide lorsqu'il commencerait
à manquer de nourriture et ce soldat mourut de faim.'
(Suétone : Galba VII)
DANS TACITE
'(Cn. Julius Agricola) voulait tout savoir, ne pouvant tout faire. Indulgent
pour des fautes légères, il punissait les graves avec sévérité. Plus souvent, il se
contentait du repentir. Il aimait mieux prévenir les délits ou les malversations
que d'avoir à les condamner.
Il rendit moins accablant le surcroît de tributs de blé et d'argent par une
juste répartition et en retranchant tous ces raffinements de l'avarice, plus odieux
que l'impôt lui-même, car on se faisait un jeu cruel de forcer les bretons de
mendier pour ainsi dire à la porte de leurs greniers, d'acheter leur propre blé audessus de la taxe, et de le vendre au-dessous.
On désignait des chemins détournés, des pays éloignés, à travers lesquels
les villes devaient transporter des vivres dans des lieux écartés et inaccessibles,
quand elles avaient, près d'elles, des quartiers qu'elles auraient pu
approvisionner, vexations imposées comme à plaisir à toute une population dans
l'intérêt d'un petit nombre.'
(Tacite : Vie de Cn. Julius Agricola XIX)
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Note de Nisard :
1.
'Chaque province payait à l'Etat un tribut de grains en nature. Dans celles
que l'on ménageait, parce qu'elles s'étaient données volontairement à l'empire,
les laboureurs ne devaient que le dixième de leurs récoltes. C'est ce que l'on
appelait :
frumentum decumanum.
Quant aux pays de conquête, tels que la Bretagne, chaque propriétaire
était obligé de fournir une quantité fixe de blé, à raison de tant par arpent :
frumentum stipendiarium.
2.
Outre le blé de dixième et d'impôt, les propriétaires étaient obligés de
fournir, pour de l'argent, les grains que leur demandait le gouvernement, soit
pour la subsistance des troupes, soit pour d'autres besoins, et de les conduire sur
les lieux. On nommait ce blé :
frumentum emptum.
3.
La province était encore chargée de fournir au gouverneur, pour l'entretien
de sa maison, un nombre fixe de muids de blé, dont il avait droit de régler le prix
arbitrairement. On composait avec lui, pour l'ordinaire et, suivant l'estimation
convenue, on lui donnait ce blé en argent :
frumentum oestimatum.
4.
Il se commettait sur ces trois articles, et principalement sur les deux
premiers, des abus énormes dont Tacite indique les plus criants. Aussitôt après
la récolte, ceux qui avaient commission de lever le blé de tribut faisaient fermer
les greniers du laboureur et ne lui permettaient pas d'en tirer un grain qu'il n'eût
payé ce qu'il devait à l'Etat. Le laboureur ne demandait pas mieux que de
s'acquitter, mais on n'avait pas le temps de venir compter avec lui. On le laissait
languir à la porte de son grenier jusqu'à ce qu'il se fût engagé de donner aux
exacteurs soit une somme d'argent, soit une quantité de blé plus forte que le
tribut même. Les misérables laboureurs sollicitaient, à titre de grâce, une main
levée qu'on leur vendait chèrement...
Les laboureurs étaient obligés, comme je l'ai dit, de fournir du blé pour les
légions. On payait celui-là, mais toujours au-dessous de sa valeur. Enfin, pour
comble d'injustice, ce n'étaient pas les habitants les plus voisins des quartiers
d'une légion qui recevaient ordre d'y voiturer des grains, c'étaient au contraire les
plus éloignés. Ceux-ci, pour se rédimer d'un transport si ruineux, comptaient une
somme d'argent sur laquelle les entrepreneurs faisaient des profits
considérables.'
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UNE CRUE DU TIBRE
'(Sous Othon) la catastrophe causée par le Tibre fut considérée par la
foule comme un signe fâcheux : sans doute était-ce bien la saison où les rivières
se gonflent le plus, mais jamais ce fleuve n'était monté aussi haut et n'avait causé
autant de dégâts et de pertes. En débordant de son lit, il inonda une grande partie
de la Ville et surtout l'endroit où l'on détaille le blé destiné à la vente, ce qui
provoqua une grosse disette pendant plusieurs jours.'
