Naufrage Costa Concordia

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Naufrage Costa Concordia
Le cas du naufrage du Costa Concordia : responsabilité et
communication de crise
La communication de crise constitue une science inexacte… Il est difficile de
prétendre tirer des leçons universellement valables des périodes difficiles rencontrées
par une organisation : l’humilité s’impose ! En revanche, on constate de nos jours une
focalisation sur la responsabilité des dirigeants que la sphère digitale rend plus
stratégique que jamais. Focus sur le cas du Costa Condordia.
Dans la nuit du vendredi 13 au samedi 14 janvier 2012, le navire de croisière Costa
Concordia avec à sa tête le commandant Francesco Schettino, heurte un récif au large
des côtes de l’île italienne de Giglio. Pour des raisons qui sont longtemps restées floues,
l’embarcation de loisir fonce alors vers les côtes souhaitant s’en rapprocher afin
d’effectuer un « inchino »1. Le rocher s’est encastré dans le flanc gauche du navire
menaçant de le faire chavirer. Aux environs de 22h, une voie d’eau est signalée à bord du
bateau et conduit à son naufrage faisant 32 victimes.
L’entreprise italienne se voit alors prise dans un tourment médiatique et doit déployer des
trésors de compétences pour parvenir à sortir de cette crise qui s’annonce profonde. Cela
s’actionne à travers deux étapes bien distinctes. Contrôler d’une part son image à travers
les campagnes publicitaires déjà mises en place et diffusées à l’époque, puis mettre au
point une communication de gestion de crise efficace.
1
Passage à distance des côtes très réduit pour saluer l’île et ses habitants La première urgence concerne l’arrêt immédiat de la diffusion d’une campagne de
publicité - lancée le 1er décembre 2011 environ un mois et demi avant les faits, qui met en
scène un voyage onirique et poétique signé « Le paradis sur mer ». D’après Mark
Eskenazi2 – directeur conseil au sein de l’agence de relations publiques Burson-Marsteller
qui accompagne le groupe Costa depuis près de 15 ans - la diffusion de cette campagne a
pu facilement être stoppée sur les chaînes de télévision et de façon plus progressive sur la
toile, mais il a été plus délicat de limiter sa transmission dans les salles de cinéma, ce qui
a eu pour effet que le spot publicitaire soit hué en salle et parodié sur le web.
S’impose ensuite l’urgence de s’exprimer auprès des journalistes et de formuler une
annonce officielle, en accord avec les agences de presse et de relations publiques du
groupe. Ce communiqué dans lequel s’exprime en larmes le PDG Pier Luigi Foschi est
axé sur le registre de la compassion avec des excuses présentées aux familles des victimes
mais surtout affichant une stratégie de transfert : c’est-à-dire en désignant3 M. Schettino
comme le responsable, le coupable clairement identifié4. Faisant l’éloge de la sécurité
existante au sein des navires Costa Croisières, le PDG protège ainsi une réputation de
fiabilité en pointant du doigt publiquement un individu.
Cette prise de parole – ayant seulement lieu le dimanche 15 janvier à 22h30 – a été jugée
par certains experts comme trop tardive5, donnant le sentiment que les responsables
fuyaient leurs responsabilités6. Le groupe à travers ses portes paroles, a déclaré que les
dirigeants étaient dans l’incapacité d’accepter l’horreur de l’accident, sous le choc, se
murant dans le silence,7 adoptant ainsi une attitude compassionnelle - dans un type de
crise où la dimension émotionnelle est exacerbée, offrir une réponse établie dans sur
registre émotif permet aux victimes de se sentir comprises8. La stratégie de
communication de l’entreprise à destination des médias repose sur le fait que le capitaine
Francesco Schettino est coupable en grande partie de l’accident, et que le PDG se
