Affaire Zitouni/Lycée Averroès : des accusations graves

Transcription

Affaire Zitouni/Lycée Averroès : des accusations graves
Affaire Zitouni/Lycée Averroès : des accusations
graves que tout contredit
Rédigé par Alain Gabon | Mercredi 18 Février 2015
inShare
Capture d’écran d’un reportage « Réactions face au terrorisme dans un lycée musulman » de FranceTV
Info diffusé le 12 janvier 2015. L’on voit ici Soufiane Zitouni, professeur de philosophie, mener un débat
avec ses élèves de terminale S, au lycée Averroès.
Pour les musulmans de France, la belle façade d’unité nationale et l’« esprit du 11 janvier »
n’auront duré au plus que quelques jours. Coup sur coup, une série de développements
dramatiques sont venus briser les nobles déclarations publiques et mises en garde contre les
amalgames, généralisations et diabolisations.
Tout d’abord, une vague d’agressions et d’attentats ouvertement islamophobes et souvent à
caractère terroriste a pulvérisé les statistiques déjà lourdes en la matière.
Dans le même temps, l’avalanche de cas où professeurs et directeurs d’école s’en prennent à
des enfants de 6 à 10 ans pour une phrase ou un mot de travers relève bien de l’hystérie
collective et de la panique morale, qui fait voir à certains des jihadistes partout.
Par la suite, l’affaire des infographies de la campagne gouvernementale de contreradicalisation « Stop-Djihadisme » contribue elle-même, et cette fois-ci au plus haut sommet
de l’Etat, à stigmatiser toute une religion et à jeter la suspicion sur des centaines de milliers de
musulmans parfaitement paisibles. En effet, elle définit ouvertement comme « signes de
radicalisation », qui plus est « jihadiste », c’est-à-dire carrément terroriste, des pratiques,
traditions et coutumes courantes chez les croyants conservateurs (habitudes alimentaires,
refus de l’alcool, port du hijab, etc.).
Dernier coup dur en date pour l’islam et les musulmans de France : l’affaire Sofiane Zitouni et
ses accusations contre le lycée Averroès.
Averroès, une cible de choix
Situé dans le quartier de Lille-Sud, un des plus défavorisés de la capitale des Flandres, le lycée
Averroès représente un espoir important, une promesse de réussite pour des milliers de jeunes
musulmans. Averroès constitue une cible de taille (une cible de choix ?) puisque, jusqu’à
aujourd’hui, non seulement cet établissement privé est un des meilleurs de France, mais il
constitue un des fleurons de la culture islamique en France.
Surtout, ce lycée d’excellence apporte depuis des années la preuve de l’intégration de
l’islam au sein du tissu institutionnel républicain de notre pays (comme la majorité des écoles
privées catholiques, il est sous contrat avec l’Etat), démontrant ainsi la compatibilité entre
enseignement privé islamique et République française.
A l’exception du professeur Soufiane Zitouni, qui, en ce sens, est bien l’exception qui confirme
la règle, Averroès a toujours été loué et célébré par tous ceux qui y sont passés,
http://www.saphirnews.com/Le-lycee-Averroes-accuse-d-antisemitisme-son-personnel-sousle-choc-temoigne_a20387.html y ont étudié, l’ont visité ou l’ont formellement inspecté lors de
visites académiques et de travail d’investigation.
Les bons vieux classiques de l’accusation
On ne peut donc s’empêcher de penser : il fallait bien que, tôt ou tard, quelqu’un s’en
prenne à cette flamboyante « success story » de l’islam en terre de France, et que ce lycée
se trouve traîné dans la boue en place publique. Voilà qui est chose faite grâce à la tribune
de
ce
professeur.
« Double jeu » et « double langage » insidieux de la direction pour obtenir l’aval de l’Etat tout
en prodiguant à ses élèves un « islamisme radical », une « politisation de la religion » et de
l’enseignement dispensé, un « antisémitisme » généralisé, et on en passe, le démissionnaire
n’y va pas avec le dos de la cuillère (voir les interviews et réactions ici et ici).
On reconnaîtra d’ailleurs les bons vieux classiques à la Caroline Fourest contre Tariq
Ramadan, le «double discours », la fameuse « taqiya » ou « dissimulation islamique », etc. On
est ici en terrain familier. Une accusation isolée, que tout contredit.
Crier au loup : cinq constatations
Cinq constatations mettront en perspective ce témoignage « choc » dont se repaissent déjà
bien évidemment les médias, friands de ce genre de drames sensationnalistes et dont
certains
comme
BFMTV
prennent
ces
propos
pour
argent
comptant.
