Projet de production et de distribution de spiruline
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Projet de production et de distribution de spiruline
Projet de production et de distribution de spiruline Principales caractéristiques du projet Session de Dotation Automne 2005 Dotation Budget total (initial) accordée 5000 (Vivendi) 41550 euros (pour 3 phases dont 17 850 euros pour la phase 1) - Réalisé phase 1 = 18048 euros Période projet (prévue) Association et responsable en France Responsables locaux Cab Déméso, Moussa Diabaté Antenna Technologies : (président) / [email protected] oct 2005 - Daniel Porte - 01 34 80 03 +223 673 25 18 oct 2007 29 / Vincent Guigon : Mairie de la commune rurale de [email protected] Sansanding, Lassana Kouma (Maire) +223 234 26 95 Objectifs principaux Principaux résultats attendus - Lutter contre les carences alimentaires les plus graves constatées à Sansanding et sa région - Créer une nouvelle activité économique pérenne dans la commune permettant de Créer des emplois et des revenus à quelques personnes des villages de la commune - - Création de deux bassins de 25m2 en phase 1, deux bassins de 50m2 en phase 2, trois bassins de 50m2 en phase 3. A la fin de la phase 1, une production attendue de 250 à 300 grammes de spiruline sèche par jour, deux personnes employées Bilan synthétique de la visite Durée de la visite 1/2 journée Fonctionnalité Interlocuteurs locaux rencontrés Lieu Moussa Diabaté, président de Cab Démé So Lassana Kouma, Maire de la commune rurale de Sansanding Mamadou Traoré, président de la structure d’exploitation Mamadou Diarra et Fatim Sow, équipe exploitante Kadiatou Traoré, matrone au centre de santé communautaire de Sansanding Sansanding Pertinence du projet par rapport Efficacité Efficience à l’environnement (objectifs fixés au départ / résultats atteints) (résultats obtenus / moyens mis en œuvre) ++ +-? +- +- Satisfaction perçue des Qualité du partenariat Viabilité Appréciation globale +- ? +? partenaires et/ou bénéficiaires ++ Compte-rendu : Cadrage du projet Située au bord du fleuve Niger, la commune de Sansanding couvre 17 villages et compte environ 19 000 habitants. Il existe trois structures de santé au niveau de la commune qui dépendent de l’hôpital de Markala. Initiateur de ce projet, M. Lassama Kouma, le Maire de Sansanding explique : « le commissariat à la sécurité alimentaire, un organisme dépendant du gouvernement, a conduit une étude montrant que la malnutrition touche jusqu’à 60% de la population dans la région de Mopti ». « Ici, ajoute-t-il, se procurer de la viande et du poisson n’est pas facile. La malnutrition est importante ». Il estime que « jusqu’à présent, le gouvernement ne s’intéressait qu’au problème de la famine. Maintenant, ils doivent s’intéresser au problème de malnutrition ». La spiruline1 est une sorte d’algue, dont les propriétés nutritionnelles la rendent particulièrement intéressante pour lutter contre la malnutrition. Lassana Kouma en avait entendu parler. Il établit le contact avec Antenna Technologies grâce à un ressortissant. L’association française et son partenaire local se déplacent alors à Sansanding pour envisager puis concevoir le projet. Des échanges ont lieu 1 Pour plus d’informations concernant les essais cliniques, consulter www.antenna.ch avec le médecin chef et les pédiatres de l’hôpital de Markala qui appuient le projet. Localement, quatre parties prenantes participent au projet. Maître d’œuvre, le Maire a notamment permis l’implantation de la ferme de spiruline dans l’enceinte de la Mairie, sur un terrain mis à disposition. Une équipe technique composée de deux personnes Mamadou Diarra et Fatim Sow, est concrètement chargée de la production de spiruline. Avant le projet, Mamadou Diarra était cultivateur, et Fatim Sow, stagiaire à la Mairie. Ils sont respectivement rémunérés 20 000 F et 15 000 F par mois. Une structure exploitante bénévole est chargée « du suivi du travail de l’équipe technique, de l’identification de leurs difficultés, de l’organisation des visites de la ferme, et de la promotion de la spiruline auprès des habitants de la commune ». Enfin, Moussa Diabaté, de Cab Deme So, une ONG malienne est l’interlocuteur référent, chargé de la coordination du projet. Ce dernier interlocuteur réside toutefois à Bamako, distante de 350 km environ. Il suit également un autre projet « spiruline » à Safo, une localité proche de Bamako. Processus de production Lors de notre visite les deux premiers bassins de 25m2 sont construits et opérationnels. Moussa Diabaté et les deux personnes de l’équipe techniques expliquent le processus de production de spiruline et ses contraintes. Les deux bassins sont remplis d’une eau verdâtre. Grâce à la photosynthèse, les