L`organisation des filières agricoles
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L`organisation des filières agricoles
Section 1 - La contractualisation Afin de remédier au déséquilibre contractuel entre producteurs et acheteurs de produits agricoles – coopératives, grossistes, centrales d’achat, distributeurs –, la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche a souhaité instaurer la « contractualisation » au sein du Code rural et de la pêche maritime à l’article L. 631-24. Toutefois, ce dispositif nécessaire s’est rapidement révélé imparfait, ce qui a nécessité la récente intervention de la loi d’avenir. I – Un dispositif nécessaire mais imparfait Depuis 2010, l’article L. 631-24 du Code rural et de la pêche maritime prévoit la possibilité de rendre obligatoire la conclusion de contrats types – les contrats de vente de produits agricoles – entre producteurs et acheteurs, ou entre organisations de producteurs et acheteurs. A ce titre, les organisations interprofessionnelles ont vocation à jouer un rôle prépondérant. En effet, pour que la forme écrite soit rendue obligatoire, il est nécessaire qu’ait été pris un accord interprofessionnel étendu ou homologué, ou, à défaut, un décret en Conseil d’Etat. Lorsque tel est le cas, les contractants se voient imposer non seulement la forme écrite, mais également un contenu normalisé, ce qui laisse de moins en moins place à la négociation. Ainsi, la contractualisation a été mise en place dans le secteur du lait de vache1 (CRPM, articles R. 631-7 et suivants), des fruits et légumes frais2 (CRPM, articles R631-11 et suivants), et dans le secteur ovin3. Mais ce dispositif était loin d’être parfait, notamment parce que ces secteurs sont fortement touchés par la volatilité des prix. C’est pourquoi la loi HAMON n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a prévu l’insertion d’une « clause relative aux modalités de renégociation du prix permettant de prendre en compte [les] fluctuations [des prix des matières premières] à la hausse comme à la baisse » pour tout contrat d’une durée de plus de trois mois, et ce, sous peine d’amende. C’est ainsi que l’article L. 631-24 du Code rural et de la pêche maritime opère, depuis cette date, un renvoi à l’article L. 441-8 du Code de commerce. L’article L. 441-8 du Code de commerce peut désormais être mis en œuvre, puisqu’un décret du 14 octobre 20144 fixe la liste des produits qui relèvent de cette obligation de renégociation du prix, et précise les règles de forme à respecter. Pour autant, cette « contractualisation » voulue en 2010, et retouchée récemment en mars 2014, n’a pas permis de remédier totalement au déséquilibre contractuel entre producteurs et acheteurs de produits agricoles. Formaliser est une bonne chose, mais il ne faut pas oublier que la forme écrite (CRPM, article L. 631-24) n’est pas obligatoire dans tous les secteurs. Qui plus est, seul, un producteur ne fait pas le poids face à l’aval que représentent les transformateurs et les distributeurs. 1 er Décret n° 2010-1753 du 30 décembre 2010 entré en vigueur le 1 mars 2011. er Décret n° 2010-1754 du 30 décembre 2010 entré en vigueur le 1 avril 2011. 3 er Accord interprofessionnel du 1 décembre 2010 étendu par un arrêté du 15 février 2011. 4 Décret n°2014-1196 du 17 octobre 2014. 2 1 C’est pourquoi il est vivement conseillé aux agriculteurs de se regrouper en organisations de producteurs qui vont négocier les prix à leur place. Mais, là encore, tout dépend du poids – et, donc, de l’influence – de l’organisation de producteurs sur le marché. Face à ces bémols, la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a souhaité, en son article 15, améliorer le dispositif de la contractualisation et le rôle des organisations de producteurs pour leur donner davantage de poids dans la négociation. C’est ainsi que la loi modifie l’intitulé du Titre III du Livre VI du Code rural et de la pêche maritime, passant des « accords interprofessionnels agricoles » aux « contrats et accords interprofessionnels portant sur des produits agricoles ou alimentaires ». II – Les nouveautés apportées par la loi d’avenir En matière de contractualisation, la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 est venue apporter une pluralité de changements en modifiant principalement l’article L. 631-24 du Code rural et de la pêche maritime. Ces changements concernent le formalisme obligatoire du contrat de vente de produits agricoles, sa durée, son champ d’application, ainsi que la renégociation du prix. Par ailleurs, il semble que la loi ait souhaité insister plus lourdement sur certains aménagements au profit des jeunes agriculteurs, ainsi que sur le rôle d’un médiateur et sur le règlement alternatif des litiges, comme en témoigne notamment la création d’une Section 3 « le médiateur des relations commerciales agricoles » et d’une Section 4 « le règlement des litiges ». A – Une alternative au contrat de vente écrit L’article L. 631-24 du Code rural et de la pêche maritime prévoyait uniquement la possibilité de rendre obligatoire la conclusion de contrats de vente écrits entre producteurs et acheteurs ou entre organisations de producteurs et acheteurs, précédée d’une proposition écrite de l’acheteur. Désormais, le pouvoir exécutif, ainsi que les organisations interprofessionnelles, se voient offrir une alternative puisqu’il est possible de rendre obligatoire soit la conclusion de contrats de vente écrits – comme cela était déjà le cas –, soit la proposition de contrats écrits par les acheteurs aux producteurs ou aux organisations de producteurs. Autrement dit, la loi assouplit ses exigences en créant une seconde possibilité d’engagement obligatoire. B – Une nouvelle clause alourdissant le formalisme L’article L. 631-24, I, alinéa 4 du Code rural et de la pêche maritime complète la liste, déjà longue, des clauses qui doivent obligatoirement figurer dans les contrats écrits. En effet, aux « clauses relatives à la durée du contrat, aux volumes et aux caractéristiques des produits à livrer, aux modalités de collecte ou de livraison des produits, aux prix ou aux critères et modalités de détermination du prix, aux modalités de paiement, aux modalités de révision et de résiliation du contrat ou au préavis de rupture », la loi ajoute désormais l’obligation de préciser les règles applicables en cas de force majeure. 2 C - L’extension de l’assiette de la durée minimale L’article L. 631-24 du Code rural et de la pêche maritime prévoyait que le pouvoir exécutif ou les organisations interprofessionnelles étaient chargés de fixer la durée minimale du contrat qui était de un à cinq ans. Désormais, l’assiette de la durée minimale du contrat est étendue, puisque l’article L. 631-24 du Code rural et de la pêche maritime précise seulement que la durée minimale du contrat « ne peut excéder cinq ans ». Autrement dit, la durée « plancher » d’un an est supprimée. Cette durée minimale continue à être fixée par produit, catégorie de produits ou d’acheteurs, et peut désormais également être fixée par mode de commercialisation. Dans le secteur du lait de vache, la durée minimale du contrat est de cinq ans (CRPM, article R. 63110), tandis que dans le secteur des fruits et légumes frais, elle est de trois ans (CRPM, article R. 63114). D – La réduction du champ d’application du formalisme L’article L. 631-24, III du Code rural et de la pêche maritime prévoyait que la formalisation obligatoire des échanges commerciaux ne s’appliquait pas aux ventes directes au consommateur, ni à celles réalisées au bénéfice d’organisations caritatives proposant des repas aux personnes défavorisées. Désormais, le champ d’application du formalisme est davantage réduit puisqu’en plus de ces deux types de ventes, sont exclues du champ de la contractualisation les cessions à prix ferme de produits sur les carreaux affectés aux producteurs situés au sein des marchés d’intérêt national (C. com., article L. 761-1) ou sur d’autres marchés physiques de gros de produits agricoles. Que sont les « marché d’intérêt national » ? D’après l’article L. 761-1 du Code de commerce, ce sont « des services publics de gestion de marchés offrant à des grossistes et à des producteurs des services de gestion collective adaptés aux caractéristiques de certains produits agricoles et alimentaires ». Qu’est-ce qu’un « marché physique de gros » ? D’après la Fédération des Marchés de Gros de France, c’est « un lieu physique, étudié et organisé pour une confrontation de l’offre et la demande de produits agricoles et alimentaires périssables, (...) un lieu de concurrence, (...) un