Texte de présentation - Université Bordeaux Montaigne

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Texte de présentation - Université Bordeaux Montaigne
L’enfant et l’animal, projet de recherche.
Proposé par Sophie Coussemacker, maître de conférences habilitée à diriger des recherches
(EA AMERIBER, équipe EREMM)
Enfant embrassant un chat, Livre d’Heures flamand du XIVe siècle,
Baltimore, The Walters Art Museum, Walters Manuscript W.88, fol. 40r.
Les interrelations entre l’homme et l’animal ne constituent pas un questionnement novateur ;
depuis l’ouvrage pionnier de Robert Delort (1984), et les premiers grands colloques sur le
thème (comme celui sur L’homme, l’animal domestique et l’environnement du Moyen Âge au
XVIIIe siècle, Nantes, octobre 1992), le thème n’a jamais disparu du panorama de la recherche
et y revient même en force récemment : ces cinq ou dix dernières années au moins témoignent
d’un étonnant regain d’intérêt pour la question. À preuve, après la publication du collectif sur
l’humain et l’animal dirigé Irène Fabry-Tehranchy et Anna Russakoff en 2014 (cf.
bibliographie jointe), ou le volume de la collection du Sismel consacré aux symboliques du
cheval en 2015, ce sont deux colloques internationaux de très grande ampleur qui se sont
tenus ou vont se tenir en France en mars (Amiens) et en avril (Rouen), ainsi que des journées
de rencontres en mars sur l’ichtyologie à Caen, et d’autres en juin sur l’animal chez les Pères
de l’Eglise, à l’abbaye de Sylvanès. Je pense aussi aux travaux du GDRi Zoomathia de
l’université de Nice Sophia-Antipolis : Transmission culturelle des savoirs zoologiques
(Antiquité – Moyen Âge) : savoirs et techniques1. Il est indéniable que l’animal est à la mode.
Ayant récemment consacré mon mémoire inédit d’HDR à l’équitation médiévale au féminin
(La chevauchée des femmes. Pratiques et symboliques de la monte féminine au Moyen Âge,
soutenue à Poitiers le 10 mars 2016), mais avant tout intéressée par la question de l’enfance,
je me propose de monter un projet de recherche sur l’enfant et l’animal, sur une périodisation
large – indispensable pour toute étude anthropologique – allant de l’antiquité au début de
l’époque moderne, au moins (avec un noyau dur centré sur le Moyen Âge, mais sans
exclusive). Dans l’approche de l’historiographie, le lien éventuel entre l’enfant et l’animal
1
Présentation sur http://www.cepam.cnrs.fr/zoomathia/spip.php?article1
n’est pas le domaine privilégié de la recherche, y compris la plus récente. Il y aurait pourtant
un évident intérêt à examiner les convergences entre ces deux « groupes » d’individus qui
présentent d’étonnantes relations. Pour le théologien comme pour le juriste médiéval, l’enfant
– au moins jusqu’à ses sept ans – n’est pas pleinement raisonnable et n’est pas plus
responsable de ses actes qu’un animal (notamment devant la justice). Et puis, ne dit-on pas de
l’enfant qui apprend à marcher à quatre pattes qu’il « chatonne », ce qui déplaît d’ailleurs
fortement aux pédagogues médiévaux ?
Les angles d’approche peuvent être variés, et je n’offre ici que quelques pistes de réflexion :
- la découverte sensorimotrice du monde par l’enfant, à travers l’animal.
- l’enfant enlevé et nourri (allaité) par des animaux (réels ou mythiques) ; l’enfant
sauvage est-il un animal ? La métamorphose de l’enfant en animal (dans la légende
des enfants-cygnes, par exemple)
- le poids des protéines animales dans la nourriture de l’enfant : quelles « nourritures
animales » pour quels enfants ?
- les fables animalières comme vecteur de l’apprentissage de l’enfant, depuis la
Fecunda ratis d’Egbert de Liège, notamment (XIe s.) ; l’animal et ses petits dans les
fables et les exempla d’origine orientale ou occidentale : métaphore didactique du lien
entre l’homme et ses enfants ?
- le « cheval » de l’enfant : du cheval-bâton à l’apprentissage de l’équitation.
- l’animal de compagnie des enfants, notamment dans les cours princières.
- l’enfant et le monde de la chasse.
- la place et le rôle des animaux dans les institutions d’apprentissage médiévales
(petites écoles « primaires », collèges parisiens du XIVe – XVe siècle…), dans les
statuts de ces institutions et les données iconographiques.
- l’enfant berger, l’enfant mis au travail auprès de l’animal (Gaston Phébus et les
jeunes enfants veneurs s’occupant des meutes…)
- l’enfant victime d’un accident provoqué par un animal (renversé par un cheval,
attaqué par un porc ou par un serpent dans son berceau, défiguré par un chien), à
travers les récits de vie (Jean de Brie) et les procès d’animaux, notamment.
- l’association symbolique entre l’enfant et l’animal (irrationalité, absence de parole,
irresponsabilité).
