DISSERTATION : « COMPLICITE ET COACTION
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DISSERTATION : « COMPLICITE ET COACTION
DISSERTATION : « COMPLICITE ET COACTION » L’on attribue à Carbonnier l’expression suivante : « auteur et complice sont cousus dans le même sac ». Si le droit s’attache à distinguer le coauteur du complice, des relations sont susceptibles de se nouer entre ces deux modes de participation à l’infraction. Entre répulsion et attraction, la teneur des liens entre complicité et coaction se doit d’être analysée. Le législateur a pris soin de définir le complice à l’article 121-7 du Code pénal comme l’individu qui facilite la préparation ou la commission d’une infraction. Plus encore, le texte précise les moyens par lesquels le complice agit. Concernant les crimes et les délits, la complicité peut être caractérisée de la manière la plus étendue. Le complice peut en effet provoquer ou donner des instructions à l’auteur sur la réalisation de l’infraction ou lui fournir aide ou assistance. Concernant les contraventions, seule la complicité par provocation ou instruction est incriminée. A l’opposé, la coaction ne bénéficie pas d’une définition textuelle. Le législateur y fait uniquement référence comme circonstance aggravante de certaines infractions. Il est revenu à la doctrine et à la jurisprudence de définir la coaction. La doctrine désigne le coauteur comme l’individu qui réalise avec un autre l’ensemble des éléments constitutifs d’une infraction. La jurisprudence a, pour sa part, construit une définition du coauteur en opposition à celle de complice. En effet, dans un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 17 décembre 1859, les hauts conseillers énoncent que « dans les actes de complicité, il faut distinguer ceux qui, extrinsèques à l’acte, tendent à en préparer, faciliter et réaliser la consommation, de ceux qui par la simultanéité d’action et l’assistance réciproque en constituent la perpétration même, il suit que les individus coupables de ces derniers actes sont bien moins des complices que des coauteurs ». Ainsi, coaction et complicité sont deux modes de participation à l’infraction bien distincts. S’ils ont en commun d’associer une pluralité de participants à la même infraction, l’implication du coauteur et du complice est différente. L’intensité avec laquelle l’un et l’autre participent à l’infraction ne saurait être confondue. De sorte que cette distinction se retrouve dans les exigences matérielles de caractérisation de la coaction et de la complicité. Une frontière imperméable semble donc tracée entre coaction et complicité. Toutefois, la mise en œuvre de ces notions n’a pas été le reflet de cette imperméabilité théorique. De sorte que par évolutions successives, les juges comme le législateur ont opéré un rapprochement entre le complice et le coauteur au risque de déplacer, voire de brouiller la frontière existant traditionnellement entre ces deux notions. Par conséquent, il importe de s’interroger sur la nature des liens existants entre coaction et complicité. Aussi convient-il de mettre en parallèle les certitudes relatives à la distinction théorique de la coaction et de la complicité (I.), avec les incertitudes relatives à la mise en œuvre pratique de la coaction et de la complicité (II.). I. LES CERTITUDES QUANT A LA DISTINCTION THEORIQUE DE LA COACTION ET DE LA COMPLICITE La coaction et la complicité bénéficient chacune d’une définition juridique qui repose sur des fondements philosophiques propres (A.), ce qui se répercute sur la caractérisation matérielle de la coaction et de la complicité (B.). 1 A. La distinction du point de vue des fondements La coaction et la complicité reposent sur des théories doctrinales distinctes (1.), de même que l’état d’esprit du délinquant n’est pas identique pour le coauteur et le complice (2.). 1. Une distinction abstraite Plusieurs théories doctrinales ont été avancées pour expliquer le mécanisme de la complicité. Il s’agit notamment de la théorie de l’emprunt relatif de criminalité selon laquelle seule la responsabilité serait commune à l’auteur et au complice. La complicité a été également envisagée comme un délit en soi, distinct de l’infraction principale. Celle-ci ne deviendrait qu’une condition préalable, comme il en existe de nombreuses en droit pénal spécial, nécessaire à la caractérisation de la complicité. A l’article 121-6 du Code pénal, le législateur a fait le choix de consacrer la théorie de l’emprunt de criminalité. En application de celle-ci, les actes du complice ne sont pas en eux-mêmes et à eux seuls punissables. Ils sont dépourvus de caractère intrinsèquement infractionnel. Ils ne sont susceptibles