I. Pourquoi étudier la pie`ce Harold et Maude en

Transcription

I. Pourquoi étudier la pie`ce Harold et Maude en
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:08
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 7 — Z39751$$11 — 18.04
XXe SIÈCLE
Le théâtre – les genres et registres
COLIN HIGGINS
JEAN-CLAUDE CARRIÈRE
Harold et Maude
ISBN : 9782081224278 – 3,70 €
128 pages
I. Pourquoi étudier la pièce
Harold et Maude en classe de Seconde ?
L’édition Étonnants Classiques propose la version théâtrale
d’Harold et Maude. À la fois grave et loufoque, gaie et poignante, triste et optimiste, cette pièce en deux actes réunit
Harold – un jeune homme de dix-neuf ans, issu de la haute
société et fasciné par la mort – et Maude – une vieille dame de
près de quatre-vingts ans, anticonformiste militante. À Harold,
Maude apprend la joie, le bonheur et l’amour. Rencontre inattendue entre deux personnages étonnants, la pièce met aussi en
scène la transmission d’une philosophie de vie.
Dans la plupart des esprits, le titre Harold et Maude renvoie
essentiellement à un film. Il s’agit de celui que réalise Hal Ashby
aux États-Unis en 1971. Il est né dans l’imagination d’un étudiant
de l’école de cinéma de Los Angeles, nommé Colin Higgins, qui
présente le scénario d’Harold et Maude pour son diplôme de fin
d’études. Porté à l’écran, le film, qui reflète l’esprit libertaire de
l’époque, remporte un succès énorme : boudé par la critique intellectuelle, il devient culte dans les campus américains.
Fort de ce succès, Colin Higgins décide de transformer son
scénario en roman. Ce dernier paraı̂t en France en 1972, aux
Harold et Maude
7
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:08
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 8 — Z39751$$11 — 18.04
éditions Denoël. Mais le destin de cette œuvre ne s’arrête pas
là. À cette transposition d’un genre à l’autre que l’on appelle
aujourd’hui novélisation, succède une autre, plus rare et originale : l’adaptation scénique.
Harold et Maude devient une pièce de théâtre grâce à deux
grands noms du théâtre français de l’époque, Jean-Louis Barrault
et Madeleine Renaud qui, séduits par cette histoire, demandent
à Colin Higgins l’autorisation de faire du scénario du film un
texte dramatique : c’est à un jeune scénariste français, JeanClaude Carrière, que la tâche est confiée. En collaboration avec
Colin Higgins, il envisage le découpage des séquences du film
en actes et en scènes, puis écrit en français l’adaptation théâtrale
d’Harold et Maude, Colin Higgins se chargeant de la version
anglaise. Mise en scène par Jean-Louis Barrault en 1973, la
pièce remporte le même succès que le film : pendant plusieurs
années, Madeleine Renaud interprète une Maude inoubliable !
Grâce à Jean-Claude Carrière – scénariste des plus grands
cinéastes modernes (Luis Buñuel, Louis Malle, Jean-Luc
Godard...), collaborateur de Peter Brook, et auteur du scénario
de La Controverse de Valladolid, en 1992, puis de son adaptation théâtrale, en 1999 1 –, l’œuvre insolite de Colin Higgins
devient un petit classique qui se prête à une étude approfondie,
à la fois thématique et stylistique. L’histoire d’amour entre
Harold et Maude, universelle et atemporelle, séduira les élèves :
la renaissance d’un adolescent suicidaire et tyrannisé par sa
mère sous le regard bienveillant d’une vieille dame excentrique
et rebelle ne manquera pas de susciter leur curiosité et leur
intérêt.
La pièce permet une étude très riche du genre théâtral inscrit
au programme des classes de Seconde. La confrontation des différents genres (cinéma, roman, théâtre) dans lesquels l’histoire
d’Harold et Maude a été écrite permet de cerner aisément les
spécificités du texte théâtral. En outre, la pièce constitue un support très heureux pour l’étude des registres : essentiellement
comique, Harold et Maude emprunte aussi aux tonalités pathétique et tragique. Enfin, elle est l’occasion d’initier les élèves aux
rapports entre un texte théâtral et sa mise en scène (ceux-ci
1. Disponible dans la collection « Étonnants Classiques ».
8
Le théâtre – les genres et registres
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:08
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 9 — Z39751$$11 — 18.04
seront analysés plus en détail en classe de Première où ils constituent un objet d’étude à part entière).
Nous avons articulé notre séquence autour d’études précises
du texte. Par sa richesse, l’œuvre se prête à des lectures méthodiques : elles mettent au jour les spécificités du texte théâtral,
soulignent l’évolution des personnages, révèlent la dimension
comique et satirique du texte et le sens philosophique de
l’œuvre. Pour prolonger ou approfondir cette étude, nous suggérons deux corpus de textes, l’un sur l’exposition théâtrale,
l’autre sur le comique, qui permettent aussi une initiation à
l’épreuve du baccalauréat. En outre, nous proposons un travail
sur les versions romanesque et cinématographique d’Harold et
Maude, qui s’accompagne d’une analyse d’images, et nous
consacrons une séance à la mise en scène. Différents travaux
d’écriture – commentaires littéraires, dissertations ou écritures
d’invention – sont suggérés en fin de séquence : ils sont autant
d’évaluations possibles ou d’entraînements méthodologiques.
Chaque professeur, selon les objectifs complémentaires qu’il se
sera fixés, choisira les plus adaptés.
II. Proposition de séquence
Plan de séquence
— Séance no 1 : interrogation de lecture
Spécificités du texte théâtral
— Séance no 2 : microlecture no 1, la scène d’exposition
(acte I, scène 1)
— Séance no 2 bis : travaux complémentaires : le rôle de
l’exposition théâtrale (corpus de textes no 1 : extraits de
Molière, Le Médecin volant ; Alfred Jarry, Ubu roi ; Paul
Claudel, Le Soulier de satin) ; comparaison entre l’exposition de la pièce Harold et Maude et l’incipit du roman
La leçon de la pièce
— Séance no 3 : microlecture no 2, la philosophie de Maude
(acte I, scène 6)
Harold et Maude
9
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:08
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 10 — Z39751$$11 — 18.04
Comique et satire
— Séance no 4 : microlecture no 3, la rencontre avec Rose
d’Orange (acte II, scène 1)
— Séance no 4 bis : formes du comique (corpus de
textes no 2 : extraits de Molière, Le Bourgeois gentilhomme ;
Georges Feydeau, On purge bébé ; Eugène Ionesco, La
Leçon)
— Séance no 5 : microlecture no 4, le scandale du mariage
(acte II, scène 7)
Tragique de la mort
— Séance no 6 : microlecture no 5, le dénouement (acte II,
scène 8)
— Séance no 7 : la vieillesse en question, étude d’un texte
argumentatif (Simone de Beauvoir, La Vieillesse)
Images, scènes et mise en scène
— Séance no 8 : de l’écran à la scène, comparaison du film
et de la pièce
— Séance no 9 : théâtre et mise en scène, réflexion sur les
choix de mise en scène
— Séance no 10 : séance d’évaluation, travaux d’écriture
III. Déroulement de la séquence
Séance no 1 : interrogation de lecture
Objectif → Vérifier la lecture et la compréhension du texte.
Supports → L’ensemble de l’œuvre.
→ Questionnaire dans le dossier de l’édition.
Les élèves ont lu attentivement l’ensemble de la pièce pour
cette séance.
1. Quelles sont les activités préférées d’Harold ? Ses distractions consistent à se suicider, plus exactement à concevoir des
mises en scène et mécanismes donnant l’illusion de sa mort,
ainsi qu’à assister aux enterrements : c’est ce qu’Harold
10
Le théâtre – les genres et registres
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:08
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 11 — Z39751$$11 — 18.04
explique au docteur (acte I, scène 2). Il aime aussi aller le jeudi
à la décharge publique parce que c’est le jour où « ils font des
cubes de ferraille » (acte I, scène 10).
2. Pourquoi cherche-t-il toujours à se suicider ? Harold avoue
une quinzaine de tentatives de suicide, « sans compter les mutilations » (acte I, scène 12). Dans la pièce, il simule une pendaison,
une décapitation (acte I, scène 1), feint de se faire exploser avec
des bâtons de dynamite dans une armoire (acte I, scène 4) et
dans un coffre (acte I, scène 7), de se trancher la main (acte I,
scène 10) et de se faire hara-kiri (acte II, scène 1). Par ses simulacres de suicide, Harold cherche à faire réagir sa mère : c’est
un moyen de s’opposer à cette dernière et d’exister face à cette
femme superficielle, dominatrice et égocentrique.
3. Où Harold et Maude se rencontrent-ils la première fois ?
Harold et Maude se rencontrent dans l’église du père Finnegan
lors d’un enterrement (acte I, scène 3). Assister au dernier hommage donné à des inconnus est une des distractions d’Harold,
et Maude avoue s’y « amuser ». Leur deuxième rencontre a lieu
dans un grand cimetière (acte I, scène 5).
4. Quel est le vrai nom de Maude ? Que sait-on de son passé ?
La comtesse Mathilde Chardin autorise d’emblée Harold à l’appeler Maude (acte I, scène 3). Elle a vécu petite à Vienne, a
été mariée à un certain Frédéric, homme « sérieux. Grand, net.
Docteur à l’Université, diplomate » (acte I, scène 12), mort à la fin
de la guerre (acte II, scène 3). Elle a été déportée dans les camps
pendant la Seconde Guerre mondiale, comme en témoigne le
numéro qu’elle porte tatoué sur son bras, où elle a vu mourir une
amie, en 1943 (acte II, scène 3) ; elle s’est rendu au Japon, à
Yokohama (acte I, scène 12) ; elle a traversé le détroit de
Constantinople à la nage à la suite d’un pari avec son mari
(acte II, scène 3) ; elle s’est battue pour de nobles causes comme
la liberté, la justice et la misère du monde (acte I, scène 12)...
5. Trouvez trois adjectifs pour qualifier le caractère de Maude
et justifiez-les. Tout d’abord, elle est étrange, un peu folle,
excentrique. Elle recueille un arbre qu’elle veut replanter dans
une terre fertile (acte I, scène 5), mais aussi un phoque auquel
elle veut rendre la liberté et donne des bains (acte I, scène 9) ;
elle grimpe aux arbres et fait le poirier alors qu’elle a quatrevingts ans (acte II, scène 3)...
Harold et Maude
11
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:08
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 12 — Z39751$$11 — 18.04
Elle est aussi gaie. Elle trouve absurde d’associer la mort à la
couleur noire, considérant que « la fin est au début et le début à
la fin » (acte I, scène 2) ; elle aime chanter et danser (acte I,
scène 12).
