des moteurs électriques plus efficaces
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des moteurs électriques plus efficaces
S olutions ABB ENTR A Î N E M E N T Des moteurs électriques plus efficaces Améliorer le rendement des moteurs électriques pour diminuer la consommation dans l’industrie : c’est l’objet du règlement CE N° 640/2009 voté le 22 juillet 2009 par le Parlement européen. Il n’autorisera en effet à partir du 16 juin 2011 que la commercialisation des moteurs à haut rendement, équivalent aux modèles EFF1 d’aujourd’hui, et à partir de 2015 les moteurs à très haut rendement dits “premium”. Une mesure qui devrait permettre de réduire de 12 % la consommation électrique industrielle sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne. 20 un nouveau règlement concernant les moteurs asynchrones triphasés à cage, qui constituent le gros du parc européen. Ce texte imposera, en Europe dès 2011, la commercialisation de moteurs haut rendement et, à Leroy-Somer I ls sont partout. Dans les pompes, les élévateurs, les compresseurs, les convoyeurs, les ventilateurs, les fraiseuses, les découpeuses… Rien qu’en France, on dénombre 12 millions, 12 millions de laborieux qui font tourner l’industrie. Eux, ce sont les moteurs électriques. En échange de leurs précieux services, ils engloutissent L’essentiel près de 70 % de l’électricité consom Le règlement européen du 22 juillet 2009 fixe mée par le secteur. Et des échéances pour toutes les études sur la le marquage des moteurs question arrivent à la électriques selon même conclusion : le les nouvelles classes parc français est de rendement IE et pour vieillissant et peu effil’interdiction de commercace. Surdimensionnés cialisation des moteurs aux ou à bas rendement, rendements les plus faibles. quand ce n’est pas les A l’échelle européenne, deux à la fois, ils sont la consommation annuelle la source d’un énorme d’électricité s’élève à gaspillage d’énergie. 1067 TWh, soit 427 millions Pour juguler la dilapide tonnes d’émissions dation de l’électricité de CO2 (chiffres 2005) et diminuer les rejets Son application vise à des émissions de CO2, réduire cette consommation de 135 TWh/an d’ici à 2020. le Parlement européen a voté en juillet compter de 2015, de celle des moteurs à très haut rendement dit “premium” en deux étapes (cf. encadré 1). L’objectif annoncé est d’économiser 135 TWh/an d’ici à 2020 en Europe, soit l’équivalent de la consommation de la Suède, et de réduire chaque année les émissions de CO2 de 63 millions de tonnes. La mise en application de ce nouveau règlement devrait donner un coup de vert au monde industriel. Mais cette petite révolution ne se fera pas sans mal et ne résoudra pas tous les problèmes. Les moteurs électriques se déclinent en deux familles : les moteurs à courant continu et les moteurs à courant alternatif. Les premiers sont nettement en déclin en Europe. La technologie est ancienne et il leur est communément reproché la lourdeur de la maintenance. Selon des chiffres issus d’un rapport de l’Energy Using Product, plus de 96 % des ventes en Europe en 2003 concernaient des moteurs à courant alternatif. Et parmi eux, les moteurs asynchrones triphasés consti- Les variateurs sont des dispositifs électroniques capables de commander la vitesse d’un moteur électrique. MESURES 822 - FÉVRIER 2010 - www.mesures.com tuent 87 % du marché. Pas étonnant que l’Union européenne se soit penchée depuis des années sur leurs rendements. Depuis 1998 en effet, la plupart des appareils de ce type vendus en Europe sont soumis à une classification issue d’une collaboration du CEMEP (Comité européen de constructeurs de machines électriques et électroniques de puissance) et de la Commission européenne : la classification EFF. Elle définit trois classes : EFF1, correspondant aux plus hauts rendements, EFF2 et EFF3. Aujourd’hui encore, seuls les moteurs asynchrones triphasés 400V/50 Hz dont la puissance va de 1,1 à 90 kW sont concernés par le label EFF. Les moteurs électriques sont partout : de l’industrie de la pâte à papier jusqu’ à la pétrochimie. pour Weg France. Selon un document de travail de la Commission européenne datant Une succession de textes de 2009, cette directive concernerait un voréglementaires lume de 10,3 millions de moteurs