d’engager la responsabilité pénale du complice qu’en raison d’une infraction principale punissable sur laquelle ils se greffent. Le mécanisme est diamétralement opposé en ce qui concerne la coaction. Les actes commis par chaque coauteur sont per se eux-mêmes susceptibles d’engager la responsabilité pénale de celui qui les commet. La présence d’autres coauteurs est un élément factuel qui donne à l’infraction une dimension de groupe. Si elle est un caractère fondamental de la coaction, la pluralité d’auteurs ne conditionne en rien la répression des actes commis par chacun des coauteurs. En effet, l’acte du coauteur n’a pas besoin de se greffer sur un autre pour devenir répréhensible, il l’est intrinsèquement. Cette nuance dans le fondement doctrinal de la coaction et de la complicité impacte l’état d’esprit du délinquant. 2. Une distinction subjective La distinction se reflète également dans l’état d’esprit du délinquant. L’intention des deux protagonistes est différente. Alors que le coauteur cherche à commettre une infraction avec d’autres individus, le complice ne veut que s’associer à une infraction commise par un autre. La participation du complice à l’infraction n’est qu’indirecte, ce qui se reflète sur son état d’esprit. Le degré d’implication psychologique, varie par conséquent entre le coauteur et le complice. Cette divergence se répercute sur l’élément moral nécessaire à la caractérisation soit de la coaction soit de la complicité. La complicité est un acte intentionnel. L’individu doit avoir la conscience et la volonté de faciliter la commission d’une infraction qui sera commise par quelqu’un d’autre (Crim. 1er octobre 1984). Le coauteur doit quant à lui avoir la conscience et la volonté de commettre personnellement l’infraction. Il s’associe effectivement à une ou plusieurs autres personnes mais il doit avoir la volonté de commettre lui-même, directement et intégralement l’infraction envisagée. La coaction nécessite donc la caractérisation d’un dol général. Plus encore, si l’infraction nécessite un dol spécial il doit être partagé par l’ensemble des coauteurs (par exemple, l’animus necandi en matière de meurtre). Il appartient donc au magistrat de prouver la présence de cet élément moral chez l’ensemble des individus poursuivis dans le cadre de la coaction. Parallèlement, si un dol général n’est pas exigé, comme c’est le cas pour les délits non intentionnels, la faute suffisante à la constitution de l’infraction, doit être partagée par l’ensemble des protagonistes. 2 Particulièrement difficile à mettre en œuvre, ce critère de distinction nécessite, en effet, de sonder la volonté de l’individu concerné. Dès lors, les complice et coauteur sont aussi et surtout identifiés par leurs agissements matériels dont la constatation objective est plus aisée. B. La distinction d’un point de vue matériel Le lien unissant l’auteur principal et le complice diffère de celui existant entre coauteurs (1.), plus encore les éléments constitutifs de ces deux notions sont clairement distincts (2.). 1. La spécificité du lien unissant les participants à l’infraction En jurisprudence, deux éléments caractérisent la coaction : d’une part la réciprocité d’assistance et d’autre part la simultanéité de l’action. Selon le professeur Mayaud, les coauteurs se placent donc dans une relation d’égalité. L’action de chacun des coauteurs profite aux autres. Si elle est susceptible d’exister dans les faits entre l’auteur et le complice, cette réciprocité d’assistance, n’est pas un élément nécessaire à sa constitution. De plus, une certaine hiérarchie s’instaure donc entre l’auteur principal et le complice, laquelle est absente de la coaction. Plus encore, la différence semble se situer au niveau de la temporalité des actes de coaction et de complicité. Ainsi, la coaction est caractérisée par la simultanéité d’action. L’ensemble des coauteurs doit agir en même temps ou dans des temps voisins les uns des autres. L’acte de complicité doit pour sa part être antérieur ou concomitant à la commission de l’infraction. Toutefois la jurisprudence a admis qu’un acte postérieur à la commission de l’infraction pouvait être constitutif de complicité s’il avait été commis en vertu d’un accord antérieur (Crim. 21 juin 1978.) La provocation comme le fait de donner des instructions se situe nécessairement en amont de la commission de l’infraction. Concernant l’aide ou l’assistance, les solutions sont plus contrastées : elles peuvent être réalisées soit avant la commission de l’infraction soit en même temps que celle-ci. Si la concomitance rapproche coaction et complicité sur le plan de la temporalité, la matérialité des actes concernés demeure distincte. 