INGÉNIEUR ET JUGE CONSULAIRE

Transcription

INGÉNIEUR ET JUGE CONSULAIRE
La Justice Commerciale
coordonné par Jacques Lassoury (75)
E
N FRANCE, la justice commerciale est rendue dans des
tribunaux dits de commerce où siègent des juges
consulaires qui ont autorité pour examiner les
litiges et prendre les décisions qui seront juridiquement
appliquées.
Le dossier, où sont exposées les compétences et les
moyens nécessaires à l’exercice de cette justice, comporte quatre parties.
• Un premier article montre l’originalité de la fonction
de juge consulaire, où les candidatures sont ouvertes à
des hommes non spécifiquement juristes mais aptes, après
formation, à participer aux décisions collégiales.
• Suivent deux articles relatifs aux moyens et aux
procédures qui permettent l’exercice de cette justice,
notamment dans les problèmes rencontrés par les
entreprises en difficulté.
• Le quatrième article aborde les démarches de qualité mises en oeuvre dans l’organisation des tribunaux
de commerce, pour en améliorer l’efficacité.
Bernard Delebarre (54) n
INGÉNIEUR ET JUGE CONSULAIRE
Les compétences requises pour assumer les deux fonctions ont souvent des profils croisés
Jacques Lassoury (75) mène une carrière de cadre en
entreprise, d’enseignant et d’élu consulaire et local. Ses
domaines d’expertise sont le marketing, l’intelligence
économique, le droit des affaires et le droit des entreprises
en difficulté. Il intervient à l’École Centrale de Lille, à HEC
et au Cnam.
E
N FRANCE, la justice commerciale est principalement rendue
par des juges élus et bénévoles
regroupés au sein de cent trente-cinq
tribunaux de commerce.
Une formation
pratique et continue
Des candidats
responsables
Ces hommes et ces femmes doivent être
de nationalité française, âgés de plus de
trente ans, inscrits sur la liste électorale
de la chambre de commerce et d’industrie
du ressort du tribunal où ils sont candidats
ou sur les listes électorales des chambres
de commerce et d’industrie limitrophes,
inscrits au registre du commerce et des
sociétés à titre personnel depuis cinq ans
au moins, ou ayant exercé des fonctions
de dirigeant ou de cadre supérieur pendant
cinq ans au moins.
Les candidatures sont entièrement
libres et sont gérées par la préfecture
du département où est situé le tribunal.
En général, le président et son équipe
sont très impliqués dans la recherche de
candidats potentiels et dans l’information
de ceux-ci. L’expérience montre que les
juges élus qui n’ont pas eu de contact
avec le tribunal avant de déposer leur
candidature sont souvent découragés par
la charge de travail occasionnée par leur
mandat et les contraintes que la loi et la
déontologie leur imposent.
Les juges sont le bras armé de la justice.
Ils sont élus par un collège électoral
qui est composé de trois catégories de
membres :
– les délégués consulaires ;
– les anciens membres du tribunal,
sous réserve qu’ils aient demandé à être
maintenus sur la liste électorale ;
– les juges du tribunal en exercice.
Les juges consulaires n’ont pas besoin
d’avoir une formation juridique pour
être élus ; mais ils doivent en acquérir
une afin d’exercer leurs fonctions avec
compétence. Ils doivent en particulier,
au cours de leurs deux premières années
de mandat, suivre une formation initiale
organisée par l’École nationale de la
magistrature. La formation d’un juge
consulaire consiste en un mélange de
formation théorique et d’expérience.
Au tribunal de commerce d’Évry que
j’ai présidé pendant quatre années et
demie, les juges nouvellement élus participent, dès leur élection et donc avant
L’ingénieur N° 261 - Mars / Avril 2010
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La Justice Commerciale
INGÉNIEUR ET JUGE CONSULAIRE
Les nouveaux juges sont formés aux dossiers du droit commercial.
leur installation, à une formation pratique sur les principaux aspects du droit
commercial et de la procédure. Cette
formation est dispensée en fin de journée
par le tribunal de commerce de Paris. La
découverte des rouages du tribunal de
commerce d’Évry suit.
En janvier, lors de l’Audience solennelle, les nouveaux juges sont installés après avoir prêté serment et ils
deviennent juges à part entière. Ils
tiennent généralement trois audiences
de contentieux par mois et rédigent les
décisions concernant les dossiers qu’ils
ont entendu. Ces dossiers ont été préalablement sélectionnés par la chambre
de mise en état afin d’accompagner leur
montée en compétence.
Ils ne sont bien évidemment pas seuls
pour traiter les dossiers. Ils participent
aux délibérés menés par le président de
chambre ou par un juge expérimenté qui
apporte des compléments de formation
sur les points de droit soulevés dans le
dossier en question. La rédaction du
jugement fait l’objet d’allers et retours
entre le juge débutant et son tuteur. Ce
n’est que lorsque ce dernier sera satisfait
du résultat que la décision sera rendue.
Les juges nouvellement élus, tout
comme leurs confrères et consœurs plus
expérimentés, se doivent d’assister à
des conférences organisées par l’École
nationale de la magistrature, la Cour
de cassation, la cour d’appel de Paris,
les tribunaux de commerce voisins et la
Conférence générale des juges consulaires de France.