outil destiné à organiser et concentrer les activités des opérateurs au stade de gros pour améliorer la productivité des circuits de distribution des produits agricoles et alimentaires pour l’approvisionnement des villes (l’approvisionnement des produits frais, la préparation des commandes et la livraison aux détaillants, restaurateurs, institutions) ». E – Les sanctions relatives à la renégociation du prix L’article L. 631-24 du Code rural et de la pêche maritime opérait un renvoi aux trois premiers alinéas de l’article L. 441-8 du Code de commerce concernant l’insertion d’une clause de renégociation du prix. Or, c’est l’alinéa 4 qui précise les sanctions du non-respect de l’insertion d’une telle clause de renégociation et de ses modalités de mise en œuvre. C’est pourquoi vient d’être créé un nouvel article L. 631-25-1 du Code rural et de la pêche maritime visant à rappeler la sanction du non respect des modalités de mise en œuvre de la renégociation du prix. Cet article reprend quasiment mot pour mot les termes de l’alinéa 4 de l’article L. 441-8 du Code de commerce et opère d’ailleurs un renvoi audit alinéa quant au montant de l’amende administrative 3 encourue (75 000 € maximum pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale) et à ses conditions de prononcé. Si cet article L. 631-25-1 du Code rural et de la pêche maritime évoque bien la sanction du fait de ne pas respecter le délai prévu, le compte rendu prévu, ou du fait de porter atteinte aux secrets de fabrication ou au secret des affaires, il omet, en revanche, de renvoyer au « fait de ne pas prévoir de clause de renégociation conforme », contrairement à l’article L. 441-8 du Code de commerce. F – Les aménagements au profit des « jeunes » producteurs Il semble que la loi d’avenir ait souhaité réaliser certains aménagements au profit des « jeunes » agriculteurs. Par là, il faut entendre un producteur ayant engagé sa production depuis moins de cinq ans. Ces derniers se voient désormais accorder certaines mesures spécifiques. Par « producteur ayant engagé sa production depuis moins de cinq ans », il faut entendre un producteur (personne physique ou morale) qui s’est installé ou a démarré une nouvelle production durant cette période. Tel est encore le cas d’une société agricole qui aurait intégré un nouvel associé remplissant ces conditions et détenant au moins 10 % du capital. Tout d’abord, l’article L. 631-24 du Code rural et de la pêche maritime prévoit que la durée minimale du contrat peut être allongée, par l’accord interprofessionnel ou le décret, de deux années supplémentaires ; autrement dit il est possible de prévoir une durée minimale de sept ans pour ces « jeunes » producteurs. Ensuite, l’article interdit à l’acheteur – contractant d’un « jeune » producteur – de résilier le contrat avant la fin de sa période initiale. Cependant, une telle résiliation anticipée est possible dans deux cas : lorsqu’une inexécution est commise par le producteur, ou lorsqu’un cas de force majeure se présente. De même, en cas de non renouvellement du contrat, un préavis doit être prévu. Seulement, la loi omet de fixer la durée de ce préavis. L’article précise également qu’il appartient à l’accord interprofessionnel ou au décret de prévoir le délai durant lequel les contrats en cours – à la date de son intervention – devront se mettre en conformité avec ces nouvelles exigences concernant les « jeunes » producteurs ayant engagé leur production depuis moins de cinq ans. L’article précise enfin quel est le sort d’un contrat cédé, après accord de l’acheteur, à un « jeune » producteur ayant engagé sa production depuis moins de cinq ans. Dans cette situation, si la durée restant à courir du contrat cédé est inférieure à la durée minimale prévue par l’accord interprofessionnel ou le décret, elle est prolongée automatiquement pour atteindre cette durée prévue. Autrement dit, lorsqu’une exploitation est transmise, le « jeune » producteur qui reprend le contrat est engagé pour la même durée que s’il avait conclu lui-même le contrat à l’origine. 4 G – Le rôle du médiateur et le règlement alternatif des litiges En cas de litige relatif à un contrat de vente de produits agricoles, la loi d’avenir a souhaité insister sur le règlement alternatif des litiges et surtout sur la médiation, comme en témoigne la création d’une Section 3 intitulée « le médiateur des relations commerciales agricoles » et d’une Section 4 intitulée « le règlement des litiges ». L’idée d’un médiateur n’est pas une nouveauté en soi puisqu’il en existait déjà un, qui avait été mis en place par la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 instaurant la contractualisation, afin de concilier les différentes parties au contrat et de favoriser le règlement amiable des litiges. Seulement, ses compétences étaient fixées par décret. Désormais, le nouvel article L. 631-27 précise que son successeur, désigné par décret, se dénomme « médiateur des relations commerciales » et voit ses compétences étendues à l’ensemble de la chaîne agroalimentaire et fixées par la loi. Son rôle doit tendre à favoriser une meilleure application des contrats et à construire des relations commerciales plus équilibrées du producteur au distributeur. Certaines de ses compétences tendent à favoriser la résolution amiable des litiges bilatéraux, c'est-àdire des litiges entre les parties portant sur les contrats de vente de produits agricoles ou de produits alimentaires destinés à la revente ou à la transformation. A ce titre, il peut même intervenir à l’occasion d’un désaccord relatif à la renégociation du prix (C. com., article L. 441-8). Dans un communiqué de presse du 3 novembre 2014, le médiateur des relations commerciales agricoles a souhaité rappeler aux parties à un contrat de vente de produits agricoles qu’elles pouvaient lui demander son aide afin d’établir la clause de renégociation du prix qui doit figurer dans leur contrat, et afin que la négociation engagée aboutisse à une répartition équitable des conséquences de la fluctuation du prix des matières premières agricoles et alimentaires. Au-delà des litiges entre les parties, ses autres compétences tendent à faire évoluer le cadre des relations contractuelles. A ce titre, il peut émettre des avis sur demande d’une organisation interprofessionnelle, professionnelle ou syndicale, sur toutes les questions concernant les relations contractuelles. Il peut encore transmettre des recommandations concernant l’évolution de la règlementation aux ministres chargés de l’Economie et de l’Agriculture. Sur leur demande conjointe, il peut également transmettre des recommandations sur les modalités de partage équitable de la valeur ajoutée entre les différentes étapes de la chaîne alimentaire (de la production, la transformation, la commercialisation, à la distribution). Enfin, il est habilité à saisir la commission d’examen des pratiques commerciales (C. com., article L. 440-1). Ce sont les parties qui désignent le médiateur, mais il fixe lui-même la durée de sa mission et peut décider de la renouveler ou même d’y mettre fin avant la fin du délai qu’il s’est lui-même imparti (d’office ou à la demande d’une des parties). Enfin, un nouvel article L. 631-28 du Code rural et de la pêche maritime impose le recours à la médiation préalablement à toute saisine du juge, sauf si le contrat en dispose autrement (ce qui est impossible face à un litige portant sur la renégociation du prix), ou sauf si les parties ont recours à l’arbitrage (ce qui est possible face à un litige portant sur la renégociation du prix). 