Anomalies neurologiques et physiques mineures chez

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Anomalies neurologiques et physiques mineures chez
Modele +
ENCEP-538; No. of Pages 6
ARTICLE IN PRESS
L’Encéphale (2012) xxx, xxx—xxx
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP
MÉMOIRE ORIGINAL
Anomalies neurologiques et physiques mineures
chez des patients présentant un premier
épisode psychotique
Minor neurological and physical anomalies in patients with
first-episode psychosis
A. Mhalla , N. Boussaïd , L. Gassab , L. Gaha , A. Mechri ∗
Service de psychiatrie, CHU de Monastir, rue 1er -Juin, 5000 Monastir, Tunisie
Reçu le 7 mars 2012 ; accepté le 27 juin 2012
MOTS CLÉS
Premier épisode
psychotique ;
Hypothèse neurodéveloppementale ;
Signes neurologiques
mineurs ;
Anomalies physiques
mineures
KEYWORDS
First-episode
psychosis;
∗
Résumé Les objectifs de notre étude étaient de déterminer la prévalence, les scores, et la
nature des signes neurologiques mineurs (SNM) et des anomalies physiques mineures (APM) chez
des patients présentant un premier épisode psychotique et de rechercher les corrélations entre
ces marqueurs et les caractéristiques des patients. Il s’agit d’une étude transversale portant sur
61 patients hospitalisés pour premier épisode psychotique. La procédure d’évaluation a consisté
en la passation des échelles cliniques du fonctionnement prémorbide (PAS), des symptômes
positifs et négatifs (PANSS), des impressions cliniques globales (CGI) et d’évaluation globale du
fonctionnement (EGF) et des échelles des SNM de Krebs et al. et des APM de Gourion et al. La
prévalence des SNM était de 83,6 % avec un score total moyen de 15,3 ± 6,7. La prévalence des
APM était de 62,7 % avec un score total moyen de 5,8 ± 3,2. Des corrélations ont été trouvées
entre les SNM et le mauvais fonctionnement prémorbide à la PAS, les dimensions négatives et
de désorganisation à la PANSS, la gravité de la maladie à la CGI, l’altération du fonctionnement
à l’EGF et les symptômes extrapyramidaux. Ces résultats rejoignent les données de la littérature rapportant des scores élevés des SNM et des APM chez les patients avec premier épisode
psychotique. Les SNM, en particulier, semblent caractériser un processus physiopathologique
plus sévère des troubles psychotiques et pourraient constituer un indicateur pronostique.
© L’Encéphale, Paris, 2012.
Summary
Introduction. — Over the last several decades, there has been an increasing number of neuroanatomical, neuroimaging, neurophysiological, and neuropsychological studies in search of
structural, functional, and cognitive correlates of brain insult(s) that could ultimately lead to
unravelling the pathophysiology of schizophrenia. A direct, easily administered, and inexpensive
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : anwar [email protected] (A. Mechri).
0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2012.
http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2012.06.030
Pour citer cet article : Mhalla A, et al. Anomalies neurologiques et physiques mineures chez des patients présentant un
premier épisode psychotique. Encéphale (2012), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2012.06.030
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A. Mhalla et al.
Neurodevelopmental
hypothesis;
Neurological soft
signs;
Minor physical
anomalies
way of investigating brain dysfunction in schizophrenia is the study of neurological soft signs
and minor physical anomalies, two putative indices of developmental abnormality. The study
of these neurodevelopmental markers in the first-episode psychosis allows the detection of the
neurodevelopmental abnormalities at the onset of psychosis.
Aims of the study. — The objectives of our study were to determinate the prevalence, the
scores, and the nature of neurological soft signs (NSS) and minor physical anomalies (MPA)
in patients with first-episode psychosis and to explore the correlations between these neurodevelopmental markers and the demographic, clinical and therapeutic features.
