Remettrel`humain aucentredurecrutement

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Remettrel`humain aucentredurecrutement
Tous droits réservés - Les Echos 9/8/2013 P.Idees & debats
LE POINT
DE VUE
de Hervé Solus
Remettrel’humain
aucentredurecrutement
pourdynamiserl’emploi
Les méthodes de recrutement classiques ne suffisent plus.
Dans un contexte de méfiance des citoyens à l’égard de
l’entreprise, celle-ci doit séduire les candidats en se montrant
plus transparente et soucieuse du quotidien de ses employés.
I
l existe de nombreux dispositifs
publics pour contrer le chômage : initiatives locales ou
régionales, actions de Pôle emploi,
récemment contrat d’avenir ou
contrat de génération, ou encore
aides à l’embauche. D’autres idées,
venues de pays – l’Allemagne, le
Canada ou le Danemark – qui réussissent notamment à intégrer leurs
jeunes mieux que nous, sont en
cours de test ou de déploiement
comme l’apprentissage massif, les
emplois francs ou l’entreprise au
cœur de l’école.
Mais quels que soient les politiques menées et les budgets consacrés, il faut d’abord restaurer la confiance entre les hommes et les
entreprises, pour créer un climat
propice à l’embauche. Comment ?
En rapprochant les candidats et les
entreprises par la valorisation de
leurs richesses propres. Une idée
simple, que chacun peut mettre en
œuvre, à la condition toutefois de
faire évoluer les mentalités et les CV.
Dans son livre « L’Art de se lancer », Guy Kawasaki consacre un
chapitre entier à l’« art de recruter ».
Il y fait part d’une expérience qu’il a
vécue au Stanford Shopping Center à
Palo Alto, en Californie, alors qu’il
était responsable marketing chez
Apple, et dont il a fait une règle pour
ses recrutements. La voici.
Imaginezquevousêtessurlepoint
de recruter un collaborateur et que
vous le retrouviez par hasard dans
un supermarché. Il ne vous a pas
encore vu. Vous avez alors trois possibilités :
1. Vous vous précipitez pour aller
lui parler ;
2. Vous vous dites que, s’il vous voit
celaira,maisque,s’ilnevousvoitpas,
cela ira aussi ;
3. Vous faites demi-tour pour
l’éviter.
Bien sûr, seule la première attitude
valide l’embauche. C’est la richesse
de ce collaborateur qui vous pousse à
aller le saluer dans un supermarché ;
en aucun cas son diplôme ou son
expérience. Et c’est probablement
votre attitude à ce moment qui le
poussera à vous rejoindre parce que
vous lui aurez montré que vos
valeurs, celles de votre entreprise
et les siennes sont en parfaite
adéquation. Un bon recrutement est
avant tout caractérisé par le partage
de valeurs communes entre le candidat et l’entreprise. C’est de cette adéquation que dépendra la capacité du
candidat à s’investir et à donner le
meilleur de lui-même en travaillant
pourunecause,unserviceouunproduit auquel il croit.
En faisant le choix de l’individu
pour ce qui l’anime et ce qu’il a de
commun avec son futur employeur,
le recruteur gagne également une
autre dimension, dont la puissance
n’a quasiment pas de limite : la constitution d’une équipe à l’énergie positive, unie par la qualité de ses relations humaines. Pour atteindre cet
objectif, nous devons modifier nos
habitudesetfaireévoluerleclassique
et ancestral CV au profit d’une présentation dépassant le diplôme et les
acquis. En agissant ainsi, l’entreprise
élargit son spectre de recherche de
candidats et s’ouvre à des profils différents et porteurs d’une diversité
génératrice de créativité et de valeur.
Enfin, elle contribue à la fluidification du marché de l’emploi en donnant sa chance à chacun.
Cela peut paraître paradoxal dans
une société qui compte 5 millions de
chômeurs (prenons les vrais chiffres), mais l’entreprise doit faire
davantage d’efforts pour attirer les
candidats. Elle doit être proche et
désirable. C’est son intérêt. La
défiance s’est installée entre les can-
Nous devons
faire évoluer
le CV au
profit d’une
présentation
dépassant
le diplôme
et les acquis.
Pour fluidifier
le marché
de l’emploi,
il faut croire
qu’il y a
des candidats
motivés
et travailleurs.
didats et les recruteurs, surtout
parmi les générations nées après le
choc pétrolier de 1973, les années
« crise ». Elles se méfient de l’entreprise, qui ne représente pas un cadre
stable. Un phénomène qui ne fait que
s’amplifier au fil des années et dont la
génération Y, pour laquelle le niveau
de chômage lui vaut d’être qualifiée
de « génération perdue » par le
Bureau international du travail,
devient l’emblème.
Pour casser cet état d’esprit et
recréer les conditions de l’échange,
l’entreprise doit désormais se montrer accessible, transparente et préoccupée par le quotidien de ses salariés. Elle doit montrer un visage
humain. Et cela commence par la
petite annonce d’emploi.
Sur un journal papier comme sur
Internet, une offre d’emploi se
résume pour l’essentiel au descriptif
de la mission proposée et du profil
recherché.Ilfautallerau-delàetdonner au candidat toutes les informations qui lui permettent de comprendre réellement l’ADN de l’entreprise
et de se projeter dans le poste (photos, recommandations, informations pratiques, etc.).
Cette démarche, signe d’une
volonté de transparence, aide à instaurer une relation de confiance.
Mais, surtout, cette démarche valorise le postulant, qui y verra de la
considération et de l’attention.
Pour fluidifier le marché de
l’emploi, il faut y croire. Croire qu’il y
a des candidats motivés et travailleurs. Croire que l’entreprise peut
réussir. Croire que son pays a de l’avenir.Nousdevonsadopteruneattitude
optimiste et cesser de dénigrer, nous
remettreenquestionetdéclencherle
cercle vertueux du succès.
Hervé Solus est cofondateur
de JOBaProximite.

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