Responsabilisation à visage humain en éducation

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Responsabilisation à visage humain en éducation
Contents
Responsabilisation à visage humain en éducation
Responsabilisation à visage
humain en éducation
Services d’avancement de la profession
Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants
Ottawa
2004
Responsabilisation à visage humain en éducation
Responsabilisation à visage humain en éducation
Services d’avancement de la profession de la FCE
Bernie Froese-Germain
Recherche et rédaction
Sandra Lane-De Baie
Secrétaire et chargée de la mise en page
Noreen O’Haire
Directrice
Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants
2490, promenade Don Reid
Ottawa (Ontario)
K1H 1E1
Tél : (613) 232-1505
Sans frais : 1 866 283-1505
Courriel : [email protected]
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Page couverture conçue par Karen Steel, Service du graphisme de la
Fédération des enseignantes et enseignants de la Colombie-Britannique.
ISBN 0-88989-346-2
© 2004 par la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants
Tous droits réservés.
Responsabilisation à visage humain en éducation
Responsabilisation à visage humain en éducation
Table des matières
Introduction .............................................................................................1
Le mouvement vers la responsabilisation dans son contexte .......................3
Mondialisation et réforme de l’éducation axée sur le marché .......................3
La loi No Child Left Behind (aucun enfant laissé pour compte) :
la responsabilisation à l’américaine ...........................................................5
Diverses façons d’envisager la responsabilisation .........................................8
Culte du testage ou culture de la responsabilisation authentique................10
Testage standardisé =/ responsabilisation (ou ce que la responsabilisation
n’est pas) .................................................................................................13
Faire de l’évaluation en classe une priorité ...............................................21
Éducation publique, équité et démocratie ...............................................29
Ce qui marche – en salle de classe, à l’école et au-delà .............................33
Gestion responsable ................................................................................37
Responsabilisation partagée .....................................................................39
Accent sur la responsabilisation professionnelle .......................................45
Autonomie professionnelle ......................................................................45
Qualité et perfectionnement professionnel du personnel enseignant ............46
À propos de la responsabilisation à l’égard de soi-même ............................53
À propos des joies de l’enseignement .........................................................55
Vision de la FCE relative à l’éducation publique .....................................56
Obstacles au professionnalisme du personnel enseignant .........................59
Le corps enseignant est en faveur d’une responsabilisation accrue, sauf si... .65
Pour faire progresser la responsabilisation en éducation ...........................67
Bibliographie et autres lectures ................................................................71
Notes en fin de texte ...............................................................................81
ŒiŒ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Responsabilisation à visage humain en éducation
Introduction
…la forme de scolarisation qui déploie l’étendard des normes relève de la
même pensée déterministe que celle qui gouverne la restauration-minute.
[…] S’engager dans une réforme scolaire axée sur la normalisation signifie
créer un système d’écoles qui s’intéresse exclusivement au produit — les
résultats des tests — et non au processus de création d’expériences
éducatives.* (Holt, 2002, p. 268)
La responsabilisation (ou son absence) domine le débat actuel sur l’éducation
canadienne. Le Canada n’est pas le seul dans cette situation. Mawhinney (1998) fait
observer que de nos jours, dans quantité de pays industrialisés, la politique de la réforme
pédagogique est déterminée par une crise
apparente de la responsabilisation (p. 98).
Malheureusement, comme nous le rappelle
Le personnel enseignant appuie la notion de
Earl (2001), la responsabilisation — concept
responsabilisation lorsqu’elle est juste et
émotivement chargé — est rarement définie
équitable pour tous les élèves et qu’elle
avec clarté. Tous et toutes la trouvent
soutient l’enseignement et l’apprentissage.
souhaitable, mais sans trop savoir à quoi elle
ressemble ou comment elle fonctionne »
(p. 27).
Le présent document aborde ce concept du point de vue d’une organisation de
l’enseignement pour tenter d’y faire la lumière.
La Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants (FCE) a fait de la
responsabilisation en éducation une question prioritaire. Le présent rapport sur la
responsabilisation en éducation, qui s’inscrit dans la lignée des efforts constants exercés
pour voir clair dans les questions de tests standardisés, de classement des écoles, de
testage du corps enseignant et d’indicateurs de rendement étroits, a plusieurs objectifs :
• Mettre l’accent sur le fait que la responsabilisation à l’égard du public est un
principe fondamental de l’éducation publique.