Method. — A cross-sectional study was carried-out on 61 patients (mean age: 28.9 ± 9.4 years;
86.9% were males), hospitalized for first-episode psychosis (DSM-IV-TR diagnosis of schizophrenia, schizophreniform disorder, brief psychotic disorder, delusional disorder, and psychotic
disorder not otherwise specified). The evaluation procedure consisted of a retrospective assessment of the premorbid functioning by the Premorbid Functioning Scale (PAS) and the following
clinical scales: Positive and Negative Symptoms Scale (PANSS), Clinical Global Impression (CGI)
and Global Assessment of Functioning (GAF), the NSS scale of Krebs et al. (23 items exploring
motor coordination, motor integrative function, sensory integration, involuntary movements
or posture, quality of lateralization) and the MPA scale of Gourion et al. (41 items, exploring
anomalies of face, eyes, ears, mouth, hands and feet).
Results. — The prevalence of NSS was 83.6% (cut-off point = 9.5), with a mean total score of
15.3 ± 6.7. The highest score was for the motor coordination. The prevalence of MPA was 62.7%
(cut-off point = 5), with a mean total score of 5.8 ± 3.2. The most common MPA were the fine hair
(50.8%), adherent earlobes (49.2%) and clinodactyly (31.1%). Correlations were found between
the NSS total score and the Poor Premorbid Functioning (r = 0.32, P = 0.04), the PANSS total
score (r = 0.36, P = 0.005), and the negative (r = 0.45, P < 0.001) and disorganization sub-scores
(r = 0.41, P = 0.001), the CGI-severity of (r = 0.30, P = 0.02), the impairment functioning in the
GAF (r = −0.26, P = 0.04) and with extrapyramidal symptoms (r = 0.52, P < 0.001). However, no
correlation was found between the NSS total scores, age, gender, the PANSS positive sub-score,
the daily dosage of antipsychotics, the CGI-improvement score and the MPA total score. There
was no correlation between MPA total score and demographic, clinical and therapeutic features
of patients. Moreover, there was no correlation between the NSS or MPA scores and the shortterm evolution (6 months to 1 year) towards schizophrenia.
Conclusion. — These results confirm the data in the literature relating high NSS and MPA scores
in patients with a first-episode psychosis. The NSS appear to characterize severe psychotic
disorders with more negative and disorganization symptoms and poor social functioning and
may be a prognostic indicator.
© L’Encéphale, Paris, 2012.
Introduction
Un intérêt croissant concerne le dépistage des signes précoces marquant le début de la schizophrénie et l’étude
des modes d’entrée dans la maladie. Cet intérêt pour les
phases précoces de la maladie dénote de la complexité physiopathologique et de l’hétérogénéité phénotypique de la
schizophrénie.
Plusieurs études ont mis en évidence des anomalies du neurodéveloppement cérébral chez les patients
atteints de schizophrénie qui se traduisent par des
marqueurs cliniques, cognitifs, électrophysiologiques
et neuroanatomiques [1—4]. Parmi ces marqueurs dits
« neurodéveloppementaux », les signes neurologiques et les
anomalies physiques mineurs sont d’évaluation facile et peu
coûteuse. Les signes neurologiques mineurs (SNM) ou soft
signs, par opposition aux signes « majeurs », correspondent
à des anomalies qui ne peuvent pas être directement reliées
au dysfonctionnement d’une région précise du cerveau
ou qui n’appartiennent pas à un syndrome neurologique
particulier [5—7]. Cette définition « non localisatrice »
reflète la difficulté à déterminer les circuits mis en jeu dans
ces anomalies. Quant aux anomalies physiques mineures
(APM), ce sont des dysmorphies discrètes, présentes dans
différentes régions du corps (face, mains, pieds), qui
reflètent une altération subtile du développement des
tissus mous et des structures cartilagineuses et osseuses.
Ce sont des erreurs de la morphogenèse qui surviennent au
cours du premier trimestre et au début du second trimestre
de la gestation ; leur présence suggère une altération
précoce du développement du neuroectoderme [8—10].