5 De même, un nouvel article L. 631-29 précise que l’accord interprofessionnel ou le décret peuvent prévoir les clauses du contrat pour lesquelles, en cas de litige, un recours à l’arbitrage sera requis. Il apparait que la contractualisation doit s’accompagner d’autres instruments pour qu’elle puisse fonctionner efficacement. Cela s’effectue par un renforcement des « mécanismes d’alliance, afin d’accroître le pouvoir de négociation des producteurs au sein des filières »5. Un de ces mécanismes d’alliance se trouve dans les organisations de producteurs. C’est la raison pour laquelle la loi d’avenir a entendu renforcer leur rôle, afin qu’elles parviennent au mieux à exercer les missions qui leur sont dévolues. Section 2 – Le renforcement du rôle des organisations de producteurs Les organisations de producteurs sont des structures présentes dans le Code rural depuis de nombreuses années. Les diverses réformes législatives ont pour objectif de leur permettre de renforcer leurs prérogatives puisque ces organisations de producteurs interviennent sur un marché agricole qui ne cesse d’évoluer. I – Un outil de concentration de l’offre nécessaire mais perfectible Les organisations de producteurs sont des structures particulières qui ont été développées et promues depuis les premières lois agricoles des années 606. Elles sont apparues officiellement par la loi n°62-933 du 8 août 1962 et étaient alors dénommées « groupements de producteurs ». Mais leur but était identique à aujourd’hui, puisqu’il s’agissait déjà « d’inciter les producteurs agricoles à se donner eux-mêmes des règles, des disciplines de production et de commercialisation »7. Puis, face à une concentration des acteurs de l’aval de plus en plus importante, il a été nécessaire de concentrer également les acteurs à l’amont des filières (c’est-à-dire les producteurs agricoles), afin de parvenir à équilibrer les filières. Diverses lois successives ont donc tenté de renforcer cette organisation économique des producteurs agricoles8. Cependant, il convient de constater que tous les problèmes n’ont pas été résolus, puisque la loi d’avenir revient de nouveau sur cet aspect en souhaitant toujours davantage tenter de rééquilibrer les pouvoirs entre producteur et acheteur. Au niveau de l’Union Européenne, les organisations de producteurs font partie des dispositifs qui exercent un rôle essentiel dans la réalisation des objectifs de la PAC9. De plus, la baisse constante des 5 J.-J. Barbiéri, Négoce agricole et filières : RD rur. 2010, n° 386, étude 17. CGAAER, Rapport, Mission sur l'organisation économique de la production agricole, n° 11104, mars 2012. 7 J. Danet, Réflexions sur l'évolution des groupements de producteurs en agriculture : RD rur. 1983, p.58. 8 La loi l’orientation agricole du 5 janvier 2006 a élargi la liste des personnes morales susceptibles d’être reconnues comme organisations de producteurs : elle a ouvert cette possibilité aux SARL, SAS et SA. La loi de modernisation de l’agriculture du 27 juillet 2010 est également intervenue pour tenter de redonner une force de négociation aux producteurs agricoles. 9 Précisés à l'article 39 du TFUE, il s'agit principalement : d'augmenter la productivité, de stabiliser les marchés, de sécuriser les approvisionnements. 6 6 mécanismes d’intervention publique sur les prix des marchés agricoles accentue l'incertitude économique dans laquelle se trouvent aujourd’hui les producteurs. C’est pourquoi le droit de l’Union européenne incite fortement les Etats membres à la reconnaissance de ces organisations de producteurs10. Ces dernières sont dorénavant vues comme un des dispositifs majeurs d’organisation des filières et donc de structuration des marchés agricoles. Cet effort de promotion des organisations de producteurs par l’Union européenne peut s’illustrer par l’adoption du règlement européen n° 261/2012 en date du 14/03/2012 dit « Paquet Lait ». Ce règlement est spécifique à la filière du lait de vache. Il prévoit la reconnaissance possible d’organisations de producteurs, propres au secteur laitier, qui pourront dorénavant négocier collectivement les termes d’un contrat. L’adoption d’un tel règlement pour la filière laitière s’explique par la suppression des quotas laitiers au 31 mars 2015. Ceci entrainera des changements majeurs dans les relations entre les opérateurs amont et aval de la filière. Le mécanisme de contingentement de la production du quota se trouve remplacé par la contractualisation, pour laquelle les organisations de producteurs doivent participer activement. Pour aller plus loin : La PAC et politique de la concurrence. A l’échelle européenne, la politique la plus évidente qui trouve à s’appliquer au marché agricole est la politique agricole commune. Cependant, le droit du marché, qui est un des vecteurs premiers de l’Union européenne, ne peut s’intégrer qu’en respectant le cadre du droit de la concurrence. En pratique, cela se traduit par des relations spéciales, voire conflictuelles entre ces deux politiques. Cela est dû à la spécificité du marché agricole. Une illustration de cette articulation difficile entre PAC et politique de la concurrence peut être trouvée dans la décision de la Cour d’appel de Paris n° 12/06498 en date du 15 mai 2014. En effet, cette décision a censuré une décision de l’autorité de la concurrence n° 12-D-08 en date du 6 mars 2012 qui avait condamné pour entente les principaux producteurs d’endives français. Ceux-ci, regroupés en 11 OP et 7 AOP, fixaient un prix minima de production. La Cour d’appel a censuré intégralement cette décision, estimant contrairement à l’Autorité de la Concurrence, qu’il n’y avait aucune violation du droit des ententes, car elle a pris en compte un élément important : « la spécificité du monde agricole »11. Dans le contexte actuel, la loi d’avenir intervient, à la fois dans la continuité des objectifs de la LMA de 2010, mais également en prenant en considération la dernière réforme de la PAC qui a voulu augmenter les prérogatives des organisations de producteurs. II – Les nouveautés apportées par la loi d’avenir La loi d’avenir a apporté des instruments supplémentaires aux organisations de producteurs à deux stades distincts. Elle a, d’une part, renforcé le rôle des organisations de producteurs lorsqu'elle intervient au stade précontractuel de la négociation avec les acteurs de l’aval d’une filière. Mais elle a également apporté des outils lorsque l’organisation de producteurs agit pour assurer une correcte exécution des engagements pris entre producteur et acheteur. 10 Article 154 du règlement européen n°1308/2013 en date du 17/12/2013, du Parlement européen et du conseil, portant organisation commune des marchés de produits agricoles. 11 D. Bosco, Du particularisme du secteur agricole au regard des règles de concurrence (à propos de l'affaire des endives), Contrats Concurrence Consommation n° 7, Juillet 2014, com. 168. 7 A – Le rôle des OP lors de la négociation de la relation contractuelle Les diverses avancées législatives ont eu pour objectif de renforcer les prérogatives dont peut disposer une organisation de producteurs au stade de la négociation préalable des engagements pris entre producteurs et acheteurs. La loi d’avenir poursuit ce mouvement, en permettant notamment à une organisation de producteurs d’imposer un contrat cadre à l’acheteur. 1 – Le contrat-cadre Cette possibilité d’imposer un contrat-cadre à l’acheteur a été insérée par un nouvel alinéa à l’article L 631-24 CRPM. Ce contrat-cadre pourrait devenir systématique, après décision prise par décret ou si un accord interprofessionnel le prévoit, dès qu’un producteur est adhérent à une organisation de producteurs. Cependant, cette possibilité ne vaut que pour les organisations de producteurs qui sont « habilitées à négocier les contrats de vente au nom et pour le compte de ses adhérents en vertu d’un mandat donné à cet effet »12. Cette nouveauté permettrait donc de développer la présence de contrats-cadre au sein de certaines filières, même si le contrat individuel reste le principe. Ce contrat-cadre peut en quelque sorte être comparé à un contrat collectif présent dans les dispositions relatives au contrat d’intégration. L’intérêt d’une telle nouveauté se situe dans la vision collective qu’elle pourra donner sur les conditions de vente des producteurs adhérents à une organisation de producteurs. Elle permet également d’apporter aux producteurs une vision plus globale sur les volumes produits, achetés et redistribués. 