Enfin, elle est anticonformiste. Elle refuse certaines règles ou
usages de la société comme la notion de propriété : ainsi volet-elle la voiture du père Finnegan (acte I, scène 5) ; elle n’a
jamais payé ses meubles aux établissements Barkley, et sa maison ne semble pas la sienne (acte II, scène 2) ; elle ôte le cadenas
du tronc des pauvres et mange des pistaches lors des enterrements (acte I, scène 3)...
6. À quel genre d’agence Mme Chasen fait-elle appel ? Pourquoi ? Mme Chasen fait appel à une agence matrimoniale – le
Centre régional de l’Agence Matrimo-Flash ou C.R.M.F – pour
marier Harold. Le nom ridicule de cette agence, la « garantie de
trois rendez-vous », et l’assurance que « les laides, les grosses
sont éliminées » contribuent à faire la satire de ce type de service.
Les rencontres entre Harold et trois jeunes filles se soldent
toutes par des échecs.
7. Quels sont les personnages qui s’opposent aux projets
d’Harold et Maude ? Tous les personnages secondaires apparaissent comme des opposants aux desseins des héros.
Le jardinier et le jardinier chef refusent que Maude plante
l’arbre dans le cimetière prétextant qu’on n’a pas le droit d’y
creuser des trous (acte I, scène 5) !
L’inspecteur Bernard et le sergent Doppler veulent faire respecter la loi que Maude, par ses emprunts de voiture, de maison
ou de phoque, ne respecte pas (acte I, scène 8).
De même, le père Finnegan s’étonne de l’attitude de Maude
aux enterrements.
À la scène 7 de l’acte II, le prêtre et le docteur s’opposent au
mariage d’amour entre Harold et Maude. Le prêtre souligne que
ce mariage est contraire au but d’une union conjugale, la procréation. Le docteur, lui, n’y voit qu’une forme de la « juvénile
révolte » d’Harold. Mme Chasen s’offusque de cette union, craignant notamment le « qu’en-dira-t-on ».
8. Citez une scène comique en justifiant son caractère comique.
Nombreuses sont les scènes comiques dans la pièce.
On pourra évoquer les scènes qui jouent sur un comique de
situation et de gestes : celles où Harold tente de se suicider ;
12
Le théâtre – les genres et registres
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:08
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 13 — Z39751$$11 — 18.04
celle où Harold tente de cacher la présence du phoque à l’inspecteur Bernard, celle où Mme Chasen rend visite à Maude...
D’autres, comme la scène 4 de l’acte I où Mme Chasen
répond à la place d’Harold au questionnaire de l’Agence
Matrimo-Flash, jouent sur le comique de mots...
Enfin, certaines utilisent le comique de caractère, notamment
les scènes où Mme Chasen apparaı̂t (acte I, scènes 1, 4 et 7).
9. Comment finit l’histoire d’Harold et Maude ? Après l’avoir
plusieurs fois annoncé (acte I, scène 9, et acte II, scènes 2 et 6),
Maude se donne la mort le jour de ses quatre-vingts ans. Elle
meurt dans les bras d’Harold qui avait organisé une fête d’anniversaire et lui avait offert une bague en guise de fiançailles. À la
douleur succède le sourire lorsqu’il entend l’air favori de Maude
surgir de nulle part.
10. Quelle leçon faut-il retenir de cette pièce ? La pièce est un
hymne à la vie. Maude, cette vieille femme de quatre-vingts ans,
est la représentation de la vie. Elle veut jouir de tous ses plaisirs en
toute liberté – « Confucius disait : « “Emprunter le bon chemin ne
suffit pas. Fais en sorte qu’il soit agréable” » (acte I, scène 12). Elle
transmet l’amour et l’acceptation du monde à un jeune homme
de vingt ans mal à l’aise dans un univers auquel il a l’impression de ne pas être adapté.
Maude donne une leçon de sagesse simple, vantant un rapport très direct avec les choses de la vie, avec les gens, les animaux, les plantes. Pour elle, toute expérience est un sujet de
curiosité et une aventure enthousiasmante ; même la mort n’est
pas à craindre, elle appartient au cycle naturel du bonheur d’être
au monde.
Travail complémentaire : pour évaluer la compréhension globale de l’œuvre, on peut aussi travailler sur la couverture de l’édition. L’analyse de l’illustration (composition, thématique,
couleurs, motifs) permet de mettre au jour plusieurs facettes de
l’œuvre.
Travail préparatoire pour la séance no 2 : on demande aux
élèves de relire la première scène de la pièce et de répondre aux
questions de la microlecture no 1 proposée dans le dossier de
l’édition.
Harold et Maude
13
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:08
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 14 — Z39751$$11 — 18.04
Séance no 2 : la scène d’exposition
Objectifs →
→
Supports →
→
Initiation au commentaire littéraire.
Compréhension du rôle de l’exposition théâtrale.
Acte I, scène 1.
Questions de la microlecture no 1 (dossier de
l’édition).
■ Une scène d’exposition
1. Quels éléments d’information sur le milieu social des personnages le dramaturge donne-t-il ici ? L’action se situe dans un
intérieur très bourgeois. On apprend dans la didascalie initiale
que les Chasen appartiennent « à la haute bourgeoisie américaine ». L’intérieur est raffiné, « le salon bien meublé », et
Mme Chasen, « élégamment vêtue », écoute de la musique classique. La présence de Marie, « la nouvelle femme de chambre »,
et d’une « cuisinière » confirme l’aisance sociale des occupants
de la maison. L’importance accordée à l’organisation du dı̂ner,
l’allusion aux soirées mondaines, la nécessité pour Harold de se
changer et de mettre une cravate pour dı̂ner sont les signes d’un
milieu où les apparences et les conventions sont importantes.
2. Que peut-on deviner de l’intrigue à partir de cette première
scène ? Dans cette première scène, l’intrigue se joue autour de
Mme Chasen et d’Harold. Dès le début, on comprend que les
relations entre la mère et son fils sont conflictuelles. Mme Chasen
s’offusque qu’Harold ne soit pas prêt pour recevoir le docteur.
Les remontrances (« Combien de fois t’ai-je dit de ne pas mettre
de chaussettes vertes avec des mocassins noirs ? Quelquefois,
j’ai l’impression de parler dans le désert. Est-ce que tu te rends
compte de l’heure qu’il est ? [...] Voici le docteur Mathews et tu
n’as même pas de cravate ») et les critiques (« Harold n’a aucun
savoir-vivre », « J’ai mille et un problèmes à résoudre et il ne s’est
même pas changé pour le dı̂ner ! »), mises en valeur par l’emploi
de tournures exclamatives, traduisent la mésentente entre les
deux personnages. La présence du docteur et l’évocation finale
du rendez-vous laissent imaginer que la personnalité d’Harold
sera un élément clé de la pièce. Les confidences de Mme Chasen
révèlent le désarroi qui s’empare d’elle quand elle considère son
14
Le théâtre – les genres et registres
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:08
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 15 — Z39751$$11 — 18.04
fils, qu’elle ne comprend plus : « Ce qui m’inquiète à présent,
c’est Harold. J’espère beaucoup que vous pourrez l’aider. Moi,
j’ai de moins en moins de contact avec lui. »
3. Qu’apprend-t-on sur Mme Chasen et sur Harold ? On sait
que Mme Chasen est une grande bourgeoise appartenant à un
milieu très aisé. Elle est veuve et est partagée entre les affaires
de son mari décédé, ses occupations mondaines et ses œuvres de
bienfaisance. Son fils unique Harold lui échappe, et son échec
à lui enseigner les bonnes manières la pousse à consulter le
docteur.
Harold, présent dans la scène et objet de la conversation de
Mme Chasen, est quasiment absent des répliques. Celui que
Mme Chasen qualifie de « peu bavard » se risque seulement à un
« timide bonsoir » adressé au docteur. Son intelligence et son
inventivité – héritées de son père – se manifestent dans le mécanisme inventé pour simuler sa pendaison : « [...] il se décide à
tirer sur un fil accroché à la corde. Dans un grand bruit de poulies qui grincent, il descend lentement vers le sol. »
■ Un début surprenant
1. Montrez que la scène s’ouvre et se clôt sur des images violentes. La scène s’ouvre sur l’image, en arrière-plan, d’un
pendu : « (Elles ne voient pas Harold, qui est pendu derrière
elles.) [...] (Marie se retourne pour répondre. Elle voit Harold
pendu et hurle. Mme Chasen arrête la musique et jette un regard
à la femme de chambre.) Pardon ? (Marie tend une main vers
Harold et garde l’autre sur sa bouche. Mme Chasen regarde dans
la direction que Marie lui indique et voit le corps de son fils
pendu). » La violence de cette ouverture peut surprendre, voire
choquer le public. Il en est de même pour l’image finale de décapitation d’Harold. La réaction de Marie – « pâle », « le souffle
coupé » –, qui découvre la tête du garçon gisant sur le chauffeplat, peut être celle du spectateur surpris par ce début
détonnant.
2. En quoi peut-on dire que la réaction de Mme Chasen est
étrange ? Son attitude calme et désinvolte contraste avec la gravité de ce que voient Marie et le public ; Mme Chasen ne s’inquiète pas mais, au contraire, s’agace, puis poursuit ses
instructions à Marie comme si de rien n’était. Au suicide de son
Harold et Maude
15
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:08
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 16 — Z39751$$11 — 18.04
fils, elle oppose un ensemble de futilités – les « mille et un problèmes [qu’elle doit] résoudre ». La surprise naı̂t du décalage
entre la situation et la réaction égocentrique de Mme Chasen.
3. En quoi la présence du thème de la mort et le mode de présentation d’Harold sont-ils étonnants dans une scène d’exposition ? L’exposition s’ouvre ici sur l’image violente de la mort :
cette ouverture utilise un motif que l’on retrouve traditionnellement dans le dénouement d’une tragédie, sans qu’il soit nécessairement représenté sur scène.
Si Harold apparaı̂t comme un personnage central de la pièce
– il est l’objet de la conversation entre la mère et le psychiatre
et son nom figure dans le titre de l’œuvre –, dans cette scène
d’exposition, il s’emploie à disparaı̂tre ; au lieu d’exister, il
tente de se tuer : sa présence s’exprime sur le mode de la négation, de l’absence. C’est une façon étrange d’introduire le héros.
On peut souligner la dimension symbolique de cette première
scène : la mort d’Harold en ouverture s’oppose à la vie qu’il
conquiert dans le dénouement, grâce à Maude. Il est possible
de voir dans cette image de dé-pendaison à laquelle se livre
Harold, le signe d’une (re)naissance à l’œuvre tout au long de
la pièce – en effet, la descente, en présence de la mère, ainsi que
le motif de la corde et du fil (tel un cordon ombilical), font
penser à une naissance.
