Introduction à l`Identification Comparative en Médecine Légale N

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Introduction à l`Identification Comparative en Médecine Légale N
Introduction à l'Identification Comparative en Médecine
Légale
N. Telmon D. Rougé (1998)
INTRODUCTION
L'identification d'un sujet décédé est un élément fondamental de l'examen médico-légal et
anthropologique. En effet, l'identité est au centre des procédures de poursuites pénales et est
indispensable dans certaines actions civiles (filiation, successions, assurances...) [1]. Enfin, il
existe un indéniable aspect éthique et humanitaire à la détermination de l'identité [2].
L'identification peut être reconstructive, permettant de déterminer le groupe humain, le sexe,
d'estimer l'âge au décès et la stature mais surtout comparative permettant de déterminer ou
d'exclure une identité [3].
L'identification positive a pour objet la comparaison d'éléments retrouvés sur un cadavre avec
des documents ante-mortem d'une personne disparue. Cette confrontation permet soit de
confirmer que le sujet décédé est bien le sujet disparu, soit d'exclure celui-ci de
l'identification.
Les éléments ante-mortem utilisables sont multiples : vêtements, bijoux, clés, empreintes
digitales, tatouages et surtout des éléments médicaux : dentaires, osseux et séquelles
chirurgicales ou traumatiques. Leur intérêt en matière d'identification comparative est
extrêmement variable.
Toutes les méthodes d'identification comparative sont basées sur l'expression de la variabilité
interindividuelle. Certaines méthodes sont fondées sur une variabilité inter individuelle
maximale telle que deux individus ne présentent jamais les mêmes caractéristiques :
empreintes digitales, empreintes génétiques, certaines traces chirurgicales [4]. D'autres
méthodes utilisent des éléments présentant une variabilité moindre et nécessitent alors
l'association de plusieurs points concordants et l'absence de points discordants pour conclure à
une identification positive. L'accumulation de caractères indépendants, même si leur
prévalence est relativement importante dans la population, peut permettre une identification.
La comparaison d'éléments ante-mortem et post-mortem permet aussi d'exclure une identité
quand il existe un seul point de discordance qui ne peut être expliqué, ni par le temps
(phénomènes de croissance ou de sénescence), ni par les événements (chirurgie,
traumatisme...) séparant les documents ante et post-mortem.
I - LES ELEMENTS ANTE-MORTEM D'IDENTIFICATION
Le tatouage présente des caractéristiques utiles. La présence de tatouages dans les cas médicolégaux est fréquente, de l'ordre de 10% [5]. Le dessin est conservé relativement longtemps
après la mort et sa visualisation post-mortem peut être techniquement améliorée dans le cas
des cadavres putréfiés [6].
Les tatouages ont un aspect social et culturel mais aussi individuel. Ils peuvent être
spécifiques, mais il faut se méfier des initiales ou des surnoms ainsi que des tatouages
standards.
Les empreintes digitales sont utilisables sur les cadavres putréfiés ou momifiés après
préparation et restauration [7], [8].
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II - LES ELEMENTS D'IDENTIFICATION OSSEUSE
L'anthropologie comparative médico-légale fait principalement appel aux images
radiologiques.
Les techniques radiologiques jouent un rôle important en médecine légale allant de
l'identification positive aux causes du décès [9]. En matière d'identification positive,
l'utilisation des techniques radiologiques présuppose que d'une part l'on a pu radiographier les
restes osseux découverts et que d'autre part l'on dispose de clichés radiographiques réalisés du
vivant du sujet présumé disparu [10], [11], [12]. Les techniques d'identification reposent
généralement sur la comparaison trait par trait des clichés ante et post-mortem [13], [14].
L'identification osseuse est principalement basée sur des éléments ante-mortem radiologiques.
Les techniques d'identification radiologique comparative peuvent être classées en méthodes
spécifiques à partir d'anomalies ou de variations discrètes et en méthodes scientifiques plus
générales comparant des images anatomiques.
Les méthodes spécifiques essayent de faire correspondre des caractéristiques particulières
trouvées sur des clichés radiologiques des restes osseux et sur les clichés de la personne
présumée décédée [15]. De nombreux éléments osseux en fonction des restes osseux
retrouvés et/ou du matériel radiologique ante-mortem disponible ont ainsi été utilisé :
- la clavicule [16],
- le thorax [17], [18], [13],
- le bassin [19],
- les vertèbres [20], [21],
- la patella [22].
Les méthodes scientifiques font appel à une approche au sein d'une population de variations
anatomiques ou de certaines associations. Les éléments osseux crâniens radiovisibles [23] ont
été l'objet de diverses études notamment les sinus frontaux [24], [25], [26], mais aussi la selle
turcique [27] ou les sinus maxillaires [28].