par an Pourquoi pas les puissances plus élevées ? représentant un chiffre d’affaire de plus de « Parce que les gros moteurs, moins répandus, ont par 2,5 milliards d’euros. De fait, quelques nature des rendements plus élevés que les petits », ex- pourcentages gagnés sur le rendement des plique Christian Sibileau, responsable com- moteurs de plus fortes puissances permetmercial chez Sew-Usocome France. Le rende- traient de limiter significativement la facture ment est en effet le rapport entre l’énergie électrique. De plus, la classification EFF s’aprestituée et l’énergie consommée. « Or, un puie sur une méthode de calcul définie dans certain nombre de pertes sont indépendantes de la taille la norme EN/CEI 60034-2 + A1 (1996) + du moteur : leur part est donc plus importante dans les A2 (1996). Pour obtenir le rendement d’un moteurs de faible puissance », continue-t-il. Mais moteur, il faut retrancher à la puissance condepuis dix ans, le monde des moteurs a sommée la totalité des pertes subies dans le connu un certain nombre de remous, et la stator comme dans le rotor. Dans le premier, classification EFF s’est vite avérée trop limi- une partie de la puissance est dissipée dans tée. « Depuis l’entrée en vigueur du protocole de Kyoto, le bobinage sous forme de chaleur (pertes l’Europe entend bien mener une politique volontariste joules stator) et une autre à cause du cycle en matière environnementale. C’est dans cette lignée d’hystérésis et des courants de Foucault dans qu’est parue, le 6 juillet 2005, la directive 2005/32/ les tôles magnétiques (pertes fer stator). CE, qui établit un cadre pour la fixation d’exigences en Dans le rotor, on perd encore de l’énergie matière d’écoconception applicables aux produits con- sous forme de chaleur (pertes joules rotor), sommateurs d’énergie (EuP). » décrypte Yves par frottement et par ventilation (pertes méJamet, responsable du service affaires projets caniques) et à cause des imperfections méMESURES 822 - FÉVRIER 2010 - www.mesures.com caniques et des fuites de champs magnétiques (pertes supplémentaires). Ces dernières sont difficiles à mesurer, si bien que la norme EN/CEI 60034-2 + A1 (1996) + A2 (1996) les estimait automatiquement à 0,5 % de la puissance absorbée. Or cette valeur est souvent trop favorable. En 2007 apparaît donc une norme corrigée, nommée EN/CEI 60034-2-1 qui prend en compte dans le calcul la juste valeur de ces pertes supplémentaires. Estimées ou mesurées selon cette nouvelle méthode, elles peuvent atteindre 2,5 %. « C’est d’ailleurs cette procédure que prend en compte la norme NEMA en vigueur aux Etats-Unis. Sans compter que la classification américaine comptait déjà à l’époque un label plus performant que l’EFF1, nommé “premium”. Et puis l’échelle EFF est fermée : pas facile d’inventer des nouveaux noms de classes pour les moteurs les plus performants », ajoute Michel Metzger, responsable marketing moteurs, variateurs, basse tension chez Siemens. Après un éventuel EFF0, on peut en effet se demander quels noms auraient imaginé les rédacteurs des nouvelles normes… ➜ 21 Solutions Solutions de rendements Tableau comparatif EFF/IE/NEMA CEMEP EUA (Etats-Unis) EN/CEI 60034-30 Rendement “super premium” IE4 (à l’étude) Rendement “premium” Haut rendement EFF1 Rendement standard EFF2 Rendement faible EFF3 NEMA premium IE3 EPAct IE2 IE1 Performances du moteur W22 de Weg à 3000 t/mn et à 50 Hz ���� ���� ���� ���� ������������� ���� ���� ���� ���� ���� ���� ��������� ��������� ��������� ������������ ������������ ������������ ���� � ���� ���� ���� �� �� �� �� ��� ��� ��� ��� ��� ��� ��� en Comment améliorer le rendement d’un moteur ? Pour booster le rendement d’un moteur, rien ne doit être laissé au hasard. L’optimisation du design des paliers ainsi que la qualité des roulements permettent de réduire les pertes par frottement. Un ventilateur efficace réduit les pertes dues à la ventilation. Une augmentation du flux d’air réduit les pertes mécaniques. L’utilisation de tôles magnétiques de haute qualité réduit les pertes en fer et notamment celles dues au cycle d’hystérésis. Source :Yves Jamet,Weg France SAS 22 L’augmentation du cuivre et des sections des bobines permettent la diminution des pertes statoriques par effet joule. La qualité des