■ Une scène comique
1. En quoi Mme Chasen apparaı̂t-elle comme un personnage
ridicule ? Le comique de la scène repose sur le caractère de
Mme Chasen. La pièce offre la satire d’un type : celui de la
bourgeoise, envahissante et futile, insensible et angoissée.
Mme Chasen est très soucieuse des apparences et du « savoirvivre », décidant le déroulement exact du dı̂ner. Ses répliques
longues et nombreuses, ainsi que ses prises de paroles qui interrompent le docteur, manifestent son caractère dominateur. Si
elle s’inquiète pour Harold, c’est parce que les cours de danse
qu’elle lui a offerts n’ont pas permis d’en faire un mondain, et
non parce qu’il a déjà plusieurs fois tenté de se suicider. Enfin,
ses confidences de veuve éplorée sonnent faux et prêtent à
sourire.
16
Le théâtre – les genres et registres
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:08
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 17 — Z39751$$11 — 18.04
2. D’où naı̂t le comique de situation ? Le comique de situation
naı̂t de la répétition des faux suicides et résurrections d’Harold
mais aussi du contraste entre les réactions des personnages.
Ainsi le pendu se réveille-t-il par miracle sous les injonctions
infantilisantes de Mme Chasen.
Le calme de Mme Chasen s’oppose à la stupéfaction de Marie.
Cette dernière finit par s’évanouir, alors que Mme Chasen et le
docteur paraissent plus « embarrassés qu’horrifiés ».
En outre, la mise en scène finale apparaı̂t aussi grotesque : la
fausse tête d’Harold est comparée à la tête de saint JeanBaptiste, présentée sur un plateau ; mais ici, la tête d’Harold a
pris la place de vulgaires « pâtés de crevettes » ! La présence de
« sang » et de « persil » porte à sourire ! Sujet grave, la mort est
traitée de façon comique : elle est un jeu de farces et attrapes
pour Harold.
Séance no 2 bis : exposition et incipit
On propose ici deux prolongements à l’étude de la première
scène d’Harold et Maude. On peut choisir soit d’approfondir la
notion d’exposition et d’initier les élèves à une étude comparative des textes d’un corpus (travail complémentaire no 1), soit
de mettre au jour les spécificités et contraintes du texte théâtral
à l’aide du début de la version romanesque d’Harold et Maude
(travail complémentaire no 2).
■ Travail complémentaire no 1
Objectifs → Répondre de façon synthétique à des questions sur
un corpus de textes.
→ Approfondir la notion d’exposition théâtrale.
→ Comparer théâtre classique et théâtre moderne.
Support → Corpus et questions de préparation du dossier de
l’édition (Molière, Le Médecin volant ; Alfred Jarry,
Ubu roi ; Paul Claudel, Le Soulier de satin).
1. Dans les textes de Molière et Jarry, quelles sont les informations qui vont servir à la compréhension de l’intrigue ? Trouvet-on ces informations dans le texte de Claudel ?
Harold et Maude
17
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:08
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 18 — Z39751$$11 — 18.04
Dans la première scène du Médecin volant de Molière, on
apprend par Sabine que son oncle souhaite marier sa fille à un
homme nommé Villebrequin. Mais la cousine de Sabine est
éprise de Valère, qui l’aime en retour. Pour retarder et empêcher
le mariage, Sabine apprend à Valère que sa bien-aimée joue la
malade afin d’être envoyée à la campagne. Là, Valère et sa dulcinée pourront se marier en cachette. Pour mener à bien ce projet,
Sabine recommande à Valère de trouver un faux médecin, qu’il
mettra dans la confidence de la ruse et qui confirmera la maladie
de la jeune femme. Sabine suggère à Valère de faire jouer ce
rôle de médecin à son propre valet. On sait donc d’emblée que
le nœud de l’intrigue reposera sur la tromperie : il faut déjouer
les ruses d’un vieillard avare pour faire triompher l’amour de
deux jeunes gens.
La première scène d’Ubu roi de Jarry apporte aussi un certain
nombre d’informations. On comprend qu’il s’agit d’une histoire
de complot, de coup d’État, de conspiration politique. En effet,
le père Ubu, capitaine de dragons, ancien roi d’Aragon, est
poussé par sa femme, mère Ubu, à tuer le roi de Pologne, un
certain Venceslas, pour pouvoir monter sur le trône.
Dans Le Soulier de satin de Claudel, l’exposition des fils de
l’intrigue est beaucoup moins évidente. En effet, si l’annoncier
expose des éléments liés au décor, et donc au cadre spatial, peu
d’informations explicites sont fournies sur l’intrigue, c’est-à-dire
sur l’histoire qui va être jouée. Le lecteur ou le spectateur ne
peut qu’émettre des hypothèses. L’évocation d’un vaisseau espagnol attaqué par des pirates, la description des cadavres qui jonchent le navire et celle d’un père jésuite attaché au mât laissent
penser à une intrigue mêlant religion et violence. Mais ces informations ne permettent pas d’identifier l’intrigue : d’ailleurs l’annoncier le dit lui-même de façon un peu provocatrice « [...]
essayez de comprendre un peu. C’est ce que vous ne comprenez
pas qui est le plus beau ». À la différence des deux autres scènes
d’exposition, l’entrée en matière de Claudel surprend le spectateur par le mystère qu’elle laisse planer sur l’intrigue.
2. Dans le texte de Jarry et dans celui de Claudel, quels éléments surprennent le spectateur habitué au théâtre classique ?
Dans la scène d’Ubu roi, c’est le langage qui provoque tout
d’abord la surprise chez le spectateur. Père Ubu et mère Ubu
18
Le théâtre – les genres et registres
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:08
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 19 — Z39751$$11 — 18.04
utilisent des termes grossiers, voire vulgaires : ainsi les termes
« Merdre » – le « r » ajouté à la fin du juron transforme ce dernier
en grognement ! – et « cul », et les expressions familières comme
« il a été dur à la détente », « gueux comme un rat », sont à
même de choquer, et ont choqué plus d’un spectateur en 1896.
De plus, la grossièreté semble peu adaptée au niveau social des
deux personnages : on imagine difficilement un roi et une reine
s’exprimer ainsi. Enfin, ce niveau de langue est d’autant plus
étonnant que, par ailleurs, père Ubu et mère Ubu utilisent des
tournures vieillies comme « vous estes un fort grand voyou »,
« rouler carrosses par les rues », et des jurons anciens comme
« Ventrebleu ».
Dans la pièce de Claudel, l’absence d’éléments de compréhension dans l’intervention de l’annoncier déconcerte le spectateur.
Effectivement, le personnage ne donne aucune information précise sur l’intrigue et sur les protagonistes principaux. De plus, il
détruit l’illusion théâtrale : il précise que les éléments sur scène
sont faux, indiquant qu’on les a bien représentés. À la fin de son
intervention, il surprend le public en utilisant des antithèses qui
renversent son horizon d’attente : « C’est ce que vous ne
comprenez pas qui est le plus beau, c’est ce qui est le plus long
qui est le plus intéressant et c’est ce que vous ne trouvez pas
amusant qui est le plus drôle. »
Ainsi, ces deux scènes sont originales puisqu’elles ne correspondent pas aux représentations traditionnelles d’une scène
d’exposition.
■ Travail complémentaire no 2
Objectifs → Comparer un texte narratif et un texte théâtral.
→ Mettre en évidence la spécificité et les contraintes
du langage théâtral.
Support → Extrait de la version romanesque d’Harold et Maude
et questions de lecture (dossier de l’édition).
1. Quels sont les points communs entre la scène d’exposition
(acte I, scène 1) et les premières pages du roman ? Les deux
textes commencent par la même scène : celle de la pendaison
d’Harold découverte par Mme Chasen. Suit un dı̂ner où la mère
Harold et Maude
19
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:08
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 20 — Z39751$$11 — 18.04
reçoit des amis, ou le docteur. Harold s’éclipse alors que sa
mère parle de lui, évoque sa ressemblance avec son père défunt
et son goût pour l’absurde, qui la déstabilise. Dans l’extrait du
roman, on devine le même milieu social que dans la pièce. On
lit la même satire de Mme Chasen, tyran maternel, bourgeoise
oisive et conventionnelle, et on voit apparaı̂tre et disparaı̂tre un
Harold soumis et timide.
2. Quelles sont les différences entre les deux textes ? Le texte
théâtral réunit moins de personnages.
Le genre théâtral fait uniquement voir que ce qui se passe
sur scène, contrairement au roman qui permet, comme ici, de
juxtaposer des actions qui se déroulent dans des lieux différents : alors que la scène 1 se déroule dans le living-room, l’incipit romanesque met en scène le suicide d’Harold dans le bureau
puis l’arrivée de Mme Chasen dans le hall.
Alors que les dialogues donnent toutes les informations nécessaires à la compréhension de l’intrigue dans la pièce, le roman
utilise la narration – récit d’événements racontés à la troisième
personne et au passé. La narration permet de connaı̂tre les sentiments des personnages contrairement au théâtre : l’extrait du
roman commence en focalisation interne, s’intéressant d’abord
à Harold puis à Mme Chasen : on suit successivement leurs
pensées, leurs sentiments et leurs sensations. Le texte théâtral,
lui, est composé uniquement de répliques accompagnées d’indications scéniques, les didascalies, nombreuses, qui traduisent
les sentiments et expriment les gestes des personnages.
Ces remarques pourront être réutilisées pour le travail de
récriture romanesque d’une scène théâtrale proposé à la fin de
cette séquence.
Travail préparatoire pour la séance no 3 : on demande aux
élèves de relire la scène 6 de l’acte I et de répondre aux questions
de la microlecture no 2 proposée dans le dossier.
20
Le théâtre – les genres et registres
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:08
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 21 — Z39751$$11 — 18.04
Séance no 3 : la philosophie de Maude
Objectifs → Initiation au commentaire littéraire.
→ Analyse du personnage de Maude et de l’initiation
d’Harold.
Supports → Acte I, scène 6.
→ Questions de la microlecture no 2 (dossier de
l’édition).
■ Maude : un personnage excentrique
1. Comment qualifier l’intérieur de la maison de Maude ? En
pénétrant dans la maison de Maude, Harold est surpris par le
désordre qui y règne : les didascalies signalent qu’il est « très
étonné », et que l’ensemble « le fascine ». Le living-room est un
joli capharnaüm : une didascalie parle de « fatras », et l’énumération d’objets hétéroclites qui réunit œuvres d’art, animal de zoo
et arbre justifie l’étonnement d’Harold. La pagaille souligne la
fantaisie de Maude, son peu d’attachement aux choses matérielles, « absolument indispensables, mais parfaitement inutiles »
selon elle.