micro-organismes se multiplient. Une première difficulté est signalée par M. Diabaté : « il est souvent nécessaire de couvrir les bassins pour les protéger du vent et du sable, en même temps, il est indispensable de les laisser à l’air pour que la photosynthèse se fasse ». « L’agitation du bassin » est la contrainte majeure de la culture de spiruline. « Toutes les heures entre 10h et 16h, il est nécessaire d’agiter l’eau pendant une demi-heure. Sinon, la spiruline vient en surface et elle est brûlée par les rayons du soleil » indique M. Diabaté. S’il existe des systèmes électriques pour cette opération, ils augmentent de façon importante les coûts de production. Plus tard, il tempèrera cette contrainte « ca dépend comment on agite, quand c’est bien fait, dix minutes toutes les heures suffisent ». La récolte est réalisée à partir d’un niveau minimum de concentration de spiruline dans l’eau. La mesure est très simplement faite, à l’aide d’une réglette fixée sur un disque blanc que l’on plonge dans l’eau. La première opération pour la récolte consiste à filtrer l’eau pour recueillir la spiruline, elle se présente alors sous forme de boue verte. Un premier puis un second pressage à la main permettent l’obtention d’une pâte, ensuite séchée dans un séchoir solaire. La spiruline peut alors être conditionnée en sachet de 25 g puis vendue (500 F le sachet). Après chaque récolte, l’équipe procède à un réensemencement du bassin, selon un protocole précis affiché dans le local de production (ajout de bicarbonate de soude, azote, potassium, phosphore, fer, sel, chaux…). L’équipe doit également contrôler régulièrement la température, la densité, le niveau de l’eau, le PH et le degré de concentration en spiruline. En temps normal, le bassin doit être purgé tous les mois. Les purges seraient plus fréquentes à Sansanding à cause des intempéries. Résultats atteints et implication des acteurs dans le projet Outre l’encadrement de Cab Démé So et d’Antenna Technologies, l’équipe technique a été assistée pendant 6 mois à plein temps par deux jeunes bénévoles d’une association française, Spiruline Equitable. L’accompagnement technique pour la production de spiruline et les actions de sensibilisation pour sa diffusion et sa commercialisation auprès des habitants de la commune semblent avoir été les deux points forts de cette collaboration. « Une sensibilisation avec des échantillons venus de Safo a été conduite dans tous les villages de la commune avant même que les activités de production ne commencent » précise le Maire. Toutefois, cette collaboration n’a pas laissé que de bons souvenirs. Le Maire évoque un « manque de respect envers nous ». Moussa Diabaté ajoute que la relation et la répartition des rôles entre Spiruline Equitable et Cab Deme So « n’étaient pas évidentes ». Spiruline Equitable a également joué « cavalier seul » en faisant des quêtes d’argent et en menant des actions locales sans en informer ni Antenna ni Cab Deme So (la rénovation d’un puits par exemple). Mais pour Lassana Kouma, « Le plus important était de faire réussir le projet, et surtout de ne pas en donner une image négative à la population. Donc on est passés outre ces difficultés relationnelles ». En revanche, Moussa Diabaté dit avoir de bonnes relations avec Antenna. « C’est une association qui pense qu’on peut faire de grandes choses avec de petits moyens ». Nous consultons les cahiers de suivi des stocks et des ventes. Le premier indique les données suivantes : Date Entrée de sachets Sorties de sachets Etat du stock Si des récoltes régulières sont réalisées au cours du premier trimestre, leur nombre chute ensuite. Seulement cinq récoltes ont eu lieu entre le 1er avril et la mi-mai, et plus aucune à partir de mi-mai. L’équipe technique incrimine le climat (grands vents et températures trop élevées). Le niveau des ventes suit la même tendance. Nombre de sachets vendus Recettes en FCFA Avril 121 60 500 Mai 63 31 500 Juin 5 2500 Outre le déficit de production, l’équipe technique note que « à la veille de l’hivernage, les gens sont en brousse et n’ont plus les moyens ». Plus tard, Moussa Diabaté nous dit que la chute de la production en mai est anormale. « Il y a sans doute eu une maladie de la spiruline » estime-t-il. « Tant que Spiruline Equitable était là, la production était bonne mais depuis, il y a un déficit de suivi et un contrôle insuffisant. Cela prouve qu’il faut un technicien à plein temps ». A titre de comparaison, à Safo, où Moussa Diabaté travaille également, la production à cette période est quotidienne et atteint « 1 kg de poids sec par jour » pour 200 m2 de bassins de culture. Il y a donc un vrai problème de suivi. Les compétences et la motivation des équipes en charge du projet (équipe technique et structure