dissocie officiellement de son employé9. Il souligne que c’est une « véritable erreur humaine
du capitaine »10 et que l’entreprise ne pouvait en rien prendre des mesures préalables pour
anticiper le comportement du capitaine, car ce dernier n’avait jamais laissé paraître le
moindre signe de défaillance11. L’objectif consiste alors à montrer le capitaine comme un
2
http://www.strategies.fr/actualites/marques/179209W/costa-­‐croisieres-­‐dans-­‐la-­‐tempete.html Typologies de stratégies de communication de crise proposées par Jean Pierre-­‐Piotet 1991 et Marie-­‐Hélène ème
Westphalen 1997, Thiery Libaert, La communication de crise, 3 édition, Collection Les topos, édition Dunod, 2010 4
Exemple de la Société Générale en 2008 qui accusé son trader coupable d’une fraude exceptionnelle d’être un « terroriste ». 5
http://www.strategies.fr/actualites/marques/179209W/costa-­‐croisieres-­‐dans-­‐la-­‐tempete.html 6
http://communicationcrise.fr/ 7
Ibid, Mark Eskenazi 8
Michèle Gabay, La nouvelle communication de crise, Collection Concepts et outils, Editions Stratégies, 2001 9
http://www.lefigaro.fr/international/2012/01/20/01003-­‐20120120ARTFIG00741-­‐les-­‐capitaines-­‐ne-­‐doivent-­‐
plus-­‐avoir-­‐le-­‐pouvoir-­‐absolu.php?pagination=2 10
http://www.lesechos.fr/16/01/2012/lesechos.fr/0201844218258_le-­‐patron-­‐de-­‐costa-­‐crociere-­‐parle-­‐d-­‐une-­‐
erreur-­‐humaine-­‐-­‐-­‐imponderable-­‐-­‐.htm 11
http://www.lefigaro.fr/international/2012/01/20/01003-­‐20120120ARTFIG00741-­‐les-­‐capitaines-­‐ne-­‐doivent-­‐
plus-­‐avoir-­‐le-­‐pouvoir-­‐absolu.php?pagination=2 3
homme ayant abusé de son pouvoir12, et qui a aussi bien porté préjudice aux victimes du
naufrage qu’à la compagnie.
Costa va néanmoins souffrir tout au long de la crise d’une frénésie de versions relatant les
événements toutes aussi différentes les unes que les autres, provenant à la fois du
commandent lui-même, des passagers à bord et du dirigeant. Schettino mentionne à la
suite des déclarations du PDG que la manœuvre qui a conduit au naufrage a été
demandé et approuvée par Costa, et ce, dans le but d’impressionner les voyageurs et de
« leur faire plaisir »13. De nombreux passagers enregistrent les événements depuis leur
téléphone portable montrant les défaillances de l’équipage à bord incapable de gérer la
panique ni de se faire comprendre par les touristes étrangers14 et les diffusent sur
Youtube, affaiblissant les versions officielles produites par le groupe.
Cette profusion de communication digitale s’avère dangereuse pour la stratégie de Costa
qui repose sur sa déresponsabilisation lors du drame ; près de 35.000 tweets sont postés,
4 600 mentions apparaissent sur Youtube, 34 000 commentaires figurent sur des sites
d’informations, et 10 900 sur des blogs15. Stabiliser la version développée par
l’organisation, en réitérant l’absence de failles dont l’existence pourrait laisser planer le
doute sur la responsabilité exclusive du capitaine, constitue le mot d’ordre de Costa.
Face à cette crise médiatique, la communication développée par l’entreprise à travers son
site et blog officiel - toutefois confuse à certains moments –, a sans doute consolidé
l’image d’une entreprise se positionnant comme une quasi-victime. En agissant de la
sorte, Costa n’a-t-elle pas pris le risque (quelle que soit la réalité des faits et sans doute la
responsabilité du capitaine) d’être perçue comme une entreprise prête à sacrifier un
« coupable » en exposant médiatiquement le capitaine Schettino dans le but de protéger
ses dirigeants ? Ce type de stratégie est répandu dans les domaines où la concurrence est
« sauvage » mais l’entreprise Costa - appartenant à l’américain Carnival numéro un
mondial de la croisière16 - ne semble pas la bonne candidate pour ce type de manœuvre,
le groupe n’occupant pas la place d’un produit substituable, étant leader du marché17.