(Plutarque : Vie (Othon) 4.1)
'(Il y eut) une brusque inondation causée par le Tibre qui, considérablement grossi, arracha le pont Sublicius ((= un très ancien pont en bois de Rome.
Chaque fois qu'il était endommagé, on considérait que c'était un présage de
malheur)) et, retenu par le barrage ainsi formé, envahit non seulement les
quartiers bas de la Ville, mais des endroits que l'on croyait à l'abri d'un tel
accident.
Il y eut une famine dans le petit peuple qui ne gagnait plus sa vie et parce que
le ravitaillement faisait défaut.'
(Tacite : Histoires I-86)
LA CRUE DU NIL ET LE RISQUE DE FAMINE
'Le pays fut d'abord divisé en nomes (= régions) ... A leur tour, les nomes
étaient divisés en d'autres sections, la plupart d'entre eux étant divisés en
toparchies (= cantons) qui, elles-mêmes, étaient fractionnées en d'autres
sections, la plus petite subdivision étant l'aroure (= environ 27 ares).
Ce précis et minutieux bornage avait été rendu nécessaire par la
perpétuelle confusion des bornages créée par le Nil au moment de ses crues car
le Nil re-tranche et ajoute, changeant la configuration des propriétés et le plus
souvent faisant disparaître les marques qui permettent de distinguer sa propre
terre de celle d'autrui, de sorte qu'il fallait refaire les mesures encore et toujours.
On affirme même que ce fut là l'origine de la géométrie...
Les pratiques des égyptiens à l'égard du fleuve sont si excellentes que, à
force de diligence, la nature a été vaincue car, selon l'ordre naturel, une terre va
donner plus de fruits qu'une autre et davantage encore si elle a été inondée.
Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2006
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Mais souvent la nature se montrait défaillante ; une activité diligente
parvint, même lors des crues les plus faibles, à inonder autant de terres que lors
de grandes crues, et ce par le moyen de canaux et de digues. Dans les temps
précédant l'administration du pays par Petronius (de 25 à 20 av. J.-C.), la récolte
la plus abondante et la crue la plus haute avaient lieu lorsque les eaux du Nil
s'élevaient à quatorze coudées. Quand les eaux, en revanche, s'arrêtaient à huit
coudées, la famine s'ensuivait. Mais, sous l'administration de ce gouverneur,
quand le nilomètre n'enregistrait que douze coudées, on obtenait une récolte très
abondante. Et il arriva même, lors d'une année où n'avaient été enregistrées que
huit coudées, que personne ne connût la famine. L'Egypte est ainsi organisée...
En résumé, l'Egypte se réduit aux terres alluviales, c'est à dire à l'extrême
bande de terres alluviales s'étendant de part et d'autre du Nil qui, des frontières
de l'Ethiopie au sommet du Delta, n'occupe que trois cents stades.'
(Strabon : Géographie XVII-1.3 et 1.4)
• nilomètre :
A l'endroit où on mesurait la hauteur de la crue, on installait un nilomètre.
La mesure officielle de la hauteur de la crue était faite au nilomètre de Memphis, mais c'était à Eléphantine que l'on mesurait avec le plus de précision la
crue du Nil, car c'était le lieu où l'on pouvait connaître avec le plus d'exactitude
en importance et en dates les évolutions de chaque crue du Nil. Il existait aussi,
en de nombreux endroits, des repères marqués sur des pieux ou d'autres charpentes donnant une idée de la crue locale.
• à Eléphantine :
'Quant à Syène et Eléphantine, la première est une ville aux frontières de
l'Ethiopie et de l'Egypte et la seconde une île sur le Nil située à un demi-stade en
face de Syène. La ville qui est sur cette île possède un temple de Knouphis et un
nilomètre comme Memphis.
Le nilomètre est un puits construit en pierres bien équarries sur la rive du
Nil, dans lequel sont faites des marques indiquant les crues du Nil les plus
grandes, les plus petites et les moyennes, car l'eau dans le puits monte et
s'abaisse avec celle du fleuve. (Il est en effet nécessaire d'opérer ces mesures
dans un puits si l'on veut obtenir des résultats précis, car dans le puits il y a
toujours de l'eau claire puisque filtrée par les terrains avoisinants.) C'est
pourquoi il y a des cotes sur la paroi du puits, mesures des crues arrivées à leur
terme et des autres.