Le juge consulaire expérimenté a le
droit de participer gratuitement, tous les
ans, à deux stages organisés par l’École
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L’ingénieur N° 261 - Mars / Avril 2010
nationale de la magistrature et il participe
à diverses conférences.
Il ne peut être nommé juge commissaire
et participer aux audiences de procédure
collective qu’après deux années d’expérience et une première réélection.
Après trois ans de fonction, le juge
consulaire obtient le droit de présider
une audience collégiale et il lui faudra
attendre trois années de plus pour être
candidat à la présidence d’un tribunal.
Des ingénieurs juges
consulaires
Les juges consulaires sont élus initialement pour un mandat de deux ans
renouvelable trois fois pour une durée
de quatre années ; le président du tribunal a le privilège de faire un mandat de
plus. C’est donc au bout de quatorze ou
dix-huit années qu’un juge consulaire
doit arrêter son activité pendant au
moins un an avant de se faire éventuellement réélire. En pratique, un juge
consulaire reste en activité pendant dix
ans en moyenne. Quelques juges consulaires quittent le tribunal à la demande
de leurs pairs au cours ou à la fin des
deux premières années de leur mandat
car ils n’ont pas atteint un niveau juridique suffisant et sont incapables de
produire seuls des décisions de qualité.
Selon une étude récente réalisée
par la Conférence générale des juges
consulaires de France, les juges consulaires sont à 85 % des hommes et sont
âgés de 52 ans en moyenne. Ils sont
64 % à être ou avoir été mandataire
social, 23 % sont ou ont été des cadres
supérieurs alors que 5 % d’entre eux
sont des commerçants en nom propre.
Cette même étude relève que 27 % des
juges consulaires sont diplômés de
l’université, que 29 % d’entre eux sont
issus d’une école supérieure de gestion
et que 11 % d’entre eux sont titulaires
d’un diplôme d’ingénieur.
Les profils des juges consulaires des
tribunaux de commerce des grandes
métropoles sont légèrement différents.
Une étude, que j’ai menée en 2003 au
tribunal de commerce d’Évry, relevait
51 % de chefs d’entreprise et 49 % de
cadres supérieurs au sein d’un effectif âgé en moyenne de 57 ans. Elle
indiquait aussi que 47 % d’entre nous
étaient titulaires d’au moins un diplôme
de niveau bac + 5, 9 % d’une maîtrise
ou d’une licence, 28 % d’un DEUG,
d’un BTS ou d’un DUT, 9 % avaient
seulement le bac et 7 % étaient des
autodidactes.
Parmi les juges consulaires de France,
trois cents à trois cent cinquante sont des
ingénieurs de formation. Ils ont rarement
reçu une formation structurée en droit,
mais ils deviennent rapidement de bons
juges appréciés pour leur rigueur et la
clarté de leurs décisions. Certains d’entre
eux accèdent aux plus hautes responsabilités et deviennent président d’un tribunal.
Les chefs d’entreprise et cadres supérieurs qui rejoignent un tribunal de
commerce ont, dans la plupart des cas,
déjà eu des engagements citoyens. Ils
ont souvent participé activement à la vie
d’un syndicat professionnel ou d’une
chambre de commerce. Certains autres
ont été impliqués dans la gestion de
collectivités locales ou participé à une
commission départementale des impôts.
Leur candidature à un poste de juge
constitue généralement un pas de plus
dans leur engagement au service des
autres. La fonction de juge consulaire
requiert une présence aux audiences
mais aussi beaucoup de travail personnel. Pour un juge expérimenté, la
rédaction d’un jugement aussi simple
soit-il prendra rarement moins de trois
heures. La rédaction des jugements
les plus complexes nécessite plusieurs
dizaines d’heures de travail consacrées
à l’examen des pièces, à l’étude des
textes, à la recherche de jurisprudence
et à l’écriture de la décision. Le plus
gros dossier que j’ai traité avait cent
vingt demandeurs et mesurait plus d’un
mètre d’épaisseur !
La Justice Commerciale
Un tremplin pour
le barreau
Il n’existe aucune évaluation du
niveau et de la compétence des juges
consulaires. Seuls les juges consulaires
les plus jeunes cherchent à faire reconnaître officiellement leur compétence.
Les universités françaises, dont la prestigieuse université Paris I - Panthéon
Sorbonne, délivrent régulièrement des
maîtrises en droit des affaires à des
juges de commerce au titre de la validation des acquis de l’expérience. Certaines d’entre elles vont encore plus loin
en prenant des juges consulaires comme
« chargés de cours » en droit des affaires
INGÉNIEUR
La justice
ET JUGE
commerciale
CONSULAIRE
ou en droit des entreprises en difficulté
dans le cadre de masters. De même, le
séminaire « Redressement » d’HEC,
destiné aux étudiants de troisième
année et de master spécialisé, fait
appel à des juges consulaires à côté de
professionnels du droit et du chiffre.
Il n’est pas rare de voir un juge consulaire en fin de mandat compléter sa
formation pour réorienter sa carrière
et devenir avocat.
L’expérience montre que les juristes
de formation ne sont pas forcément
les meilleurs juges consulaires. La
fonction de juge du commerce exige
des compétences juridiques associées
à l’expérience de la vie des entreprises.