2. En quoi le tableau peint par Maude et la machine à odorifiques expriment-elles l’originalité de la vieille dame ? L’extravagance de Maude se traduit dans le tableau qu’elle montre à
Harold et dont elle est l’auteur : son titre, Arc-en-ciel avec un
œuf au-dessous et un éléphant, qui peut faire penser à ceux des
œuvres de Salvador Dalı́, laisse perplexe et paraı̂t absurde ! De
même, la machine à odeurs (qui évoque le pianocktail de Colin
dans L’Écume des jours de Boris Vian) est surprenante : sa description met au jour l’étrangeté de l’objet, « une espèce de
machine qui ressemble à une boı̂te, peinte de vives couleurs, couverte de lumières et de boutons, avec une étrange petite pompe
sur le côté ». Le pouvoir de la machine paraı̂t aussi extraordinaire, mêlant parfums et odeurs les plus divers et inattendus.
3. Quelles sont les singulières fréquentations de Maude ?
Maude évoque le Grand Walter, généreux donateur d’un trousseau de clés bien fourni. Celui qu’elle surnomme Walter-laserrure et dont elle fait l’éloge doit être un voleur de haut vol,
comme en témoigne l’allusion à son séjour en prison.
Harold et Maude
21
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:08
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 22 — Z39751$$11 — 18.04
Dans le salon se trouve aussi « assis sur le piano » « un phoque
vivant ». Les caresses distraites qu’elle donne à l’animal, le dialogue surréaliste qu’elle noue avec lui et le surnom affectueux
qu’elle lui attribue sont d’autant plus étonnants qu’ils sont
énoncés avec un naturel déconcertant !
■ L’éloge de la liberté
1. Que pense Maude de la notion de propriété ? Maude est une
farouche adversaire de la notion de propriété : « N’est-ce pas un
peu absurde la notion de propriété ? [...] si certaines personnes
ont des ennuis parce qu’elles pensent avoir des droits sur
quelque chose, je ne fais que leur rafraı̂chir gentiment la mémoire. » Elle justifie sa position en affirmant que notre condition
de mortels devrait nous montrer la vanité de toute forme de
possession : « Vous êtes ici aujourd’hui, vous n’y serez plus
demain. Ne vous attachez à rien. »
Cette pensée, qui peut être rattachée à la mouvance hippie
qui a dominé les années 1960-1970, justifie l’emprunt de la
voiture du père Finnegan (acte I, scène 5) et le projet d’emprunter un camion pour aller replanter l’arbre.
2. Comment se traduit le goût de Maude pour la liberté ? La
mention des clés du Grand Walter permettant d’ouvrir presque
toutes les portes (la sienne est « toujours ouverte ») traduit son
goût pour la liberté. Son dégoût pour toute forme d’enfermement se manifeste lorsqu’elle libère le phoque et délivre l’arbre
asphyxié par la ville : « Les zoos sont pleins, les prisons débordent. Ah ! comme le monde aime les cages. » Elle fait aussi
l’éloge des oiseaux, derniers animaux sauvages et libres (« La
seule vie sauvage qu’on puisse encore voir ») et évoque ses
prouesses passées (« Autrefois, j’entrais dans les boutiques et je
libérais les canaris »).
■ L’éveil à la sensualité
1. Quels arts et quels sens sont évoqués dans la scène ? Dans
cette scène, Maude fait l’éloge des sens et des arts et montre
ainsi sa sensibilité et la variété de ses talents : elle sculpte et
peint, elle chante et danse.
22
Le théâtre – les genres et registres
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:08
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 23 — Z39751$$11 — 18.04
Maude associe la sculpture au toucher (« Que pensez-vous de
ma nouvelle sculpture ? [...] Je l’ai finie le mois dernier. C’était
ma période tactile ») et attribue à chaque art la satisfaction d’un
sens (« [...] il y a la peinture pour les yeux, la musique pour les
oreilles, la gastronomie pour la langue »). Sa volonté de contenter « le nez », délaissé par les arts, grâce à ses odorifiques, traduit
son épicurisme.
2. En quoi peut-on dire que Maude initie Harold à la sensualité ? Quelles sont les différentes réactions d’Harold ? Maude initie
Harold qui, pour peu de temps encore, paraı̂t soumis à sa mère.
À la différence de cette dernière, qu’Harold associe à un douloureux rendez-vous chez le dentiste, Maude initie le garçon aux
plaisirs des sens. La présence de nombreux impératifs, ainsi que
la démonstration didactique qu’elle fait à Harold de sa machine
à odorifiques traduisent son rôle d’initiatrice : « Prenez le temps
de toucher le bois. Explorez-le longuement », « Venez, je vais
vous montrer mes odorifiques », « Prenez-le comme cela. Et respirez très fort ». Elle l’incite à toucher, à voir, à sentir et à goûter.
Harold paraı̂t surpris et curieux devant cette « orgie » des sens,
comme le prouvent ses répliques toujours interrogatives. À la
fin de la scène, il semble convaincu : sa métamorphose se manifeste par le sourire qu’il esquisse.
Cette scène annonce également l’amour sur le point de se
nouer entre les deux personnages. D’abord étonné par le « fatras » de la maison, Harold est ensuite troublé par un tableau
qui représente Maude nue. Enfin, la remarque de Maude (« Je
suis sûre que nous allons devenir d’excellents amis ») et la promesse échangée de se revoir marquent le lien qui s’établit entre
les deux personnages.
Travaux complémentaires :
— Pour prolonger et approfondir l’étude de cet extrait, on peut
demander aux élèves de faire des recherches sur des conceptions
philosophiques du bonheur (épicurisme, stoı̈cisme par exemple)
et de lire, dans la présentation de l’édition, les lignes consacrées
au contexte culturel des années 1960-1970, qui expliquent la
pensée libertaire de Maude.
— On peut aussi faire lire la scène 9 du même acte, dans
laquelle Maude réaffirme son goût pour la liberté, la gaieté et la
sensualité ; un commentaire de cette même scène peut être proposé en guise d’évaluation finale (voir la fin de la séquence).
Harold et Maude
23
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:08
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 24 — Z39751$$11 — 18.04
Travail préparatoire pour la séance no 4 : on demande aux
élèves de relire la scène 1 de l’acte II et de répondre aux questions
de la microlecture no 3 proposée dans le dossier de l’édition.
Séance no 4 : la rencontre avec Rose
d’Orange
Objectifs →
→
Supports →
→
Initiation au commentaire littéraire.
Étude de différentes formes du comique.
Acte II, scène 1.
Questions de la microlecture no 3 (dossier de
l’édition).
■ Les relations mère-fils
1. Comment se traduit le caractère autoritaire de Mme Chasen ?
Mme Chasen est tyrannique. Les verbes exprimant l’injonction,
l’obligation (« J’exige », « il faut », « n’oublie pas »), et l’interdiction (« je ne veux pas »), ainsi que les interrogations (« Tu
m’écoutes ? », « c’est clair ? ») traduisent le caractère autoritaire
de cette mère qui ne laisse à Harold aucune liberté et qui va
jusqu’à organiser des rencontres pour le marier.
2. Quelle est l’attitude d’Harold face à sa mère ? Harold apparaı̂t comme un enfant très obéissant : il délaisse le banjo offert
par Maude lorsque sa mère paraı̂t. La répétition de la réplique
« Oui, maman » traduit sa soumission totale. Ses interventions
auprès de Rose d’Orange (« Comment allez-vous ? », « Une cigarette ? », « D’Orange, c’est votre vrai nom ? ») montrent, comme
le souligne la didascalie, qu’« Harold essaye vraiment de nouer
la conversation », appliquant les consignes strictes de sa mère
(« Il faut accueillir [cette jeune fille] avec courtoisie »). La suite
de la pièce donnera à voir un Harold qui se détache de la tyrannie de sa mère.
■ Le personnage de Rose d’Orange
1. Comment se manifestent la décontraction et la bêtise de Rose
d’Orange ? Son attitude désinvolte contraste avec la rigidité
conventionnelle de Mme Chasen : « Rose est grande, avec des
24
Le théâtre – les genres et registres
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:08
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 25 — Z39751$$11 — 18.04
cheveux roux, des bottes et l’air très dégagé de qui en a vu d’autres. » Cet air décontracté est confirmé par les réponses singulières de la jeune fille : au « Comment allez-vous ? » de
Mme Chasen, elle répond « Ça pourrait être pire ». De même,
les exclamations « Chouette ! » (l’interjection est répétée) et, surtout, « Quel pied ! » dénotent son manque de savoir-vivre, qui
se traduit aussi par des remarques déplacées sur l’intérieur des
Chasen, le compliment se transformant en critique, car la
comparaison avec le décor de Macbeth est peu valorisante ! La
bêtise de Rose s’exprime dans la comparaison qu’elle effectue
entre la cérémonie de hara-kiri et celle du thé.
2. En quoi ce personnage de comédienne est-il ridicule ? Étudiez notamment la définition qu’elle donne de son métier. Le personnage de Rose d’Orange donne lieu à une satire du type de
la comédienne. Son nom est comique par sa préciosité et il est
ridiculisé par le jeu de mots involontaire de Mme Chasen, qui
confond Rose d’Orange et Fleur d’Oranger ! Rose fait preuve
d’une prétention un peu grotesque : la noblesse de son nom de
scène contraste avec la connotation populaire de son vrai prénom, « Rosette ». Sa réplique « j’aime à le croire » manque de
simplicité et la raison par laquelle elle justifie l’abandon de la
guitare fait sourire (« une comédienne ne peut pas se permettre
d’avoir un instrument calleux ») !
À travers le personnage de Rose d’Orange, la scène offre une
satire de l’Actors Studio, l’école new yorkaise d’art dramatique
fondée en 1947, et de sa conception du jeu de l’acteur 1. La
métaphore qui compare le corps à un instrument, l’excès de la
méthode prônée par la jeune femme, qui la pousse à jouer jusqu’à se tuer, ainsi que les entreprises absurdes visant à moderniser les classiques – « Récemment, j’ai travaillé les classiques.
Shakespeare, Bernard Shaw. Surtout sa Cléopâtre. Je voudrais
la donner avec l’accent arabe » – dessinent les contours la satire.
1. Cette école fut longtemps le passage obligé de tous ceux qui voulaient se faire
un nom dans le monde du théâtre et du cinéma. La méthode enseignée prônait
une identification physique et psychologique totale de l’acteur avec son personnage, l’acteur devant puiser en lui-même émotions et affects.