En tout état de cause, bien qu’on lui ait prédit une période noire jonchée de difficultés à
la suite du naufrage, le groupe Costa Croisières retrouve un nouveau souffle après avoir
constaté une nette chute de ses réservations18, et enregistre pour l’année 2013 un
accroissement de 25% de ses ventes. Le groupe est passé d’une clientèle des plus de 35
ans (déjà amatrice de croisières et ciblée par sa communication télévisuelle) à une
population plus jeune, n’étant pas habituellement séduite par ce type de loisirs et
fortement attirée par les tarifs promotionnels proposés. Plutôt que de changer le nom de
marque comme l’envisageait le groupe, Costa se concentre sur une communication plus
12
Ibid http://www.lefigaro.fr/actualite-­‐france/2014/01/10/01016-­‐20140110ARTFIG00548-­‐concordia-­‐les-­‐verites-­‐du-­‐
commandant-­‐schettino.php 14
http://www.lesechos.fr/industrie-­‐services/dossiers/0201846528679/0202421901421-­‐croisiere-­‐le-­‐marche-­‐
mediterraneen-­‐n-­‐a-­‐pas-­‐souffert-­‐du-­‐naufrage-­‐du-­‐concordia-­‐516262.php 15
ème
Thierry Libaert, Marie-­‐Hélène Westphalen ,Le guide de la communication d’entreprise Communicato – 6 éd Dunod, 2012 16
http://www.huffingtonpost.fr/2013/01/11/costa-­‐croisieres-­‐concordia-­‐allegra-­‐italie-­‐carnival_n_2457044.html 17
http://www.lefigaro.fr/societes/2012/01/15/04015-­‐20120115ARTFIG00112-­‐naufrage-­‐un-­‐coup-­‐pour-­‐le-­‐
leader-­‐de-­‐la-­‐croisiere.php 18
Dossier de Veille et d’Analyse, Institut National des Hautes Etudes de la Sécurité et de la Justice, Département Sécurité économique, CRISES 13
poussée, davantage centrée sur la sécurité des croisières, préférable à un changement
d’identité radicale. La compagnie a revu ses procédures de sécurité et pratiques pour
chaque circuit des exercices d’évacuation en formant spécifiquement ses employés sur les
conduites à tenir en cas d’avarie majeure19.
En dépit de la peine de prison requise de 26 ans et 3 mois de prison à l’encontre de
« l’homme le plus détesté d’Italie20 » devant le tribunal de Grosseto pour homicides et
blessures, pour avoir causé un naufrage, abandon de navire et faux témoignage, le
marché de la croisière semble moins sensible aux répercussions d’un tel drame que
d’autres moyens de transport tels que l’avion.
Comment expliquer l’impact financier négatif que les compagnies aériennes subissent à la
suite d’un crash ? L’exemple de Malaysia Airlines est probant ; la compagnie en grande
difficulté depuis 2011 a vu ses pertes quasiment doubler au deuxième trimestre 2014 à la
suite de la disparition dans la nuit du 8 au 9 mars du vol MH370 qui assurait la liaison
Kuala Lumpur-Pékin21. Cet événement, additionné au crash du vol MH17 17 juillet
201422 a précipité la compagnie dans un gouffre financier avec une chute de 33% des
réservations hebdomadaires à la suite de cet incident23. La compagnie AirAsia après la
disparition de l’Airbus A320-200 qui s’est abîmé en mer de Java le 28 décembre 2014 a
multiplié les initiatives pour surmonter la crise majeure qu’elle traverse. Il semblerait
qu’une compagnie aérienne puisse en effet se relever financièrement après quelques mois
si celle-ci fait preuve de transparence à la suite de la crise et que la découverte de
défaillances techniques sérieuses ne lui soit pas imputable24.