L’étude de ces marqueurs neurodéveloppementaux dans le
premier épisode psychotique permettrait de vérifier leur
existence chez les patients présentant un risque accru de
développer la schizophrénie.
Les objectifs de notre étude étaient de déterminer
la prévalence, les scores, et la nature des SNM et des
APM chez un groupe de patients présentant un premier
épisode psychotique et de rechercher les corrélations
entre ces marqueurs et les caractéristiques sociodémographiques, cliniques, thérapeutiques et évolutives des
patients.
Pour citer cet article : Mhalla A, et al. Anomalies neurologiques et physiques mineures chez des patients présentant un
premier épisode psychotique. Encéphale (2012), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2012.06.030
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Anomalies neurologiques et physiques mineures
Patients et méthode
Il s’agit d’une étude transversale, descriptive et analytique,
réalisée au service de psychiatrie du CHU de Monastir, durant
la période allant de juillet 2009 à septembre 2010 portant
sur les patients hospitalisés pour un premier épisode psychotique (n = 61). Ces patients ont répondu aux critères
DSM-IV-TR [11] de l’un des troubles suivants : trouble psychotique bref (n = 10), trouble schizophréniforme (n = 26),
schizophrénie (n = 20), trouble délirant (n = 1) ou trouble
psychotique non spécifié (n = 4). Il s’agit du diagnostic retenu
à la sortie des patients par consensus de l’équipe médicale
du service. Les patients non consentants ou non coopérants,
les patients ayant un retard mental ou des anomalies cérébrales d’origine métabolique, neurologique ou traumatique
et les patients ayant un épisode thymique avec caractéristiques psychotiques ou une schizophrénie évoluant depuis
plus de deux ans ont été exclus.
Les données épidémiologiques et cliniques ont été
recueillies à l’aide d’une fiche préétablie remplie à partir
de l’interrogatoire du patient, des membres de sa famille
et de la revue du dossier médical. Nous avons aussi procédé
à une évaluation rétrospective du fonctionnement prémorbide à l’aide de l’échelle Premorbid Adjustment Scale (PAS)
de Foerster et al. [12] et une évaluation psychométrique par
les échelles : Positive and Negative Symptoms Scale (PANSS)
[13] et Évaluation Globale du Fonctionnement (EGF) [11].
La passation de ces échelles a été effectuée, par le même
évaluateur, dans les trois jours succédant à l’hospitalisation.
L’évaluation des SNM a été réalisée par l’échelle de Krebs
et al. [5] comportant 23 SNM cotés de 0 à 3 et explorant
cinq dimensions : coordination motrice, intégration motrice,
intégration sensorielle, mouvements involontaires et qualité
de latéralisation et dix signes extrapyramidaux, utilisant les
items de l’échelle Simpson et Angus.
L’évaluation des APM a été effectuée par l’échelle de
Gourion et al. [8] comportant 41 items permettant de
rechercher des APM dans les six régions du corps : face, yeux,
oreilles, bouche, mains et pieds. Les évaluations des SNM et
des APM ont été accomplies, par le même évaluateur, dans
les sept jours succédant à l’hospitalisation.
L’évolution sous traitement a été appréciée à la sortie des
patients par le remplissage des Impressions Cliniques Globales (CGI) [14] et à moyen terme à partir des observations
du médecin traitant lors des consultations de postcure, en
précisant la durée du suivi après l’hospitalisation (en mois).
L’analyse des données a été effectuée à l’aide du logiciel
SPSS 10.0. (Norusis/SPSS Inc., 1992) avec une analyse descriptive des différentes variables et une analyse analytique
en utilisant le test Chi2 , le test « t » de Student et le coefficient de corrélation « r » de Pearson. En cas de distribution
non gaussienne des variables, des tests non paramétriques
ont été utilisés. Nous avons fixé un seuil de 5 % pour les
associations significatives.