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Des inspecteurs les examinent et communiquent leurs observations au
reste de la population, pour son information. Ils savent en effet, longtemps à
l'avance à partir de ces signes et des délais, quand la future inondation se
produira et les révèlent ainsi par anticipation. Ce renseignement est utile, non
seulement aux agriculteurs pour le réglage de la distribution de l'eau, pour les
digues, les canaux, et toute chose de cet ordre, mais également aux préfets pour
l'estimation des revenus publics, car les revenus seront d'autant plus élevés que
la crue sera forte.
A Syène, se trouve aussi le puits qui indique le solstice d'été : c'est que
cette région s'étend sous le tropique (en réalité, la ligne du tropique est à 70 km
au sud) et que les gnomons ne projettent pas d'ombre à midi...
A midi, au moment où le soleil est juste au-dessus de nous, il lance ses
rayons dans les puits jusqu'à atteindre l'eau, si profonds qu'ils soient, car nousmêmes nous nous tenons perpendiculairement à la terre et les puits sont creusés,
eux, perpendiculairement à la surface.
Dans cette ville stationnent trois cohortes romaines qui montent la garde.'
(Strabon : Géographie XVII-1.48)
(Ce qui est la garantie que, étant donnée l'importance stratégique du lieu,
notamment en ce qui concerne l'économie agricole de l'Egypte, donc la sécurité
l'approvisionnement en grains de Rome, la sécurité de ce lieu est assurée.)
ˆ trois cohortes romaines :
'Il y a trois légions (romaines) dont une stationne dans la ville (d'Alexandrie) et les deux autres dans la chôra ((la partie de l'Egypte entre Assouan et
Alexandrie)). Outre ces trois légions, il y a neuf cohortes romaines,dont trois
dans Alexandrie, trois à Syène à la frontière avec l'Ethiopie afin de veiller sur la
région, et trois dans le reste du pays. On compte également aussi trois corps de
cavalerie qui, de la même manière, sont répartis aux différents points
stratégiques.'
(Strabon : Géographie XVII-1.12)
ARMEE D' OCCUPATION EN EGYPTE
'L'Egypte, dès ses origines, a connu le plus souvent la paix en raison de la
capacité du pays à se suffire à lui-même et de la difficulté d'une invasion venant
de l'extérieur, car elle est déjà protégée au nord par une côte dépourvue de port
et par la mer égyptienne, et à l'est et à l'ouest par les montagnes désertiques de la
Lybie et de l'Arabie, ainsi que je l'ai dit.
Les parties restantes, celles qui se trouvent au sud, sont habitées par les
troglodytes, les blemmeyes, les noubai et les mégabares, peuples éthiopiens qui
vivent en amont de Syène. Or ce sont des nomades peu nombreux et peu
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belliqueux, même si les anciens les ont jugés tels, parce que, à la façon des
brigands, ils ont souvent attaqué des gens sans défense.
Quant aux éthiopiens dont les contrées s'avancent plus au sud vers Méroé,
ils sont également peu nombreux et leur population n'est pas concentrée, vu
qu'ils habitent cette longue, étroite et sinueuse bande de terre alluviale que j'ai
déjà décrite. En général, ils sont mal pourvus pour la guerre ou pour les moyens
d'existence en général.
Aujourd'hui encore, l'ensemble du pays est dans les mêmes dispositions.
En veut-on la preuve ? Ils suffit aux romains pour garder le pays de trois
cohortes, et même incomplètes. Et lorsque les éthiopiens ont osé passer à
l'attaque, ils ont mis en péril leur propre pays. Le reste des forces romaines en
Egypte est à peine plus important que ces trois cohortes et les romains n'ont
jamais eu à les regrouper, ne fût-ce qu'une seule fois. Ni les égyptiens, quoique
très nombreux, ni les peuples voisins ne sont des guerriers.'
(Strabon : Géographie XVII-1.53)
• même incomplètes :
Les trois cohortes de Syène comptent, au total, mille huit cents hommes,
alors que les éthiopiens, au sud, auraient pu mobiliser plusieurs milliers
d'hommes.
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Memphis, Syène et Eléphantine :
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