Harold et Maude
25
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:08
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 26 — Z39751$$11 — 18.04
■ Une scène comique et absurde
1. Montrez que le suicide par hara-kiri d’Harold contribue au
comique de situation. Ce qui est annoncé comme une sorte de
démonstration se transforme en carnage. La didascalie souligne
la violence du geste : « Avec un cri asiatique, Harold plonge le
sabre dans son ventre. Il tombe sur ses genoux et, saignant abondamment, continue à s’éventrer jusqu’à ce qu’il s’écroule en
avant avec un dernier soubresaut. » Ce nouveau suicide intervient alors même que Mme Chasen avait interdit ce genre de
spectacle : « Je vais te laisser seul avec elle. Je ne veux pas revenir
ici pour la trouver en pleine hystérie, avec ton bras sous une
table ou ton crâne sur le tapis. C’est clair ? » Le comique de
situation naı̂t de l’écart entre ce qui est dit (la mise en garde) et
ce qui est fait.
De plus, la réaction de Rose est surprenante et drôle : alors
que les deux autres jeunes filles rencontrées par Harold ont
manifesté terreur et effroi devant les simulacres sanglants
d’Harold, Rose pousse un cri de joie et d’admiration : « Génial !
Absolument génial ! » Là encore, le comique naı̂t du décalage
entre la situation tragique et la réaction de la jeune fille.
2. Pourquoi est-il amusant que Rose rejoue une scène de
Roméo et Juliette ? Quelle est la réaction d’Harold ? La scène est
comique car Rose, qui rencontre Harold grâce à une agence
matrimoniale, joue la scène finale du drame de Shakespeare. Le
contraste entre le sublime de la scène shakespearienne et le
contexte plus prosaı̈que qui réunit Rose et Harold est saisissant.
En outre, la scène jouée pour cette première rencontre est celle
qui met un terme à l’amour impossible de Roméo et Juliette.
C’est au moment même où Rose vit véritablement son personnage qu’Harold sort du sien et revient à la vie. Les assauts réitérés de Rose-Juliette et la réaction du jeune homme sont
comiques.
3. Montrez que le comique repose sur l’absurde dans la didascalie finale. Le comique de l’absurde naı̂t d’une rupture de
l’ordre logique par des paroles ou des conduites affranchies de
toute logique, pouvant même aller jusqu’au non-sens.
La mort de Rose, qui comme Juliette se poignarde et reste
« sans vie », doit surprendre le spectateur comme elle laisse
Harold « très étonné » ; « Il est debout au-dessus du corps sanglant
26
Le théâtre – les genres et registres
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:08
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 27 — Z39751$$11 — 18.04
de Rose, ne sachant que faire ». Ce suicide abolit la frontière
entre réalité et jeu de scène : Rose joue le rôle de Juliette jusqu’à en mourir...
De même, l’incongruité de l’aspirateur dans cette scène tragique, l’impassibilité surprenante de la femme de chambre et la
surprise de Mme Chasen intriguent. Cette scène est comparable
à la scène 1 de l’acte I où les réactions sont inverses.
Enfin, la raison du cri de Mme Chasen est incongrue ; elle est
horrifiée moins par la mort de Rose que par l’échec du projet
de mariage avec la jeune femme : « C’était ton dernier rendezvous ! »
Travaux complémentaires :
— On pourra demander aux élèves de faire une synthèse sur
les différents types de comique à l’œuvre dans la pièce : elle
comportera une définition du comique de mots, de gestes, de
situation et de caractère, et un exemple tiré de cette scène.
— La lecture des scènes 7 et 10 de l’acte I, où apparaissent
les deux premières « fiancées » d’Harold, Sylvie Gazelle et Nancy
Marsh, ainsi que celle de la scène 4 du même acte, où Mme Chasen
répond à la place d’Harold au questionnaire de l’Agence
Matrimo-Flash, peut se prêter à des repérages variés des différents types de comique.
Séance no 4 bis : formes du comique
Objectifs → Répondre de façon synthétique à une question sur
un corpus de textes.
→ Repérer et analyser les différents types de comique.
Support → Corpus et question de préparation du dossier de
l’édition (Molière, Le Bourgeois gentilhomme ;
Georges Feydeau, On purge bébé ; Eugène Ionesco, La
Leçon).
En quoi ces trois textes sont-ils comiques ? Quelle critique de
l’enseignement ou du savoir chacun formule-t-il ? Chacun de ces
trois textes met en scène une situation d’apprentissage ou d’enseignement : l’objet du dialogue est le savoir. À travers un
Harold et Maude
27
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:08
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 28 — Z39751$$11 — 18.04
registre comique, ils offrent une vision critique de l’enseignement ou du savoir.
Dans Le Bourgeois gentilhomme, Molière, à travers le personnage du Maı̂tre de philosophie, fait la satire du professeur et
dénonce la vacuité de l’enseignement. En effet, le Maı̂tre de philosophie se montre prétentieux. Son ton sérieux et solennel
contraste avec la simplicité de la leçon donnée sur les voyelles.
Il veut « traiter cette matière en philosophe » mais interrompt le
cours après avoir enseigné à M. Jourdain les cinq voyelles : « Demain nous verrons les autres lettres, qui sont les consonnes. » Sa
leçon n’a rien de philosophique : il ne montre que « la différente
manière de prononcer toutes [les voyelles] ». Dès lors, les
répliques admiratives de M. Jourdain sont amusantes car
complètement injustifiées.
Dans On purge bébé, Feydeau se moque de Follavoine, qui
traite avec mépris Rose, sa servante ignorante. Follavoine
affiche sa supériorité qu’il tient, outre de sa position sociale,
de son prétendu savoir. Il interroge Rose comme le ferait un
professeur : « De la terre entourée d’eau, comment ça s’appelle ? » Cependant, la chute comique de l’extrait renverse la situation, selon le principe de l’arroseur arrosé et montre les limites
du savoir : celui qui prétend savoir ne sait finalement rien. C’est
ce que révèle l’incapacité de Follavoine à trouver les ı̂les
Hébrides dans le dictionnaire : « “Z’Hébrides... Z’Hébrides...”
C’est extraordinaire ! Je trouve zèbre, zébré, zébrure, zébu !...
Mais les Z’Hébrides, pas plus que dans mon œil ! [...] On ne
trouve rien dans ce dictionnaire ! »
Dans La Leçon, Ionesco critique le corps professoral à travers
le personnage du professeur qui apparaı̂t cruel et tyrannique. La
solennité de son conseil (« souvenez-vous-en jusqu’à l’heure de
votre mort... ») dramatise d’emblée le début du cours. Son autorité se traduit dans des remarques presque humiliantes (« N’étalez donc pas votre savoir. Écoutez, plutôt ») ou inflexibles
(« Taisez-vous. Restez assise, n’interrompez pas... », « C’est ça
mais n’interrompez pas »). Son absence d’écoute se manifeste
lorsqu’il parle de la langue, mais aussi lorsque l’élève se plaint
de souffrir physiquement : la réponse du professeur traduit son
manque d’humanité et de bienveillance : « Ça n’a pas d’importance. Nous n’allons pas nous arrêter pour si peu de choses.
Continuons... »
28
Le théâtre – les genres et registres
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:08
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 29 — Z39751$$11 — 18.04
Ainsi, chacun des dramaturges offre une critique de l’enseignement, de la pédagogie utilisée ou du professeur, mais aussi
du savoir souvent illusoire. Les dramaturges utilisent toutes les
ressources du comique : comique de caractère, de mots et de
situation.
Travail préparatoire pour la séance no 5 : on demande aux
élèves de relire la scène 7 de l’acte II et de répondre pour cette
séance aux questions de la microlecture no 4 proposée dans le
dossier.
Séance no 5 : le scandale du mariage
Objectifs →
→
Supports →
→
Initiation au commentaire littéraire.
Comprendre le rôle et l’évolution des personnages.
Acte II, scène 7.
Questions de la microlecture no 4 (dossier de
l’édition).
■ Les opposants à l’amour
1. Quels personnages s’opposent à la décision d’Harold ?
Comment cela se traduit-il ? Mme Chasen exprime de façon
explicite son opposition : « Il veut épouser cette octogénaire.
Je refuserai mon consentement. » Elle maintient fermement sa
position en la reformulant tout au long de la scène : « L’amour,
ce n’est pas ça, l’amour ! Non et non », « Il faut l’en empêcher ».
Sa colère se traduit par de nombreuses exclamations et par l’emploi de termes hyperboliques : « Elle est folle ! Complètement
folle ! Elle a quatre-vingts ans et elle veut épouser mon fils ! »,
« Bouleversée ! Je suis au bord d’une dépression géante ! ». Le
prêtre et le docteur insistent devant Harold sur l’état de
Mme Chasen ; celle-ci semble même physiquement éprouvée
(« Ah ! je suffoque », « Vous allez vous rendre malade, Hélène »).
La position des deux personnages invités par Mme Chasen à
se prononcer est similaire : le prêtre et le docteur jouent leur
rôle de garants de l’ordre et des bonnes mœurs en s’opposant,
eux aussi, au projet d’Harold. Le premier exprime son désaccord par une exclamation de surprise : « Sainte mère de Dieu ! »,
Harold et Maude
29
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:08
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 30 — Z39751$$11 — 18.04
tandis que le second, sans formuler explicitement sa désapprobation, la suggère en interprétant la décision d’Harold comme
un caprice d’adolescent en révolte.
2. Quelles raisons avancent-ils pour essayer de convaincre
Harold de renoncer à son projet ? Chacun des trois personnages
justifie sa position et tente ainsi de dissuader Harold d’épouser
celle qu’il aime.
Pour Mme Chasen, ce projet de mariage est le fait malheureux
de la folie d’une « octogénaire ». Les termes qu’elle utilise pour
parler de Maude sont dégradants : elle évoque les « charmes
de la sénilité », compare Maude à une « antiquité » et la qualifie
ironiquement de « princesse de quatre-vingts ans » ! Elle ne peut
concevoir l’amour entre un jeune homme et une vieille femme.
Pour elle, cette union est contre nature ; c’est la manifestation
d’une déviance, d’un vice qui transgresse l’interdit de l’inceste :
« Mais dites-lui que cette femme est assez vieille pour être sa
mère ! » Enfin, elle avance un argument – les rumeurs qui courront –, qui trahit à nouveau son appartenance à un milieu
bourgeois et très conventionnel.
Le docteur et le prêtre recourent à des arguments psychanalytiques qui nient tout fondement amoureux à cette union. Le docteur demande : « Harold, êtes-vous sûr que ce projet de
fiançailles n’est pas une autre forme de votre juvénile révolte ?
Après tout, vous avez reconnu que tous ces suicides n’étaient
qu’une espèce de mise en scène pour attirer sur vous
l’attention. »
Enfin, le prêtre, après un certain nombre de précautions un
peu jésuites (« Harold, l’église ne s’oppose absolument pas à
une union entre jeune et vieux. Chaque âge a sa beauté »),
affirme la vanité et la stérilité de ce mariage car « une union
conjugale a un but bien défini, la procréation ».