2. Des éléments constitutifs distincts La divergence de théories fondant la coaction et la complicité impacte leurs éléments constitutifs. D’abord, la complicité nécessite pour être caractérisée la présence d’une condition préalable, à savoir un fait principal punissable. L’acte de complicité doit reposer sur une infraction susceptible d’être réprimée. Il importe peu que l’infraction principale soit effectivement punie, tant que le comportement conserve son caractère répréhensible. Ainsi, il est indifférent que l’auteur principal ne soit ni poursuivi, ni condamné parce qu’il est resté inconnu (Crim. 3 mars 1959). Si le complice est identifié il pourra être poursuivi. Cette exigence ne se retrouve aucunement concernant la coaction. Ensuite, concernant les éléments matériels, qu’il s’agisse d’un acte de commission ou d’omission, le coauteur doit réaliser tous les éléments constitutifs de l’infraction. A l’opposé il n’est pas nécessaire que le complice réalise l’un des éléments constitutifs de l’infraction. Sa participation se veut imparfaite, indirecte à la commission de l’infraction principale. Le texte précise les moyens d’action du complice. Il s’agit d’une provocation, de la fourniture d’instructions ou de moyens (aide ou assistance). La complicité impose donc une action de la part du complice qui facilite la consommation 3 de l’infraction. La jurisprudence traditionnelle considère donc que la complicité ne peut être matérialisée que par un acte positif (Crim. 8 mars 1951). L’exemple de l’homicide volontaire peut être convoqué. Le complice d’un meurtre est susceptible de réaliser différents actes, il peut par exemple fournir l’arme du crime ou donner des instructions sur la victime pour faciliter le passage à l’acte. Ce faisant, le complice ne réalise aucun des éléments constitutifs de l’infraction. Au contraire, pour que la coaction soit retenue, il importe que chacun des participants commette l’acte positif ayant entrainé la mort de la victime. Ainsi en serait-il, par exemple, de deux individus qui tirent en même temps avec une arme à feu sur un troisième, la victime. Ainsi donc, les oppositions théoriques entre coaction et complicité sont franches. Elles interdisent à priori que les notions soient confondues ou interchangées. Pourtant, la mise en œuvre de ces notions par les juges comme par le législateur n’a pas reflété cette opposition. II. LES INCERTITUDES QUANT A LA MISE EN ŒUVRE PRATIQUE DE LA COACTION ET DE LA COMPLICITE Au risque de la confusion, les notions de complicité et de coaction ont été progressivement rapprochées, sous l’effort conjugué des évolutions prétoriennes (A.) et législatives (B.). A. Le rapprochement prétorien de la coaction et de la complicité Ce sont les juges qui ont été amenés en premier lieu à manier la coaction et la complicité. Ils ont consacré diverses théories bousculant les frontières traditionnelles de ces deux notions (1.) et ce, avec l’aval de la Haute juridiction (2.). 1. Les théories jurisprudentielles bousculant la frontière traditionnelle entre coaction et complicité La jurisprudence a utilisé indifféremment les notions de complicité et de coaction. Elle a consacré initialement la théorie dite de la « coactivité corespective ». Les complices sont ici qualifiés de coauteurs. Les juges considèrent que celui qui assiste l’auteur dans les faits de consommation participe à la commission de l’infraction et doit être qualifié de coauteur (Crim. 24 août 1827). Parallèlement, les juges ont parfois traité de véritables coauteurs comme de « simples » complices, consacrant ici la théorie dite de la « complicité corespective ». Les juges considèrent alors que « le coauteur d’un crime aide nécessairement l’autre coupable dans les faits qui consomment l’action et devient par la force des choses légalement son complice » (Crim. 9 juin 1848). L’assimilation du coauteur au complice fait fi de la distinction des éléments constitutifs et annihile la différence existant entre les deux notions. Elles deviennent dès lors interchangeables et peuvent s’appliquer indifféremment quel que soit le rôle des individus concernés. Cette confusion est dictée par une volonté répressive, pour corriger les incohérences liées au principe de l’emprunt de pénalité. En application de cette théorie, le complice encourait exactement les mêmes peines que l’auteur de l’infraction principale. Les éventuelles circonstances aggravantes liées à une qualité personnelle du complice n’étaient pas prises en compte. L’illustration la plus topique pour démontrer les incohérences voire même les injustices de l’emprunt de pénalité est 4 celui du parricide. En la matière, lorsque l’enfant de la victime