Les tribunaux de commerce puisent
leur force dans la variété des origines
de leurs membres et dans la collégialité
de leurs décisions. Une bonne décision
se forge souvent au cours du délibéré
qui permet aux juges d’une même
formation (équipe) d’échanger leurs
points de vue et leurs arguments afin
d’aboutir à une décision. Comme dans
une entreprise, une des missions du
président d’un tribunal de commerce
est d’utiliser au mieux ses ressources
en fonction des aspirations et des compétences des juges du commerce sans
oublier que ceux-ci sont bénévoles !
Jacques Lassoury (75) n
Des juges bénévoles et élus
LA JUSTICE COMMERCIALE EN FRANCE
L’autorité des tribunaux de commerce s’exerce pleinement en matière de litiges.
L
A JUSTICE commerciale est traditionnellement assurée en France
par deux types de juridictions que
sont les tribunaux de commerce et les tribunaux de grande instance. Les premiers
sont composés de juges non professionnels et élus par les commerçants et les
dirigeants d’entreprise et les seconds
sont constitués de magistrats de carrière.
La diversité des
missions
Les tribunaux disposent d’une panoplie d’outils pour
prévenir ou traiter les difficultés des entreprises.
Les tribunaux de commerce ont
pour mission de régler tous les litiges
entre les entreprises et notamment :
– ceux relevant du droit financier et
boursier, ainsi que du droit national et communautaire en matière de commerce ;
– les contestations entre commerçants ;
– les contestations entre associés de
sociétés de commerce.
Ils doivent aussi prévenir et traiter les
difficultés des entreprises commerciales
et artisanales.
Dans un litige, le tribunal de commerce compétent est celui sur le territoire duquel se situe le siège de l’en-
treprise attaquée en justice, ou bien le
domicile de la personne mise en cause
sauf clause dérogatoire contractuelle.
Dans le cas de défaillances d’entreprises, pour toutes les sociétés commerciales, le tribunal de commerce
compétent est celui du lieu de leur siège
social. Pour les commerçants personnes,
physiques, et les artisans, le tribunal de
commerce compétent est celui du siège
de l’entreprise. Pour les sociétés civiles,
les associations, les exploitants agricoles
et personnes morales de droit privé
non commerçantes, c’est le tribunal de
grande instance qui est compétent.
Le tribunal de commerce est aussi
une autorité administrative !
Le greffe du tribunal de commerce
tient, sous le contrôle du président du
tribunal, le registre du commerce et
des sociétés (RCS) qui est l’état civil
des entreprises. Il reçoit les déclarations d’immatriculation, modifications
et radiations des commerçants et des
sociétés. Il contrôle la validité juridique
des déclarations en exigeant diverses
pièces justificatives ; il reçoit en dépôt
et conserve les statuts et autres actes de
société ainsi que les comptes annuels des
sociétés anonymes (SA & SAS) et des
sociétés à responsabilité limitée (SARL).
Pour remplir sa mission, le greffe est
en relation avec :
– l’Insee pour l’attribution aux entreprises du numéro d’immatriculation
SIRENE ;
– le Journal Officiel pour publier les
formalités importantes (Bodacc) ;
– le casier judiciaire pour vérifier
l’absence de condamnation interdisant
l’exercice d’activités commerciales.
Enfin, il vérifie l’obtention, par le
commerçant ou la société à inscrire, des
diplômes ou autorisations administratives
L’ingénieur N° 261 - Mars / Avril 2010
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La Justice Commerciale
nécessaires à certaines professions et activités réglementées. Il confère la personnalité morale aux sociétés commerciales,
civiles et GIE (groupement d’intérêt économique) à compter de l’immatriculation.
Il a pour effet de rendre opposables aux
tiers toutes informations déclarées.
La panoplie d’outils
LA JUSTICE COMMERCIALE EN FRANCE
par un juge unique, assisté du greffier.
Les débats sont contradictoires et publics.
Le juge des référés rend son ordonnance
immédiatement ou dans un délai bref
qu’il fixe. Le greffe adresse une copie de
l’ordonnance aux deux parties.
Pour faire exécuter l’ordonnance, la
partie intéressée doit la « signifier » à
l’autre partie intéressée. La décision est
exécutoire immédiatement.
La procédure de l’Ordonnance sur
requête sera utilisée dans les cas où
seront sollicités :
– un constat ;
– une saisie conservatoire ;
– une inscription de nantissement sur
fonds de commerce ;
– une vente aux enchères d’objet
gagé ;
– la nomination d’un expert ;
– une prorogation du délai de tenue
d’AGO (assemblée générale ordinaire) ;
– une nomination d’un commissaire
aux apports ;
– etc.
La personne physique ou morale qui
souhaite faire valoir ses droits devant
un tribunal de commerce dispose d’un
outillage adapté aux différents besoins.
Si la demande est fondée sur des documents difficilement contestables, la procédure simple et rapide de l’Injonction
de payer est souvent la mieux adaptée.
Elle permet d’obtenir une ordonnance
d’Injonction de payer, valant jugement,
sans assignation préalable du débiteur
devant le tribunal de commerce (procédure non contradictoire). Il suffit de faire
parvenir la requête au greffe du tribunal
du domicile du débiteur, accompagnée des pièces justificatives
et de la copie d’une lettre de
mise en demeure préalablement
adressée au débiteur en recommandé avec avis de réception.