2 – Le transfert d’informations La loi d’avenir va également permettre, lorsqu’une organisation de producteurs négocie, de se voir communiquer des informations sur l’évolution de ses contrats. La loi d’avenir crée la possibilité de rendre obligatoire pour l’acheteur « la transmission à l’organisation de producteurs des informations relatives au volume, aux caractéristiques et au prix des produits livrés par ses membres »13 . De la même façon que pour le contrat-cadre, ceci ne pourra s’effectuer qu’avec un décret ou un accord interprofessionnel préalable. La sanction de l’absence de transmission de ces informations est une amende administrative, pouvant aller jusqu’à 375 000€. Par cette nouveauté, la loi d’avenir facilite donc la récolte d’informations pour l’organisation de producteurs, afin qu’elle ait le maximum d’éléments nécessaires à son objectif de négociation. Ceci permet aux organisations de producteurs d’avoir une information complète des livraisons de produits de leurs adhérents. B – L’OP au niveau de l’exécution du contrat : La création d’une action de groupe La nouveauté a été apportée par rajout d’un alinéa à l’article L 551-1 CRPM relatif aux critères de reconnaissance d’une organisation de producteurs. La loi d’avenir prévoit donc que ces dernières « peuvent également, s’ils bénéficient d’un mandat délivré à cette fin, assurer en justice la défense 12 13 CRPM, article L. 631-24. CRPM, article L. 631-24 in fine. 8 des droits qu’un ou plusieurs de leurs membres tirent d’un contrat de vente de produits agricoles ». A la lecture de cet article, il apparait que deux conditions cumulatives doivent être remplies pour l’ouverture d’une telle action de groupe au profit des organisations de producteurs : d’une part, le litige doit concerner le même acheteur. D’autre part, le litige doit être relatif à l’application d’une même clause. Cette action de groupe est ouverte aux organisations de producteurs commerciales, mais aussi aux organisations de producteurs non commerciales14, c’est-à-dire celles ne prévoyant pas dans leurs statuts un transfert de propriété à leur profit des produits de ses adhérents. Le but d’une telle action est de parvenir à sanctionner et faire reconnaitre en justice les abus qu’exercent parfois les industriels du fait de leur position de force sur les opérateurs amont de la filière. Dans la pratique, un producteur ne pourra pas agir en justice à l’encontre de l’acheteur, du fait de la dépendance économique qu’il a envers ce dernier. La consécration de cette « class action » spécifique au marché agricole pourra peut-être atténuer cette incapacité matérielle à agir en justice. En effet, agir collectivement permet dans une certaine mesure de réduire les coûts que représente une action en justice. Mais elle permettrait surtout d’effectuer une certaine « anonymisation » de la procédure, évitant au producteur les sanctions économiques individuelles qu’effectue a posteriori l’acheteur sur le producteur. Cette action de groupe semble donc redonner un pouvoir aux producteurs dans l’exécution des contrats signés. Cependant, il convient malgré tout de nuancer ces propos. En effet, ces avancées législatives tentent à chaque fois de rééquilibrer le rapport de force entre producteur et acheteur. Mais ces dispositifs législatifs peinent à endiguer le phénomène de déséquilibre prégnant dont les filières agricoles sont témoins. De nombreux efforts restent à effectuer pour parvenir à remplir un des objectifs de cette loi d’avenir tendant à « rechercher l’équilibre des relations commerciales, notamment par un meilleur partage de la valeur ajoutée »15. Le marché agricole, et c’est ce qui en fait sa spécificité, fait que la marge de manœuvre y reste faible pour les différents opérateurs d’une filière, notamment pour les producteurs. Section 3 – Les interprofessions « Des règles ont été fixées, à l’échelle européenne, concernant la représentativité des interprofessions sur les marchés qui les concernent, et nous essayons d’y adapter la réalité de ces interprofessions en France. Règles européennes, donc, et applicabilité française »16. Il convient d’observer que des décisions prises récemment au niveau européen sont venues régir l’ensemble des organisations interprofessionnelles agricoles, ce qui a nécessité l’intervention de la loi d’avenir pour y adapter au mieux le droit français. 14 A condition d’un mandat spécial : CRPM, article L. 551-1 al. 2. Loi d'avenir, livre préliminaire, art L 1, objectif n°7. 16 Stéphane Le FOLL, Ministre de l’Agriculture, à propos du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, lors de la séance du 24 juin 2014 à l’Assemblée Nationale. 15 9 I – La nécessité de s’adapter aux règles européennes sur la représentativité Afin d’organiser le marché agricole, la loi n° 75-600 du 10 juillet 1975 a décidé de mettre en place les organisations interprofessionnelles. Regroupant les agents les plus représentatifs d’une filière agroalimentaire (producteurs, négociants, transformateurs, distributeurs), elles jouent un rôle prépondérant dans la mise en œuvre de la « contractualisation » puisque priorité leur est donnée de définir les clauses des contrats écrits obligatoires – les contrats de vente de produits agricoles – pouvant être étendus à toute une filière. Outre leur concours dans la mise en œuvre de la politique contractuelle, les organisations interprofessionnelles ont d’autres responsabilités économiques : renforcer la sécurité alimentaire, améliorer la qualité des produits, gérer les risques sanitaires et environnementaux, assurer la transparence des marchés. Face à l’importance de leurs pouvoirs, il est crucial qu’elles soient représentatives de tel ou tel secteur afin d’être reconnues par l’Etat. Cela est d’autant plus vrai qu’une organisation interprofessionnelle reconnue par l’Etat a le pouvoir de percevoir des cotisations volontaires obligatoires auprès de tous les professionnels touchés par les accords interprofessionnels étendus, et ce, même s’ils ne sont pas adhérents du groupement. Or, la Cour des comptes avait noté quelques zones d’ombre autour de ces « CVO »17, notamment quant à la nature des actions qu’elles devaient financer, la détermination de leur taux de prélèvement, l’utilisation qui en était faite, et leur relative absence de contrepartie. La Cour des comptes avait même objecté que la représentativité des organisations composant les interprofessions était très discutable, ce qui est très critiquable face à l’importance des pouvoirs qui leur sont accordés. De même, jusqu’à présent, l’article L. 632-1 du Code rural et de la pêche maritime prévoyait que la reconnaissance d’une organisation interprofessionnelle était réservée aux « organisations professionnelles les plus représentatives de la production agricole ». Seulement, il n’existait aucun critère précis de la notion de représentativité, d’où un certain flou autour de cette notion. Pour toutes ces raisons, la représentativité des interprofessions avait besoin d’être repensée. Récemment, le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles est venu fixer de nouveaux critères de représentativité pour les organisations interprofessionnelles. C’est pourquoi la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a souhaité revoir, en son article 17, la représentativité des organisations interprofessionnelles afin d’adapter le droit français à ces nouveaux critères du droit européen. Par cette occasion, elle en a également profité pour revoir certaines règles quant à leur fonctionnement. II – Les nouveautés apportées par la loi d’avenir La nécessité d’adapter le droit français au droit européen explique donc que la majorité des nouveautés apportées par la loi d’avenir en matière d’organisations interprofessionnelles touche 17 Cour des comptes, Rapport public, 2006, 2007 et 2010. 10 directement à leur représentativité et à tout ce qui en découle : leur reconnaissance, la création « forcée » de sections spécialisées, l’extension des accords qu’elles arrêtent, etc. Toutefois, d’autres changements ont été apportés qui concernent notamment leur information, et le renouvellement de leurs statuts. Il convient enfin de souligner que la loi marque la fin du particularisme laitier en matière d’interprofessions, et insiste sur le pluralisme syndical en leur sein. 1 – La représentativité comme condition de reconnaissance des organisations interprofessionnelles L’article L. 632-1 du Code rural et de la pêche maritime prévoyait que pouvaient être reconnus « les groupements constitués à leur initiative par les organisations professionnelles les plus représentatives de la production agricole et, selon les cas, de la transformation, de la commercialisation et de la distribution ». Seulement, aucun critère précis de représentativité n’avait été défini par le Code, ce qui expliquait un certain flou autour de cette notion, les juges devant l’apprécier au cas par cas. Désormais, ces groupements pourront être reconnus « s’ils représentent une part significative de ces secteurs d’activité [production, transformation, commercialisation, distribution] ». Ce faisant, l’article L. 632-1 du Code rural et de la pêche maritime respecte les termes des articles 157 et 158 du règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013. Article 158, paragraphe 1, point c) : « Les États membres peuvent reconnaître les organisations interprofessionnelles qui en font la demande, à condition qu'elles représentent une part significative des activités économiques visées à l'article 157, paragraphe 1, point a) ». Article 157, paragraphe 1, point a) : « Les États membres peuvent, sur demande, reconnaître les organisations interprofessionnelles dans un secteur