DAï FUJIKURA (Né eN 1977) - Orchestre de la Suisse Romande
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DAï FUJIKURA (Né eN 1977) - Orchestre de la Suisse Romande
DAï FUJIKURA (Né en 1977) Rare Gravity, pour orchestre (création suisse) Je me demande toujours comment je peux exprimer en musique ce que je vois et ce que j’entends.1 Né en 1977 à Osaka, le compositeur japonais Daï Fujikura est appelé tout naturellement à intégrer un brassage d’éléments orientaux et occidentaux dans son œuvre, puisqu’il arrive en Europe déjà à l’âge de 15 ans. Il fait ses études de composition auprès de Daryl Runswick au Trinity College de Londres, puis avec Edwin Roxburgh au Royal College of Music, avant de les achever sous la direction de George Benjamin au King’s College de Londres. Daï Fujikura s’attire tous les regards du monde musical dès 2004 en tant que lauréat du Prix de composition de la Royal Philharmonic Society de Londres. L’année suivante sera encore plus riche en événements. Il dirige la création de son œuvre orchestrale, Vast Ocean, au Festival de Donaueschingen à la tête de l’Orchestre de la Radio néerlandaise et avec la participation du Studio expérimental de la Fondation Heinrich Strobel de Cologne. Au Festival de Lucerne, l’Ensemble intercontemporain donne la première audition d’une autre partition du jeune Japonais, Stream State, sous la baguette de Pierre Boulez, suite à quoi la même formation lui commande, pour les 80 ans de leur chef, la pièce Code 80, créée à la Cité de la musique à Paris. Désormais, les portes de la musique contemporaine s’ouvrent toutes grandes pour Daï Fujikura, et ce n’est qu’une succession de commandes prestigieuses : Crushing Twister pour l’Orchestre de la BBC, Vanishing Point pour l’Ensemble Modern, Wave Embraced pour le Klangforum Wien et BIT20, Swarming Essence pour l’Orchestre de Radio France, un concerto pour piano pour le Philharmonia Orchestra de Londres et bien d’autres encore. Dès lors, la musique de Daï Fujikura est programmée dans le monde entier. Dans son pays natal, il a donné un concert de ces œuvres au Suntory 1 Daï Fujikura, « What music can learn from the movement of birds and fish », in The Guardian, 30 novembre 2011. orchestre de la suisse romande saison 2014-2015 Hall de Tokyo. A Londres, où il réside avec sa famille, il a déjà reçu deux commandes des célèbres Proms. Plus récemment, le Sinfonietta de Londres a créé son Concerto pour contrebasse. D’ailleurs, plusieurs œuvres concertantes ont vu le jour, notamment pour basson, pour piano, pour cor ou pour flûte à bec, pour ne pas parler d’un concerto pour guitare rock et ensemble, Abandoned Time. Artiste éclectique, le compositeur n’a pas pour autant négligé d’autres genres. Son premier opéra, Solaris, fruit d’une collaboration avec l’écrivain Saburo Teshigawara, sera donné l’année prochaine au Théâtre des Champs-Elysées, à l’Opéra de Lausanne et à l’Opéra de Lille. Il est l’auteur de plusieurs pièces vocales sur des textes de Harry Ross, d’une production importante de musique de chambre (dont deux quatuors à cordes) et de morceaux mêlant instruments occidentaux et nippons (shō, koto). Néanmoins, et malgré son goût personnel pour les films de Yasujiro Ozu ou d’Akira Kurosawa, Daï Fujikura n’accorde pas une influence majeure à la culture japonaise dans son œuvre, préférant, dit-il, créer une musique neutre et sans frontières. Il s’est également essayé dans les domaines de la musique avec vidéo (collaborations avec l’artiste Tomoyo Yamaguchi), dans l’improvisation jazz et pop (collaborations avec David Sylvian et Ryuichi Sakamoto) et la musique électronique. Parmi ses nombreuses compositions pour instrument solo, le piano (son propre instrument) occupe une place de choix. Daï Fujikura se définit