un défi givré - Marathoniens de l`extrême

Transcription

un défi givré - Marathoniens de l`extrême
elle raconte
22/11 Marathon des Glaces
L’antarctique
un défi givré
Christophe Lebrun et Frédérique
Laurent ont créé, en 2013, le Grand
Chelem Marathon Nature. Le principe :
un marathon sur chaque continent,
dans des conditions extrêmes, au
profit de l’association « A Chacun son
Everest ». En novembre dernier, c’est
au « marathon le plus froid du monde »
qu’ils se sont frottés, une première
pour des Français. Rétrospective.
Par Frédérique Laurent Photos : Mike King
Un duo fortissimo Frédérique puise son énergie dans le
sport et les voyages. Après avoir plongé
sous différentes latitudes et couru avec
son mari des raids à travers le monde
elle vit l’ultime épreuve, celle de la
maladie où elle l’accompagne jusqu’à
son dernier souffle. Elle entame alors
un parcours de reconstruction et de
développement personnel où le sport
et l’équilibre alimentaire tiennent une
place centrale, jusqu’à sa reconversion
en tant que naturopathe. Cette approche
dans sa globalité de l’individu lui
permet d’accompagner chacun dans le
développement de son potentiel d’équilibre sur le principe de trois piliers :
l’alimentation, l’activité physique et la
gestion du mental. Avec Christophe,
elle retrouve le plaisir de courir à deux
et ressent comme lui le besoin de courir
pour d’autres. Frédérique est par ailleurs
ingénieur agroalimentaire. Il y a 10 ans,
Christophe Lebrun, triathlète, a passé un
Leur motivation : courir utile
et recueillir des fonds
au bénéfice des tout-petits
atteints de maladies rares.
an sur un lit d’hôpital. Atteint d’une hernie discale particulièrement complexe,
la médecine l’avait quasi condamné à
ne plus marcher. « Je m’étais dit que si je
pouvais remarcher, je mettrais la barre
très haut afin de transmettre de l’espoir
à ceux qui traversent des moments de
souffrance. » Après de longs mois de
rééducation et de soins, il se redresse,
parvient à marcher puis à courir. En
2007, il s’inscrit aux Foulées de la Soie
64 | running pour elles
et termine sur… la Grande Muraille de
Chine. Il enchaîne ensuite les courses et
les raids avant de préparer le marathon
du Pôle Nord. Cette fois, il veut donner
une dimension caritative à son défi, c’est
ainsi qu’il se rapproche de l’association
« A Chacun Son Everest ! », fondée par
la l’alpiniste française Christine Janin.
Le 8 avril 2011, il boucle le marathon
du Pôle Nord, en 7h07, par -36°C, seul
Français parmi 27 concurrents. Christophe a permis à l’association de financer plusieurs stages d’enfants atteints de
cancer ou leucémie.
Leur tactique
pour l’Antarctique La performance n’est pas de mise dans
ce grand chelem mais bien plus l’envie
d’apprendre à connaître plus profondément son organisme, l’éprouver en lui
faisant repousser des limites parfois uniquement psychologiques. Comme il est
impossible de s’entraîner en conditions
réelles, il faut trouver des parades…
L’adaptation au froid, d’abord : Frédérique et Christophe pratiquent sur tapis
de course dans des entrepôts frigorifiques, des chambres froides à -20°C
voire -30°C et un tunnel de congélation
proche de -40°C ! Une séance par
semaine, à compter de septembre 2014.
En fonction des séances, ils testent
l’équipement et le matériel dans de rudes
conditions. Il faut veiller à bien protéger
les extrémités, tout en conservant une
bonne respiration, trouver le vêtement
idéal qui évacuera au mieux la transpiration pour qu’elle ne gèle pas… Côté
entraînement physique, ils courent
quatre fois par semaine, auxquelles
ils ajoutent des séances sur Evolis®,
le bol d’air Jacquier®, des exercices de
renforcement musculaire et un travail
d’équilibre. En complément, ils pratiquent la natation et les randonnées en
montagne de 4 à 6 heures pour le foncier
et l’acclimatation à l’altitude.