précis (...) qui sont constituées de représentants des activités économiques liées à la production et à au moins une des étapes suivantes de la chaîne d'approvisionnement : la transformation ou la commercialisation, y compris la distribution, des produits dans un ou plusieurs secteurs ». Qu’en est-il des organisations interprofessionnelles qui existaient déjà et qui avaient déjà fait l’objet d’une reconnaissance avant l’adoption des nouveaux critères européens ? L’article 158, paragraphe 2 du règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 a également fixé leur sort. Article 158, paragraphe 2 : « Les États membres peuvent décider que les organisations interprofessionnelles qui, avant le 1er janvier 2014, ont été reconnues conformément au droit national et remplissent les conditions prévues au paragraphe 1 du présent article sont réputées être reconnues comme organisations interprofessionnelles en vertu de l’article 157 ». Les organisations interprofessionnelles reconnues comme telles en vertu du droit français pourront donc être automatiquement reconnues comme telles en vertu du droit européen par l’Etat français. A cette fin, le décret n° 2014-572 du 2 juin 2014 relatif à la reconnaissance des organisations interprofessionnelles prévoit que celles qui ont été reconnues comme telles par le droit français avant le 1er janvier 2014 – ou avant le 2 avril 2012 dans le secteur du lait et des produits laitiers – sont automatiquement reconnues comme telles au sens du règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013. 11 Des organisations interprofessionnelles « les plus représentatives », l’on passe aux organisations interprofessionnelles « qui représentent une part significative » de telle ou telle activité économique. Finalement, est-ce beaucoup plus précis ? Peut-être aurait-il fallu définir les critères de la « part significative ». Cela permettra-t-il d’éviter, comme avant, un certain flou et une appréciation devant les tribunaux au cas par cas ? Seul l’avenir le dira. 2 – La représentativité comme condition de la création « forcée » de sections spécialisées L’article L. 632-1-2 du Code rural et de la pêche maritime comporte désormais un quatrième alinéa rappelant, dans des termes identiques, une règle déjà prévue à l’article L. 632-1, à savoir que les interprofessions « reconnues pour un groupe de produits déterminés peuvent créer en leur sein des sections spécialisées compétentes pour un ou plusieurs de ces produits ». Seulement, à la différence de l’article L. 632-1, il ajoute la possibilité d’une sorte de création « forcée » de ces sections si l’organisation interprofessionnelle qui en fait la demande remplit un certain seuil de représentativité. En effet, la création d’une section spécialisée ne peut être refusée si elle est faite à la demande d’une interprofession représentant au moins 70 % de la production d’un ou plusieurs produits. Un certain flou plane au-dessus de cette création de sections spécialisées. La règle concerne-t-elle toutes les organisations interprofessionnelles visées à l’article L. 632-1 du Code rural et de la pêche maritime, ou concerne-t-elle uniquement les organisations interprofessionnelles du secteur de la forêt et des produits forestiers visées à l’article L. 632-1-2 ? Si l’on s’en tient à la lettre du texte, il faudrait considérer que la règle ne concerne que les interprofessions du secteur de la forêt et des produits forestiers, et ce, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la règle est prévue à l’article L. 632-1-2 concernant justement le secteur de la forêt et des produits forestiers. En revanche, elle ne l’est pas à l’article L. 632-1 qui prévoit pourtant la possibilité pour les interprofessions de créer des sections spécialisées en leur sein. Ensuite, avant l’adoption de la loi d’avenir, l’article L. 632-1-2 ne prévoyait pas, contrairement à l’article L. 632-1, la possibilité de créer des sections spécialisées. Il semble donc que cette précision ait été délibérément faite au profit des interprofessions du secteur de la forêt et des produits forestiers. Enfin, la règle évoque bien la création d’une section spécialisée « demandée par un groupement composée dans les conditions prévues au premier alinéa ». Or, ledit alinéa concerne bien uniquement « le secteur de la forêt et des produits forestiers ». 3 – La représentativité comme condition de l’extension des accords interprofessionnels C’est en ce qui concerne l’extension des accords arrêtés par les organisations interprofessionnelles que le droit européen a fixé les critères les plus précis, les plus concrets. Un accord étendu signifie qu’il est rendu obligatoire, pour une durée déterminée, pour l’ensemble des membres de la filière concernée, même s’ils ne font pas partie d’une organisation représentée au sein de l’interprofession. Il convient de rappeler qu’en vertu de l’article L. 632-3 du Code rural et de la pêche maritime, la conformité d’un accord interprofessionnel avec les règles du droit de l’Union européenne conditionne la validité de son extension. D’ailleurs, l’article L. 632-4 le précise désormais 12 également. Or, le droit européen prévoit qu’une organisation interprofessionnelle peut demander l’extension d’un accord si elle est représentative. Dans ce domaine, les nouveaux critères de représentativité figurent à l’article 164 du règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013. Article 164, paragraphe 3, point a) ii) : « Une organisation (...) est considérée comme représentative lorsque, dans la ou les circonscriptions économiques concernées d’un Etat membre, elle représente en proportion du volume de la production ou du commerce ou de la transformation du produit ou des produits concernés au moins deux tiers ». « Toutefois, lorsque, dans le cas des organisations interprofessionnelles, la détermination de la proportion du volume de la production ou du commerce ou de la transformation du produit ou des produits concernés pose des problèmes pratiques, un Etat membre peut fixer des règles nationales afin de déterminer le niveau précis de représentativité visé au premier alinéa, point a) ii) ». Afin de se conformer au droit européen, l’article L. 632-4 du Code rural et de la pêche maritime précise désormais que « la représentativité des organisations interprofessionnelles est appréciée en tenant compte de la structuration économique de chaque filière ». Il précise également que « les volumes pris en compte sont ceux produits, transformés ou commercialisés par les opérateurs professionnels auxquels sont susceptibles de s’appliquer les obligations prévues par les accords ». Selon l’article 164 du règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 précité, le critère européen « de base » est donc qu’une organisation est représentative lorsqu’elle représente au moins deux tiers du volume de la production, du commerce, ou de la transformation du ou des produits concernés. La difficulté réside dans le fait que le volume est parfois difficile voire impossible à déterminer, les interprofessions étant composées d’organisations professionnelles ne connaissant pas forcément, pour chacun de leurs adhérents, le volume d’activité du ou des produits concernés18. C’est pourquoi ce critère n’est pas absolu puisque le règlement européen prévoit que si la détermination de la proportion du volume de l’activité pose problème en pratique, l’Etat peut fixer d’autres règles. C’est justement ce qu’a fait le législateur français, puisqu’en cas de problème pratique dans la détermination du volume de l’activité – de production, de commerce, ou de transformation –, l’organisation interprofessionnelle sera représentative si elle représente deux tiers des opérateurs concernés ou de leur chiffre d’affaires (CRPM, article L. 632-4). On peut douter du fait que cette disposition suffise à régler les problèmes posés en pratique. De deux tiers des volumes d’activité du ou des produits concernés, l’on passe aux deux tiers des opérateurs concernés ou de leur chiffre d’affaires. Or, il n’est pas certain que les organisations professionnelles composant les interprofessions connaissent, pour chacun de leurs adhérents, leur chiffre d’affaires. Ensuite, il n’est pas non plus certain que la détermination de la représentativité des interprofessions en fonction du nombre des opérateurs concernés permette de tenir compte du poids que chacun d’eux représente. L’on peut surtout s’interroger sur la possibilité de vérifier ces seuils lors de chaque nouvelle demande d’extension de la part d’une interprofession. 