volontiers comme quelqu’un qui désire créer des utopies et rester toujours maître à bord en tant que compositeur, ce qui implique le contrôle de la sonorité dans l’ensemble tout en laissant la liberté aux phrases individuelles de tel ou tel pupitre. Cette vision des choses a été le point de départ, par exemple, de Secret Forest, commande du Festival Musica de Strasbourg, où une partie de l’orchestre est installée dans la salle comme la « forêt secrète » du titre. Selon ses propres dires, le jeune Japonais n’aime pas forcément la nature telle qu’elle est. Cela ne l’empêche pas d’être fin observateur de cette même nature et 7 DAï FUJIKURA (Né en 1977) Rare Gravity, pour orchestre (création suisse) de la refléter dans des partitions comme Swarming Essence, où il s’inspire des mouvements des oiseaux et des poissons. Parmi ses projets figure la création mondiale d’une nouvelle œuvre en juin 2015 au Metropolitan Museum of Art de New York par le Philharmonique de cette ville. Commande de l’OSR, Rare Gravity, donné ce soir en première audition suisse, a été créé par notre orchestre le 8 juillet de cette année au Suntory Hall de Tokyo, au cours de sa tournée japonaise, sous la baguette de Kazuki Yamada. Nous reproduisons cidessous une notice par le compositeur sur son œuvre. Richard Cole > Visiter le site de Daï Fujikura « Récit d’une venue au monde imaginaire (Fujikura rend hommage à son propre enfant), l’œuvre s’ouvre sur une nappe spectrale aux écumes minimalistes, petit corps trépidant de piccolos graves nimbés dans les harmoniques des cordes et les résonances de vibraphones. » Julian Sykes, LE TEMPS, 24 septembre 2014 > Découvrir l’article « Depuis la naissance de ma fille – il y a deux ans au moment où j’écris ces lignes – j’ai composé plusieurs morceaux puisant leur inspiration directement d’elle. Dans Rare Gravity, j’imagine quelle serait la sensation de flotter à l’intérieur de l’utérus de la mère avant d’en sortir lors de la naissance. moments, mon morceau est même assez rapide. Ce que je vise, c’est l`effet de méditation qui résulte d’une musique rapide, si une chose pareille est possible. La musique prend forme comme la croissance fulgurante d’un fœtus, mais l’environnement reste toujours le même, comme l’utérus maternel. J’essaie de me représenter, au niveau de la méditation, comment le liquide protège ma fille, qui y flotte tranquillement, alors qu’en même temps elle est nourrie par ce qu’elle reçoit du corps de sa mère, à l’intérieur duquel elle grandit rapidement. L’orchestre exécute des vagues harmoniques, jamais stables. Deux vibraphones jouent pianissimo, servant d’écho de cette texture sonore. J’espère alors que, comme ma fille, les auditeurs auront la sensation d’être entourés d’une eau protectrice, voire de flotter. On pourrait presque parler d`une séance de lévitation. C’est ainsi que dans la partie centrale de ma partition, j’ai confié les vagues harmoniques mentionnées ci-dessus aux cordes, avec des tempi qui ne cessent de fluctuer, tandis que la ligne des bois, surtout celle des anches, se transforme en mélodie, puis en thème. Parfois leur ambitus est plus large que la texture harmonique qui les entoure. La structure, indédite pour moi, peut se définir comme un vaste développement au fur et à mesure que l’œuvre avance. Il ne s’agit nullement d’une de ces lentes pièces inertes faites pour la méditation. Au contraire, par orchestre de la suisse romande saison 2014-2015 Dans la partie conclusive de Rare Gravity, il y a tout d’un coup une musique vive, enlevée et contrastante, avec de brusques éclats percussifs, comme si le fœtus donnait des coups de pied, jouait au football ou pratiquait le kickboxing. » Daï Fujikura (Traduction: Richard Cole) Durée donnée à titre indicatif: 18’ 8