L’hygiène alimentaire fait également
partie de leurs priorités. Connaître
les contraintes liées au grand froid et
écouter son corps est la meilleure façon
running pour elles | 65
elle raconte
22/11 Marathon des Glaces
désert du Sahara (seulement 50 mm). Le
continent contient 70 % de l’eau douce
de la planète et 90 % de la glace du
monde. Pour courir dans ces conditions
climatiques extrêmes, un équipement
spécifique est requis. Des points ravitaillement jalonnent le parcours. Les
coureurs s’y arrêtent pour s’alimenter et
boire, tout aliment ou liquide emporté
gèlerait quasi instantanément…
aLors, c’Était comment ?
d’adapter l’alimentation à nos besoins.
En termes de proportions, ça se traduit
par 50 % de sucres lents (pâtes semicomplètes, riz, pain, céréales, pommes
de terre), 25 % de lipides (majorité
d’huiles contenant des omégas 3 et 6
dont l’huile de lin, de carthame, de
sésame, poissons gras type saumon, maquereaux), 20 % de protéines (volailles,
poissons, œufs, lentilles, pois chiches,
fromages de chèvre ou brebis) et 5 % de
sucres rapides (chocolat, crème dessert,
fruits). L’apport non négligeable d’acides
gras polyinsaturés (huiles de lin, sésame,
carthame et colza) leur permet également d’avoir les ressources pour lutter
contre les effets de l’oxydation liés à la
raréfaction de l’oxygène. Pour diminuer
les effets liés au grand froid, et acclimater leur organisme plus rapidement, la
Rhodiola est leur fidèle alliée. La gestion
du mental enfin, est au centre de leurs
préoccupations. Rester centré signifie
mettre en adéquation le sens donné à
sa vie et l’état d’équilibre du corps et
de l’esprit pour l’atteindre. Etre non
centré dans l’univers unicolore et vide
de l’Antarctique entraînerait une forte
déstabilisation. Pour cela, ils utilisent
66 | running pour elles
des techniques respiratoires (respiration
alternée et respiration de l’harmonie)
et la sophrologie pour préparer leur
mental.
Un maratHon
d’eXcePtion
Fin 2014, le Marathon de l’Antarctique
se profile, 42,195 km à près de 1000 m
d’altitude… De par la logistique exceptionnelle de cette course, les places sont
limitées, ainsi que l’hébergement au
camp de base polaire international (de
deux à quatre jours selon la météo).
L’organisation prévoit six jours en région
polaire comprenant toute la logistique
depuis le Chili, vols jusqu’à Union Glacier, avec pilotes spécialistes des vols en
région polaire… Un avion cargo russe
est affrété à destination du camp, tout
proche du mont Vinson, point culminant de l’Antarctique à 4892 m.
« Marathon de l’extrême », « marathon
le plus froid du monde », on y court par
une température moyenne de -30°C (en
cas de vent, la température ressentie descend jusqu’à -50°C). Ce plateau polaire
est considéré comme un désert et
connaît des précipitations semblables au
Pour conclure, laissons répondre les
intéressés : « Au-delà de son caractère
unique, le Grand Chelem Marathon
et le marathon du Pôle Sud ont été un
magnifique moyen d’aller à la rencontre
des autres et surtout de soi. C’est l’idée
que nous avons trouvée pour partir à la
rencontre de nos potentiels inexploités
en adaptant nos techniques d’entraînement et de récupération ; par le respect
de notre énergie vitale afin de l’optimiser
ou de la laisser se régénérer afin qu’elle
soit présente au moment adéquat, par
l’accueil de nos états d’âme comme
autant de signaux du corps et l’apprentissage de la gestion des émotions et par
la découverte que la volonté devient une
véritable alliée quand le mental prend sa
juste place. Savoir préserver son organisme est le meilleur moyen de le faire
durer. Cela ne signifie pas le mettre en
position de sécurité mais plutôt savoir
appréhender les conditions particulières
auxquelles il ne peut se soustraire et
l’accompagner dans ses capacités d’adaptation. Le Grand Chelem Marathon, créé
sous le signe du partage a été l’occasion
d’aller à la rencontre de notre planète
et de ces êtres humains parfois oubliés
en raison de leur différence. Que de
richesses recueillies à travers un regard,
un sourire, une curiosité, un élan de
générosité… que nous avons eu à cœur
d’offrir en retour. »