• Montrer que la profession enseignante n’est pas, de toute évidence, opposée à la
responsabilisation mais bien à une « responsabilisation » étroitement comprise en
termes de résultats de tests, de systèmes de classement des écoles et de systèmes de
responsabilisation basés sur des récompenses et des sanctions. Les organisations de
l’enseignement estiment qu’il est temps de repenser le concept de responsabilisation.
Selon Kohn (2000),
appuyer l’idée de responsabilisation est bien différent de tenir les élèves
et le personnel enseignant directement responsables de rehausser les
notes des tests. Nous devons aider les gens à voir que le premier
n’implique pas nécessairement le second — et qu’en réalité une
insistance à courte vue sur les tests mine la véritable responsabilisation
et les normes authentiques.* (p. 46)
Œ1Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Le personnel enseignant appuie la notion de responsabilisation lorsqu’elle est juste et
équitable pour tous les élèves et qu’elle soutient l’enseignement et l’apprentissage.
• Examiner la responsabilisation en éducation et sa relation avec l’équité et d’autres
aspects afin de mettre en contexte et d’enrichir la compréhension que nous en avons
en tant qu’organisations d’enseignantes et d’enseignants.
• Contribuer à un contre-discours constructif sur la responsabilisation en éducation en
faisant ressortir les éléments d’un cadre global de responsabilisation. Ce cadre met en
évidence la responsabilisation partagée et la responsabilisation professionnelle
comme substituts aux modèles de responsabilisation « de marché » et de
responsabilisation bureaucratique.
Œ2Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Le mouvement vers la
responsabilisation dans son contexte
Mondialisation et réforme de l’éducation axée sur le marché
Parmi les grands changements dont nous sommes témoins en matière de politique
d’éducation figurent la prétendue « révolution de la responsabilisation », le choix de
l’école et la compétition entre les écoles, tendances qui sont étroitement liées. Il faut
comprendre de tels changements en éducation dans le contexte de la mondialisation
dictée par les entreprises, ce que Michel Agnaïeff1 a décrit comme la « seconde révolution
capitaliste ». Selon Agnaïeff, la mondialisation a accéléré la pénétration des valeurs du
marché dans des domaines où elles n’ont pas leur place.2
En conséquence, l’éducation en est venue à être traitée
comme un produit et l’éducation publique dépeinte
Le McMonde ne prospère pas quand
comme un échec pour l’avancement de la cause de la
les gens pensent avec leur propre
déréglementation et de la privatisation. Paradoxalement,
tête et pensent aux autres — deux
alors que l’éducation est universellement acclamée
comme étant la clé du succès dans une économie du
résultats importants d’une
savoir, l’éducation publique ne semble pas jouir du
éducation digne de ce nom.
même prestige et se trouve négligée dans le meilleur des
cas, et sapée dans le pire.
Empruntant le terme « McMonde » du théoricien politique Benjamin Barber pour
décrire un monde radicalement transformé par la mondialisation, Robertson (décembre
2002) affirme que le McMonde ne prospère pas quand les gens pensent avec leur propre
tête et pensent aux autres — deux résultats importants d’une éducation digne de ce nom.
Soutenir l’éducation publique et l’aider à lutter contre les forces de mondialisation est
peut-être le plus grand défi qui se pose actuellement au milieu de l’éducation.
Les demandes voulant augmenter la responsabilisation, particulièrement stridentes
aux États-Unis et au Royaume-Uni et ayant donné lieu à des mesures singulièrement
draconiennes, ont été utilisées par les décisionnaires pour justifier l’élaboration
d’objectifs mesurables étroits du rendement des élèves. Des tests standardisés ont été
administrés à grande échelle pour vérifier l’atteinte de ces objectifs, suivis de
l’établissement de classements et de la publication des notes moyennes de tests pour les
écoles et les districts scolaires. Cette façon « axée sur le marché » d’envisager la
responsabilisation, qui met l’accent sur la compétition, est conçue pour créer des
personnes gagnantes (quelques-unes) et des personnes perdantes (beaucoup plus
nombreuses), et elle aboutit à accroître les iniquités.