La requête n’est recevable que
si elle concerne une créance
d’un montant déterminé et est
justifiée par des pièces.
L’identité du débiteur doit
être très soigneusement précisée. Le juge des Injonctions de
payer rend l’ordonnance et le
greffe l’envoie au demandeur
qui doit la faire « signifier »
c’est-à-dire la faire remettre à
son débiteur, par l’intermédiaire
d’un huissier dans le délai de Le tribunal peut choisir de confier le dossier à un juge rapporteur.
six mois.
S’il y a une urgence particulière pour
La requête doit être remise au greffe en
une mesure conservatoire ou de remise
double exemplaire, indiquer les raisons de
en état, pour demander une provision
la demande, être signée, et être obligatoiresur une créance ou pour faire désigner
ment accompagnée des pièces de nature à
un expert, la procédure la mieux adaptée
justifier les raisons invoquées. Le président
est le Référé. Il faut faire délivrer une
rend une ordonnance, et le greffe l’adresse
assignation par huissier à son adversaire
au demandeur qui peut la faire exécuter
pour que les deux parties se présentent :
immédiatement. Si le demandeur n’a pas
– au jour fixé, date de l’audience habiobtenu satisfaction et s’il a de nouveaux
tuelle du juge des référés ;
éléments à faire valoir, il peut adresser au
– à heure fixe dans un très court délai,
président une nouvelle requête.
en cas d’extrême urgence.
Si l’affaire ne présente pas un caractère
L’assignation doit être accompagnée
d’urgence, ou présente des difficultés
des pièces justificatives et déposée au
sérieuses, il faut utiliser la Procédure
greffe deux jours avant l’audience tenue
classique à savoir :
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L’ingénieur N° 261 - Mars / Avril 2010
– rédiger ou faire rédiger l’assignation
par laquelle le demandeur invite son ou
ses adversaires à se présenter devant
le tribunal à une date précise, avec un
préavis de quinze jours, et où il expose
sa demande et ses motifs ;
– la confier à un huissier qui remettra
le premier original à l’adversaire ou aux
adversaires ;
– déposer ou faire déposer au greffe du
tribunal le second original, accompagné
des pièces justificatives, une semaine
avant la date de l’audience.
Déroulement de la
procédure classique
Le principe du « contradictoire » dans
la Procédure classique nécessite l’échange
entre les parties des pièces et des conclusions de chacun. Cette procédure entraîne
souvent plusieurs renvois de l’affaire à des
audiences ultérieures, jusqu’à ce que les
parties présentent un dossier « en état »
d’être plaidé et jugé. Lorsque le
dossier est « en état », le tribunal
choisit soit d’entendre les plaidoiries des parties en audience
publique par la formation collégiale de trois juges, et fixe la
date pour plaider, soit, en accord
avec les parties, de confier le
dossier à un juge rapporteur qui
entend les parties à la date et
à l’heure fixées, et qui en fait
rapport au tribunal. Après les
plaidoiries, les débats sont clos,
l’affaire est mise en délibéré et la
formation collégiale, ou le juge
rapporteur, fixe la date à laquelle
le jugement sera rendu par le tribunal. Le greffe adresse copie du
jugement à chacune des parties.
Pour faire exécuter le jugement,
la partie intéressée doit le « signifier »
à l’autre partie, par l’intermédiaire d’un
huissier. La décision peut être exécutée
immédiatement, par l’intermédiaire d’un
huissier, si l’exécution provisoire est
prononcée. Pour les décisions dont le
montant de la demande porte sur une
somme supérieure à quatre mille euros
– décision en premier ressort – la seule
voie de recours est l’appel qui se fait en
déposant la demande au greffe de la cour
d’appel du ressort, dans le mois qui suit
la notification du jugement.
Jacques Lassoury (75) n
La Justice Commerciale
Missions et moyens des tribunaux de commerce
AU SERVICE DES ENTREPRISES
Comment les tribunaux de commerce peuvent-ils prévenir et traiter leurs difficultés ?
La prévention et le traitement des
difficultés des entreprises sont au
cœur des missions des tribunaux de
commerce.
ainsi que les services chargés de la
centralisation des risques bancaires et
des incidents de paiement.
Des procédures
adaptées
C
ES DERNIERS et leurs présidents disposent d’une série
d’outils instaurés ou confirmés
par la loi de sauvegarde des entreprises
du 26 juillet 2005. L’objectif de cette
loi, modifiée par l’ordonnance du 18
décembre 2008 et le décret du 12 février
2009, est de favoriser l’anticipation des
difficultés et le rebond de l’entreprise et
de l’entrepreneur.
Un président
à l’écoute
Le président du tribunal de commerce
dispose de nombreuses informations
concernant les entreprises de son ressort :
inscriptions de privilèges des services fiscaux et des organismes, dépôt ou absence
de dépôt des comptes annuels, alertes des
commissaires aux comptes, informations
du ministère public, nombre important d’injonctions de payer, demandes
de mise en liquidation ou en redressement judiciaire, etc. Si ces informations
le poussent à penser qu’il existe des
difficultés de nature à compromettre
la continuité de l’exploitation, il peut
convoquer le chef d’entreprise pour que
soient envisagées les mesures propres à
redresser la situation.
