Hommage à Charles Pasqua 3 juillet 2015 Henri Guaino

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Hommage à Charles Pasqua 3 juillet 2015 Henri Guaino
Hommage à Charles Pasqua
3 juillet 2015
Henri Guaino
Charles Pasqua est mort.
Comment y croire ?
Je me souviens, c’était il y a quelques années, à Marseille, une université d’été
des jeunes de l’UMP - Il entre dans la salle - non loin de moi un jeune militant
dit à ceux qui l’entourent : « Regardez, la légende est là ».
Légende dorée pour ceux qui l’aimaient.
Légende noire pour ceux qui le détestaient.
Nous nous recueillons aujourd’hui devant le cercueil d’une légende.
Il disait pour faire de la politique, il faut aimer les gens.
Il les aimait.
Et moi je l’aimais.
En politique on admire parfois, on estime de temps en temps.
On aime rarement. Je l’aimais.
Beaucoup de gens l’aimaient.
Les petites gens surtout.
Charles Pasqua est mort.
Comment y croire ?
Il prenait une telle place dans la vie de ceux qui croisaient sa route que le vide
qu’il y laisse est impensable.
Charles Pasqua est mort.
Comment y croire ?
Compagnons des jours de gloire et parfois d’infortune ceux qui le suivaient,
ceux qui le combattaient, tous étaient marqués par son empreinte.
Cet homme était la vie,
Cet homme était le midi, le soleil sur la mer.
Cet homme était le visage d’un pays fraternel et chaleureux.
Il connaissait par cœur le roman national et les mille et une raisons pour
lesquelles la France peut être aimée.
Charles Pasqua est mort.
Comment y croire ?
Cet homme semblait éternel.
Il savait réveiller en chacun, au plus profond du désarroi, cette part de France
que portent les femmes et les hommes de ce pays et dont tous les résistants
pensent qu’elle ne peut pas mourir.
Cet homme était la résistance.
Celle qui commence à 15 ans et qui dure toute une vie.
Les politiciens ne l’ont pas épargné parce qu’ils n’ont jamais compris ce que
pouvait signifier le mot résistance eux qui marchandent tout. Comment le
politicien qui dit toujours « oui » pouvait-il comprendre le résistant qui un jour a
dit « non » ?
Charles Pasqua est mort.
Comment le croire ?
Il y avait un mot qui pour cet homme comptait plus que les autres.
Ce mot, c’était le mot « honneur ».
Il a été souvent trahi.
Il n’a jamais trahi.
Question d’honneur.
Il connaissait tous les secrets de la République.
Il n’en révéla aucun pour se défendre lorsqu’il fut attaqué.
Question d’honneur.
Dans la difficulté, il était toujours là pour ses amis comme pour ses adversaires.
Question d’honneur.
Lorsqu’il nommait des préfets ou des directeurs, il choisissait la compétence non
l’étiquette politique.
Question d’honneur.
On ne l’aurait pas vu refuser les honneurs militaires à un ancien Ministre d’Etat
médaillé de la Résistance et de la France Libre.
Question d’honneur.
Charles Pasqua est mort.
Comment le croire ?
L’écho des colères homériques et des immenses éclats de rire de Charles Pasqua
et de Philippe Seguin résonnent encore dans les têtes de beaucoup d’entre nous.
Mais les grandes voix qui parlaient au peuple français et qui dérangeaient tant de
monde se sont tus.
Terrible silence dont ne peut sortir qu’un grand malheur.
Ils le pressentaient.
C’est pour cela qu’ils parlaient si haut.
Qui donc demain pourra encore jeter à la face des timorés le mot magnifique
dont ils avaient fait le mot d’ordre de la campagne du non au traité de Maastricht
en 1992 :
« Liberté je chéris ton « non » » !
Charles Pasqua est mort.
Comment le croire ?
Comment croire que nous n’entendrons plus cet accent formidable qui avant
d’être celui du Sud était celui d’une sincérité si rare en politique ?
Comment croire que cette politique pleine de bruits, de rire et de fureur,
comment croire que cette politique charnelle qui se faisait avec le cœur et avec
les tripes comme le prolongement naturel d’un combat où tant d’hommes et de
femmes étaient morts pour que la France vive, comment croire que cette
politique pour laquelle la raison d’Etat était sacrée, la France était sacrée, et
l’amour que l’on portait à sa patrie était l’amour que l’on portait à ses enfants, et
il était sacré.
On l’accusait de « diplomatie parallèle » et d’être peu regardant sur les moyens.
Il l’était, en effet, quand il s’agissait de sauver une vie ou de défendre l’honneur
de la France. Mais personne ne l’a jamais vu accomplir un acte dont la France
put avoir honte.
André et Françoise Pasqua ont appelé leur fils Charles. Signe du destin.
« De toute ma vie, dira-t-il, je n’ai été inconditionnel qu’une seule fois, ce fut
du Général de Gaulle ».
Il n’était pas de droite, il n’était pas de gauche, il n’était pas du centre, non, il
était Gaulliste.
Le Général avait dit « La France ce n’est pas la droite, ce n’est pas la gauche,
c’est tous les Français ».
Charles Pasqua disait « Si être de droite, c’est être pour l’ordre et pour
l’autorité, alors je suis de droite. Si être pour la justice sociale, c’est être de
gauche, alors je suis de gauche ».
Tel était Charles Pasqua, fils de gardien de la paix devenu Ministre de
l’Intérieur, toujours au premier rang du combat politique. - De Gaulle encore :
« la vie est un combat » - mais rêvant du rassemblement du peuple français,
fidèle à son pays plus qu’à son parti, fidèle à sa jeunesse, fidèle en amitié, fidèle
à sa famille, à sa femme, fidèle à ses convictions et dont on a étouffé la voix au
soir de sa vie parce qu’elle gênait trop de gens.
Charles Pasqua est mort.
Comment le croire ?
Il a reçu bien des coups.
Mais, c’est un coup du sort, celui qui lui a pris son fils qui lui a été fatal.
Madame, il vous aimait comme rarement un homme aima une femme.
A vous, à vos petits-enfants, Alexandre et Philippe, à vos proches, je veux dire
que toutes mes pensées sont avec vous dans ce moment de douleur.
Charles Pasqua m’a honoré de son amitié. Vous m’avez fait l’honneur de me
permettre de dire ces quelques mots devant son cercueil enveloppé de ce
drapeau qu’il chérissait.
Du fond du cœur, je vous en remercie.
Charles Pasqua est mort.
Comment le croire ?
Une légende ne meurt pas.
Il aimait Napoléon, De Gaulle et Victor Hugo.
Il connaissait par cœur des centaines de vers et peut-être ceux-ci :
« Que peu de temps suffit pour changer toutes choses !
Nature au front serein, comme vous oubliez !
Et comme vous brisez dans vos métamorphoses
Les fils mystérieux où nos cœurs sont liés ! »
« Quand notre âme en rêvant descend dans nos entrailles »
« Comme quelqu'un qui cherche en tenant une lampe,
Loin des objets réels, loin du monde rieur,
Elle arrive à pas lents par une obscure rampe
Jusqu'au fond désolé du gouffre intérieur ;
Et là, dans cette nuit qu'aucun rayon n'étoile,
L'âme, en un repli sombre où tout semble finir,
Sent quelque chose encore palpiter sous un voile...
C'est toi qui dors dans l'ombre, ô sacré souvenir ! "
Non une légende ne meurt pas toute seule.
Elles ne meurent que parce qu’on cesse de les transmettre.
Croyants et non croyants, prions pour que nul n’oublie et pour que la race des
résistants ne s’éteigne jamais.