1. Ce monsieur est bel et bien le seul à lancer de telles accusations, qui sont par ailleurs
démentiesavec force par la totalité des enseignants, de la direction et des élèves d’Averroès,
encore sous le choc. Il est donc assez curieux que Soufiane Zitouni, bien que totalement isolé
dans ses dires, se voit accorder plus de crédit que des centaines d’autres personnes
(littéralement), administrateurs,professeurs et élèves, y compris les siens, dont l’honnêteté est
au
moins
aussi
grande
que
celle
de
ce
personnage.
Mais dans le contexte actuel, quiconque crie au loup et hurle des accusations diffamatoires
quand il s’agit d’islam se voit automatiquement tendre tous les micros. M. Zitouni en est juste
le
dernier.
2. Le cas Zitouni fait partie d’une nouvelle tendance émergente, d’un nouveau profil-type de
plus en plus promu par les médias et la classe politique et dont un Hassan Chalghoumi serait
la caricature : à savoir, le musulman qui, du jour au lendemain, s’autoproclame « éclairé », se
vit, se pense et se présente comme supérieur aux autres musulmans, considère qu’il connaît,
comprend, respire le « vrai islam » bien mieux que ses coreligionnaires, et sur cette seule et
unique base, se permet de leur faire la leçon, de les prendre de haut. Ils n’ont pas
d’humour, ce sont des « radicaux », ils n’ont pas encore « accompli leur réforme », ils ne sont
pas suffisamment laïcs et républicains, ils n’aiment pas assez Charlie, et ainsi de suite.
Invités par les médias pour avant tout stigmatiser les autres musulmans qu’ils accusent de tous
les maux et sur lesquels ils contribuent à jeter la suspicion (d’où leur succès médiatique et leur
popularité auprès de nos dirigeants), ces « musulmans éclairés » se présentent eux-mêmes,
par opposition à la masse des « musulmans archaïques », comme les héros et héroïnes
islamiques de la République, des modèles auxquels les autres croyants devraient aspirer à
ressembler.
On connaît désormais bien ce type de poseurs qui squattent les grands médias. Les
Jeannette Boughrab, Hassan Chalghoumi, Abdennour Bidar, voire Abdelwahab Meddeb ‒
qui, lui, contrairement aux autres, était au moins un véritable érudit ‒, en sont les prototypes. Il
semblerait que M. Zitouni aspire à rejoindre cette galerie de « héros musulmans de la
République » qui passent leur temps à moraliser les autres croyants en les accusant de ne pas
être
assez
éclairés
ou
évolués.
Car, selon ses propres déclarations, M. Zitouni a bel et bien un agenda, celui de réformer
l’islam et les musulmans de France, à son goût trop radicaux et trop politisés. Il proclame luimême partout qu’il s’était dès le départ auto-investi de cette « mission civilisatrice » et que sa
décision de rejoindre Averroès s’inscrivait, selon ses dires, dans ce noble projet. On est alors
en droit de se demander si son coup d’éclat n’avait pas tout simplement pour but d’attirer
sur lui l’attention des médias et des politiques (voir, par exemple, cet interview sur BFMTV,
(minute 7:30 où il exprime sa satisfaction d’être « enfin entendu et écouté par les médias »).
De là à penser que le coup du lycée Averroès n’a finalement été pour lui qu’un moyen au
service de sa « mission » et de sa chasse aux sorcières contre les Frères musulmans, le Hamas,
les
salafistes
et
tout
ce
qui
lui
déplaît...
3. Jusqu’à ce jour, M. Zitouni s’est avéré incapable d’apporter le début d’une preuve
concrète et tangible du bien-fondé ses accusations. Rien, zéro, uniquement le torrent de
boue qui sort de sa bouche. Or, en tant qu’accusateur public, la preuve est à sa charge. Ce
n’est pas à Averroès de se disculper mais à M. Zitouni de prouver ses dires.
4. Même en prenant pour argent comptant les propos de ce professeur, on est frappé par le
caractère anecdotique de ses accusations : telle élève qui refuserait de prononcer le mot «
sexe »en lisant un texte de Freud (bon, soit…) ; tel autre qui se déclare « surpris » que le
professeur Zitouni précise que Spinoza est juif ; tel collègue qui lors d’une discussion en salle
des professeurs « se dit proche du Hamas » (on a envie de demander « Et alors ? »). Pire
encore, selon lui, les pratiques religieuses y compris les plus communes (prière) n’ont pas lieu
d’être… dans une école confessionnelle privée qui existe justement aussi pour cela !