Dans sa présentation aux conférences Massey en 2001 intitulée The Cult of Efficiency
(le culte de l’efficacité), Janice Gross Stein a examiné comment la discussion sur
l’efficacité en matière de prestation de services publics comme l’éducation et la santé a
pris une place éminente dans la société post-industrielle. Elle a fait valoir avec raison
que :
Œ3Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
l’efficacité n’est pas une fin mais un moyen d’atteindre des buts
auxquels on tient... Quand on en fait une fin en soi, une valeur propre,
et qu’on la fait primer comme but de la vie publique, elle devient un
culte... quand le discours public sur l’efficacité se concentre
exclusivement sur l’aspect coût, le culte gagne encore en force.* (p. 6)
Que l’efficacité soit devenue un facteur aussi dominant dans la prestation des biens et
des services publics n’a pas de quoi surprendre. L’efficacité, la concurrence et la
privatisation sont les traits qui définissent le système de libre marché, et ce moule est
appliqué à beaucoup d’institutions publiques, y compris le système d’éducation. Comme
l’ont constamment souligné les organisations de la profession enseignante, le modèle de
marché en matière d’éducation, qui se fonde sur ces principes et vise impérativement en
bout de ligne à créer des profits, ne convient pas pour l’éducation des enfants. Eisner
(2003) dit que :
La réforme scolaire est menée selon un modèle compétitif à l’intérieur
duquel les notes des élèves constituent les données à classer par ordre de
grandeur. Que la compétition soit considérée comme une source de
motivation va bien sûr de pair avec les valeurs d’une économie
capitaliste. La conviction tacite est que si la compétition est bonne pour
les entreprises, elle est bonne pour l’école car celle-ci, en définitive, est
une entreprise commerciale et cette entreprise produit un rendement
d’élève mesurable.* (p. 654)
Comme l’ont constamment souligné les organisations de la
profession enseignante, le modèle de marché en matière d’éducation
ne convient pas pour l’éducation des enfants.
Si l’entreprise scolaire produit des résultats mesurables, qu’il s’agisse des élèves ou
d’autres aspects, alors les méthodes de mesure à retenir sont les « indicateurs de
rendement » et les « vérifications par sondage ». Dans son analyse de ce qu’il décrit
comme la technologie des systèmes de contrôle imposée aux services publics en général
et à l’éducation en particulier, Kuehn (2004) oppose le système d’indicateurs de
rendement, défini de l’extérieur — sans le concours de ceux qui participent au système
d’éducation, à une approche déterminée localement de dialogue démocratique dans
lequel la communauté scolaire définit les buts à atteindre (p. 57-59). Le premier est un
processus technocratique déterminé par le besoin de produire des chiffres, et qui part du
sommet pour descendre vers la base. Dans le cas de l’éducation, ces chiffres sont extraits
de plus en plus souvent de tests standardisés.
En tant que critique des tests à grands enjeux et de leur impact négatif sur l’éducation,
Alfie Kohn (2002), reconnu pour son franc parler, déclare carrément que :
Œ4Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Quiconque aurait pour objectif de mettre nos écoles à la merci du
marché aurait du mal à trouver une stratégie plus astucieuse que celle
d’insister pour que les écoles soient tenues « responsables » en les
soumettant à des tests standardisés l’un à la suite de l’autre.* (p. 116)
Certains ont décrit cette façon de responsabiliser comme consistant à étiqueter,
blâmer, humilier et abandonner. Dans un commentaire au sujet du classement de près de
3 000 écoles élémentaires de l’Ontario réalisé par le Fraser Institute3 en se fondant sur les
résultats de tests de l’Office de la qualité et de la responsabilisation en éducation
(OQRE), classement qui a été publié à grand renfort de publicité en juin 2003, Kohn
faisait la remarque suivante :
Si mon intention était de privatiser le secteur canadien de l’éducation,
je m’empresserais d’abord de promouvoir des tests standardisés, sachant
qu’ils ne manqueraient pas de faire voir de nombreuses écoles publiques
sous un jour défavorable, puis je rendrais public le classement pour
insister encore davantage, et enfin je me dirais stupéfait de voir à quel
point bien des écoles se sont montrées faibles, ouvrant ainsi la voie
aux bons d’études et aux autres solutions privées.* (Adam, 2003)
Les écoles privées arrivent invariablement en tête dans ces exercices pseudoscientifiques. Les politiques et pratiques de responsabilisation comme celles qui
consistent à classer les écoles à partir de résultats de tests, en plus de présenter des lacunes
sur le plan conceptuel et empirique4, ne tiennent pas compte de facteurs comme la
situation socio-économique de la famille et d’autres facteurs sur lesquels les écoles n’ont
aucune prise.
En vertu de la loi NCLB, les écoles qui ne réussissent pas à atteindre leur
objectif de « progrès annuels adéquats » s’exposent à diverses sanctions
comme l’intervention de spécialistes de l’extérieur, le remplacement du
personnel et la prise en charge par l’État, ou encore l’imposition du choix
libre de l’école ou les plans d’école à charte, ou encore le transfert
complet de la gestion de l’école à des entreprises du secteur privé.