Le chef d’entreprise se rend souvent à
l’entretien accompagné de son avocat ou
de son expert comptable. Les échanges
restent confidentiels.
Le chef d’entreprise arrive parfois
avec un plan d’action, qu’il présente au
président, ou des éléments qui prouvent
que les craintes du président ne sont pas
justifiées. Le dirigeant peut aussi avoir
pris conscience de sa situation suite à la
convocation ou comprendre celle-ci au
cours de l’entretien. Le président aura
alors l’opportunité de lui présenter les
procédures possibles mais il ne devra,
en aucun cas, jouer le rôle de conseil.
La justice doit être inébranlable.
Il existe cinq approches pour gérer les
difficultés des entreprises : le mandat
Adhoc, la conciliation, la sauvegarde, le
redressement et la liquidation judiciaire.
Dans quelques cas, la situation de l’entreprise sera totalement compromise et,
en l’absence de prise de conscience du
dirigeant, le président sera contraint de
saisir le tribunal.
À l’issue de cet entretien, ou si le
dirigeant ne s’est pas rendu à sa convocation, le président du tribunal peut
obtenir communication des renseignements de nature à lui donner une exacte
information sur la situation économique
et financière du débiteur par les commissaires aux comptes, les membres et
représentants du personnel, les administrations publiques, les organismes
de sécurité et de prévoyance sociale
•  Le mandat Adhoc
Le dirigeant d’une entreprise en difficulté peut, à tout moment, demander
à être reçu par le président du tribunal
de commerce de son ressort pour être
éclairé sur la conduite à tenir. S’il est
confronté à une situation précise et passagère de crise, le président du tribunal
peut désigner un mandataire Adhoc
pour faciliter la recherche d’une solution adaptée. Il s’agit d’une procédure
informelle qui ne fait pas l’objet d’un
encadrement législatif et qui, grâce à sa
souplesse et à sa confidentialité, permet
de résoudre de nombreuses difficultés.
En outre, elle n’est enfermée dans aucun
Le tribunal peut choisir une procédure de conciliation.
L’ingénieur N° 261 - Mars / Avril 2010
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La Justice Commerciale
La liquidation est prononcée quand il n’y a plus
d’espoir de sauver l’entreprise.
délai et peut être utilisée pour préparer
une éventuelle conciliation. La mission
du mandataire Adhoc est définie par le
président du tribunal. La mise en place
d’un mandat Adhoc n’est possible que si
l’entreprise n’est pas en état de cessation
des paiements, c’est à dire qu’elle peut
faire face, avec son actif disponible, à un
passif immédiatement exigible.
•  La conciliation
Si l’entreprise est en état de cessation
des paiements et que celui-ci n’est pas
caractérisé depuis plus de 45 jours, le
législateur propose une procédure dite
de conciliation qui a pour objectif d’obtenir un accord amiable entre le débiteur
et ses principaux créanciers en vue de
mettre fin aux difficultés de l’entreprise.
La conciliation est initiée par le chef
d’entreprise sous forme d’une requête
au président du tribunal.
Le président peut ordonner une enquête
sur la situation économique et financière
de l’entreprise ou désigner à la demande
du chef d’entreprise un conciliateur qui
négociera avec les principaux créanciers
en vue de la conclusion d’un accord. La
durée de la conciliation ne pourra pas
dépasser quatre mois. Cet accord pourra
être soit constaté par le président du
tribunal, soit homologué par le tribunal.
•  La sauvegarde
Elle est ouverte à la demande du chef
d’entreprise qui, sans être en cessation
des paiements, justifie de difficultés qu’il
n’est pas en mesure de surmonter. Cette
procédure a pour but de faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre
la poursuite de l’activité économique, le
maintien de l’emploi et l’apurement du
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L’ingénieur N° 261 - Mars / Avril 2010
AU SERVICE DES ENTREPRISES
passif. Le dirigeant reste à la tête de ses
affaires et peut être assisté d’un mandataire
judiciaire. Le jugement d’ouverture fige la
dette de l’entreprise et ouvre une période
d’observation de six mois, renouvelable
une fois, qui débouche, si tout se passe
bien, sur un plan d’une durée maximale
de dix ans durant laquelle l’entreprise
remboursera ses dettes antérieures à l’ouverture de la procédure. Cette procédure
exclut toute sanction à l’égard du dirigeant
sauf en cas de résolution du plan.
Pour mener à bien cette procédure, le
tribunal désigne un juge commissaire,
un mandataire judiciaire et éventuellement un administrateur. Le juge commissaire est chargé de veiller au déroulement de la procédure et à la protection
des intérêts en présence.
•  Le redressement judiciaire
Le redressement judiciaire a de nombreux points en commun avec la procédure de sauvegarde. Il est destiné aux
entreprises qui sont en état de cessation
des paiements et qui n’ont pas demandé
l’ouverture d’une procédure de conciliation. Le dirigeant de l’entreprise qui
souhaite bénéficier d’un redressement
judiciaire doit faire au préalable une
déclaration de cessation des paiements
auprès du tribunal de commerce. Pour
ce faire, il s’adresse au greffe de ce tribunal, celui-ci étant chargé de remettre
le dossier indiquant tous les documents
à fournir et de recevoir cette déclaration
dûment motivée.