18 « Interprofessions : quelle mesure pour la représentativité ? » Les Marchés hebdo n°210, 13 décembre 2013 13 Une règle particulière est prévue pour le secteur de la production. En ce domaine, une organisation interprofessionnelle est présumée représentative si « des organisations syndicales d'exploitants agricoles représentant au total au moins 70 % des voix aux élections des chambres d'agriculture participent à [cette] organisation interprofessionnelle, [et ce,] directement ou par l'intermédiaire d'associations spécialisées adhérentes à ces organisations » (CRPM, article L. 632-4). Au vu de cette disposition, l’on peut craindre certains blocages. En effet, selon le résultat qui aura été obtenu aux élections des chambres d’agriculture, l’extension de l’accord interprofessionnel pourra être bloquée dès qu’une des organisations syndicales quittera l’interprofession ou refusera d’y participer. Une règle générale est prévue pour tout secteur d’activité – et pas uniquement la production. Une organisation interprofessionnelle est alors présumée représentative si elle « démontre que l'accord dont l'extension est demandée n'a pas fait l'objet, dans le mois suivant sa publication (...), de l'opposition d'organisations (...) réunissant des opérateurs (...) représentant au total plus du tiers des volumes du secteur d'activité concerné » (CRPM, article L. 632-4). On peut douter de l’efficacité des seuils fixés par le législateur français pour se conformer au droit européen. En effet, la France connaissant un faible taux de syndicalisation, il risque d’être difficile pour les organisations syndicales d’atteindre les seuils de représentativité fixés. Notamment, début janvier 2014, alors que la loi d’avenir n’était encore qu’un projet, certaines organisations s’inquiétaient déjà de ce que, d’après les résultats aux dernières élections aux chambres d’agriculture, le seuil de représentativité des syndicats de 70 % (pour le secteur de la production) ne garantirait plus la présence de la Coordination rurale (2ème syndicat agricole) et de la Confédération Paysanne (3ème syndicat agricole) au sein des interprofessions19. En matière d’extension des accords interprofessionnels, la loi d’avenir est également revenue sur le traitement de la demande d’extension par l’autorité compétente, ainsi que sur la question du prélèvement des cotisations volontaires obligatoires. Concernant le traitement de la demande d’extension par l’autorité compétente, la loi d’avenir revient sur les délais à deux reprises. Le délai dont l’autorité compétente dispose pour prendre sa décision pourra être prolongé de deux mois non renouvelables si « la communication de documents complémentaires est nécessaire à l'instruction de la demande d'extension » (CRPM, article L. 632-4). Lorsque l’accord sur lequel porte la demande d’extension est concerné par la procédure de notification à la Commission européenne20, les délais d'instruction de la demande « sont suspendus jusqu'à la réception de l'avis de la Commission européenne ou l'expiration du délai qui lui est imparti » (CRPM, article L. 632-4). Concernant le prélèvement des cotisations volontaires obligatoires, les organisations interprofessionnelles pourront désormais prélever des cotisations volontaires obligatoires sur les produits importés, à condition que ces derniers bénéficient également des accords interprofessionnels étendus (CRPM, article L. 632-6). C’est dire le pouvoir qui est conféré aux interprofessions lorsque les accords qu’elles arrêtent bénéficient de l’extension. 19 « Loi d’avenir agricole et ouverture des interprofessions : un paysage agricole antidémocratique qui s’enlise », Communiqué de presse de la Coordination Rurale, 8 janvier 2014. 20 En application de l’article 8 de la directive 98/34/CE du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et règlementations techniques. 14 4 – L’information des interprofessions L’article L. 632-7 du Code rural et de la pêche maritime prévoyait, avant la loi d’avenir, que les organisations interprofessionnelles pouvaient se voir communiquer, par les services placés sous l’autorité ou sous la tutelle des ministres chargés de l’économie, du budget, de l’agriculture et de la pêche, toutes les informations dont elles doivent disposer pour accomplir leurs missions. Ces informations concernaient la production, la commercialisation, les échanges extérieurs, ou encore la transformation des produits. Aujourd’hui, les interprofessions peuvent continuer à se voir communiquer toutes les informations nécessaires « pour atteindre les objectifs au titre desquels elles ont été reconnues », mais pas uniquement. Désormais, elles pourront également se voir communiquer – toujours par les mêmes services – « les données nécessaires à l’établissement et à l’appel des cotisations permettant leur financement » dès lors qu’elles auront été prévues par un accord, que celui-ci ait été rendu obligatoire ou non. 5 – Le renouvellement des statuts des interprofessions L’article L. 632-9 du Code rural et de la pêche maritime prévoit des modalités concernant le renouvellement des statuts des organisations interprofessionnelles existantes et qui ont été reconnues au sens de l’article 157 du règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013. Ces dernières ont la possibilité d’adopter de nouveaux statuts sur une décision prise « à la majorité des deux tiers des membres de leur organe délibérant et à l’unanimité des familles professionnelles qui les composent ». Les nouveaux statuts ainsi adoptés doivent être déposés en préfecture, donnant ainsi lieu à un avis publié au Journal officiel. Cette publication marque le temps de l’abrogation des anciennes dispositions régissant leur organisation et leur fonctionnement, celles-ci étant dès lors inapplicables, remplacées par les nouveaux statuts adoptés. A ce titre, l’avis publié au Journal officiel mentionne la liste de ces dispositions abrogées. 6 – La fin du particularisme de l’organisation interprofessionnelle laitière Il convient de souligner le fait que la loi d’avenir marque la fin du particularisme de l’organisation interprofessionnelle laitière. En effet, la Section 2 « l’organisation interprofessionnelle laitière » contenant les articles L. 632-12 à L. 632-14 du Code rural et de la pêche maritime est désormais supprimée. Désormais, les organisations interprofessionnelles de la filière laitière sont soumises aux mêmes règles que les autres interprofessions. Notamment, la filière laitière se voit appliquer les mêmes critères de représentativité que les autres interprofessions pour l’extension des accords qu’elles arrêtent. A ce titre, la loi d’avenir précise, en son article 17, que « la reconnaissance de l’organisation interprofessionnelle laitière par la loi n° 74-639 du 12 juillet 1974 » est maintenue, sans qu’il ne soit nécessaire qu’elle accomplisse une nouvelle demande de reconnaissance. De même, la loi ajoute que « les centres régionaux interprofessionnels de l’économie laitière [CRIEL] sont assimilés aux sections spécialisées » de l’organisation interprofessionnelle laitière. 15 7 – La question du pluralisme syndical Pour finir, la loi d’avenir est revenue sur la question du pluralisme syndical au sein des organisations interprofessionnelles, en modifiant la rédaction de l’article 2, I, alinéa 2nd de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d’orientation agricole, modérant l’application de l’alinéa 1er. Article 2, I, alinéa 1er : « L'ensemble des organisations syndicales d'exploitants agricoles qui remplissent les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ont vocation à être représentées au sein des commissions ainsi que dans les comités professionnels ou organismes de toute nature investis d'une mission de service public, ou assurant la gestion de fonds publics ou assimilés, où siègent des représentants des exploitants agricoles ». A la veille de la loi d’avenir, l’alinéa 2nd prévoyait que ce pluralisme syndical ne s’appliquait pas aux organisations interprofessionnelles ni aux établissements et organismes du secteur des produits d’appellation d’origine. Désormais, il prévoit uniquement que ce pluralisme syndical ne s’applique pas « aux établissements et organismes dont les compétences s’exercent exclusivement dans le secteur des produits sous signe d’identification de la qualité et de l’origine ». Autrement dit, le pluralisme syndical est désormais imposé au sein des organisations interprofessionnelles, à l’exception de celles portant sur ce secteur particulier. Section 4 - Les coopératives agricoles Aujourd'hui, il existe 2 800 coopératives agricoles en