n’était que complice et non auteur principal de l’infraction, il ne pouvait pas être condamné à une peine aggravée. En effet, l’auteur principal n’étant pas lié à la victime par un lien de filiation, il encourait la peine simple prévue en matière de meurtre ; laquelle était exactement et automatiquement encourue par le complice. L’utilisation par les juges de la notion de coauteur à la place de celle de complice permet alors de corriger ces incohérences et d’assurer une répression adaptée à la gravité de l’acte commis par le complice. De même, dans certains cas, la complicité ne pouvait être retenue. C’était le cas pour toutes les contraventions sous l’ancien Code pénal et c’est encore le cas à l’heure actuelle, lorsque la complicité se traduit par une aide ou une assistance. Dans ce cas, l’interchangeabilité des notions mise en place par les magistrats permet d’assurer la répression de celui qui ne participe que de manière indirecte à la commission de l’infraction. Alors même que cette confusion, bien que motivée par des objectifs louables, n’est pas exempte de critiques et de risques, elle n’a pas été sanctionnée par les hauts conseillers. 2. L’aval donné par la Haute juridiction Le droit pénal est irrigué par le principe de légalité criminelle prévu par des textes internationaux et internes. Au niveau international le principe de légalité criminelle se retrouve notamment dans la Convention européenne des droits de l’homme et du citoyen à l’article 7. Au niveau interne, le principe est édicté à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. Il se retrouve également dans le Code pénal. Ainsi, l’article 111-3 du Code pénal dispose que « Nul ne peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi, ou pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis par le règlement. Nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi, si l'infraction est un crime ou un délit, ou par le règlement, si l'infraction est une contravention ». En application de ce principe, un comportement ne peut entraîner la responsabilité pénale de son auteur que si un texte de loi l’incrimine et ce préalablement à la commission de l’acte réprimé. Il en va de même pour les peines, le juge ne saurait ajouter à l’arsenal répressif prévu par le législateur. Le principe de légalité criminelle est accompagné et renforcé par celui de l’interprétation stricte prévu à l’article 111-4 du Code pénal. Plusieurs méthodes d’interprétation sont donc interdites au juge répressif, à savoir le raisonnement par extension, analogie ou induction (Crim. 9 août 1913). En matière de coaction et complicité, le rapprochement jurisprudentiel opéré entre les deux notions semble peu conforme au principe de légalité criminelle et son corollaire, l’interprétation stricte. Pourtant, les hauts conseillers se sont toujours refusés à sanctionner ce rapprochement, œuvre tant des juges du fond que de la Cour de cassation elle-même. Ils s’en remettent pour cela à la théorie de la peine justifiée, laquelle repose sur l’article 598 du Code de procédure pénale. Celui-ci dispose que « lorsque la peine prononcée est la même que celle portée par la loi qui s’applique à l’infraction, nul ne peut demander l’annulation de l’arrêt sous prétexte qu’il y aurait erreur dans la citation du texte de loi ». Appliqué aux notions de complicité et de coaction, cet article pose que peu importe que l’individu soit qualifié de coauteur ou de complice si la répression encourue est identique. C’est la solution retenue par la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 7 mars 1972 ; elle a été rendue possible par le rapprochement opéré par le législateur entre coaction et complicité en matière de répression notamment. B. La confusion législative entre coaction et complicité 5 Le rapprochement entre les deux notions a été réalisé par le législateur sur deux plans distincts. D’un côté, la répression de la complicité s’est alignée sur celle de la coaction (1.) ; de l’autre, les notions semblent avoir été totalement transcendées par la création de nouvelles incriminations (2.). 1. L’alignement de la répression de la complicité sur la coaction Le législateur a abandonné la théorie de l’emprunt de pénalité dans le nouveau Code pénal. En effet, le complice n’est plus puni comme « l’auteur » mais comme « auteur » de l’infraction en application de l’article 121-6 du Code pénal. A priori minime, ce changement terminologique, modifie radicalement la répression du complice. Il n’emprunte plus la peine de l’auteur de l’infraction principale mais se trouve puni comme s’il avait lui-même commis l’infraction. Il n’existe par conséquent plus aucune différence entre le complice et le coauteur du point de vue de la répression. Au pareil, concernant les circonstances aggravantes, le législateur vise le coauteur et le complice ensemble, sans distinction. La pluralité de participants devient une cause d’aggravation de la répression, nonobstant la qualité des protagonistes concernés. Par exemple, l’article 311-4 du Code pénal aggrave les peines encourues pour vol « lorsqu’il est commis par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice ». L’assimilation législative entre coauteur et complice a encore été accentuée par l’incrimination de nouveaux comportements. 