Résultats
Description de la population d’étude
Notre population était majoritairement masculine (86,9 %),
avec un âge moyen de 28,9 ± 9,4 ans (des extrêmes de 18 et
3
54 ans). La plupart des patients étaient célibataires (75,4 %)
et sans emploi (55,8 %). Les scores totaux moyens de la
PAS augmentaient avec l’âge : de 16,4 entre cinq et 11 ans
à 21,2 entre 16 et 20 ans, indiquant une altération progressive du fonctionnement à l’approche des troubles. Le score
total moyen de la PANSS était de 99,5 ± 20,6, avec une prédominance de la symptomatologie positive chez 64,1 % des
patients. Le score moyen à l’EGF était de 33 ± 8 avec des
extrêmes de 20 et 50. La plupart des patients (77 %) étaient
manifestement ou gravement malades à la CGI-gravité.
Tous les patients ont été hospitalisés, avec une durée
moyenne de séjour de 29,1 ± 16,6 jours (des extrêmes de
cinq et 64 jours). Sur le plan thérapeutique, 31,1 % des
patients ont bénéficié d’un traitement antipsychotique
atypique en monothérapie, 29,5 % d’un traitement neuroleptique classique en monothérapie et les autres patients
étaient sous association d’antipsychotiques. La posologie
moyenne était de 619,8 ± 419,8 mg en équivalent chlorpromazine. Ce traitement antipsychotique a été instauré au
moment de l’hospitalisation pour la majorité des patients
(67,2 %). Pour 24,6 % des patients, un traitement antipsychotique a été administré dans les jours ou les semaines
précédant l’hospitalisation, alors que les autres patients
avaient reçu un traitement antidépresseur ou anxiolytique
avant l’hospitalisation.
Sous traitement, 72,1 % des patients étaient fortement
à très fortement améliorés à la CGI-amélioration. Le score
moyen à l’échelle de Simpson et Angus était de 3,8 ± 3,3.
Sur le plan évolutif, le suivi à moyen terme, entre six mois
et un an (avec une médiane à huit mois), a objectivé une
évolution vers la schizophrénie chez 35 % des patients qui
avaient initialement un autre diagnostic (n = 40). Les autres
patients étaient en rémission (40 %), en rechute (12,5 %) ou
perdus de vue (10 %).
Prévalence et scores des marqueurs
neurodéveloppementaux
La prévalence des SNM était de 83,6 %, en adoptant le score
seuil de 9,5. Le score total moyen était de 15,3 ± 6,7, avec
des extrêmes de 4 et 32,5. En fonction des dimensions des
SNM, le sous-score le plus élevé concernait les anomalies de
la coordination motrice avec un score moyen de 6,1 ± 2,7
(Tableau 1). La prévalence des APM était de 62,7 % en considérant le score seuil de 5. Le score total moyen des APM
était de 5,8 ± 3,2 avec des extrêmes de 1 et 14. En fonction
de la topographie, les sous-scores les plus élevés concernaient les anomalies de la face (1,7 ± 1,3). Les APM les
plus fréquentes étaient les cheveux fins (50,8 %), les lobules
adhérents (49,2 %) et la clinodactylie (31,1 %) (Tableau 1).
Corrélations entre marqueurs
neurodéveloppementaux et caractéristiques des
patients
Le score total des SNM était corrélé au bas niveau scolaire
(p = 0,02) et au mauvais fonctionnement prémorbide (selon
les scores de la PAS) (p = 0,04). Les sous-scores « intégration
motrice » et « intégration sensorielle » étaient aussi corrélés
au mauvais fonctionnement prémorbide surtout entre 12 et
15 ans (respectivement p = 0,04 et p = 0,004).
Pour citer cet article : Mhalla A, et al. Anomalies neurologiques et physiques mineures chez des patients présentant un
premier épisode psychotique. Encéphale (2012), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2012.06.030
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A. Mhalla et al.
Tableau 1 Prévalences et scores des signes neurologiques
et des anomalies physiques mineurs chez les patients avec
un premier épisode psychotique.