3. En quoi ces personnages paraissent-ils ridicules ? Mme Chasen
se ridiculise par son emportement excessif, proche de l’hystérie,
et par sa colère, alors que son souhait était de voir Harold
marié ! Ses arguments sont peu convaincants (motivés par
l’égoı̈sme et l’orgueil) et nourrissent la satire de cette mère
autoritaire.
Les deux autres personnages sont aussi mis à mal. Mme Chasen
ne cesse de solliciter ses deux acolytes qui semblent impuissants
30
Le théâtre – les genres et registres
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:08
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 31 — Z39751$$11 — 18.04
à l’aider : « Eh bien, dites quelque chose ! (Au prêtre.) Vous,
arrêtez-le ! », « Dites-lui, docteur. Mais dites-lui que cette femme
est assez vieille pour être sa mère ! », « Mais mon père, raisonnez-le. Il faut l’en empêcher ». Elle-même souligne avec ironie la
faiblesse de l’argument du docteur qui avance une interprétation
psychologique : « Du point de vue freudien, il renonce au suicide pour succomber aux charmes de la sénilité. Qu’est-ce
qu’une mère pourrait souhaiter de mieux ? » Le prêtre se ridiculise également : le trouble éprouvé par l’homme d’Église à l’évocation de l’amour charnel entre Harold et Maude est comique,
de même que la réplique qui suit du docteur.
■ La victoire d’Harold
1. Montrez qu’Harold a évolué. Sa résolution de ne plus jouer
à se suicider est le signe de son évolution : « Tout mon matériel,
je vais le jeter. Ma mère sera contente. » Ce renoncement à attirer l’attention de sa mère prouve que son attention se porte sur
quelqu’un d’autre, en l’occurrence Maude.
De plus, sa métamorphose se traduit dans son dialogue avec
sa mère. Harold manifeste froideur et détermination. Sa réponse
aux inquiétudes sur l’état de sa mère (« Je suis désolé de l’apprendre ») peut être lue comme une antiphrase ; et ses formules
« Mon père », « Ma mère » comme des marques de politesse distantes. De même, ses répliques courtes expriment la certitude
du bien-fondé de ses projets (« MME CHASEN. Mais où vas-tu ?
HAROLD. Épouser la femme que j’aime ») et son inflexibilité (« Il
faut que je m’en aille », « Je sors »). Celui qui paraissait jusqu’alors très timide et obéissant s’oppose à sa mère et la contredit. Cette opposition manifeste la résistance d’Harold face à la
tyrannie de sa mère et finalement sa libération.
2. En quoi peut-on dire qu’Harold sort victorieux de ce dialogue à quatre ? Le prêtre et le docteur échouent : impuissants à
convaincre Harold, ils quittent la scène. Harold, lui, triomphe
en réitérant à la fin de la scène son projet d’aller « épouser la
femme qu’il aime » et en sortant à son tour. Il a véritablement
eu le dernier mot !
Harold et Maude
31
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:08
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 32 — Z39751$$11 — 18.04
■ Jeux de mise en scène
1. Faites un schéma de la position de chacun des personnages
sur la scène.
Mme Chasen
en hauteur
Harold
Docteur
en hauteur
SCÈNE
Côté jardin
Côté cour
2. Comment interpréter la place et les déplacements des personnages dans l’ensemble de la scène ? L’originalité de cette scène
est qu’elle se déroule dans des « lieux simultanés », dans « la maison d’Harold, dans le bureau du psychiatre et à l’église ». L’impossibilité de représenter ces trois lieux oblige dramaturge et
metteur en scène à utiliser des expédients et à jouer sur le placement des personnages qui, dès lors, a un sens très symbolique.
La didascalie initiale donne une interprétation sur le sens du
placement des personnages : « Les personnages vont apparaı̂tre
aux quatre coins du théâtre, cernant en quelque sorte Harold qui
se tient au milieu de la scène. » Harold est bien l’objet de toutes
les attentions et les personnages sont là pour tenter de lui faire
renoncer à ses projets : il est donc au milieu et « cerné » pour ne
pas pouvoir échapper aux garants de l’ordre et des bonnes
mœurs. La « hauteur » sur laquelle se trouvent Mme Chasen et
le docteur peut traduire l’influence qu’ils ont eue sur Harold
et qu’ils veulent continuer à exercer sur lui. Le prêtre est peutêtre au milieu du public parce que sa réaction est celle de l’opinon commune : il est à la fois ému par cet amour et choqué par
l’idée de l’union de ces deux corps...
Les déplacements des personnages sont aussi pleins de sens.
Harold s’avançant marque sa détermination : il ne reculera pas
devant les assauts de ses opposants. Lorsque Mme Chasen
rejoint Harold et le docteur, elle manifeste le désir impérieux
de comprendre ce qui pousse Harold à épouser une femme de
quatre-vingts ans. Enfin, le départ du prêtre et du docteur traduit
leur impuissance face à Harold : ils quittent la scène parce qu’ils
n’ont plus rien à dire.
32
Le théâtre – les genres et registres
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:09
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 33 — Z39751$$11 — 18.04
Travail complémentaire : pour prolonger ce travail d’analyse
scénique, on peut demander aux élèves d’ajouter à cette scène des
didascalies complémentaires pour faciliter l’éventuel travail d’un
metteur en scène. Ils pourront imaginer le ton de certaines
répliques, la gestuelle qui les accompagne, les mouvements de
certains personnages, voire leurs costumes. Ce travail permet aux
élèves de réinvestir les analyses faites précédemment et au professeur d’en vérifier la bonne compréhension ; il peut aussi préparer
à une étude plus poussée des enjeux de la mise en scène (voir
séance no 8 : théâtre et mise en scène, initiation à la dissertation).
Travail préparatoire à la séance no 6 : on demande aux élèves
de relire la scène 8 de l’acte II et de répondre pour la séance no 6
aux questions de la microlecture no 5 proposée dans le dossier.
Séance no 6 : le dénouement
Objectifs →
→
→
Supports →
Initier au commentaire littéraire.
Comprendre la leçon du dénouement.
Repérer tonalités tragique et pathétique.
Acte II, scène 8, de « Il joue le premier couplet de la
chanson de Maude, avec quelques hésitations,
quelques erreurs » à la fin de la scène.
→ Questions de la microlecture no 5 (dossier de
l’édition).
■ Aveux amoureux
1. Montrez que cette scène est une scène de déclaration amoureuse. L’échange de présents est une façon indirecte de manifester son amour. Maude offre à Harold « une boı̂te » en « signe de
[son] affection ». De même, Harold lui présente un « écrin » qui
renferme une bague, symbole de son amour et de sa volonté de
s’engager. La réaction de Maude à ce cadeau est la joie : « Je
suis heureuse. On ne peut plus heureuse. Je ne pouvais imaginer
plus tendre adieu. »
La suite de la scène offre des déclarations encore plus explicites. Ainsi, Harold affirme son amour, dans une gradation
pleine d’émotion, à celle qui est en train de mourir : « Vous êtes
Harold et Maude
33
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:09
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 34 — Z39751$$11 — 18.04
tout pour moi. Je n’ai jamais dit ça à personne avant vous. Vous
êtes la première. [...] Je ne peux pas vivre sans vous. C’est vrai.
[...] Jamais ! Je ne vous oublierai jamais ! [...] Je vous aime... Je
vous aime. » Sa position à genoux devant Maude exprime
l’amour qu’il éprouve : « Il s’agenouille auprès d’elle », « Harold,
à ses genoux ».
L’aveu de Maude est plus discret. Elle appelle Harold auprès
d’elle (« Venez. Souriez-moi »), le remercie (« C’était une soirée
très agréable, Harold. Je vous remercie pour tout ») et, dans un
dernier souffle, traduit son bonheur d’entendre Harold lui dire
« Je t’aime » : « C’est merveilleux, Harold. » La caresse qu’elle
offre à Harold et le tutoiement qu’elle utilise dans son ultime
réplique traduisent son amour pour le garçon.
2. Montrez qu’Harold ressent un certain trouble puis une
grande inquiétude. Au moment où il offre la bague à Maude,
Harold est gagné par un trouble amoureux : la didascalie précise
que sa réplique doit être prononcée « non sans émotion ».
Mais lorsqu’il comprend le geste de Maude, une inquiétude le
gagne, qui se manifeste par la brièveté de ses répliques, l’inachèvement de ses phrases, interrogatives et exclamatives : « Quoi ?
Mais... Mais c’est... [...] Où est le téléphone ? Vite ! [...] Le téléphone ? Où est le téléphone ? [...] L’hôpital ?... C’est un accident. Une trop forte dose de somnifères. Une ambulance, vite...
726, rue Waverly... C’est ça... Dépêchez-vous ! C’est une question de vie ou de mort ! »
Ces gestes et mouvements traduisent aussi sa panique, comme
le montrent les didascalies.
■ Une scène tragique et pathétique
1. Quelle atmosphère domine au début de l’extrait ? À quel
moment repère-t-on un changement brutal ? Au début de l’extrait
la gaieté domine : alors qu’Harold « joue le premier couplet de
La chanson de Maude [...] Maude se lève pour chanter et danser.
Harold chante avec elle pour le refrain final, qui est brillant. »
Règne aussi le bonheur de la surprise : après la surprise de l’anniversaire, Maude est éblouie par les dons musicaux d’Harold
(« Stupéfiant ! Vous avez un vrai sens de la musique »), puis par
l’écrin que lui présente le jeune homme (« Encore une surprise ?
Vous n’auriez pas dû »). À cette joie légère, succède l’émotion
34
Le théâtre – les genres et registres
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:09
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 35 — Z39751$$11 — 18.04
des déclarations amoureuses. Mais cette ambiance joyeuse est
brutalement interrompue. Pour Maude, la bague que lui offre
Harold n’est pas le symbole d’une union éternelle, mais le signe
d’un « tendre adieu ». Elle avoue alors à Harold qu’elle a choisi
de mourir.
2. Analysez la façon dont est représentée et mise en scène la
mort. La mort de Maude est annoncée comme inéluctable et
proche : « À minuit, je devrais être loin », « J’ai choisi la date il
y a très longtemps. Quatre-vingts ans, c’est un bon chiffre ».
Les didascalies décrivent la progression de sa mort. Maude
est calme et apaisée. Sa mort apparaı̂t comme un passage doux
et heureux puisqu’elle « rit doucement » et « sourit ».
Enfin, la disparition de Maude est représentée matériellement
à l’aide d’un jeu de scène et de lumière.
3. Comment se manifeste la souffrance d’Harold devant la
perte de Maude ? Devant cette mort tragique, la réaction d’Harold évolue, soumise aux soubresauts de la douleur.
Il semble tout d’abord accablé. À la stupeur et à l’incrédulité
que dénotent les interrogations, succèdent la plainte (suggérée
par l’interjection « Oh ») et les pleurs.