Ce professeur, pour qui la liberté de culte dans un lycée privé musulman ne devrait pas
exister, vit vraiment dans un monde à lui fort étrange. Quant aux propos antisémites plus
graves (limités toujours aux mêmes anecdotes rabâchées sur toutes les chaînes), d’une part ils
ne diffèrent en rien de ceux qui peuvent être entendus dans d’autres établissements, d’autre
part il s’agit précisément du genre de situations qu’un professeur se doit de résoudre. Cela
fait partie intégrante de son travail quotidien. Mais, à l’évidence, tous les enseignants n’ont
pas la carrure, la patience, les dons pédagogiques requis pour se coltiner ces situations.
5. Enfin, si ce monsieur est absent au combat lorsqu’il s’agit de prouver ses dires, toutes les
évidences matérielles et concrètes qui existent bel et bien contredisent et invalident ses
accusations. D’une part, comme mentionné, ce que dit M. Zitouni sur Averroès est démenti
avec
force
et
conviction
choc-temoigne_a20387.html par la totalité des enseignants et étudiants, y compris les siens.
Comment donc croire cet homme contre 600 autres personnes ? Il serait donc le seul à dire
la vérité et tous les autres mentiraient à l’unisson ?
Des preuves matérielles à foison
Cela fait des années que le lycée Averroès est sous le feu des médias français, que l’on peut
difficilement accuser d’islamophilie. Averroès, qui a toujours eu une politique de portes
ouvertes pour tous ceux qui voudraient venir constater ce qui s’y passe, a été visité en long,
en large et en travers des dizaines de fois par littéralement tous les médias locaux et
nationaux, presse écrite et audiovisuelle, de France 2 à La Voix du Nord. Et M. Zitouni, avec
son passage éclair de quelques mois dans cet établissement, aurait par un don de
clairvoyance proprement surhumain vu et compris ce que personne, chercheurs et
journalistes professionnels inclus, n’ont constaté ? Alors, là, chapeau, la « taqiya Averroès » !
En tant qu’établissement sous contrat, le lycée a fait l’objet de plusieurs inspections
académiques. Là encore personne n’a constaté le genre de crimes dont parle ce monsieur.
Surtout, un regard un tant soit peu critique sur les preuves matérielles dont on dispose, y
compris les vidéos de la propre salle de classe de M. Zitouni suffit à infirmer ses propos. Dans
ces vidéos disponibles sur le site Internet du lycée, on y voit des salles de classes mixtes, fillesgarçons, sans hiérarchie aucune ; des filles voilées et d’autres non voilées. Sur une autre
vidéo, on voit M. Zitouni voit animer lui-même une rencontre interreligieuse incluant, entre
autres, un rabbin. Ailleurs, on peut constater qu’Averroès participe depuis des années, et
participera encore en 2015, au Concours national de la Résistance et de la Déportation, sans
que cela ait jamais posé de problème. Et ainsi de suite.
De l’« islamisme radical » et de l’« antisémitisme », ça ? De même, tant la minute de silence
observée dans le calme que les interviews d’élèves sur Charlie Hebdo, ainsi que les
communiqués officiels des autorités du lycée (également consultables sur le site Internet de
l’école) révèlent une constance sans faille ni exception dans la ferme opposition à tout acte
de violence, y compris les attaques jihadistes de janvier.
En somme, la totalité des faits vérifiables (et maintes fois vérifiés par ceux dont c’est le métier
de scruter des établissements comme Averroès, inspecteurs, journalistes, chercheurs,
sénateurs et membres du Parlement, etc.) contredisent de bout en bout les accusations du
personnage.
En revanche, Soufiane Zitouni, lui, n’a strictement rien à montrer.
Remarquons, pour terminer, qu’en portant l’affaire devant la justice française,
contre-les-accusations-une-double-plainte-deposee_a20420.html en invitant quiconque le
souhaite à venir observer ce qui se passe dans le lycée, et en demandant lui-même une
nouvelle inspection académique, Averroès prouve encore ‒ triplement ‒ la confiance que
l’établissement porte aux institutions de la République et sa parfaite intégration au sein de sa
société.
Même s’il semblerait que certains cherchent à le désintégrer.
****
Alain Gabon, professeur des universités aux États-Unis, dirige le programme de français à
Virginia Wesleyan College (université affiliée à l’Église méthodiste de John Wesley), où il est
maître de conférences. Il est l’auteur de nombreuses présentations et articles sur la France
contemporaine et la culture française.