matériaux et les sections utilisées dans les anneaux de court circuitage et les barres permettent de réduire les pertes rotoriques. Un stator de grande longueur permet de diminuer les densités de champ magnétique, améliorant la capacité de refroidissement du moteur. Réduction des pertes magnétiques en charge. Un bon dimensionnement des encoches permet de diminuer les pertes magnétiques et l’utilisation de spires de plus grand diamètre. En octobre 2008, une nouvelle norme européenne, EN/CEI 60034-30, est donc venue enrichir la littérature sur les moteurs. Son but est d’harmoniser un nouveau système international de rendements. Elle définit par la même occasion de nouveaux standards : IE1, ou rendement standard qui correspond au EFF2, IE2 ou haut rendement équivalent au EFF1 et IE3, une nouvelle classe aux rendements encore optimisés, équivalent au premium américain. (cf. tableau) Le calcul des rendements se fait alors selon la méthode normalisée pour la détermination plus précise des pertes et du rendement à partir d’essais (EN/CEI 60034-2-1). Mais jusqu’à cette année, rien n’obligeait les fabricants à plaquer leurs moteurs avec les nouvelles classes, et rien non plus ne conditionnait leur mise sur le marché. Il a fallu attendre le 22 juillet 2009 pour fixer des échéances. Ce jour-là, le Parlement européen signait un nouveau règlement autorisant la commercialisation de moteurs plaqués du code IE à condition qu’ils soient conformes à cette fameuse norme. Il interdit en outre à partir du 16 juin 2011 la commercialisation des moteurs affichant un rendement inférieur à IE2 dans toute l’Europe et ceux inférieur à IE3 à partir de 2015/2017. Il faut noter qu’à partir de ces dates, les moteurs IE2 pourront encore être vendus s’ils sont associés à un variateur de vitesse. La nouvelle est loin d’être anodine quand on sait que l’écrasante majorité des moteurs vendus à ce jour en Union européenne sont plaqués EFF2 et que seuls un dixième d’entre eux environ sont classés EFF1, l’équivalent de IE2. Mais le règlement ne dit rien des moteurs qui se trouvent déjà dans les circuits de distribution. « Il ne précise pas si l’échéance du 16 juin 2011 concerne seulement la mise sur le marché, qui ne touche que les constructeurs, ou si elle s’applique aussi à la mise en service. Dans ce cas, il faudra une prise de position claire sur le devenir des moteurs stockés chez les bobiniers et les revendeurs » développe Michel Metzger (Siemens). La durée de vie moyenne d’un moteur se situe, selon les appareils, autour de 15 ou 20 ans. Si l’on prend comme hypothèse que les moteurs déjà installés seront utilisés jusqu’à la fin de leur vie et que les petits circuits de distribution pourront encore écouler leur stock après la mise en application du règlement, on peut estimer à une vingtaine d’années la durée nécessaire avant que le parc français ne soit entièrement renouvelé par MESURES 822 - FÉVRIER 2010 - www.mesures.com des moteurs à plus haut rendement. Cela peut paraître long, mais c’est finalement court par rapport à ce que cette durée aurait pu être. « Certains de nos clients voient les exigences de ce nouveau règlement comme un argument de vente. Mais la majorité d’entre eux l’appliqueront parce que c’est obligatoire, et ne l’auraient probablement pas fait dans les mêmes délais s’ils n’y étaient contraints », explique Jean-François Soguel, responsable marketing moteurs à haut rendement chez Leroy-Somer. L’annonce n’est pas nouvelle : les industriels, en particulier les grands groupes, peinent à intégrer de leur propre initiative la problématique d’une meilleure efficacité énergétique. Et pour cause ! l’économie a… un prix. A l’achat, un moteur IE1 coûtera environ 15 % moins cher qu’un moteur IE2, qui vaudra lui même 15 % moins cher qu’un moteur IE3. Car pour améliorer le rendement d’un moteur, il faut optimiser chacun de ses constituants, et cela passe en particulier par l’utilisation de matériaux de plus grande qualité et en plus grande quantité. (cf. infographie). Pourtant, tous les fabricants s’accordent à penser que ne tenir compte que du prix à l’achat n’est pas représentatif, surtout en France où l’électricité est parmi les moins chère en Europe. « Il est crucial pour nos clients de raisonner en terme de prix global