Ordinateur Individuel – L`offensive des banques en

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Ordinateur Individuel – L`offensive des banques en
| s’informer
l’enquête |
Par Frédérique Crépin |
Internet
L’offensive 
des banques
en ligne
‘‘
La banque
n’est plus
une institution
Pascal Donnais,
président du directoire de Fortuneo
Les cyberbanques affichent des tarifs avantageux et
multiplient les services gratuits pour séduire
les internautes. Quand Internet et technologie
bousculent des coutumes bancaires d’un autre temps.
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comme la consultation de compte,
les virements…, des services
payants pour la plupart. Plusieurs
d’entre elles ont poursuivi la démarche en ouvrant des agences virtuelles autonomes : Boursorama pour la
Société Générale, ING Direct avec
ING, une banque hollandaise, Fortuneo pour le Crédit Mutuel Arkéa,
BforBank pour le Crédit Agricole...
En parallèle, des structures indépendantes 100 % Web ont fait leur
apparition sur la Toile telles que
Monabanq., Groupama Banque,
Allianz… Les banques en ligne sont
au nombre de 10 actuellement en
France. Elles ont d’abord orienté
leurs activités vers le courtage en
Bourse, les assurances, l’épargne,
puis ont étendu leur périmètre aux
comptes courants. Leurs atouts
résident essentiellement dans la
gratuité et la diversification de leurs
services en ligne avec des tarifs nettement plus avantageux que ceux
des banques avec guichet. Bien
qu’elles soient deux fois moins chères que les banques traditionnelles,
les banques en ligne ne comptaient
que 2 % des clients fin 2009 sur les
100 millions de comptes bancaires
Les clients sont des consommateurs internautes
avisés et ont vite compris que tout ce qui était
sur Internet était moins cher, en général. L’objectif
de la banque en ligne est de leur permettre de se
servir des nouveaux canaux technologiques pour
utiliser leur banque à moindre coût. Leurs attentes
portent en premier lieu sur le prix, d’autant que
chaque possesseur de compte reçoit maintenant
le relevé annuel de ses frais bancaires. Il peut
comparer. Le deuxième atout des banques
à distance est la facilité d’accès : consulter
son compte sur son PC ou son téléphone mobile,
c’est plus simple. Le troisième facteur déterminant
est l’apport de spécialisations que l’on trouve chez
nous – épargne, assurance vie, placements
en Bourse. Clairement, il faut être les moins chers
et apporter des produits performants. Il y a
100 millions de comptes bancaires en France
actuellement, si la banque en ligne en capte
10 millions à l’horizon 2015, ce sera très fort.
L’ambition n’est pas de cannibaliser le marché,
mais de cohabiter.
ouverts en France. Une percée
encore timide sur un marché à fort
potentiel, vers lequel elles déploient
les grands moyens pour séduire
une clientèle encore hésitante.
Des avantages financiers
« Au début, effectuer des opérations
financières sur Internet faisait peur.
Maintenant c’est dépassé, il y a moins
d’appréhension envers les banques
en ligne », constate Denis Lapalus,
directeur de publication du site Je
veux changer de banque.fr. Le taux
de pénétration important de l’informatique dans les foyers et le haut
débit ont permis aux internautes de
Benoit Schaeffer/Fédéphoto
F
rais de gestion gratuits, carte
bancaire offerte, retraits illimités en euros et virements
sans frais, les cyberbanques
alignent les propositions alléchantes comme les gâteaux à la devanture d’une pâtisserie. Le principe
est simple : le client gère lui-même
son compte à distance via Internet,
toutes les opérations bancaires
s’effectuent en ligne ce qui réduit
les frais de gestion. Est-ce l’effet de
la démocratisation du Web couplé
à celui de la crise qui a incité les
établissements bancaires à développer ce nouveau marché ? Vontelles supplanter les banques traditionnelles ? Les clients sont-ils
prêts à franchir le pas ? Les questions se multiplient autour de ce
nouveau phénomène.
Les premières banques en ligne
sont apparues dans les années
2000, axées principalement sur les
placements ou les assurances vie.
Ce n’est qu’à partir de 2007 que les
clients des banques traditionnelles
ont commencé à se familiariser avec
la gestion de leur compte en ligne.