Une fois le dossier déposé, le dirigeant
est invité à se présenter devant le tribunal
à jour et heure fixés. L’ouverture de la
procédure peut également intervenir sur
assignation d’un créancier ou sur citation
à comparaître.
L’audience se déroule en chambre du
conseil (huis clos) et le tribunal entend
également les délégués du personnel et/
ou les représentants des salariés ainsi
que le ministère public. Cette procédure
a pour objet de conduire un plan soit de
continuation, soit de cession (totale ou
partielle de l’entreprise).
Le juge commissaire est chargé de veiller
au déroulement de la procédure et à la protection des intérêts en présence. Il prendra
de nombreuses décisions au cours de la
procédure. L’administrateur est chargé
de dresser un bilan économique, social et
environnemental de l’entreprise et d’élaborer le plan de redressement. Il a aussi la
charge d’assister le débiteur pour tous les
actes relatifs à la gestion ou d’assurer seul
l’administration de l’entreprise.
Au cours de la période d’observation,
le tribunal optera pour un plan de continuation de l’entreprise si des mesures de
réorganisation permettent de prévoir son
redressement et pour un plan de cession
s’il apparaît que la cession de l’entreprise constitue la meilleure garantie du
maintien de l’activité et de l’emploi.
Si aucune de ces deux solutions n’est
envisageable, le tribunal prononcera la
liquidation judiciaire.
•  La liquidation judiciaire
Une procédure de liquidation judiciaire est ouverte lorsqu’il n’y a plus
d’espoir de sauver l’entreprise. Elle
est destinée à mettre fin à l’activité de
l’entreprise ou à réaliser le patrimoine
du débiteur par une cession globale ou
séparée de ses droits et biens.
Nombreux freins à
la prévention des
difficultés
En dépit de l’arsenal d’outils disponibles, trop d’entreprises disparaissent
alors qu’elles auraient pu être sauvées
si les mesures nécessaires avaient été
prises a temps. Les causes de cet état de
fait sont diverses.
– Trop de chefs d’entreprise manquent de lucidité concernant la situation
réelle de leur entreprise. Certains sont
conscients des difficultés mais espèrent
« se refaire ». Peut-on réellement critiquer
leur optimiste ? L’optimisme n’est-il pas
une qualité indispensable à un créateur
ou à un repreneur d’entreprise ? D’autres
connaissent les mesures qu’ils devraient
prendre mais n’agissent pas à temps.
Peut-on condamner un homme qui n’arrive pas à se séparer de salariés qui lui ont
été dévoués durant des dizaines d’années
et dont, parfois, les parents travaillaient
déjà pour l’entreprise ? D’autres encore
n’ont pas la moindre idée de la situation
réelle de leur entreprise. Ils n’ont pas
de comptabilité digne de ce nom et des
notions élémentaires de gestion, telles que
celle du point mort, leur sont inconnues.
– Beaucoup de chefs d’entreprise
n’ont pas les connaissances juridiques
indispensables à l’exercice de leur métier
et n’ont pas accès aux conseils qui pourraient pallier à leurs insuffisances.
La Justice Commerciale
AULa
SERVICE
justiceDES
commerciale
ENTREPRISES
– La justice fait toujours peur et les tribunaux sont plus souvent perçus comme
des censeurs que comme des aides.
– Enfin, quelques chefs d’entreprise
sont conscients de leur situation mais
préfèrent en tirer profit jusqu’au bout.
•  Les moyens de développer la prévention des difficultés des entreprises
La formation et l’information sont des
outils clés. Les efforts dans ce sens sont
importants. Les avocats, les expertscomptables, les administrateurs et les
mandataires judiciaires regroupés au
sein de leurs organisations professionnelles mènent des opérations de sensibilisation mais celles-ci touchent principalement un public déjà averti. Les
chambres des métiers et de l’artisanat et
les chambres de commerce et d’industrie incluent un module sur la prévention
des difficultés des entreprises dans
leurs formations destinées aux futurs
chefs d’entreprises mais celles-ci ne
sont obligatoires que pour les candidats
artisans. L’enseignement supérieur ne
Les chambres des métiers et de l’artisanat hébergent des
centres d’information pour la prévention des difficultés.
semble pas encore avoir pris conscience
des dimensions de l’enjeu. Beaucoup
trop d’étudiants obtiennent un diplôme
d’ingénieur, un diplôme d’une école
supérieure de commerce ou un master 2
sans avoir la formation juridique indispensable à des futurs entrepreneurs.
L’ordre des experts-comptables et
l’ordre des avocats, sous l’impulsion
d’Agnès Bricard, ont eu l’heureuse
initiative de créer des centres d’informations sur la prévention qui sont
souvent hébergés par les chambres
des métiers et de l’artisanat ou les
chambres de commerce et d’industrie
et qui reçoivent les chefs d’entreprise
en quête d’information.
Le plus souvent, ce sont les présidents
et les juges des tribunaux de commerce
qui portent, à leurs frais, la bonne parole
auprès des syndicats patronaux, des
élus locaux, des clubs, des associations
et même des syndicats de salariés.