et de calculer dans quel délai ils observeront un retour sur investissement », illustre Philippe Faye, responsable de la communication chez Leroy-Somer. Selon les estimations courantes, le coût à l’achat ne représenterait pas plus de 2 % du coût du moteur sur toute sa durée de vie alors que la consommation électrique en engloutit 95 %. Plusieurs fabricants ont d’ores et déjà pris le parti de sensibiliser leurs clients. C’est ainsi le cas de Weg, qui effectue le rapide calcul suivant. Prenons l’exemple de 40 moteurs de 2,2 kWh fonctionnant 24 heures sur 24, 350 jours par an (soit 8 400 heures). En estimant à 0,07 euro le coût moyen d’un kilowattheure l’électricité et en faisant un bilan sur 10 ans, passer d’un moteur IE1 à un moteur IE2 réduirait de plus de 35 000 euros la facture énergétique. Un règlement crucial du point de vue des fabricants Leur point de vue est pertinent, mais dans les faits, cette notion de coût global ne parle pas à tout le monde. La plupart des acheteurs de moteurs sont en effet des intégrateurs, pas les utilisateurs finaux. Ils raisonnent donc sur des prix de vente et ne se soucient pas toujours du cycle de vie complet du moteur. Et même lorsque le client des fabricants est l’utilisateur, il peut négliger cet aspect. Ce peut, par exemple, être le cas lorsque le ser- La norme et le règlement européen en clair La norme EN/CEI 60034-30, définissant les classes IE1, IE2, IE3, a un domaine d’application plus vaste que le label CEMEP de rendements EFF. Elle concerne les moteurs asynchrones à induction triphasés à cage (moteur seul, moto réducteur ou moteur frein) dont la tension n’excède pas 1 000 V et dont la puissance va de 0,75 kW à 375 kW ; 50 ou 60 Hz ; 2, 4 ou 6 pôles ; en service de fonctionnement S1 (permanent) ou S3 (périodique intermittent) Somer Leroyavec un facteur de service de 80 % et plus. En sont exclus les moteurs Certains constructeurs, intégrés à une machine et ne pouvant être testés indépendamment comme Leroy-Somer, ont déjà plaqué d’elle et les moteurs de conception spécifique pour la vitesse variable leurs gammes correspondantes (norme EN/CEI 60034-25). Certains moteurs sont couverts, mais il est avec le code IE mentionné admis qu’il ne puisse atteindre le niveau IE3. C’est le cas des moteurs dans le règlement du 22 juillet 2009. de zone dangereuse (accord de l’IEC 60079-0), avec mode de refroidissement particulier, à carcasse réduite, soumis à des exigences spécifiques, du réseau d’alimentation ou de la machine entraînée, ou encore environnementales (altitude élevée, haute et basse température). Le règlement européen du 22 juillet 2009 offre, à partir de la date de sa signature, la possibilité de plaquer les moteurs avec le code IE s’ils respectent la norme CEI 60034-30. Il impose à partir du 16 juin 2011 le marquage des moteurs concernés avec le code IE et interdit la commercialisation des moteurs de classes inférieures à IE2. A partir du 1er janvier 2015, l’interdiction est élargie aux moteurs dont la puissance va de 7,5 à 375 kW et de classe inférieure ou égale à IE2. Et à partir du 1er janvier 2017, tous les moteurs devront afficher un rendement au moins supérieur à celui prévu par la classe IE3. A ces deux dernières échéances, les IE2 pourront encore être commercialisés si et seulement s’ils sont associés à un variateur de vitesse. vice qui achète le matériel n’est pas celui qui règle les factures d’électricité… Dans ces conditions, pas évident pour les constructeurs de faire passer un message clair sur les nouvelles normes et directives. « Tout arrive un peu en même temps, à peine dix ans après la mise en place du label EFF. Entre la nouvelle norme sur le calcul, celle qui définit les nouvelles classes et les échéances prévues par le règlement du 22 juillet, nos clients peuvent vite se perdre ! » compatit Régis Buchmann, responsable de l’activité moteurs basse tension pour ABB France. Pour autant, il était crucial du point de vue des fabricants que le parlement vote un tel règlement. « Tout ce qui tend à améliorer la fiabilité sur les valeurs électriques fournis par les constructeurs est bénéfique. Sans les obligations prévues par le règlement, aucun d’entre nous n’aurait couru le risque de se tirer une balle dans le pied en appliquant des méthodes