exploitante) paraissent notamment insuffisantes pour assurer la bonne marche du projet. Quant à Cab Deme So, la fréquence de leurs visites n’est–elle pas également insuffisante ? Concernant l’implication des membres de la structure exploitante, M. Diabaté évoque le problème des Per Diem, véritable fléau dans les projets de coopération au Mali. « Les gros organismes d’aide au développement montent des programmes qui incluent des formations à destination des paysans avec des per diem très importants. Cela les incite à venir ; comme ca, les programmes remplissent leurs objectifs de nombre de participants. C’est totalement pervers : certains paysans viennent à Bamako pour s’inscrire à deux-trois formations en même temps. Ils peuvent toucher jusqu’à 15 000 FCFA par formation alors qu’ils n’ont aucun intérêt réel dans le contenu de la formation ». Or selon lui, ces politiques incitent les participants à tout projet de développement à revendiquer systématiquement des per diem. « On est obligé de ré-expliquer à chaque fois aux membres de la structure exploitante que c’est LEUR projet ; Donc il n’est pas question de per diem. Mais à chaque réunion, ils demandent la prise en charge du repas et une somme correspondant à leur déplacement » déplore-t-il. « Nous avons tranché le débat en leur disant que c’est leur projet ; et en conséquence, à partir du moment où la structure dégagera des bénéfices, ce sera à eux de décider ce qui en est fait » ajoute-t-il. Actions de sensibilisation et distribution de spiruline auprès de la population Nous discutons avec les membres de l’équipe exploitante de leurs actions de sensibilisation et des messages délivrés auprès de la population. Qu’est-ce que la spiruline et à quoi sert-elle ? L’un des bénévoles dit expliquer que la spiruline est « un complément, un additif qui ne remplace pas les aliments. Ce n’est pas non plus un médicament ». Il compare avec le son « avant, nos arrières grandsparents ne décortiquaient pas le mil. Ils n’enlevaient pas le son, porteur de vitamines et d’oligoéléments ». « La spiruline, ca traite l’anémie ». Dans quelles conditions est-il utile de la consommer et quels sont les effets constatés ? « On explique qu’au moment du sevrage des enfants, les aliments adultes peuvent ne pas contenir suffisamment de vitamines ». « Les vieilles personnes achètent parce que ca leur redonne de l’appétit ». Les membres de l’équipe témoignent des bons retours qu’ils ont de la part des usagers : « Deux mamans sont venues témoigner devant tout le monde que leurs enfants avaient repris du poids » ; « les vieux disent que ca leur fait du bien, ils retrouvent l’appétit ». M. Diabaté souligne que la quantité recommandée est de 2g/jour pour les enfants et 5g/jour pour les adultes. Les sachets vendus sont de 25 g « même en cas d’abus (et jusqu’à 50 g par jour), la spiruline n’est pas toxique », précise-t-il. Les bénévoles disent se heurter à la difficulté du dosage « comment les gens doivent-il faire pour doser les 5g ? ». M. Diabaté indique l’information à délivrer « il faut leur dire qu’une cuillère à café fait environ 5 g et une petite cuillère fait environ 2g ». On peut s’étonner qu’après la campagne de sensibilisation menée avec Spiruline Equitable, ces détails pratiques mais essentiels, ne soient pas encore intégrés par l’équipe chargée de la sensibilisation. Concernant les ventes, nos interlocuteurs nous indiquent qu’elles ont lieu par trois canaux différents : par l’intermédiaire de l’infirmier du dispensaire, par les bénévoles qui rapportent des sachets dans leurs villages, ou encore directement à la Mairie. Moussa Diabaté note que Cab Deme So et Antenna « n’ont pas voulu mettre l’accent tout de suite sur une campagne d’information avec un passage à la radio par exemple, parce qu’il est nécessaire d’avoir d’abord une bonne production ». Toutefois, ajoute-t-il, « il faut que l’équipe qui fait ces actions de sensibilisation ait les moyens de se déplacer pour aller dans les villages ». Nous visitons enfin le centre de santé communautaire de Sansanding. En l’absence de l’infirmier, c’est la matrone de garde qui répond à nos questions. « En fonction des symptômes et de l’état du malade, l’infirmier décide de prescrire de la spiruline. Avant, quand on nous amenait un enfant dénutri, l’infirmier prescrivait du sirop multivitaminé. Maintenant, il n’utilise souvent que de la spiruline. L’intérêt de cette micro-algue, c’est que les vitamines sont plus directement assimilables par l’organisme. En plus des vitamines, la spiruline contient des oligo-élements. Et elle est moins cher que le sirop ». Selon elle, « la spiruline est très bien pour les enfants malnutris ou les personnes anémiées. On l’utilise comme fortifiant ». « Au Burkina, raconte-t-elle