La loi No Child Left Behind (aucun enfant laissé pour compte) : la
responsabilisation à l’américaine
La responsabilisation à l’aide de tests convient bien à un système d’éducation qui suit
les principes du marché et que motive toujours davantage le souci d’être compétitif sur le
plan économique mondial. Le testage standardisé stimule la concurrence parce qu’il
permet d’établir une distinction nette entre les personnes gagnantes et les personnes
perdantes. Dans son analyse du vaste projet de loi sur l’éducation « aucun enfant laissé
pour compte »5 proposé par l’administration Bush, Karp (2002) discute du recoupement
Œ5Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
entre la responsabilisation établie à l’aide de tests à grands enjeux et la privatisation ainsi
que la compétition entre les écoles (la loi comporte un certain nombre de propositions
en faveur de la privatisation). Il déclare que cette loi institue :
au niveau national des politiques qui ont déjà fait des ravages dans les
États : tests à grands enjeux punitifs, recours à une surveillance
bureaucratique comme moteur de la réforme scolaire et plans de
« responsabilisation » qui mettent d’avance les écoles en situation
d’échec et invoquent ensuite cet échec pour justifier le
désinvestissement et la privatisation.* (p. 3)
Les écoles qui ne réussissent pas à atteindre leur objectif de « progrès annuels
adéquats » s’exposent à diverses sanctions comme l’intervention de spécialistes de
l’extérieur, le remplacement du personnel et la prise en charge par l’État, ou encore
l’imposition du choix libre de l’école ou les plans d’école à charte, ou encore le transfert
complet de la gestion de l’école à des entreprises du secteur privé (Karp, 2002).
Décrivant pour sa part la loi bancale comme le cheval de Troie de l’éducation publique,
Rose déclare qu’elle est largement perçue dans le milieu de l’éducation comme un
stratagème pour remplacer les écoles publiques par un système fonctionnant à coup de
bons d’études et s’appuyant sur les entreprises privées (p. 2).
Dans le New York Times, Winerip (2003) mentionnait la tâche ingrate dévolue aux
cadres du ministère fédéral américain de l’Éducation chargés de défendre et de
promouvoir la loi « aucun enfant laissé pour compte » à travers le pays :
Comment défendre une loi qui désignera probablement comme
insatisfaisantes 85 p. 100 des écoles publiques sur la base d’un unique
test? …. Et comment défendre une loi qui exige des écoles que
100 p. 100 de leur effectif atteigne le niveau de compétence requis aux
tests d’État d’ici dix ans pour ne fournir ensuite qu’une fraction des
ressources nécessaires, au dire du personnel d’éducation de l’État, pour
aider les personnes pauvres, celles qui sont nées à l’étranger ou qui sont
handicapées à atteindre ces normes?*
Ce n’est pas gagné d’avance. De plus, comme on s’attend à ce qu’un grand nombre
d’écoles finissent sur les listes d’écoles « à faible rendement » ou « insatisfaisantes », il y
aura pénurie de « bonnes écoles » pour les élèves désireux de changer d’établissement, le
choix d’une école constituant un aspect important de la loi. Selon certains indices, cette
situation serait déjà en train de se produire.
Œ6Œ
Malgré les profondes répercussions de cette loi sur l’éducation de la maternelle à la
12e année, le peuple américain, en majorité, sait très peu de choses à son sujet selon un
récent sondage Phi Delta Kappa/Gallup. Et plus il en sait sur elle, moins il est porté à
l’appuyer. Rose et Gallup (2003) concluent que les réponses aux questions liées aux
stratégies associées à la loi indiquent qu’il est peu probable qu’une meilleure
connaissance de la loi renforce l’appui du public. Certains exemples bien précis en sont
une illustration (voir Rose et Gallup, p. 42-43) :
Responsabilisation à visage humain en éducation
• 66 p. 100 des personnes sondées croient qu’un test unique ne peut pas donner une
idée juste du besoin éventuel pour une école de s’améliorer. (D’après la loi, ce
jugement est établi à partir d’un test d’État annuel réalisé auprès des élèves de la 3e à
la 8e année.)
• Seulement 15 p. 100 des personnes sondées croient que des tests d’anglais et de
mathématiques peuvent à eux seuls fournir une idée juste du fait qu’une école doive
ou non s’améliorer alors que 83 p. 100 estiment que c’est impossible. (En vertu de la
loi, le seul et unique facteur qui détermine si une école a besoin d’amélioration est le
pourcentage d’élèves qui a obtenu les notes voulues aux tests d’anglais et de
mathématiques.)
