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La passion des images
Aniconismes, iconoclasmes, iconophilies
Jean-Louis Schlegel
Dans un livre d’entretiens posthume, Mohammed Arkoun déplorait
que les arts soient absents du monde musulman. Visitant l’exposition
« De Delacroix à Renoir », à l’Institut du monde arabe (2003-2004),
je me suis senti meurtri devant ce peintre français venu poser sur
notre société algérienne un regard si empathique et une capacité
si puissamment créatrice qu’il nous restituait l’état des sociétés à
ce moment-là et, pour moi, ce que nous avions perdu plus tard en
excluant le regard du peintre sur nos sociétés : à savoir la civilisation
arabe et islamique1.
De son côté, dans le récit rocambolesque qu’elle consacre à la
mort du Prophète de l’islam, Hela Ouardi, universitaire tunisienne,
se demande si « l’islam des « modérés », comme l’islam millénariste
des fanatiques tueurs en série », ne porterait pas « le fardeau d’un
même tabou : l’interdit de la représentation du Prophète ». Elle
explique de la sorte l’incapacité des musulmans « de répondre à la
caricature par la publication d’images sublimées de Muhammad2 ».
Ce qui est perdu du fait de l’« aniconisme » (l’absence d’images
– de fait et de droit) dans les sociétés musulmanes mériterait en effet
1. Mohammed Arkoun, la Construction humaine de l’islam, entretiens avec Rachid Benzine
et Jean-Louis Schlegel, Paris, Albin Michel, 2012, p. 25-26.
2. Hela Ouardi, les Derniers Jours de Muhammad, Paris, Albin Michel, 2016, p. 17.
­L’auteure se demande : « Le problème des musulmans n’est-il pas que leur Prophète est devenu
un homme sans ombre, un être déshumanisé, écarté de l’Histoire et de la représentation ? Et si
la réforme de l’islam devait être non plus théologique mais esthétique ? »
Juin 2016
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