encore, ils utilisent la spiruline en complément des traitements médicamenteux pour les personnes séropositives. On ne veut pas faire ça ; car l’usage de la spiruline serait alors assimilé à la maladie (taboue) et cela desservirait le produit ». Elle pense que dans le cadre d’un traitement, le prix de 500 F le sachet de 25 g n’est pas un obstacle. Aujourd’hui, dit-elle, le centre de santé est en manque de spiruline par rapport aux besoins. Conclusion : Nos interlocuteurs reconnaissent et louent les vertus de la spiruline, certains en sont consommateurs, d’autres rapportent spontanément de nombreux témoignages. Les autorités communales sont satisfaites de la mise en route de ce projet. L’équipement et les infrastructures correspondant à la première phase du projet sont en place. Toutefois, à la date de notre visite, les objectifs de production de la première phase ne sont en aucun cas atteints. Nous constatons que le projet souffre d’un gros manque de compétences, de mobilisation et d’assiduité des acteurs locaux à Sansanding. La chute de la production et l’absence de réaction et de mesures correctives de la part des personnes en charge du projet est inquiétante. Si le coordinateur de Cab Deme So semble une personne de qualité, son investissement dans le projet est-il suffisant ? Evoquée par M. Diabaté, l’embauche d’un technicien qualifié à temps plein semble en effet indispensable. Si la distribution de spiruline rentre tout à fait dans les prérogatives du dispensaire, on peut en revanche émettre des doutes sur la qualité des actions de sensibilisation menées par l’équipe exploitante dans les villages. Ces actions semblent souffrir d’un gros manque d’organisation, de rigueur et d’encadrement. Réaction de Vincent Guigon (Antenna Technologies) : Merci beaucoup pour ce CR extrêmement complet et fouillé qui fait suite à votre mission sur place de Juin dernier. Moussa Diabaté m'avait relaté en détail les entretiens que vous aviez eus sur place. Je vous ai moi-même succédé d'assez près à Sansanding puisque j'y suis allé en Juillet. Je partage très largement votre analyse, comme vous le verrez dans les commentaires que vous m'avez invité à faire. Rappelons que cette phase 1 est une phase pilote volontairement faite sur une petite surface de culture. Son but est d’identifier les difficultés (compétences, motivation, écoulement du produit) et y remédier sans que cela ait de trop graves conséquences en terme de coûts et d’impact, ce qui ne serait plus possible sur de grandes surfaces. Les extensions ultérieures qui seules permettront d’atteindre une complète autonomie technique et financière, ne seront lancées que lorsque les principales réserves identifiées auront été levées. Le bilan de production est en effet beaucoup trop faible. Nous attribuons notamment cela à une formation insuffisante de l’équipe exploitante. Comme cela est expliqué dans le CR, la période de formation initiale n’a pas suffisamment impliquée cette équipe qui n’a donc pas encore pris en main ses installations. Nous rejoignons donc ce qui est dit plus haut pour dire qu’il s’agit bien d’un problème de compétences et d’implication, mais nous ne pensons pas qu’il s’agisse d’une question de motivation car le chef d’exploitation est très motivé et prêt à se consacrer à son unité de production. Une révision de la politique salariale, en cours de réflexion avec la Mairie, devrait en outre améliorer les choses. Compte tenu de ce qui vient d’être dit, nous avons effectivement pris conscience qu’en matière d’accompagnement, l’appui réalisé par Cab Déméso au cours du 1er semestre 2006 est insuffisant. En concertation avec Cab Déméso, nous avons donc décidé de mettre en place un support technique beaucoup plus fort à partir du 1er Aout 2006 : d’Aout à Décembre, un technicien à plein temps spécialiste de la spiruline est sur place, puis à partir de Janvier 2007, un salarié de Cab Déméso à mitemps apportera son appui jusqu’à ce que l’équipe exploitante ait acquis toutes les compétences nécessaires. Cette politique commence à porter ses fruits puisqu’après un hivernage difficile (pluies abondantes), la production est en train de reprendre. Ces projets spiruline, comme tout projet de développement, demandent beaucoup de temps (beaucoup plus que nous le pensions initialement). Nous sommes en effet aujourd’hui convaincus que, outre une formation plus conséquente, il faut un accompagnement important pendant les deux premières années de fonctionnement puis un suivi régulier les trois années suivantes. Au bout de cinq ans, l’expérience prouve que la complète autonomie technique et financière est atteinte. C’est à nous de faire passer ce message aux bailleurs de fonds et d’en tenir compte dans l’établissement des budgets.