Cette hypothèse se confirme à travers l’affaire du suicide du copilote de la compagnie
Germanwings, Andreas Lubitz qui a provoqué par son acte le crash de l’A320 et la mort
de 150 personnes le 24 mars dans les Alpes. La confirmation d’un acte prémédité de la
part du pilote25 montre que ce n’est pas l’appareil et encore moins le moyen de transport
qui est mis en cause mais encore une fois l’humain. L’on peut noter en revanche la
différence qu’il subsiste pour qualifier l’erreur « d’humaine » comme c’est le cas
concernant Schettino. Un excès de zèle ou un manque de professionnalisme est plus
difficile à détecter qu’une pression sévère conduisant au suicide qualifié par certains
psychiatres de, « suicide altruiste »26 ou « suicide-homicide »27. Le jeudi 25 mars,
19
Ibid http://www.europe1.fr/international/concordia-­‐26-­‐ans-­‐de-­‐prison-­‐requis-­‐contre-­‐le-­‐commandant-­‐2354295 21
http://www.lesechos.fr/28/08/2014/lesechos.fr/0203731324703_malaysia-­‐airlines-­‐a-­‐double-­‐ses-­‐pertes-­‐
depuis-­‐la-­‐disparition-­‐du-­‐vol-­‐mh370.htm 22
Le vol MH17 a été abattu par un missile au-­‐dessus de l’Ukraine qui survolait le territoire contrôlé par les séparatistes prorusses 23
http://www.lesechos.fr/28/08/2014/lesechos.fr/0203731324703_malaysia-­‐airlines-­‐a-­‐double-­‐ses-­‐pertes-­‐
depuis-­‐la-­‐disparition-­‐du-­‐vol-­‐mh370.htm 24
Propos de Terence Fan, expert en aviation à l’Université de Management de Singapour http://www.journaldunet.com/economie/actualite/depeche/afp/24/1379169/airasia_a_l_offensive_pour_sur
monter_sa_premiere_crise_majeure.shtml 25
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/fait-­‐divers/tous-­‐les-­‐secrets-­‐du-­‐crash-­‐de-­‐l-­‐a320-­‐apres-­‐une-­‐semaine-­‐
d-­‐enquete-­‐a-­‐rebondissements_1668097.html 26
http://www.atlantico.fr/decryptage/crash-­‐a320-­‐explication-­‐psychiatres-­‐qui-­‐permet-­‐comprendre-­‐suicide-­‐
andreas-­‐lubitz-­‐2059363.html/page/0/1 Le "suicide altruiste", "l'indifférence aux autres pour causes de désespoir personnel profond" et "le désir de vengeance : on ressent un sentiment d'injustice et on punit les autres » 27
http://www.lefigaro.fr/actualite-­‐france/2015/03/26/01016-­‐20150326ARTFIG00396-­‐un-­‐suicide-­‐homicide.php 20
lendemain de la catastrophe, le PDG de la Lufthansa déclare lors d’une conférence de
presse qu'"il y a des tests psychologiques quand nous choisissons et sélectionnons nos pilotes. Nous
n'allons pas jusqu'à interroger les connaissances et la famille des candidats" […] Alors, ce qui s'est
passé, c'était tout simplement inimaginable". La compagnie a - tout comme le groupe Costa,
essayé de construire une position de victime, abusée par le copilote, tout en montrant de
la compassion et en proposant des indemnisations financières aux familles28. "Nous
sommes sans voix, ici à la Lufthansa, à la Germanwings, nous ne trouvons pas les mots. Nous
sommes consternés, bouleversés. Dans nos pires cauchemars, nous n'aurions pas pu imaginer une
telle tragédie", a-t-il enfin déclaré, ajoutant avec amertume: "Si on entraîne 149 personnes dans la
mort, ce n'est pas un suicide". Là encore, la qualification d’un acte (allant au-delà du suicide
classique) induit que la faille ne réside pas dans un manque d’attention médicale ou de
sécurité mais bien que ce geste était « inimaginable », en dehors de toutes les prises en
compte de risques possibles par l’entreprise29. Sur le site Internet de la compagnie
s’affiche un hastag #indeepsorrow30 qui renvoie à un lien où quiconque peut déposer un
mot à l’attention du souvenir des victimes du vol 4U9525. Encore une fois, le terme de
« chagrin » se dissocie parfaitement du champ lexical des excuses ou de la responsabilité.
En outre, l’information judiciaire ouverte contre X pour homicides involontaires doit
répondre à la question qui permettra à Germanwings de prendre de la distance face aux
agissements d’Andreas Lubitz, à savoir comment concilier le secret médical avec
l’information de l’employeur sur l’état de santé particulièrement fragile d’un employé
dont la profession implique « de lourdes responsabilités » ? 31
Hasard du calendrier, la compagnie lowcost allemande changera de nom dès le mois de
novembre 2015 et sera rebaptisée Eurowings, nom d’une autre filiale low-cost du groupe.
La décision avait été adoptée dès le mois de janvier 2015 soit deux mois avant les
événements.
Un accident inexpliqué entretient la peur32. Pour assurer sa survie financière Costa
Croisière se devait donc d’expliquer cet événement et ne pas laisser le doute planer. En
utilisant Schettino comme bouc émissaire, le groupe offre une explication au naufrage,
qui est présenté comme une erreur humaine, amplement détaché d’une quelconque
raison technique liée au fonctionnement des navires. Pour comprendre l’impact
relativement faible de ce drame sur Costa, des éléments physiologiques et psychologiques
dans la relation que l’individu entretient avec les différents modes de transport sont
également à prendre en compte.