- l’iconographie de l’enfant et de l’animal : enfance sacrée, enfance profane (les
animaux présents dans les Nativités, et plus encore dans les Naissances de la Vierge et
de saint Jean-Baptiste : présence familière ou menaçante ?).
Ce ne sont que quelques-unes des pistes que j’ouvre à tous ceux qui voudraient participer au
projet. Je ne me propose en effet que d’en être le moteur et l’organisateur. Plusieurs des
étudiants qui travaillent d’ores et déjà avec moi (en thèse ou d’anciens étudiants de master) se
sont montrés intéressés par la question, et la présentation de mon mémoire d’inédit a été
l’occasion de nouer de fructueux contacts avec des spécialistes de l’animal médiéval,
notamment Baudouin van den Abeele (U.C. Louvain). Mathilde Dalbion, qui achève sa thèse
sous la direction d’Isabelle Cartron (et la mienne) sur L’animal dans le Calila et Dimna, est
prête à me rejoindre et co-organiser ce travail dès l’achèvement de ladite thèse. Sa
participation au colloque d’Amiens (cf. bibliographie ci-dessous) lui a permis de faire
connaître ses recherches des autres intervenants. Rachel Jeanneton, étudiante de master à
Poitiers (sur la sellerie médiévale) est aussi prête à s’engager dans ce tout jeune projet. Un
collègue de lettres m’a parlé d’une étudiante de Bordeaux Montaigne travaillant sur l’animal
chez Montaigne. Je suis persuadée que bien des étudiants pourraient être intéressés.
Le projet pourrait prendre la forme d’une journée d’étude, préliminaire à une publication plus
vaste, mais il serait encore plus intéressant (et économique ?) de proposer d’emblée un livre
collectif qui permettrait d’étendre la thématique un peu plus et de façon plus complète et plus
synthétique à la fois. Ce livre pourrait être précédé de réunions plus informelles qu’une
journée d’étude, avec tous ceux qui pourraient être fédérés autour de ce projet. L’outil
informatique (les mails, en clair !) pourrait aussi permettre de façon simple et rapide
d’élaborer une problématique complexe dans laquelle chaque participant apporterait ensuite
ses propres centres d’intérêt. Bien qu’appartenant à l’équipe des hispanistes, actuellement, il
va de soi, pour moi, que ce travail doit être ouvert à tous et à toutes les cultures.
Avant de lancer ce projet, je tenais à le faire connaître à l’École Doctorale, car il me semble
que cela pourrait être le lieu et la structure de réflexion préliminaire permettant de développer
une recherche collective, au sein de l’université de Bordeaux Montaigne. Je me souviens que,
lors que la réunion de l’E.D. concernant l’avenir de la thèse de Mathilde Dalbion, vous vous
étiez montré intéressé, Monsieur Landi, par la thématique de l’animal. Si ce projet rencontrait
un écho favorable de votre part, je me tiendrais à votre disposition pour une rencontre et pour
vous présenter de façon plus détaillée les thématiques qui pourraient être envisagées.
Bibliographie récente (par ordre chronologique).
Hubert Montagner, L’enfant et l’animal. Les émotions qui libèrent l’intelligence, Paris, Odile
Jacob éd., 2002 (pour la mise en perspective générale).
Marie-France Morel, « Le bébé, c’est un petit animal dégoûtant ! », L’histoire (les collections
de l’Histoire), HS n° 32, L’enfant et la famille, juillet/septembre 2006, p. 54-55.
Pierre-Olivier Dittmar, Chloé Maillet et Astrée Questiaux, « Femmes animales et enfants
sauvages », La chèvre ou la femme. Parentés de lait entre animaux et humains au Moyen Âge,
Images Re-vues, mis en ligne le 39 janvier 2012, http://imagesrevues.revues.prg/1261
L’humain et l’animal dans la France médiévale (XIIe-XVe s.), sous la direction d’Irène FabryTehranchy et Anna Russakoff. Faux Titre 397, Amsterdam, Rodopi, 2014, 323 p.
Compte-rendu par Richard Trachsler, dans Reinardus, Yearbook of the International
Reynard Society, vol. 27, Issue 1, 2015, p. 249-252.
Colloques récents ou à venir.
Mondes animaliers au Moyen Âge et à la Renaissance, Colloque de l’Université de PicardieJules Verne, E.A. 4284 TRAME : 9-11 mars 2016, Amiens.
Identifier et décrire les animaux aquatiques au Moyen Âge, 25 mars 2016, Université de Caen
(journée d’étude du CRAHAM).
L’animal et l’homme, 141e congrès du CTHS, Rouen, 11 au 16 avril 2016.
Les animaux chez les Pères de l’Eglise, 25ème rencontres de patristique, 23-26 juin 2016,
abbaye de Sylvanès, avec le soutien des Sources Chrétiennes.
Animaux aquatiques et monstres des mers septentrionales, Imaginer, connaître, exploiter, de
l’Antiquité à 1600, organisé par le CRAHAM du 31 mai au 3 juin 2017 à Cerisy-la-Salle.
Deux des célèbres esquisses de Léonard de Vinci sur l’Enfant Jésus au chat.
Sophie Coussemacker