Patients avec un
premier épisode
psychotique
(n = 61)
Signes neurologiques mineurs
Prévalence (score > 9,5)
Score total
Sous-score coordination motrice
Sous-score intégration motrice
Sous-score intégration sensorielle
Sous-score qualité de latéralisation
Sous-score mouvements involontaires
83,6 %
15,3 ± 6,7
6,1 ± 2,7
3,4 ± 2,5
3,8 ± 2,6
1,5 ± 1,4
0,4 ± 0,6
Anomalies physiques mineures
Prévalence (score > 5)
Score total
Sous-score face
Sous-score yeux
Sous-score oreilles
Sous-score bouche
Sous-score mains
Sous-score pieds
62,7 %
5,8 ± 3,2
1,7 ± 1,3
0,4 ± 0,6
1,4 ± 1,2
0,6 ± 0,7
0,9 ± 1
0,8 ± 1,1
Une relation complexe a été établie avec les conduites
addictives. Ainsi, le score total des SNM était significativement plus élevé chez les patients consommateurs d’alcool
(16,7 ± 6,7 versus 12,9 ± 5,6, p = 0,02) ; il était significativement moins élevé chez les patients consommateurs de
cannabis (11,2 ± 5,6 versus 16 ± 6,7, p = 0,04).
Selon les caractéristiques cliniques, le score total des
SNM était corrélé au score total (p = 0,005) et aux dimensions négative (p < 0,001) et de désorganisation (p = 0,001)
de la PANSS, à la sévérité de la maladie (selon le score de
la CGI-gravité) (p = 0,02) et à l’altération du fonctionnement
(selon le score de l’EGF à l’admission) (p = 0,04) (Tableau 2).
Selon les caractéristiques thérapeutiques, les scores
des symptômes extrapyramidaux à l’échelle Simpson et
Angus étaient corrélés au score total des SNM (p < 0,001)
ainsi qu’aux sous-scores des dimensions « coordination
motrice » (p = 0,003), « intégration motrice » (p < 0,001) et
« intégration sensorielle » (p = 0,001). En revanche, nous
n’avons pas trouvé de corrélation entre les scores des SNM et
les autres caractéristiques thérapeutiques (type et posologie
du traitement antipsychotique), la réponse au traitement
(selon le score de la CGI-amélioration) et l’évolution vers
une schizophrénie à moyen terme.
Quant aux APM, aucune corrélation n’a été trouvée
avec les caractéristiques anamnestiques, cliniques, thérapeutiques et évolutives des patients. De même, il n’y avait
pas de corrélation entre le score total des APM et le score
total des SNM (Tableau 2).
Discussion
Dans ce travail, des scores élevés des SNM et des APM ont
été trouvés chez des patients hospitalisés pour un premier
Tableau 2 Corrélations entre marqueurs neurodéveloppementaux et caractéristiques cliniques et thérapeutiques.
SNM
PAS total
PANSS total
PANSS positif
PANSS négatif
PANSS désorganisation
EGF
CGI-gravité
CGI-amélioration
SA
Posologie du traitement
antipsychotique
APM
APM
*
r = 0,32
r = 0,36**
r = −0,06
r = 0,45**
r = 0,41**
r = −0,26*
r = 0,30*
r = −0,02
r = 0,52**
r = −0,03
r = 0,05
r = −0,02
r = −0,06
r = −0,08
r = 0,1
r = −0,07
r = 0,06
r = −0,14
r = 0,13
r = 0,05
r = −0,08
—
APM : anomalies physiques mineures ; CGI : Impressions Cliniques
Globales ; EGF : Échelle d’Évaluation Globale du Fonctionnement ; PANSS : Positive and Negative Symptoms Scale ; PAS :
Premorbid Adjustment Scale ; SA : échelle de Simpson et
Angus ; SNM : signes neurologiques mineurs. * p < 0,05 ; ** p< 0,01.
épisode psychotique. Des associations ont été établies entre
les SNM et le mauvais fonctionnement prémorbide, la présence de symptômes négatifs et de désorganisation, la
gravité de la maladie, le mauvais fonctionnement social et
la présence d’effets extrapyramidaux. Alors que, les APM
n’étaient pas associés aux caractéristiques cliniques et thérapeutiques des patients.