Il alterne ensuite moments de calme et de colère : « (Très
calme, Harold laisse tomber sa veste et regarde autour de lui. Il
va vers le gâteau, vers le champagne et prend un verre. Mais
l’émotion devient trop forte. Elle finit par exploser. Jetant le verre,
il retourne la table, renverse les tournesols et, avec un cri de
chagrin, il arrache la banderole du mur. Il s’arrête en voyant
l’écrin. Le prenant dans sa main, il commence à pleurer.)
Maude... Oh, Maude... Les larmes coulent le long de ses joues.
Il s’effondre sur les coussins et, sanglotant comme un enfant
perdu, il enfouit son visage dans ses bras. »
La souffrance d’Harold est pathétique : le public éprouve
compassion et pitié pour celui qui perd celle qu’il aime au
moment même où il le lui avoue.
■ Le message final
1. Quelle image Maude donne-t-elle de la mort ? Comment la
conçoit-elle ? Pour Maude, le choix de sa mort relève de l’exercice de sa liberté. Elle est associée à un voyage : « À minuit, je
devrais être loin. » La force de Maude est d’accepter la mort,
Harold et Maude
35
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:09
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 36 — Z39751$$11 — 18.04
issue inéluctable de la vie : « Nous commençons à mourir dès
notre naissance. La mort n’a rien d’étrange. Rien de surprenant.
Non, Harold, je ne pars pas, j’arrive. »
La promesse d’Harold (« Jamais ! Je ne vous oublierai
jamais ! ») et le départ de Maude qui, morte, quitte la scène en
marchant, traduisent le triomphe de la vie sur la mort. De
même, lorsqu’Harold frappe le gong que Maude lui a offert et
qu’un mystérieux piano joue la chanson qu’elle lui a apprise,
nul ne doute de sa présence invisible. La vie et la joie qui
gagnent Harold à la fin de la scène évoquent aussi ce renouveau : Maude morte lègue la vie à Harold qui avait pour habitude de mettre en scène sa mort.
2. Quelles valeurs souhaite-t-elle aussi transmettre à Harold ?
Avant de mourir, Maude offre son testament spirituel à Harold.
Elle lui rappelle l’importance de la musique, « langage universel,
la grande danse du cosmos » (acte I, scène 12) qui permet « un
accord parfait » : « Vous avez un vrai sens de la musique. Ne le
perdez pas. »
Elle transmet un message d’espérance en donnant une image
apaisée de la mort. Cette conception se double d’un appel à la
confiance : « Il faut avoir confiance, c’est tout. Confiance... »
Enfin, elle exprime l’importance de l’amour : « C’est merveilleux, Harold. Aime encore. Et encore. Aime. » Parce qu’ils sont
formulés par Maude dans son dernier souffle, ces impératifs n’en
ont que plus d’importance.
Ces valeurs, Maude demande à Harold de les transmettre à
son tour. Elle le suggère lorsqu’elle donne à Harold son cadeau
– le gong chinois (« Ouvrez-le... et transmettez-le »).
Travaux complémentaires :
— On peut proposer aux élèves une recherche sur les couples
célèbres du théâtre.
— On peut aussi proposer une synthèse sur le personnage
d’Harold dans l’ensemble de la pièce à partir du questionnaire
suivant : 1. Comparez l’attitude d’Harold lors de la première
scène et lors de la dernière scène ; 2. Que lui apprend Maude ? ;
3. Analysez l’évolution des relations entre Harold et sa mère ;
4. En quoi peut-on dire que le parcours d’Harold est un parcours
initiatique ?
Travail préparatoire pour la séance no 7 : on demande aux
élèves de relire l’extrait du texte de Simone de Beauvoir dans le
dossier et de répondre aux questions qui l’accompagnent.
36
Le théâtre – les genres et registres
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:09
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 37 — Z39751$$11 — 18.04
Séance no 7 : la vieillesse en question
Objectifs → Réflexion sur la vieillesse.
→ Analyse d’un texte argumentatif.
Support → Extrait de l’introduction de l’essai de Simone
de Beauvoir intitulé La Vieillesse et questions de
préparation du dossier de l’édition.
1. Quelle leçon Bouddha tire-t-il de sa rencontre avec le vieillard ? Bouddha comprend que la vieillesse est une étape de la
vie de l’homme et fait partie de « son propre destin », chacun
portant en lui « la demeure de sa future vieillesse ».
2. Quelle réaction face à la vieillesse le locuteur condamnet-il ? Le locuteur condamne l’aveuglement des hommes qui font
de la vieillesse « un sujet interdit » car déplaisant.
3. Qu’est-ce qu’un vieillard selon Proust ? Proust soutient que
le vieillard n’est pas si différent de celui qu’il était avant de vieillir. Simone de Beauvoir reformule cette idée ainsi : « [les
vieillards] gardent les mêmes qualités et les défauts de l’homme
qu’ils continuent à être », et ainsi ils peuvent « [manifester] les
mêmes désirs, les mêmes sentiments, les mêmes revendications
que les jeunes ».
4. Contre quelles représentations stéréotypées de la vieillesse
s’insurge l’auteur dans le deuxième paragraphe ? L’auteur
évoque deux représentations contraires du vieillard. Il est soit
l’incarnation de la sagesse (« Ils doivent donner l’exemple de
toutes les vertus », « L’image sublimée qu’on leur propose d’euxmêmes, c’est celle du Sage auréolé de cheveux blancs, riche d’expérience et vénérable, qui domine de très haut la condition
humaine »), soit la représentation de la décrépitude de l’homme
(« vieux fou qui radote et extravague et dont les enfants se
moquent »). Pour l’auteur, ces deux images sont des « mythes et
clichés mis en circulation par la pensée bourgeoise » qui manifestent l’idée fausse que le vieillard est « un autre », et qui permettent de refuser à nos vieux « ce minimum qui est jugé nécessaire
pour mener une vie d’homme » et de « se désintéresser de leur
malheur ».
5. Quel passage de ce même paragraphe rappelle le jugement
de Mme Chasen, du prêtre et du docteur à l’égard du couple formé
Harold et Maude
37
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:09
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 38 — Z39751$$11 — 18.04
par Harold et Maude (voir acte II, scène 7) ? « Cela l’opinion
veut l’ignorer. Si les vieillards manifestent les mêmes désirs, les
mêmes sentiments, les mêmes revendications que les jeunes, ils
scandalisent ; chez eux l’amour, la jalousie semblent odieux ou
ridicules, la sexualité répugnante, la violence dérisoire. »
6. Quel paradoxe souligne Simone de Beauvoir dans le quatrième paragraphe à propos de la vieillesse et de la mort ? L’auteur montre que, paradoxalement, l’homme réalise mieux sa
mort que son vieillissement. Il a la conscience de la mort et la
lucidité de penser qu’« elle fait partie de nos possibilités », qu’« à
tout âge elle nous menace ». Au contraire, la vieillesse nous
paraı̂t un avenir « lointain » et « irréel » qui ne touche que l’autre
que nous serons devenus.
7. Quel souhait formule Simone de Beauvoir dans le dernier
paragraphe ? Elle pense qu’il faut accepter l’idée de notre vieillesse (« ce vieil homme, cette vieille femme, reconnaissons-nous
en eux ») ; ainsi, nous serons plus attentifs au sort que nous
réservons à nos aı̂nés (« Du coup, nous n’accepterons plus avec
indifférence le malheur du dernier âge, nous nous sentirons
concernés »).
Travail complémentaire : la discussion peut ensuite porter sur
la définition de la vieillesse et les différentes connotations qu’on
lui accorde, ou encore sur les différentes images que les médias
ou les arts offrent de la vieillesse 1.
On peut alors demander aux élèves si la vieillesse constitue
aujourd’hui encore, selon les termes de Simone de Beauvoir, un
sujet « tabou ».
1. On pense en particulier à une publicité pour une célèbre marque d’eau minérale « déclarée source de jeunesse de notre corps » qui mettait en scène des personnes âgées plongeant dans une piscine, au documentaire du Britannique
Stephen Walker intitulé I feel good ! sorti en salle en décembre 2008 qui suit à
travers le monde les « Young @ Heart », chorale formée par des résidents d’une
petite ville du Massachusetts âgés de soixante-quinze à quatre-vingt-treize ans, ou
encore à Septième Ciel, film d’Andreas Dresen sorti en novembre 2008 et qui
filme, sans tomber dans la provocation ni le voyeurisme, la passion charnelle
d’un couple âgé.
38
Le théâtre – les genres et registres
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:09
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 39 — Z39751$$11 — 18.04
Séance no 8 : de l’écran à la scène
Nous proposons ici trois travaux différents pour comparer ces
deux arts de la représentation que sont le théâtre et le cinéma.
On choisira l’activité en fonction des possibilités et du niveau
des élèves.
■ Activité no 1
Objectifs → Mettre au jour la spécificité de deux arts de la
représentation : le cinéma et le théâtre.
→ Travail de comparaison entre le film et la pièce de
théâtre Harold et Maude.
Support → Harold et Maude de Hal Ashby (1971), avec Ruth
Gordon et Bud Cort 1.
1. Un personnage important dans le film a été supprimé par
Jean-Claude Carrière dans son adaptation théâtrale. Lequel ?
Pourquoi selon vous ? Pensez-vous que cela soit pertinent ? Le
personnage de l’oncle Victor, militaire, frère de Mme Chasen, a
été supprimé. Personnage important dans le film, il disparaı̂t
totalement dans l’adaptation : peut-être à cause de son jeu outré,
voire caricatural. Il prive cependant la pièce de théâtre de scènes
comiques (son éloge de la vie militaire par exemple) et supprime
l’allusion aux mouvements antimilitaristes qui se développaient
dans les années 1970 aux États-Unis, en réaction contre la
guerre du Vietnam.
2. Certains passages du film ont été supprimés dans la pièce
de théâtre. Lesquels et pourquoi ?
Ont été supprimés : toutes les scènes avec l’oncle Victor ; les
scènes où Harold conduit son corbillard ; la scène où Harold va
chercher Maude qui pose nue dans l’atelier d’un peintre ; les
scènes où Harold et Maude volent plusieurs voitures puis la
moto du policeman qui les poursuit pour infraction au code de
la route ; la scène de cabrioles dans une prairie ; la scène dans
une fête foraine ; la scène de l’hôpital ; le dénouement.
1. Le film est disponible en DVD (Paramount Pictures, 2002).
Harold et Maude
39
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:09
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 40 — Z39751$$11 — 18.04
On peut justifier ces suppressions par les contraintes du genre
théâtral qui multiplie difficilement les décors et/ou par le sens
répétitif de ces scènes qui redisent l’amour d’Harold et Maude
et leur goût pour la liberté...