La responsabilisation est devenue une facette hautement lucrative de la
florissante industrie de l’éducation. Ce n’est pas une coïncidence si les plus grands
protagonistes de l’industrie des tests figurent aussi parmi les plus grandes
maisons d’édition de manuels scolaires et de matériel de préparation de tests.
• 80 p. 100 des personnes sondées s’inquiètent beaucoup ou passablement de ce que le
fait de s’appuyer uniquement sur des tests d’anglais et de mathématiques pour juger
une école risque de diminuer l’accent mis sur des matières comme l’art, la musique,
l’histoire et d’autres. (D’après la loi, seules les notes obtenues en anglais et en
mathématiques servent à juger une école.)
• 66 p. 100 des personnes sondées croient que l’accent mis par la loi sur les tests
standardisés encouragera le corps enseignant à enseigner en vue du test, et 60 p. 100
pensent que ce serait là une mauvaise chose. (La loi oblige à faire passer des tests aux
élèves de la 3e à la 8e année, et dans au moins une année au secondaire.)
La responsabilisation est devenue une facette hautement lucrative de la florissante
industrie de l’éducation. Ce n’est pas une coïncidence si les plus grands protagonistes de
l’industrie des tests figurent aussi parmi les plus grandes maisons d’édition de manuels
scolaires et de matériel de préparation de tests.
Les entreprises qui s’occupent de tests et d’autres entreprises du secteur de l’éducation
commencent à récolter d’énormes profits par suite de l’adoption de la loi. Kronholz
(2003) note que les États rapportent déjà que des milliers d’écoles n’atteignent pas les
objectifs minimaux d’apprentissage et doivent affronter toute une gamme de sanctions.
Les entreprises qui vendent aux écoles — des maisons d’édition de tests aux services de
tutorat en passant par les fournisseurs de formation pédagogique — disent que les
affaires sont en plein essor car les districts scolaires en difficulté se tournent vers elles
pour obtenir de l’aide. En prévision de l’adoption de la loi « aucun enfant laissé pour
compte », la maison d’édition de tests ETS (Educational Testing Service) a pris
l’astucieuse décision d’élargir son entreprise en y ajoutant une nouvelle division portant
sur l’éducation aux paliers élémentaire et secondaire afin de tirer parti du grand marché
naissant des tests, qui devrait rapporter, l’an prochain seulement, 75 millions de dollars.
Œ7Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Diverses façons d’envisager la responsabilisation
Leithwood, Jantzi et Mascall (2002)6 décrivent plusieurs approches différentes
actuellement en vogue en matière de responsabilisation, notant que chacune se fonde sur
des hypothèses très variées sur ce qui ne va pas dans les écoles et sur la manière de
résoudre le problème, et que la plupart des stratégies de réforme à grande échelle
comportent des éléments puisés dans toutes ces diverses approches (p. 9). En plus des
formules axées sur les forces du marché, qui présument que les écoles sont des
bureaucraties monopolistiques qui s’amélioreront vraisemblablement quand elles seront
forcées d’entrer en concurrence pour s’attirer leur clientèle, en recourant, par exemple, à
la privatisation, aux bons d’études — y compris des mécanismes de crédit/déduction
d’impôt pour frais de scolarité —, au choix de l’école (p. ex. écoles à charte et écoles sans
limites de secteur géographique) et aux systèmes de classement, ils distinguent les
approches suivantes :
• approches axées sur la décentralisation — qui présument que les écoles sont trop
distantes de la clientèle qu’elles servent et qu’elles s’amélioreront quand cette
dernière participera davantage au processus décisionnel (p. ex. grâce à des conseils
d’école, à une gestion dans l’école même et à des profils d’école et de district).
• approches axées sur la professionnalisation — qui présument que les pratiques
professionnelles typiques ayant cours dans les écoles ne reflètent pas les meilleures
connaissances disponibles et s’amélioreront quand les écoles seront tenues de
respecter des normes plus élevées; en font partie le mouvement de normalisation en
matière de pratiques et de rendement des éducatrices et des éducateurs ainsi que
l’utilisation de normes prescriptives et de tests dans la sélection, la préparation et
l’évaluation du personnel enseignant.
• approches bureaucratiques axées sur la gestion — qui supposent que les écoles ne
sont pas suffisamment rationnelles et qu’elles s’amélioreront lorsqu’elles préciseront
leurs buts et seront plus systématiques à l’égard des stratégies à employer pour
atteindre ces buts; ces approches comprennent des mesures de contrôle à l’entrée
comme les tests de qualification des enseignantes et des enseignants, les permis
d’exercer et les processus de sélection; des mesures de contrôle du processus comme
les programmes-cadres et les méthodes de planification et de surveillance; des
mesures de contrôle des résultats comme les normes de contenu et de rendement des
élèves et les tests standardisés.