Des limites méthodologiques devraient être prises en
considération dans l’interprétation des résultats de notre
travail : la taille relativement réduite de notre population d’étude, le recrutement exclusivement hospitalier,
l’absence de groupe témoin de comparaison, l’évaluation
rétrospective des caractéristiques anamnestiques, la nonutilisation des questionnaires diagnostiques standardisés et
l’absence de suivi longitudinal à long terme.
Dans notre étude, la prévalence des SNM était de 83,6 %,
compte tenu du score seuil de 9,5 préconisé par l’auteur [5].
Dans la littérature, les études qui ont évalué les patients
avec un premier épisode psychotique ont rapporté des prévalences élevées des SNM variant de 20 % à 97,1 % [15,16].
Pour les scores, plusieurs études [4,17—19] utilisant diverses
échelles ont trouvé des scores élevés des SNM dans le premier épisode psychotique.
Dans notre étude, la prévalence des APM était de 62,7 %
en utilisant l’échelle de Gourion et al., avec le score seuil
de 5 préconisé par les auteurs [8]. Lloyd et al. [20] ont rapporté une fréquence plus élevée des APM chez des patients
présentant un premier épisode psychotique par rapport à
des témoins sains. Dans une étude de cohorte [21], un taux
plus important des APM était constaté chez les enfants
ayant développé ultérieurement des troubles du spectre
schizophrénique. En ce qui concerne les scores, à notre
connaissance, il n’y a pas de travaux qui ont utilisé la
même échelle des APM lors du premier épisode psychotique.
Cependant, des études utilisant d’autres échelles ont trouvé
des scores plus élevés des APM chez les patients avec premier épisode psychotique par rapport à des témoins sains
[3,22,23].
Pour citer cet article : Mhalla A, et al. Anomalies neurologiques et physiques mineures chez des patients présentant un
premier épisode psychotique. Encéphale (2012), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2012.06.030
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Dans notre étude, nous n’avons pas trouvé de corrélation entre le score total des SNM et le score total des
APM. Dans la littérature, cette relation n’a pas été explorée chez les patients avec premier épisode psychotique. En
revanche, chez les patients schizophrènes, certains travaux
ont constaté l’existence d’une corrélation entre ces deux
marqueurs [3,24], alors que d’autres études n’ont pas trouvé
cette relation, suggérant qu’il s’agit des marqueurs distincts
ou indépendants [10,25].
Concernant la relation avec les caractéristiques de nos
patients, les SNM étaient associés au mauvais fonctionnement prémorbide, ce qui rejoint les résultats d’autres
auteurs [26]. Cependant, comme McGrath et al. [27], nous
n’avons pas trouvé d’association entre fonctionnement prémorbide et APM. Pour la relation avec la consommation
de toxiques, nos résultats rejoignent ceux de Ruiz-Veguilla
et al. [28] rapportant un score moins élevé des SNM chez les
patients consommateurs de cannabis.
Dans notre étude, le score total des SNM était corrélé au
score total de la PANSS et aux scores des dimensions négatives et de désorganisation de la PANSS. Il n’y avait pas de
corrélation avec le score de la dimension positive. Selon plusieurs revues de la littérature [6,15,29,30], la plupart des
études n’ont pas relevé de corrélation entre les scores des
SNM et la dimension positive dans le premier épisode psychotique. Cette absence de corrélation serait expliquée par la
fluctuation importante des symptômes positifs au cours de
l’évolution d’un processus psychotique, alors que les SNM
sont considérés des marqueurs-traits stables. Par ailleurs,
la plupart des auteurs ont établi une corrélation entre les
scores des SNM et les symptômes négatifs et de désorganisation dans la schizophrénie et dans le premier épisode
psychotique [6,7,15,29,31,32].