Les principaux clichés utilisables ainsi que les éléments utiles à l'identification sont donnés
dans le tableau suivant [29].
clichés : thorax 53 %, crâne 20 %, membres 20 %, rachis lombaire 17 %, rachis cervical 10
%, bassin 3 %
Eléments d'identification : thorax (calcifications) 29 %, variations anatomiques, 24 %,
anomalies congénitales, 5 %, traces chirurgicales,18 %, séquelles de fracture, 18 %,
abdomens (calcifications) 14 %, phénomènes de dégénérescence articulaires5 %
Les éléments d'identification les plus fréquents sont donc fournis par les radiographies du
thorax et du crâne et par les traces chirurgicales
1 - La radiographie thoracique
Des anomalies osseuses radiovisibles rares ont permis des identifications positives
individuelles. Dans d'autres cas, l'identification positive radiologique s'appuie sur la
concordance de plusieurs éléments radiovisibles. Krogman lors d'une identification dans une
catastrophe collective rapporte la nécessité de comparer 13 traits en ce qui concerne squelette
thoracique [3].
La radiographie thoracique est un document ante-mortem fréquent (médecine du travail,
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radiographies systématiques...). En France chaque année environ 18 millions de radiographies
thoraciques sont réalisées [30]. L'incidence de face montre de multiples éléments osseux
notamment les clavicules, les 8 premières côtes à droite et les 5 premières à gauche, le bord
médial des omoplates, les dernières vertèbres cervicales et les premières thoraciques.
Les variations anatomiques du squelette thoracique sont relativement nombreuses et
fréquentes. Par exemple, 0.5% de la population présente une côte cervicale développée à
partir de C7. Le cliché thoracique de face peut mettre en évidence [31] :
- l'absence d'un élément comme l'agénésie de la première côte,
- un élément osseux surnuméraire,
- ou encore des variations morphologiques : synostoses costales, bifidités costales, empreinte
du ligament rhomboïde sur la clavicule...
Ces dernières anomalies sont particulièrement informatives quand les images ante-mortem et
post-mortem peuvent être superposées.
2 - Les sinus frontaux
La variabilité inter individuelle de la morphologie et de la taille des sinus frontaux est
fréquemment utilisée en identification comparative médico-légale [32] . Depuis le début du
XXème siècle avec les travaux de Sir L. Turner en 1901 sur les variations raciales des sinus
frontaux [25] , de nombreux auteurs ont étudié l'intérêt des sinus frontaux en médecine légale
[33],[28],[24],[34],[35].
La variabilité des sinus frontaux est considérée comme telle que leur morphologie n'est jamais
identique chez deux individus [36]. L'identification par comparaison des sinus frontaux est
connue depuis 1921 [33],[37] et de nombreuses identifications sont rapportées [38],[9]. La
plupart sont basées sur des techniques de superposition des images radiographiques, voire des
images de scanner [39],[40],[41].
La fréquence de l'utilisation des sinus frontaux dans les identifications positives s'explique
d'une part par la variabilité morphologique mais aussi par la fréquence des images
radiologiques de référence ante-mortem. Les radiographies du crâne en particulier de face,
voire des examens tomodensitométriques crâniens constituent des documents relativement
fréquents dans les dossiers médicaux ante-mortem des personnes disparues.
A côté de la simple superposition plusieurs systèmes de classification des sinus
principalement basés sur la taille, l'asymétrie bilatérale et la forme du bord supérieur des sinus
ont été proposé [24],[42],[35].
3 - Les traces chirurgicales
La spécificité de l'acte chirurgical est souvent un élément essentiel de l'identification positive
notamment le matériel d'ostéosynthèse [29], [4]. En effet les modalités d'implantation et de
fixation sont variables en fonction du chirurgien et du patient. La longueur du matériel, le
nombre de vis et leur orientation sont autant de points de référence. De plus ce matériel fait
l'objet d'une description précise dans le compte rendu opératoire avec parfois un numéro qui
le rend unique [43].
CONCLUSION
L'identification comparative anthropologique et radiologique est une discipline de base de la
médecine légale et est indissociable de l'identification biologique. L'identification est
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multidisciplinaire associant : médecin légiste, biologiste, anthropologue, odontologiste et
technicien de police scientifique.
Les techniques d'identification comparative nécessitent l'observation soigneuse et
l'accumulation de points de référence dont le nombre varie en fonction de leur variabilité inter
et intra-individuelle.
BIBLIOGRAPHIE
1. Miras A, Mali M, Malicier D: L'identification Médico-Légale, 1998.
2. Knight B: The establishment of identity of human remains. Forensic Pathology. London :
Arnold, 1991; 87-122.
3. Krogman WM, Iscan NY: Radiographic Analysis in The Human Skeleton In Forensic
Medicine. Springfield: Charles.C Thomas, 1986.
4. Rougé D, Brugne JF, Pujol J, Telmon N, Anzieu B, Arbus L: Identification des individus à
partir des restes osseux : intérêt des traces chirurgicales. Journal de Médecine Légale Droit
Médical 1994; 37(7-8): 571-574.
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