de calcul et des classifications trop exigeantes par rapport à ses concurrents » explique Régis Buchmann (ABB). Les constructeurs ont une autre raison de se réjouir du vote du nouveau règlement européen. Son application devrait en effet permettre d’assainir le marché. Certains estiment même que la directive EuP et son règlement ne vont pas assez loin. « Nous regrettons que certains types de moteurs, et en particulier ceux qui sont certifiés ATEX, soient exclus du règlement CE N° 640/2009. La norme CEI couvre ces moteurs, tout en précisant que, de par les contraintes de conception inhérentes aux moteurs antidéflagrants, il MESURES 822 - FÉVRIER 2010 - www.mesures.com est concevable que ces derniers ne puissent pas forcément atteindre la plus haute classe de rendement IE3. Rien ne justifie d’un point de vue technologique l’exclusion de cette famille de moteur du règlement EuP : Weg en fait la preuve en proposant une gamme ATEX de classe IE2. C’est d’autant plus dommage car ces appareils sont souvent utilisés en pétrochimie des milliers d’heures par an, en fonctionnement continu, sur des pompes, des ventilateurs. Avec, dans ce cas, un temps de retour sur investissement court pour l’exploitant », déplore Yves Jamet (Weg France). ABB, qui propose aussi une gamme de moteurs ATEX et EFF1 a le même regret : « Les moteurs utilisés en environnement gaz ou poussière représentent un large marché et sont aussi vieillissants. Nos clients auraient ➜ Siemens ➜ De nouveaux standards Les moteurs à rendement EFF1 (futur IE2), à l’instar de la gamme 1LE1 de Siemens, représentent aujourd‘hui en France 10 % du marché, bien moins qu’au Royaume-Uni où l‘électricité est plus chère. 23 Solutions Vers une classe IE4 ? Sew-Usocome La norme EN/CEI 60034-30 ne va jusque-là, mais des discussions se tiennent actuellement pour définir une nouvelle classe qui porterait le nom de “high premium”. D’après les chiffres les plus vraisemblables, ses seuils de rendements seraient 15 % meilleurs que ceux de l’IE3 - avec un coût à l’achat qui risque lui aussi d’être très élevé. Mais les moteurs asynchrones atteindront vraisemblablement leurs performances maximales avec l’IE3. Il faudra miser sur d’autres technologies, comme les moteurs à aimants permanents, pour améliorer encore les rendements. Certains fabricants proposent d’ores et déjà des appareils aux rendements très élevés, qui répondraient à ce que pourrait être la classe IE4. C’est par exemple le cas de Sew-Usocome. La société propose pour certaines puissances son unité mécatronique Movigear, qui réunit en un même carter le réducteur, le moteur et l’électronique appropriée. Elle annonce que « le rendement moteur de l’unité est déjà largement supérieur au seuil défini par la classe de rendement IE4 (Super Premium Efficiency), classe actuellement encore au stade de projet au sein de la Commission électronique internationale ». De son côté, Leroy-Somer a développé la gamme de motovariateurs Dyneo, des moteurs synchrones à aimants équipés de variateurs, dont le rendement serait « largement au-delà des seuils prévus pour IE4 ». Des prototypes de moteurs utilisant la même technologie sont à l’étude chez ABB. La course aux innovations est lancée. De nouvelles technologies permettront d’atteindre des seuils de rendements encore meilleurs que l’IE3 : c’est ce que propose déjà Sew-Usocome à travers sa gamme Movigear utilisables sur les convoyeurs. Sew-Usocome ➜ profité du remplacement de leurs vieux moteurs par des nouveaux, certifiés ATEX, pour acquérir un système à haut rendement ». L’heure est à la saine compétition… Mais tous les fabricants s’inquiètent d’un flou dans le règlement qui ne résout pas totalement la question. Le texte indique dans son article 5, “Procédure de vérification aux fins de la surveillance du marché”, « Lorsqu’elles procèdent aux contrôles dans le cadre de la surveillance du marché visée à l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2005/32/ CE, les autorités des états membres appliquent la procédure de vérification fixée à l’annexe III du présent règlement. ». La procédure en question se devra d’être fiable, précise et reproductible et tiendra compte de l’état de l’art en la matière, afin d’assurer la comparabilité des mesures et une concurrence