France (hors CUMA). Trois quart des agriculteurs adhèrent au moins à une coopérative. Environ 40 % de la production agroalimentaire est assurée par les coopératives et leurs filiales. Les coopératives agricoles ont donc un poids économique important dans la chaîne d'approvisionnement en produits agricoles. I – Une société de moins en moins atypique Le statut de la coopérative est issu de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947, mentionné au titre II du livre V du Code rural et de la pêche maritime, suite à des ordonnances de 1945. Les sociétés de coopératives agricoles sont des sociétés atypiques, a-capitalistique sans but lucratif. Elles ont « pour objet l'utilisation en commun par des agriculteurs de tous moyens propres à faciliter ou à développer leur activité économique, à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité » (CRPM, article 521-1). Conformément au statut particulier des sociétés coopératives agricoles, leurs adhérents disposent d’un double statut : l'agriculteur en adhérant à une coopérative agricole est à la fois coopérateur, c'est-à-dire utilisateur de ses services en lui livrant sa production ou en s'approvisionnant en intrants auprès d'elle, et associé, en étant détenteur de parts sociales. Les coopératives agricoles ont su s'ouvrir vers des associés non coopérateurs et des tiers non associés. Au niveau du fonctionnement des coopératives agricoles, la gouvernance est assurée, le plus souvent, par le conseil d'administration. 16 Contrairement aux autres sociétés, dans une société de coopérative agricole, chaque associé est placé sur un même pied d'égalité. En effet, lors des assemblées générales, « un homme égale une voix », indépendamment de la participation de chaque associé au capital en fonction de ses activités. Aujourd'hui, les associés coopérateurs sont de moins en moins informés sur les orientations stratégiques prises par l'organe d'administration et sur les engagements qu'ils ont souscrits avec la coopérative. Ils exercent un faible contrôle sur les décisions prises par l'organe d'administration. Au fil des années, la relation entre la coopérative et ses adhérents s'est de plus en plus détériorée. La loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, dans son article 13, entend renforcer ce lien, notamment, en facilitant l'information des adhérents dans les coopératives agricoles. Le Ministre de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt, Stéphane LE FOLL, a jugé utile d'améliorer la gouvernance des coopératives agricoles héritée de l'arsenal législatif mis en place depuis 1945. II – Les nouveautés apportées par la loi d’avenir L'amélioration de la gouvernance passe par une meilleure transparence dans le fonctionnement de la coopérative agricole (B) et dans la relation coopérateur-coopérative (A). A – Une meilleure transparence dans la relation coopérateur-coopérative 1 – Meilleure information des associés coopérateurs sur leurs engagements Chaque adhérent s'engage à utiliser les services de la coopérative agricole pour une durée déterminée (CRPM, article 521-3, a). Le coopérateur est lié à la coopérative par un engagement d'activité : soit l'adhérent s'approvisionne auprès d'elle, soit il lui livre tout ou partie de sa production. Les statuts et le règlement intérieur précisent le contenu, la nature, la durée, les modalités de l'engagement (CRPM, article R. 522-3). La loi d'avenir pour l'agriculture rappelle la double qualité de l'agriculteur à l'article L. 521-1-1 du Code rural et de la pêche maritime : «Le caractère indissociable de la double qualité d’utilisateur de services et d’associé». La coopérative entretient donc une relation particulière avec ses adhérents, voire même exclusive. Pour la première fois, cette « relation » atypique est précisée dans le code rural et de la pêche maritime à l'article L. 521-1-1. De son coté, la coopérative agricole est soumise à plusieurs obligations : dans une coopérative de production, elle doit payer la production fournie par l'adhérent ; dans une coopérative d'approvisionnement, elle a l'obligation de vendre les produits nécessaires à l'exploitation de l'adhérent (CRPM, articles L. 521-1 et R. 521-1). Elle est également tenue d’un devoir général d’assistance et elle doit prêter son concours technique et économique à l’agriculteur. Afin d'informer les associés coopérateurs sur le contenu de leurs engagements, le nouvel article L. 521-3 du Code rural et de la pêche maritime impose aux coopératives agricoles une nouvelle 17 obligation. Le conseil d'administration ou le directoire devra mettre à disposition de chaque associé coopérateur un document récapitulant son engagement sur certains points, à savoir, la durée d'engagement, le capital social souscrit, les quantités et caractéristiques des produits à livrer, les modalités de détermination et de paiement des prix. Article L. 521-3 : “I.-Ne peuvent prétendre à la qualité et à la dénomination de coopérative ou d'union que les sociétés dont les statuts prévoient : a) L'obligation pour chaque coopérateur d'utiliser tout ou partie des services de la société pour une durée déterminée, et corrélativement, de souscrire une quote-part du capital en fonction de cet engagement d'activité ; b) L'obligation pour la société de ne faire d'opérations qu'avec ses seuls associés coopérateurs ; c) La limitation de l'intérêt versé au capital souscrit par les associés coopérateurs à un taux au plus égal au taux fixé par l'article 14 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération ; d) La répartition des excédents annuels disponibles entre les associés coopérateurs proportionnellement aux opérations qu'ils ont réalisées avec leur coopérative lors de l'exercice ; e) Le remboursement des parts sociales à leur valeur nominale ainsi qu'en cas de liquidation, la dévolution de l'actif net à d'autres coopératives ou à des œuvres d'intérêt général agricole ; f) Un droit égal de vote pour chaque coopérateur aux assemblées générales ; pour l'exercice de ce droit, lorsqu'un groupement agricole d'exploitation en commun adhère à une société coopérative, tous les membres du groupement considérés comme chefs d'exploitation agricole sont réputés associés coopérateurs, sans que les chefs d'exploitation membres d'un même groupement puissent, en cette qualité, détenir plus de 49 % des voix ; g) Les conditions d'adhésion, de retrait, de radiation et d'exclusion des associés coopérateurs ; h) L'obligation pour l'organe chargé de l'administration de la société de mettre à la disposition de chaque associé coopérateur, selon des modalités déterminées dans le règlement intérieur, un document récapitulant l'engagement de ce dernier, tel qu'il résulte des statuts. Ce document précise la durée d'engagement, le capital social souscrit, les quantités et les caractéristiques des produits à livrer et les modalités de paiement et de détermination du prix de ces derniers, comprenant, s'il y a lieu, les acomptes et les compléments de prix.” Afin d'assurer une relation stable, la durée statutaire de l'engagement est comprise entre trois et quarante ans. Le coopérateur peut seulement se retirer de la coopérative au terme de la période d'engagement avec notification trois mois à l'avance (CRPM, article R. 522-4), sauf cas de force majeur, exclusion ou démission du coopérateur pour motif valable. La loi d'avenir offre aux nouveaux adhérents, le plus souvent des jeunes agriculteurs, une souplesse dans leur engagement vis-à-vis de la coopérative. Les statuts de la coopérative peuvent inclure une période probatoire, sorte de période d'essai, qui ne peut excéder un an. A son terme, les parties peuvent mettre fin au contrat ou au contraire poursuivre leur relation (CPRM, article L. 521-3 II). La loi d'avenir pour l'agriculture apporte une précision sur les modalités de détermination et de paiement des prix des apports, des services ou des cessions d'approvisionnement. Conformément au 18 nouvel article L. 521-3-1 du Code rural et de la pêche maritime, ces modalités de détermination et de paiement des prix sont définies par le conseil d'administration. Ce dernier propose également à l'assemblée générale ordinaire une répartition des excédents annuels disponibles. Ces excédents sont répartis entre les associés sous forme de ristournes proportionnellement à leur activité. 