Leur action à l’avantage d’informer
les acteurs du monde économique et
de dédramatiser leurs relations avec la
justice commerciale.
•  Créer une culture du rebond
La loi de sauvegarde du 26 juillet
2005 n’est pas seulement une loi de
plus sur le traitement des difficultés des
entreprises ; elle concrétise une volonté
d’introduire une culture de la prévention
et du rebond dans l’économie française.
Les tribunaux de commerce sont aux
avant-postes dans ce combat !
Jacques Lassoury (75) n
Une image attractive des tribunaux de commerce
LA DÉMARCHE QUALITÉ
Améliorer les pratiques et la formation, installer la certification et propager les expériences.
Philippe Béziaux, diplômé de l’Essec (62), maître en droit
et titulaire d’un DES de sciences économiques, a fait sa
carrière dans un groupe multinational où il a occupé diverses
fonctions au sein de la direction marketing et de la direction
générale. Philippe Béziaux est juge au tribunal de commerce
de Pontoise dont il a été président, membre du Conseil
national des tribunaux de commerce et ancien vice-président
de la Conférence générale des juges consulaires de France.
P
LUSIEURS RAISONS militent
pour une approche qualité dans
les tribunaux de commerce.
•  Les tribunaux de commerce, comme
les autres institutions judiciaires, ont
une situation de quasi monopole en
matière de traitement des litiges entre
commerçants ou sociétés (l’arbitrage est
une solution alternative, mais limitée à
certains cas) et un monopole total pour
le traitement des entreprises en difficulté.
Une telle situation légitime une qualité
exemplaire des processus dans les tribunaux de commerce.
•  En terme d’attractivité d’un territoire,
si le « ressort » d’un tribunal a une image
de qualité de sa justice en matière de
L’image de qualité d’un tribunal est un avantage compétitif pour la région concernée.
L’ingénieur N° 261 - Mars / Avril 2010
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La Justice Commerciale
LA DÉMARCHE QUALITÉ
de ces tribunaux. Cette Conférence est
très sensibilisée aux démarches qualité
et en a fait l’un de ses objectifs majeurs
actuels. Dans cet esprit, elle a mis en
œuvre différentes actions permettant de
diffuser les bonnes pratiques de nos tribunaux et de rendre cohérente la chaîne
qualité reliant les juges consulaires et
leurs auxiliaires de justice.
Seules seront développées, en résumé,
les deuxième et troisième démarches.
Les auxiliaires de justice jouent un rôle en cohérence avec la production du tribunal.
traitement des affaires commerciales,
c’est un avantage compétitif éventuel
par rapport à d’autres régions et cela peut
favoriser l’implantation d’entreprises ou
le maintien d’entreprises dans ce ressort.
•  Par ailleurs, la justice n’est pas le
résultat des seuls juges d’un tribunal,
en effet les auxiliaires de justice comme
les greffiers, mandataires de justice,
commissaires priseurs, experts, etc.
jouent un rôle important et leur action
doit être cohérente avec celle des juges
consulaires.
•  Enfin, la justice consulaire, celle des
tribunaux de commerce, est rendue par
des juges élus dont les mandats sont limités dans le temps, maximum quatorze
années, ce qui induit un certain turnover
de la population des juges consulaires ;
de ce fait il y a une nécessité d’assurer
une qualité et une stabilité dans le temps
des jugements et décisions judiciaires
des tribunaux de commerce.
L’ensemble de ces facteurs fait que, au
même titre que dans les entreprises privées et les administrations, les démarches
qualité ont aussi leur place dans les tribunaux de commerce.
démarche est plus ou moins formalisée
mais elle est tout à fait respectable.
Le deuxième type de démarche, spécifique également à un tribunal donné, c’est
lorsque des tribunaux ont désiré mettre en
œuvre dans leur juridiction une démarche
qualité formalisée visant à une certification ou à un niveau de formalisation
équivalent ; de telles démarches ont été
menées dans les tribunaux de commerce
de Lyon, Chambéry et Pontoise, une
démarche analogue est en cours actuellement au tribunal de commerce de Paris.
Le troisième type de démarche, que
l’on qualifiera de déploiement, c’est
celle de la Conférence générale des
juges consulaires de France, laquelle est
l’association de l’ensemble des juges
consulaires des 135 tribunaux de commerce et est donc en contact avec chacun
Le déploiement des
démarches
Ces démarches dérivent directement
des raisons exposées précédemment sur
l’intérêt d’une démarche qualité dans un
tribunal et y ajoutent deux éléments :
– d’une part, la volonté de formaliser
au maximum ou au mieux les pratiques
du tribunal afin de dépasser les risques
liés à des pratiques très « orales » dans
les tribunaux de commerce ;
– d’autre part, la volonté de mettre
en œuvre des stratégies de progrès elles
aussi formalisées dans les tribunaux
concernés.
Partant de là, chacun des tribunaux
ayant décidé d’une telle approche a
choisi les domaines sur lesquels il
désire lancer sa démarche qualité, soit
sur un spectre large de domaines – cas
des tribunaux de Lyon, Pontoise et
Paris –, soit sur un spectre plus étroit
Les types de
démarche qualité
On peut distinguer trois types de
démarche.