3. Analysez la fin du film. En quoi est-elle différente de celle
de la pièce ? Dans le film, après la mort de Maude (seulement
suggérée, contrairement à la pièce), Harold prend sa voiture et,
dans une course folle, monte jusqu’en haut d’une falaise. La
voiture se précipite dans la mer et s’écrase. On aperçoit ensuite
en haut de la falaise la silhouette d’Harold qui part en jouant du
banjo. Le spectateur est surpris et croit un instant au désespoir
d’Harold et à la réussite spectaculaire de cette énième tentative
de suicide. La voiture écrasée, que lui avait offerte sa mère,
signale qu’Harold « tue » symboliquement sa mère et se détache
enfin de celle-ci.
4. Quelle version avez-vous préférée ? Pourquoi ? On demandera aux élèves de donner des arguments justifiés. L’activité no 3
(ci-après) peut fournir des pistes de réponse.
■ Activité no 2
Objectif → Analyse d’image.
Support → Photographie tirée du film de Hal Ashby.
On demande aux élèves une description précise de la photo
tirée du film et reproduite dans l’édition, montrant Harold et
Maude sur une moto. On leur demande ensuite en quoi cette
photo est représentative de l’histoire d’Harold et Maude. Cette
image souligne l’union des deux personnages et l’audace de
Maude qui conduit la moto dérobée à un policier qui les poursuivait pour infraction au code de la route... On leur demande
à quelle scène de la pièce peut renvoyer cette photo : la présence
de la pelle est liée à l’arbre que Maude souhaite planter dans la
forêt (acte II, scène 3).
40
Le théâtre – les genres et registres
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:09
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 41 — Z39751$$11 — 18.04
■ Activité no 3
Objectifs → Réflexion sur deux arts de la représentation :
le cinéma et le théâtre.
→ Travail sur l’argumentation.
→ Rédaction d’un dialogue argumentatif.
La consigne est de faire dialoguer un partisan du théâtre et un
partisan du cinéma. Ce travail d’argumentation peut être mené
en module. La réflexion sur le cinéma, genre que les élèves
connaissent et dont ils sont familiers, permet de mettre au jour
de façon aisée les spécificités du genre théâtral.
Voici quelques éléments de correction :
Arguments en faveur du théâtre
— La beauté des salles de spectacles. Exemples : la ComédieFrançaise à Paris, le théâtre des Champs-Élysées ; leurs dimensions historique et esthétique, alors qu’une salle de cinéma n’a
aucun intérêt de cet ordre.
— Une véritable atmosphère au théâtre, avec la solennité des
trois coups qui signalent le début de la représentation et les
applaudissements qui marquent la fin de la pièce, accompagnés
du salut des acteurs : un vrai partage entre le public et les
comédiens.
— Un plaisir littéraire : aller au théâtre permet d’entendre de
beaux textes, tels ceux de Racine, de Corneille ou de Molière,
alors que, bien souvent, les dialogues d’un film n’ont pas d’intérêt littéraire.
— L’admiration de la performance : les comédiens jouent
chaque soir, doivent savoir par cœur leur texte. Ils n’ont pas le
droit à l’erreur, contrairement aux acteurs de cinéma qui peuvent rejouer leur scène.
— La diversité : les intérêts de la représentation et des mises
en scène ; chaque représentation est différente, cela dépend de
l’acteur, des réactions du public... Toutes les mises en scène
offrent une nouvelle vision du texte : même si c’est toujours
la même pièce avec le même texte, le spectacle est chaque fois
différent.
Harold et Maude
41
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:09
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 42 — Z39751$$11 — 18.04
Arguments en faveur du cinéma
— Un spectacle pour tous : une place de cinéma coûte beaucoup moins cher qu’une place de théâtre et il y a plus de salles
de cinéma que de théâtre. C’est un divertissement moins élitiste,
plus abordable.
— Une variété inégalée : des sorties de films toutes les semaines ; tous les genres (comédies, films de guerre, de science-fiction...) et des films étrangers ; un choix vaste alors que la
production théâtrale est plus limitée (un théâtre ne peut souvent
mettre à l’affiche qu’une seule pièce et monter une pièce étrangère nécessite un travail de traduction).
— Un spectacle plus divertissant et spectaculaire : le cinéma
n’est pas contraint par les limites du décor ; il fait voyager le
spectateur d’un lieu à l’autre, d’une époque à une autre... Il peut
enchaı̂ner les effets spéciaux... Ce qui est impossible au théâtre.
— L’art de la perfection : toutes les scènes sont jouées plusieurs fois et on ne garde pour le montage que la meilleure...
Une garantie de qualité.
Séance no 9 : théâtre et mise en scène
Nous proposons ici deux activités différentes pour aborder la
notion de représentation et travailler sur la mise en scène. On
choisira l’une ou l’autre en fonction du niveau des élèves et des
objectifs méthodologiques fixés.
■ Activité no 1
Objectifs → Réflexion sur la spécificité du genre théâtral, genre à
représenter.
→ Travail sur l’argumentation : arguments et exemples.
→ Initiation à la dissertation.
Sujet proposé : Le texte théâtral est-il suffisant en lui-même
pour montrer un spectacle ?
Il s’agit de montrer que la spécificité de l’œuvre théâtrale est
d’être une création collective et renouvelée à chaque mise en
scène.
42
Le théâtre – les genres et registres
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:09
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 43 — Z39751$$11 — 18.04
Le spectacle se construit tout d’abord à partir du texte théâtral, grâce aux répliques, aux dialogues qui fournissent des informations sur les éléments à représenter (intrigue, personnages...)
et grâce aux didascalies qui indiquent les jeux de scène voulus
par le dramaturge (gestes et mouvements, mimiques, intonations...).
Mais le metteur en scène fait des choix et traduit ainsi son
interprétation du texte. Le choix qu’il fait des acteurs manifeste
son analyse des personnages ; de même son travail sur le décor,
sur les costumes, sur les lumières ou encore sur le rythme sont
autant d’éléments qui traduisent le sens qu’il veut donner à la
pièce qu’il met en scène.
■ Activité no 2
Objectifs → Analyse d’image.
→ Réflexion sur le travail de mise en scène.
Support → Photographie de mise en scène reproduite dans
l’édition.
L’adaptation de Jean-Claude Carrière est étroitement associée
à la mise en scène réalisée par Jean-Louis Barrault et créée pour
la première fois à Bordeaux, puis jouée au théâtre Récamier à
Paris dès le 5 novembre 1973. Le succès de cette mise en scène
s’explique par sa finesse et sa vivacité mais aussi par l’exceptionnelle interprétation de Madeleine Renaud, Maude inoubliable
de gaieté et d’émotion.
Représentation de la scène 6 de l’acte II : la rencontre entre
Maude et Mme Chasen.
On peut commenter avec les élèves :
— Le placement des deux personnages : leur éloignement,
le fait qu’elles ne se font pas face traduisent la distance, voire
l’opposition des deux femmes.
— L’attitude de chacune des deux femmes : Mme Chasen est
assise, les genoux serrés, elle boit le thé de façon très distinguée ;
son attitude ainsi que son costume (un tailleur strict agrémenté de
fourrure) révèlent son appartenance sociale. Maude au contraire
est en peignoir japonais, assise à genoux à même le sol : elle manifeste par là le peu de cas qu’elle fait des conventions.
Harold et Maude
43
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:09
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 44 — Z39751$$11 — 18.04
— L’expression de Maude : avenante, son visage est tourné
vers Mme Chasen, elle semble même sourire, tandis que la mère
d’Harold a un sourire pincé et regarde le fond de sa tasse de thé
comme gênée, peut-être par la situation et le fait qu’elle est
assise sur une simple malle qui porte encore son étiquette (certainement celle du magasin des meubles Barkley) !
— Le décor : on retrouve les éléments donnés dans la didascalie ou qui ont une importance dans l’intrigue : « la maison est
vide, à l’exception d’une vieille malle et de quelques menus
objets » comme la théière qu’offrira Maude à Mme Chasen, ou
le tableau d’une femme nue pour lequel on apprendra à la scène
suivante que c’est Maude qui a posé. La porte de la maison
de Maude est représentée au fond à droite par un empilement de
cubes : cela permet des changements rapides de décor et représente la théorie de Maude sur la fragilité de toute possession.
Ce travail peut être mené sur les autres photographies de mise
en scène présentes dans l’édition.
Séance no 10 : évaluation, travaux d’écriture
■ Écritures argumentatives
— Vous êtes journaliste et, pour le supplément culturel de
votre journal, vous réalisez une interview de Jean-Claude
Carrière à l’occasion de la première représentation d’Harold et
Maude. Le dramaturge explique son œuvre. On pourra aider les
élèves en leur donnant les questions posées par le journaliste
– elles peuvent s’inspirer du questionnaire de lecture fourni au
début de la séquence et porter sur le travail d’adaptation à partir
du roman et du film.
— Faites un article critique de la représentation de la pièce
Harold et Maude le 5 novembre 1973. On rappellera aux élèves
que leur article doit comporter un titre et offrir un point de vue
argumenté sur la pièce.
44
Le théâtre – les genres et registres
NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 17-03-09 11:28:09
138933BLT - Flammarion - Fiche pédagogique - Harold et Maud - Page 45 — Z39751$$11 — 18.04
■ Écritures d’invention
— Récrivez sous forme romanesque la scène 7 de l’acte II
(microlecture no 4) avec le point de vue interne d’Harold.
— Dans la scène 2 de l’acte III, Maude semble avoir inventé
l’histoire des deux architectes. À votre tour, imaginez une autre
histoire, destinée à convaincre un personnage de votre choix,
pour illustrer l’idée qu’il faut construire plus de ponts que de
murs.
■ Commentaires de texte
— Acte I, scène 9 : la philosophie de Maude. On peut demander aux élèves de montrer que Maude à nouveau exprime sa
philosophie sur la vie ; qu’elle utilise pour cela des exemples,
sorte de petites paraboles ; enfin, qu’elle initie Harold.
— Acte II, scène 3, du début de la scène à « J’en découvre des
choses avec vous ! ». On peut demander aux élèves de montrer
que Maude perçoit de façon singulière l’environnement dans
lequel elle se trouve, qu’elle exprime à nouveau une leçon sur
la vie, dans une scène qui peut aussi paraı̂tre comique.
■ Dissertations
— Vaut-il mieux lire une pièce de théâtre ou en voir la
représentation ?
— Pensez-vous comme Eugène Ionesco dans son « Discours sur
l’avant-garde » (Notes et contre-notes, 1966) que le théâtre est
« le lieu de la plus grande liberté, de l’imagination la plus folle » ?
Laure HUMEAU-SERMAGE,
professeur de français au lycée Camille Claudel,
à Vauréal (Val-d’Oise).

Documents pareils