2 – Mise en place d'une « clause miroir » La fluctuation des prix des matières premières agricoles a un impact sur la détermination du prix de vente des apports collectés par la coopérative agricole. Il a été vu précédemment que la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « HAMON », a prévu une clause de renégociation du prix dans les contrats de vente afin de tenir compte de la volatilité des prix des matières premières. Conformément à l'article L. 442-9, alinéa 2 du Code de commerce, ces contrats portent notamment sur « les produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production ». Depuis la loi d'avenir, les coopératives agricoles sont concernées par cette clause de renégociation du prix de collecte de ces produits. Le conseil d'administration ou le directoire de la coopérative déterminera des critères de fluctuations des prix des matières premières agricoles « affectant significativement le coût de production de ces produits » (CRPM, article L. 521-3-1). Les associés seront informés de la détermination de ces critères en assemblée générale. La clause miroir permet au conseil d'administration ou au directoire de réexaminer le prix des apports en cas de modification des prix des matières premières agricoles et alimentaires affectant le coût de production des agriculteurs. Le nouveau dispositif a pour objectif de partager entre la coopérative et ses associés la charge que représente une hausse des coûts de production due à la volatilité des prix des matières premières. 3 – Résolution amiable des conflits La loi d'avenir pour l'agriculture précise les missions du médiateur de la coopération agricole, à l'article L. 528-1 alinéa 5 du Code rural et de la pêche maritime qui, par le passé, n'avait pas de base législative. Il est nommé par le Haut conseil de la coopération agricole (HCCA). Il tient compte des avis et recommandations du médiateur des relations commerciales agricoles. Il doit rendre des comptes au HCCA en lui communiquant tous les ans un bilan des médiations réalisées. Le médiateur de la coopération agricole traite des litiges survenus, notamment, entre un coopérateur et une coopérative agricole, mais aussi entre coopératives agricoles. En « légalisant » le médiateur de la coopération agricole, les coopérateurs sont situés sur le même pied d'égalité que les autres opérateurs économiques engagés dans des relations commerciales de droit commun. Néanmoins, l'intervention du médiateur de la coopération agricole est-elle obligatoire avant toute saisine du juge ? L'article L. 528-1 alinéa 5 du Code rural et de la pêche maritime n'apporte aucune information à ce sujet. 19 B – Une meilleure transparence du fonctionnement et de l'activité de la coopérative agricole 1 – Amélioration de l'information des dirigeants des coopératives agricoles L'administration de la coopérative agricole peut être confiée à un conseil d'administration ou à un directoire et à un conseil de surveillance. La loi d'avenir pour l'agriculture introduit dans le Code rural et de la pêche maritime l'article L. 524-13 relatif aux missions du conseil d'administration ou du directoire de la coopérative : il assure la gestion et le bon fonctionnement de la coopérative. Le conseil d'administration ou le directoire dispose des pouvoirs les plus étendus dans la limite de l'objet social, des restrictions insérées dans les statuts et des pouvoirs attribués aux assemblées générales. Les administrateurs ou les membres du conseil de surveillance et du directoire peuvent recevoir une indemnité compensatrice en échange du temps consacré à l'administration de la société. La loi d'avenir pour l'agriculture précise que leur fonction est gratuite, mais qu'ils peuvent bénéficier également du remboursement de frais justifiés (CRPM, article L. 524-3). Afin d'exercer au mieux leur mission, les administrateurs recevront du président ou du directeur de la coopérative « tous les documents et informations nécessaires » dans l'exercice de leur mission. Les administrateurs sont tenus à un devoir de discrétion. Par la loi d'avenir pour l'agriculture, ce droit à l'information est complété d'un droit à la formation. A ce titre, les administrateurs ou les membres du conseil de surveillance et du directoire pourront bénéficier de formations pendant la première année de leur mandat (CRPM, article L. 524-5-1). 2 – Amélioration de l'information des associés sur le fonctionnement des coopératives agricoles La loi d'avenir a voulu rendre plus transparente l'activité des coopératives et de leurs filiales. Le rapport d'activité annuel, présenté aux associés en assemblée générale, devra préciser l'activité et les résultats de la coopérative, mais aussi ceux de ses filiales. Dans ce rapport, les associés devront également être informés des instruments financiers à terme détenus par la coopérative sur le marché dérivé dont le sous-jacent est une matière première agricole. Le rapport d'activité annuel devra indiquer les instruments de couverture de risque de variation des cours des matières premières agricoles (CRPM, article L. 524-2-1). En outre, par le biais de ce rapport annuel, les associés sont informés du montant des indemnités compensatrices versées aux administrateurs, leurs missions et le temps passé à administrer la coopérative. Les associés fixent en assemblée générale le budget consacré au montant des indemnités. 20 3 – Nouvelle organisation de la révision coopérative Les coopératives agricoles doivent respecter les principes de la coopération. La procédure de révision coopérative a pour objet « l’examen critique et analytique de la situation et du fonctionnement de la coopérative au vu des comptes annuels de celle-ci, compte tenu des caractéristiques propres des coopératives »21. C'est le Haut conseil de la coopération agricole (HCCA) qui élabore les normes de la révision coopérative. Il définit également les principes de révision, approuve et publie les normes de révision, assure le suivi et le contrôle de la mise en œuvre de la procédure de révision. La Loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 a transformé le Conseil supérieur d'orientation de la coopération agricole en Haut conseil de la coopération agricole (HCCA). C'est un établissement public. Ses missions sont définies à l'article L. 528-1 du Code rural. Il a pour missions principales de : - délivrer, modifier ou retirer les agréments des coopératives agricoles, au nom de l'État, - élaborer, approuver, publier les normes de la révision coopérative et contrôler leur mise en œuvre, - nommer un médiateur de la coopération agricole (depuis la loi d'avenir pour l'agriculture), - étudier, proposer, et veiller sur l'évolution économique et financière du secteur coopératif. Les coopératives agricoles et leurs unions doivent adhérer au HCCA et contribuent financement par le paiement d'une cotisation obligatoire. à son La loi d'avenir pour l'agriculture précise la répartition des missions entre le HCCA et l’Association nationale de révision (ANR). Le nouvel article L. 527-1 du Code rural et de la pêche maritime énonce que ce sont des réviseurs, agréés par l'Association nationale de révision (ANR), qui exercent la révision au nom et pour la compte d'une fédération de coopératives dont ils sont salariés. La loi d'avenir pour l'agriculture précise de nouvelles missions de l'Association nationale de révision (ANR) : elle participe à l'élaboration des normes de révision, peut assurer le suivi et le contrôle de la mise en œuvre de la révision sur délégation du HCCA, « assure l'organisation et le contrôle des fédérations agrées pour la révision […] l'information et la formation sur les normes » et contrôle l'activité des réviseurs (CRPM, article L. 527-1 alinéa 3). A la suite de la révision, le réviseur rédige un rapport sur le respect des principes et règles de la coopération par la coopérative agricole, et un compte rendu qu'il présente au conseil d'administration ou au conseil de surveillance. Les administrateurs informent les associés, lors de l'assemblée générale ordinaire annuelle, de la réalisation de la révision et des mesures prises ou à prendre. L'article L. 527-1-3 du Code rural et de la pêche maritime précise la procédure à appliquer en cas de non-respect des principes et règles de la coopération par la coopérative agricole : - mesures correctives établies par le réviseur en collaboration avec les dirigeants et administrateurs de la coopérative, - information du HCCA par le réviseur en cas de carences ou de refus de réaliser les mesures correctives, - convocation des associés en Assemblée Générale Extraordinaire en cas de non réalisation des mesures correctives dans un certain délai, - retrait possible de l'agrément de la coopérative par le HCCA si les « mesures correctives n'ont pas été prises dans le délai imparti ». 21 Article 1 du décret du 23 novembre 1984. 21