Le score total des SNM était aussi corrélé au score de
la CGI-gravité et au score de l’EGF à l’admission dans notre
étude. Dans la revue de littérature de Dazzan et Murray [15],
la plupart des études ont conclu à une corrélation entre les
SNM et la gravité du premier épisode psychotique. Ces données soulignent l’intérêt pronostique des SNM, confirmé par
des études récentes mettant en évidence des corrélations
entre SNM et anomalies cérébrales chez les patients avec
premier épisode psychotique [33,34].
Pour les APM, il n’y avait pas de corrélation avec les
scores de la PANSS, de la CGI-gravité et de l’EGF dans notre
travail. D’autres études ont aussi conclu à l’absence de corrélation entre les scores des APM et les différents scores de
la PANSS [27,35]. En revanche, certains auteurs ont rapporté
une association entre les APM et les symptômes négatifs
[9,36]. Quant à l’absence de corrélation avec le score de la
CGI-gravité, Kébir et al. [37] ont rapporté le même résultat
chez des patients schizophrènes.
Nous n’avons pas trouvé de corrélation entre les scores
des SNM et la posologie journalière du traitement antipsychotique, ce qui est en accord avec les données de la
littérature [6,29]. Le score des symptômes extrapyramidaux
à l’échelle Simpson et Angus était corrélé au score total des
SNM dans notre étude. D’après la revue de la littérature
de Bombin et al. [29], cinq études ont trouvé cette association contre cinq études négatives. Toutefois, la présence des
signes extrapyramidaux serait plus liée au trouble psychotique qu’au traitement antipsychotique. En effet, Peralta
et al. [26,38] ont récemment établi une association entre
5
signes parkinsoniens et SNM chez des patients psychotiques
jamais traités. Pour la réponse au traitement, il n’y avait
pas de corrélation entre le score CGI-amélioration et les différents scores des SNM dans notre étude, alors que Prikryl
et al. [39] ont trouvé des scores plus élevés des SNM chez les
patients ayant une évolution chronique par rapport à ceux
en rémission de leur premier épisode psychotique.
Pour les APM, il n’y avait pas de corrélation avec la posologie journalière des antipsychotiques, le score à l’échelle
Simpson et Angus, et le score CGI-amélioration. Dans la littérature, peu d’études se sont intéressées à la relation entre
les APM et les caractéristiques thérapeutiques. Lohr et Flynn
[35] ont rapporté que les patients schizophrènes avec dyskinésie tardive avaient plus d’APM que les autres patients.
Pour leur part, McGrath et al. [27] ont montré que les
patients schizophrènes avec un score élevé des APM avaient
une mauvaise réponse au traitement antipsychotique.
L’absence de différence, dans notre étude, au niveau
des scores des SNM et des APM entre les patients diagnostiqués avec schizophrénie et ceux ayant une rémission de
leurs troubles pourrait s’expliquer par la taille réduite des
sous-groupes et l’absence de suivi au long cours. Ainsi, un
suivi longitudinal est nécessaire pour évaluer l’intérêt de
ces marqueurs comme facteurs prédictifs de l’évolution d’un
premier épisode psychotique.
Conclusion
Les prévalences et les scores élevés des SNM et des APM
dans le premier épisode psychotique renforcent la place de
ces marqueurs comme indicateurs de vulnérabilité à la schizophrénie. Nos résultats suggèrent que les SNM pourraient
caractériser un processus physiopathologique plus sévère
des troubles psychotiques débutants avec des symptômes
négatifs et de désorganisation plus marqués et un mauvais fonctionnement social ; ainsi, ils pourraient constituer
un indicateur pronostique péjoratif. Les signes neurologiques et les anomalies physiques mineurs semblent être
des marqueurs indépendants, mais qui pourraient offrir une
meilleure valeur prédictive s’ils étaient considérés comme
un phénotype composite.
Références
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Pour citer cet article : Mhalla A, et al. Anomalies neurologiques et physiques mineures chez des patients présentant un
premier épisode psychotique. Encéphale (2012), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2012.06.030
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