2. L’incrimination de nouveaux comportements Les évolutions législatives successives ont dans un premier temps accentué le rapprochement entre coauteur et complice avant de dépasser complètement cette distinction originelle. Le législateur a ainsi incriminé des cas de complicité spécifiques. Il en va ainsi de l’infraction dit d’« happy slapping » prévue et réprimée à l’article 222-33-3 du Code pénal. Il s’agit de filmer une scène de violence et de la diffuser notamment sur les réseaux sociaux. Le comportement incriminé ne facilite pas la commission de l’infraction de violence il ne s’agit donc pas d’un cas classique de complicité. Néanmoins, il s’inscrit dans une participation de groupe aux infractions considérées. En dénaturant la conception traditionnelle de complicité, le législateur fragilise la distinction entre coaction et complicité. Au surplus, le législateur a identifié des comportements d’abstention comme étant constitutifs d’actes de complicité, alors même que traditionnellement un acte positif est nécessaire. Cette évolution législative a été initiée par la jurisprudence qui a apporté des assouplissements au principe qu’elle a posé. Pour illustration, les hauts conseillers ont considéré que le fait pour le membre du directoire d’une entreprise de ne pas empêcher la commission d’abus de biens sociaux, en connaissance de cause est constitutif d’un acte de complicité (Crim. 28 mai 1980). Le législateur a ensuite repris cette jurisprudence en incriminant directement certaines omissions au titre de la complicité. Récemment, la loi du 5 août 2013 a créé un cas de complicité spéciale en matière de disparition forcée. Plus précisément, l’article 221-13 du Code pénal dispose que le supérieur, qui connaissait les agissements de ses subordonnés ou qui a délibérément négligé des informations, doit être reconnu comme complice du crime de disparition forcée et ce, s’il n’a pas pris les mesures permettant de l’éviter. Enfin, le législateur a incriminé de nouveaux comportements pour lesquels la participation de plusieurs individus est un élément constitutif de l’infraction. Il en va ainsi de la participation à une 6 bande violente (art. 222-14-2 C. pén.) ou encore de la préparation collective d’un acte de terrorisme (art 421-2-1 C. pén.) ou d’une atteinte à un système de traitement automatisé de données (art 323-4 C. pén.). Le mouvement a lui aussi été initié par la jurisprudence : en certaines occasions, la Cour de cassation a retenu la responsabilité de tous les participants à une scène de violence alors même que l’origine des coups n’avait pas pu être précisément déterminée. Il s’agit ici de la théorie dite de la « scène unique de violences ». De même, en matière d’infraction non intentionnelle, la jurisprudence a élaboré la notion de « faute commune » pour retenir la responsabilité de l’ensemble des participants à une telle infraction (Crim. 7 mars 1968). Ce mouvement législatif visant à incriminer directement des comportements de groupe dépasse les notions traditionnelles de coaction ou de complicité. En effet, la complicité devient impossible en absence d’une pluralité d’auteurs, faute pour l’infraction d’être constituée. Parallèlement, la présence d’un coauteur n’est plus un simple élément factuel qui impacte la répression mais devient un élément constitutif de l’infraction, sans quoi, une fois encore elle ne saurait être retenue. Si elle est révélatrice des nouvelles formes de criminalité et de délinquance, cette nouvelle tendance législative à l’incrimination des comportements de groupe, achève de brouiller la distinction traditionnelle entre coaction et complicité. Distinctes en théorie, les notions de complicité et de coaction se sont révélées en pratique difficiles à manier, de sorte que les différences existantes ont été progressivement effacées par les juges comme par le législateur. Si l’objectif affiché est celui d’assurer une répression efficace des modes de participation aux infractions en constante évolution, la pertinence de la distinction entre coaction et complicité semble remise en cause par ce rapprochement. 7