Les approches « éclectiques » ou mixtes combinent un contrôle centralisé moindre
(grâce à un mélange de gestion sur place à l’école, de planification en vue d’améliorer
l’école, d’une approche de quasi-marché à l’éducation) et un contrôle centralisé accru sur
l’éducation proprement dite (au moyen de cadres rigides de programmes, de tests ciblés à
l’échelle de la province / de l’État et d’inspections). Cependant, quand les grandes
décisions ont déjà été prises en haut lieu en matière de financement, de curriculum et
d’évaluation, les écoles et les associations de parents se retrouvent coincées entre l’arbre et
l’écorce — sans grand pouvoir mais avec de lourdes responsabilités.
Les politiques découlant de ces différentes approches — celles par exemple qui
préconisent le testage standardisé à grands enjeux et le classement des écoles en fonction
des résultats de tests — ont échoué parce que, selon Leithwood (2001),
Œ8Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
• Certaines pèchent par manque d’éthique en ce sens qu’on ne peut tenir des gens
responsables de choses qu’ils ne contrôlent pas ou ne contrôlent que partiellement.
(Ainsi, la Fédération des enseignantes et enseignants de la Colombie-Britannique
(FECB) (2002) souligne que le personnel enseignant ne peut pas être tenu
responsable de la diversité des élèves dans les classes, des décisions concernant les
programmes prises par le district, de la qualité du curriculum prescrit par la
province, de la suffisance des fonds provinciaux ou du nombre d’élèves dans des
classes préfabriquées.)
La FECB définit largement la responsabilisation en tant que responsabilité
du système d’éducation envers la communauté et l’intérêt public et vice versa,
affirmant qu’aux yeux des enseignantes et des enseignants, le but premier
de la responsabilisation en éducation est de répondre au contrat social
implicite entre la société et le système des écoles publiques.
• Certaines ne donnent pas les résultats attendus des décisionnaires — par exemple,
les politiques permettant le choix de l’école ont pour conséquence non
intentionnelle de rendre la situation encore plus inéquitable dans le secteur de
l’éducation.
• Certaines empêchent les élèves de se concentrer sur l’apprentissage le plus profitable
— en faisant primer par exemple les récompenses extrinsèques sur la motivation
intrinsèque.
• Certaines empêchent les membres de la profession d’enseigner aussi bien qu’ils le
pourraient.
• Beaucoup de politiques sont appliquées de manière inadéquate par les
décisionnaires.
Il conviendrait de se préoccuper davantage du fait que certaines de ces politiques
nuisent en réalité à l’enseignement et à l’apprentissage.
Kohn (1999) fait observer avec une certaine ironie que le terme « responsabilisation »,
utilisé dans la rhétorique de ceux qui préconisent des normes plus strictes et des tests
plus nombreux, est habituellement un mot code qui signifie l’exercice d’un contrôle plus
strict, par des personnes de l’extérieur, sur ce qui se passe dans la salle de classe — et
l’effet est à peu près le même que celui qu’une corde serrée autour du cou a sur la
respiration. Gallagher (2004) se sert de l’image d’un dispositif de télécommande pour
transmettre la même idée. S’appuyant sur les vues de Darling-Hammond, il croit que les
systèmes de responsabilisation qui s’emploient à concevoir des moyens de contrôle plutôt
qu’à développer la capacité sont voués à l’échec, notant que :
Œ9Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
… plutôt que de promouvoir la compétence des enseignantes et des
enseignants, de la mettre à contribution et de leur faire confiance quand
il s’agit de faire leur travail, les systèmes d’État concentrent pour la
plupart leurs ressources sur la création de dispositifs de télécommande à
travers lesquels les « spécialistes » — personnel administratif,
décisionnaires, autorités politiques, concepteurs et conceptrices de
programmes d’études, entreprises de production de manuels ou firmes
spécialisées dans les tests — fixent et mesurent de loin les priorités en
éducation.* (Gallagher, p. 353-354)
Culte du testage ou culture de la responsabilisation authentique
La responsabilisation en éducation consiste tout simplement à satisfaire le besoin qu’a
le public — y compris les parents — de savoir ce que font les écoles pour améliorer
l’apprentissage (ce qui comprend entre autres le rendement des élèves) et pour favoriser
la croissance et le développement des élèves, et dans quelle mesure elles parviennent à
bien faire ces deux choses. Sirotnik (2002) parle du défi que pose le fait de repenser la
responsabilisation — ou responsabilisation en éducation — comme consistant à
concevoir des moyens créatifs et utiles de montrer publiquement qui sont les élèves, ce
qu’elles et ils savent, ce qui les intéresse, ce qu’ils peuvent faire et ce qu’ils peuvent
devenir (p. 664). En général, répondre de ses actions peut signifier une simple
description et explication de celles-ci, mais peut aller aussi jusqu’au besoin plus exigeant
de les justifier (Leithwood, 2001).