loyale. Mais toute l’ambiguïté de l’article 5 repose sur l’expression « les autorités des états membres ». Les fabricants devront-ils se charger eux-mêmes de certifier leurs appareils ? Ou bien des laboratoires indépendants seront-ils mandatés pour tester les produits ? Dans un cas comme dans l’autre, des questions demeurent. Prenons l’exemple d’un moteur français vendu en Italie. « Serait-ce à la France ou à l’Italie de s’assurer de la conformité du lot aux exigences du règlement ? Et s’il s’agissait d’un moteur asiatique, aux frais de qui cette procédure serait-elle suivie ? », s’interroge Jean-François Soguel (Leroy-Somer). Selon le document de travail de la Commission européenne, l’importation extra-européenne pèserait pour 15 à 20 % du chiffre d’affaires concerné par la directive EuP. Pour les plus grands fabricants présents en France, la certification en externe reste la meilleure solution et ils attendent que la phrase quelque peu sibylline du règlement soit précisée par une future norme harmonisée. Mais quelle que soit l’option choisie, l’application du règlement aura un coût certain. . La plupart des constructeurs ont aujourd’hui une gamme EFF1, équivalent IE2, qui est appelée à disparaître. Lancer une nouvelle gamme nécessite naturellement des études préalables ainsi que des tests pour s’assurer qu’elle correspond bien à la classe à laquelle elle prétend. Sans compter les frais de communication auprès des clients, ainsi Le rendement d’un moteur peut être amélioré en utilisant des rotors en cuivre, comme sur ce moteur conçu par Sew-Usocome. 24 que les formations des forces de vente, réparateurs et distributeurs. Leroy-Somer estime ainsi à quelques millions d’euros les investissements déjà engagés pour anticiper l’application du règlement européen. Naturellement, les plus gros groupes, en particulier ceux qui ont l’habitude de renouveler leurs gammes régulièrement, feront aisément face. Mais même si les échéances prévues ont été définies pour laisser à tous, petits et grands, le temps de se conformer à la norme, il y a fort à parier que les plus fragiles d’entre eux auront, dans un premier temps au moins, des difficultés à suivre la cadence. Les constructeurs de variateurs, qui sont parfois aussi fabricants de moteurs, ont quant à eux toutes les raisons de se réjouir du vote du nouveau règlement. Le marché a en effet la capacité de s’élargir : aujourd’hui, seuls 15 à 20 % du parc sont équipés de variateurs. « La précédente norme date de 1999 : tout le monde ne sera pas prêt à intégrer des moteurs premium d’ici à 2015. Et comme cette échéance permet d’utiliser des moteurs IE2 avec des variateurs, il semble probable que nous en vendions plus dans les années à venir », explique Jean-Michel Cosquer, expert mécatronique chez Schneider Electric. Mais si les regards sont aujourd’hui braqués sur les fabricants de moteurs, ils pourraient bientôt se tourner vers les intégrateurs. Car optimiser le rendement d’un moteur n’a de sens, en terme d’économie d’énergie, que s’il est correctement dimensionné. Un moteur avec un rendement nominal excellent, et fonctionnant en permanence en sous charge, dégrade son rendement, son facteur de puissance et alourdit la consommation électrique globale du système au lieu de l’alléger. L’adjonction d’un variateur, si l’ensemble de la chaîne n’est pas optimisée, ne résorbera pas tous les gaspillages. « La première des questions à se poser lorsqu’on intègre des moteurs est : quelle est la puissance dont j’ai besoin ? Si tous les intégrateurs y répondaient précisément, nous mettrions le doigt sur un gros gisement d’économie » illustre Christian Sibileau, Sew-Usocome. Chaque acteur de la chaîne ayant tendance à prendre de larges marges d’erreur, le surdimensionnement peut être très significatif. Autour du moteur, d’autres sources d’économie sont identifiables. Revoir la transmission de puissance, mieux lubrifier les paliers et les roulements, colmater les fuites dans les circuits à air comprimer ou encore éviter les ponts thermiques : voilà autant d’actions qui limiteraient au final la consommation électrique des systèmes industries. De gré ou de force, tout le monde devra finalement mettre la main à la pâte. Anne Orliac MESURES 822 - FÉVRIER 2010 - www.mesures.com