La peur de la hauteur semble être une peur naturelle et innée qui se différencie de
troubles anxieux secondaires auxquels peuvent être confrontés des passagers lors d’un vol
en avion. Ce type de « loi antinaturelle » confronte l’individu à une peur rationnelle qui se
28
25 000 euros sont proposées par la compagnie aux familles qui en demandent 100 000 http://www.ladepeche.fr/article/2015/07/25/2149716-­‐crash-­‐germanwings-­‐quatre-­‐mois-­‐apres-­‐familles-­‐
recueillent.html 29
http://www.atlantico.fr/decryptage/crash-­‐a320-­‐explication-­‐psychiatres-­‐qui-­‐permet-­‐comprendre-­‐suicide-­‐
andreas-­‐lubitz-­‐2059363.html/page/0/1 30
En français : « Profond chagrin » 31
http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20150724.AFP4722/germanwings-­‐ceremonie-­‐en-­‐hommage-­‐aux-­‐
victimes-­‐quatre-­‐mois-­‐apres-­‐le-­‐crash.html 32
http://www.huffingtonpost.fr/2014/07/24/peur-­‐avion-­‐conseils-­‐psychologue-­‐specialisee-­‐mieux-­‐
voyages_n_5617622.html base sur un mécanisme de réflexion logique de la part de notre cerveau ; un avion est plus
lourd que l’air et ne devrait pas, en toute logique, pouvoir se maintenir en altitude33.
Celui-ci méconnait la plupart du temps le fonctionnement de la mécanique d’un avion
alors qu’il peut aisément expliquer comment une voiture roule, et un bateau flotte34car le
déplacement s’effectue dans un espace au sein duquel il évolue et perçoit les éléments qui
l’entourent, on voit la route lorsque l’on roule et voit l’eau lorsque que l’on navigue, mais
l’air, par son invisibilité, renforce l’incompréhension35.
En effet, l’individu est confronté quotidiennement et développe depuis la petite enfance
des interactions avec des d’objets qui ont pour lui un fonctionnement dit « naturel ». En
outre, cette perte de confiance est aussi le fruit du caractère définitif d’un accident aérien
– où rares sont les survivants. Un naufrage ou un accident ferroviaire le relient à des
éléments terrestres qui, inconsciemment, donnent à l’individu le sentiment d’avoir un
rôle à jouer en cas d’accident36 et de pourvoir assurer sa survie.
La stratégie de déculpabilisation totale de Costa lui a permis de sortir raisonnablement de
la crise. Cette technique dite de « bouc émissaire » mettant en avant l’erreur humaine du
capitaine, et non technique - conséquente à une défaillance sécuritaire – a montré son
efficacité car elle s’inscrit dans le cadre d’une compagnie maritime. Mais qu’en est-il dans
le cas de figure d’un pilote de ligne perdant le contrôle de son appareil, volontairement
ou non, en vol, non pas pour des raisons climatiques ou matérielles, mais simplement par
inconscience ou négligence ? L’exemple de Germanwings est encore trop frais pour
évaluer l’efficacité de la communication de la compagnie après les événements,
notamment avec le changement d’identité à venir pour cet automne. La stratégie adoptée
nous livre toute sa complexité ; inscrire les événements dans un contexte
d’incompréhension totale offre paradoxalement une explication permettant de dédouaner
aux yeux du grand public de toute responsabilité des entreprises traversant la crise..
On le constate, la question des responsabilités structure la communication en situation de
crise. Dans le cadre de plus en plus déterminant de la responsabilité sociale d’entreprise
et de l’intolérance sociétale au risque, il est capital pour les organisations de pouvoir
préserver la réputation de sérieux des mécanismes décisionnels et des procédures
opérationnelles. Il y a là matière à réflexion et formation !
Morgane BEUGNOT
Etudiante en Sécurité internationale et Défense à l'ILERI
33
E. JOSSE, « Stress aéronautique, Peur de voler, phobie de l’avion, panique à bord. Types de trouble, origines, conseils et recadrage », 2006. 34
http://www.huffingtonpost.fr/2014/07/19/crash-­‐ukraine-­‐consequences-­‐malaysia-­‐airline_n_5600248.html 35
http://www.peuravion.com/fonctionnement-­‐avion.html 36
E. JOSSE, « Stress aéronautique, Peur de voler, phobie de l’avion, panique à bord. Types de trouble, origines, conseils et recadrage », 2006. Op cit.