Ils se sont vu proposer par leur banque quelques services sur Internet,
’’
se familiariser avec les achats ou les
réservations en ligne. La tendance
est la même avec les services bancaires accessibles maintenant sur le
Net. Parallèlement, la crise financière qui a ébranlé le milieu bancaire
ces deux dernières années a dérouté
les usagers. Certains sont devenus
méfiants vis-à-vis des banques traditionnelles. Comme l’analyse Pascal Donnais, président du directoire
de Fortuneo, « l’éclosion de la banque en ligne découle de la perte de
confiance que les Français ont eu visà-vis de l’institution bancaire, qui n’a
pas favorisé l’image du banquier ».
La conjugaison de ces deux facteurs
a créé un terrain propice à l’implan-
tation des cyberbanques qui se sont
multipliées en 2009 (quatre nouveaux organismes ont éclos sur le
Web en un an). Elles ont lancé une
offensive tous azimuts pour se faire
connaître du grand public avec des
campagnes de publicité ciblées et
une politique marketing agressive.
Elles mettent en avant des tarifs très
compétitifs, des offres attrayantes
et de nombreux services gratuits,
voire lucratifs : carte bancaire, gestion de compte en ligne, compte courant rémunéré, épargne à taux
boosté. Les avantages financiers
sont réels par rapport aux banques
traditionnelles, surtout en termes
d’économies. Selon un sondage >>
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l’enquête |
Ipsos pour Fortuneo réalisé en
décembre 2009, 65,5 % des personnes interrogées jugent les frais bancaires dans les banques traditionnelles trop élevés. Une brèche dans
laquelle ces cyberbanques se sont
engouffrées en misant sur le « low
cost ». Elles n’ont pas à entretenir
un coûteux réseau d’agences sur
tout le territoire, cher en personnel
et en frais généraux. Le client s’y
retrouve avec une économie d’argent bien réel, qui peut aller jusqu’à
des frais annuels divisés par 10. À
cela s’ajoute un gain de temps évident. À l’heure du tout numérique
où les achats et réservations s’effectuent par Internet, plus besoin de se
déplacer non plus pour effectuer
des opérations bancaires. Un ordinateur et un téléphone suffisent
pour consulter ses comptes 24 h/24,
faire ses virements, placer son
argent et profiter d’un conseiller au
téléphone à des plages horaires très
larges (jusqu’à 22 h et tout le week-
end). « Les usagers se plaignent souvent du turn-over des chargés de
clientèle dans les agences et des
horaires d’ouverture limités », note
Denis Lapalus. Avec la banque à
distance, plus besoin de prendre
rendez-vous à l’avance. La démarche est inversée, c’est le client qui
mène le jeu. Une palette d’outils
informatiques interactifs contribue
à faciliter la gestion de ses comptes.
L’ergonomie des sites est étudiée
pour favoriser la consultation et la
navigation dans les différents services en ligne. Les organismes ont
fourbi leurs armes avec la gestion
des portefeuilles d’actions, les assurances vie, l’épargne. « On constate
que plus le client est jeune, trentenaire, technophile, plus sa tolérance
vis-à-vis des comportements traditionnels des services bancaires est
faible. De manière générale, la tendance de ces clients est de se tourner
naturellement vers les nouveaux
médias », note Pascal Donnais. >>
François Tindillère,
responsable éditorial du site Comparabanques
Une étude du Credoc a montré que les Français
sont de plus en plus attachés à la gestion de leur
compte en ligne. Les jeunes générations sont plus
ouvertes à l’outil Internet, elles comparent les prix,
les différents services et décryptent les offres en
fonction de leurs besoins. La banque est en passe
de devenir un produit de consommation courante
et les banques en ligne ont bénéficié d’un effet
d’opportunité. Leur nombre a doublé en un an. Sur
Internet, les écarts de tarifs sont immédiatement
visibles, tout comme les avantages proposés
– gratuité des services, carte bancaire offerte,
accès à des produits d’épargne à taux intéressants
ou pas encore commercialisés dans les banques
classiques. Les économies réalisées sont vite
calculées, et cela ne peut qu’attirer de nouveaux
clients. C’est ce qui fait la force des banques en
ligne. Aucune banque, à l’heure actuelle, ne peut
se permettre d’être en dehors de ce secteur voué
à progresser dans les prochaines années.