Le premier type de démarche, propre
à chaque tribunal, c’est tout simplement
le cas des tribunaux de commerce dans
lesquels le président et ses juges sont
attachés à la qualité de leur organisation
et de leurs décisions de justice et mènent
des opérations de formation de leurs juges
et de rigueur dans leurs pratiques afin
d’atteindre un bon niveau de qualité ; cette
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L’ingénieur N° 261 - Mars / Avril 2010
Les processus qualité requièrent de la gestion et de la documentation dans les démarches.
La Justice Commerciale
mais stratégique comme la prévention
des difficultés des entreprises, cas du
tribunal de Chambéry.
Afin d’illustrer ce que peuvent être les
domaines couverts par ces démarches
qualité, voici les domaines sur lesquels
a été déployée la démarche qualité du
tribunal de commerce de Pontoise :
– tout ce qui concerne la « production » du tribunal : le traitement du
« contentieux » (les litiges entre commerçants ou entreprises), la prévention
des difficultés des entreprises, les procédures collectives (ce qu’on appelait
jadis les faillites) et les décisions présidentielles ; la démarche permet ainsi de
formaliser des vademecums de référence
pour les juges dans chacune de ces activités de production ;
– mais cette production ne peut exister sans la description des méthodes
de recrutement des nouveaux juges, de
leur intégration, de leur formation et du
montage de l’organisation adéquate du
tribunal, c’est ce qu’on peut appeler le
« management du tribunal » ;
– enfin cette production implique l’existence de supports tels que ceux d’experts,
d’administration judiciaire et de communication, la démarche précise les méthodes afférentes à ces domaines.
Le système qualité se compose ainsi
d’un certain nombre de « processus
qualité », en fait un peu plus détaillés
que ce qui vient d’être décrit, avec deux
autres processus clés, la gestion d’ensemble de la démarche et la gestion de
la documentation. L’avantage de cette
approche, c’est qu’elle rejoint ce qui
est pratiqué en entreprise au travers
des analyses des forces et faiblesses de
chaque processus et des axes de progrès
qu’on en dégage ; en outre, dans cette
approche décomposant un tribunal en
trois groupes de processus, production/
management/supports, on retrouve des
dimensions propres à la gestion des
entreprises, que connaissent bien les
juges consulaires, hommes d’entreprise.
Au niveau des objectifs qualité globaux des tribunaux, dans les quatre cas
cités – dont deux sont à ce jour certifiés
ISO 9001/2000, les tribunaux de commerce de Lyon et Pontoise –, le plus souvent, on retrouve des objectifs en termes
de qualité de l’accueil des justiciables, de
délais de traitement des affaires contentieuses, de contribution à la diminution
du risque de défaillance des entreprises
et de qualité des décisions de justice.
LA DÉMARCHE QUALITÉ
Le management du tribunal implique l’existence d’experts.
Pour finir sur ce type de démarche
qualité, il faut convenir qu’une telle
démarche ne peut prospérer que si le
tribunal est suffisamment mature quant
à cette approche et si le président de
la juridiction joue un rôle très fort
d’entraînement de ses juges dans la
démarche ; ceci implique l’existence
d’une expertise pour aider le tribunal
à mettre en place la démarche avec des
probabilités de succès, expertise au tribunal ou importée dans celui-ci.
Un support méthodologique aide au développement de
la chaîne qualité.
La promotion des
bonnes pratiques
La Conférence générale n’a pas
d’autorité hiérarchique sur les tribunaux de commerce, mais, pour autant,
ceux-ci attendent d’elle qu’elle apporte
un support méthodologique à leurs
différents processus. Dans cet esprit,
cette conférence a développé deux
programmes qualité.
– En premier lieu, la Conférence est
partie du concept de la chaîne qualité
reliant les tribunaux et leurs juges consulaires, les greffiers et les administrateurs/
mandataires judiciaires. Deux groupes
de travail de juges consulaires, l’un avec
les greffiers, l’autre avec les administrateurs/mandataires judiciaires travaillent
actuellement à définir le cadre de leurs
rôles respectifs et une charte qualité
partagée entre ces trois acteurs. L’un
des principaux thèmes retenus est celui
de l’accessibilité à la justice et l’accueil
des justiciables, thème impliquant autant
les tribunaux de commerce et leurs juges
que les greffiers, les administrateurs et
mandataires judiciaires.
– En second lieu, la conférence a mis
en place une opération de collecte des
bonnes pratiques sur l’ensemble des
tribunaux de commerce, l’idée étant
qu’il y a de bonnes pratiques dans nos
tribunaux et qu’il serait utile de les faire
partager entre les différents tribunaux.
Ainsi, plusieurs thèmes ont été retenus
pour l’année en cours, dont entre autres,
encore une fois l’accessibilité à la justice et l’accueil dans les tribunaux de
commerce, mais aussi la prévention des
difficultés des entreprises, les expertises
judiciaires et l’accueil des nouveaux
juges. Le résultat visé est de bâtir, sur
chacun de ces thèmes, un guide des
bonnes pratiques à disposition des tribunaux et de leurs juges.
Philippe Béziaux n
L’ingénieur N° 261 - Mars / Avril 2010
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