Délaisser le culte du testage en faveur d’une culture de la
responsabilisation qui valorise et soutient l’enseignement et
l’apprentissage est l’un des défis auxquels nous devons faire face.
Dans sa politique sur la responsabilisation, la FECB (2002) déclare que :
La responsabilisation est un moyen par lequel les personnes et les
organismes assument la responsabilité de leurs actes de manière à
assurer à ceux et celles qui dépendent d’eux qu’ils ont mis en place
certaines mesures de protection propres à favoriser les bonnes pratiques
et à prévenir les mauvaises ainsi que les abus, certains recours en cas de
problèmes et une certaine garantie de traitement juste et équitable.*
La FECB définit largement la responsabilisation en tant que responsabilité du système
d’éducation envers la communauté et l’intérêt public et vice versa, affirmant qu’aux yeux
des enseignantes et des enseignants, le but premier de la responsabilisation en éducation
est de répondre au contrat social implicite entre la société et le système des écoles
publiques. Cet aspect démocratique de la responsabilisation est étudié par Simey (tel que
cité par Mahony et Hextall, 2000) qui maintient que :
Œ 10 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
... la responsabilisation n’est pas un mécanisme ni une routine mais un
principe. Qui plus est, c’est un principe qui vise un but précis. Dans
une démocratie, ce but est de servir de fondement à la relation entre la
société comme entité et ses membres, entre les personnes qui
gouvernent et celles qui consentent à être gouvernées. Le mot
« consentent » est à retenir comme particulièrement important.* (Simey,
1985, p. 17)
Les systèmes de responsabilisation qui reposent sur des scores de tests et un classement
des écoles débouchant sur des récompenses et des sanctions pour les élèves, le personnel
enseignant et les écoles traitent essentiellement la responsabilisation comme une forme
de punition. La profession enseignante s’oppose vigoureusement à cette approche
coercitive parce qu’elle mine l’équité et la qualité de l’éducation — autrement dit, elle ne
marche tout simplement pas. En même temps, les enseignantes et les enseignants
reconnaissent que la responsabilisation à l’égard du public est un principe fondamental
qui sous-tend l’éducation publique et croient fermement qu’il existe un meilleur moyen
de l’exercer.
Au symposium sur le testage standardisé de l’International Confederation of
Principals (Confédération internationale des directions d’école) qui a eu lieu à Ottawa
l’an dernier, Wayne Hampton, directeur d’une école élémentaire de l’Alberta, a parlé des
répercussions négatives des tests sur l’apprentissage des élèves. M. Hampton, qui a pris le
risque inhabituel (du moins au Canada) d’encourager les parents des élèves de son école
à boycotter les examens provinciaux de 3e, 6e et 9e année, a défini succinctement la
situation :
Je comprends la réalité politique. Il faut être en mesure de rendre des
comptes au public, je pense simplement qu’il y a un meilleur moyen de
le faire... Nous devons passer d’une culture du testage à une culture de
l’enseignement et de l’apprentissage.* (Cohen, 2003)
Délaisser le culte du testage dans lequel nous sommes actuellement englués en faveur
d’une culture de la responsabilisation qui valorise et soutient l’enseignement et
l’apprentissage est l’un des défis auxquels nous devons faire face. Nous posons donc la
question suivante : à quoi pourrait ressembler un cadre de rechange réfléchi et global
susceptible d’instaurer une responsabilisation authentique en éducation publique? À
notre avis, un tel cadre devrait incorporer un certain nombre d’éléments, dont nous
donnons un aperçu dans le présent rapport.7
Œ 11 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Œ 12 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Testage standardisé = responsabilisation
(ou ce que la responsabilisation n’est pas)
…compter ce qui se mesure et mesurer ce qui ne compte pas… risque
d’aboutir à une approche du genre « jeu-questionnaire » en matière
d’objectifs de l’éducation. (Rutledge, 2004, p. 6)
Reconnaître que le testage standardisé et le classement des écoles ne sont pas la voie à
suivre pour arriver à la responsabilisation et qu’ils en déforment même sérieusement le
concept, est une étape critique. Les problèmes que présentent les tests — leurs défauts
inhérents, les manières discutables dont les résultats sont utilisés pour prendre des
décisions importantes et les effets négatifs qu’ils ont sur l’équité en éducation — sont
décrits dans une abondante documentation.