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Benoit Schaeffer/Fédéphoto
Le marché
des banques
en ligne a doublé
en un an 
| s’informer
Denis Lapalus,
l’enquête |
directeur de la publication du site
Je veux changer de banque.fr
En France, il est très délicat de changer de banque, voire
difficile de fermer son compte, les banques y mettant de
la mauvaise volonté. C’est un phénomène typiquement
français que l’on ne rencontre pas du tout, par exemple,
dans les pays anglo-saxons. Les banques en ligne ont
changé la donne : plus accessibles avec Internet, avec
des plateaux de réponses très réactifs, elles mettent tout
en œuvre pour faciliter les opérations, jusqu’à s’occuper
elles-mêmes des formalités de transfert de compte pour
leur client. La crise financière a changé les mentalités
et a distendu les liens avec les banques traditionnelles.
Les cyberbanques ont su profiter de cette méfiance.
Leurs tarifs attractifs, la gratuité de leurs services et
la possibilité de joindre des conseillers à tout moment ont
levé les derniers freins psychologiques.
‘‘
à savoir
Les Français  
et leur banque
64,2 % des personnes
interrogées ne
connaissent pas
le montant de leurs
frais bancaires et
74,5 % pensent payer
moins de 100 e par an.
65,5 % des personnes
interrogées jugent
les frais bancaires
trop élevés.
53,7 % des personnes
interrogées sont
disposées à changer
de banque pour réaliser
des économies.
25,5 % sont prêtes
à passer à la banque
en ligne.
(Baromètre Ipsos
décembre 2009)
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’’
Pour autant tout n’est pas rose dans
la banque en ligne. Quelques nouveaux clients en ont fait l’expérience
et se plaignent de certains dysfonctionnements. Le manque de réactivité lors de l’ouverture de compte
arrive en tête des récriminations,
devant la lenteur du traitement des
opérations. « J’ai attendu plus de
deux mois pour recevoir les codes
d’accès à mon compte, le traitement
des dossiers est beaucoup trop long »,
« Je n’ai toujours pas reçu ma carte
bleue et mon carnet de chèques trois
mois après l’ouverture de mon
compte », « L’encaissement des chèques prend quinze jours, c’est inadmissible ». Voilà un florilège des principales plaintes qui ressortent d’un
petit sondage réalisé sur le Web.
Certaines banques en ligne nouvellement implantées ont sous-estimé
leur succès et se sont laissé déborder par l’afflux de demandes. L’autre
point d’achoppement porte sur les
opérations plus importantes comme
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la négociation d’un prêt qui ne fait
pas partie des services proposés par
la majorité d’entre elles. En amont,
les conditions de souscription qui
varient d’un organisme à l’autre sont
souvent plus élitistes qu’avec une
banque traditionnelle : encours minimums ou minima imposés, transfert
obligatoire des salaires sur le
compte, délivrance d’une carte sous
condition de revenus minimums…
Les banques à distance se protègent
des mauvais payeurs.
Un nouveau banquier virtuel
Les experts sont unanimes, les
cyberbanques sont amenées à prendre de l’ampleur dans les prochaines
années. La communication aidant,
des freins vont se lever. « Nous visons
les jeunes générations, décomplexées
et sans tabou par rapport à l’argent.
Et nous fondons de grands espoirs sur
le téléphone mobile », énonce Pascal
Donnais, de Fortuneo. « Les clients
deviennent plus exigeants et veulent
se diversifier. D’un côté, ils vont garder leur banque traditionnelle pour
négocier leur prêt et des opérations
un peu compliquées, de l’autre ils
ouvriront un compte dans une banque en ligne pour bénéficier des frais
et des services gratuits », nuance
Denis Lapalus. À l’instar de Sophie,
jeune professeur de 32 ans, qui gère
ses comptes sans états d’âme : « Je
combine les deux : j’ai une " vraie "
banque pour mon CCP, PEL, CEL,
etc. Et vu que les taux d’épargne ne
sont pas bons, je place une partie de
mon argent sur des livrets des banques en ligne quand elles proposent
des taux intéressants. Je fais tout par
mail et jusqu’à présent je n’ai jamais
eu de souci ».
Économie, réactivité, efficacité, les
cyberbanques ont abattu leurs cartes sur le Web. Reste à faire évoluer
les usages, l’image du banquier
classique étant encore très ancrée
dans les mentalités. R
Benoit Schaeffer/Fédéphoto
  Les banques
en ligne ont changé
la donne