L’opposition de la FCE aux tests à grands
enjeux naît d’un certain nombre de points et de
préoccupations (voir Froese-Germain, 1999).
Les tests standardisés sont inadéquats pour
évaluer l’apprentissage et le développement des
élèves et ce, pour maintes raisons, dont nous nous
contenterons de citer quelques-unes :
Le testage standardisé et le classement des
écoles ne sont pas la voie à suivre pour
arriver à la responsabilisation : ils en
déforment même sérieusement le concept.
• Les tests sont peut-être standardisés mais les élèves (de même que le personnel
enseignant et l’enseignement) ne le sont pas.
• Les tests standardisés ne saisissent pas de nombreux types de connaissances et de
compétences, ni d’importants atouts personnels.8
• Les tests standardisés mesurent typiquement le rappel de faits et de compétences
d’ordre inférieur et pénalisent la pensée d’ordre supérieur.9
• Les tests (leur préparation et le fait de les faire passer) accaparent des ressources et du
temps de classe précieux qui pourraient servir à l’enseignement.
• Les tests standardisés sont incompatibles avec les connaissances et idées actuelles sur
la nature de l’apprentissage et du développement des enfants.10
Les limites que présentent les tests à choix multiples11, le manque de correspondance
entre ce qui est enseigné et ce qui fait l’objet du test ainsi que la question de « l’étalement
des scores » sont des phénomènes bien connus dans le milieu des tests en éducation, mais
vraisemblablement quasi ignorés du parent ou de l’élève (voire de l’enseignante ou de
l’enseignant) moyen. Au sujet des conséquences de l’étalement des scores, Popham dit
(2002) :
Pour illustrer comment l’insensibilité pédagogique s’installe dans un test
standardisé de rendement produit selon les règles traditionnelles,
considérons les aspects qui, à l’intérieur du test, contribuent le plus à
étaler les scores. Les points du test auxquels seulement à peu près la
Œ 13 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
moitié des élèves réussissent à répondre correctement sont très efficaces
à cette fin, tandis que ceux auxquels une bonne part des élèves —
disons 80 p. 100 ou plus — donnent une bonne réponse n’aident pas à
l’étalement.
Par conséquent, les personnes qui élaborent des tests de rendement
standardisés du genre Alpha évitent d’emblée d’inclure dans un test les
points susceptibles d’entraîner des réponses justes, ou les retirent
presque certainement quand elles révisent le test. Les points auxquels la
plupart des élèves répondent correctement ne contribuent pas à étaler
les scores.
Mais il y a un mais : les éléments des tests auxquels les élèves répondent
bien couvrent souvent les sujets sur lesquels les enseignantes et les
enseignants ont insisté en classe. Plus le sujet est important, plus fortes
sont les chances que l’enseignante ou l’enseignant s’y attarde. Et
pourtant, meilleurs sont les résultats obtenus à des éléments qui ont fait
l’objet d’une attention particulière en classe, moins il y a de chances que
ces éléments figurent dans les tests. Par conséquent, il existe une forte
tendance à retirer des tests de rendement standardisés traditionnels les points
couvrant ce que les élèves ont appris de plus important à l’école.* [italique
ajouté par la FCE] (p. 19-20)
Non seulement cette situation est l’antithèse d’un bon enseignement et d’un
apprentissage efficace, mais elle va à l’encontre de l’intérêt des enfants pauvres ou
appartenant à une minorité. Les informations susceptibles de provoquer un étalement
des scores sont souvent le genre de connaissances acquises routinièrement par les élèves
dans leur contexte socio-économique.
L’Alliance for Childhood affirme que les tests à grands enjeux
peuvent nuire au développement de relations sociales et
d’attitudes positives face à l’école et à l’apprentissage.
Les effets des tests à grands enjeux sur la santé et sur le plan psychologique ont
commencé à attirer l’attention — si l’on en croit les rapports sur le stress et l’anxiété
créés par les tests chez les enfants — et il était grand temps que cela se produise. Les
professionnelles et les professionnels canadiens de la santé mentale se sont dits
préoccupés de la fréquence accrue des tests à grande échelle et de leurs répercussions sur
la santé (Simner, 2000), tandis qu’au Royaume-Uni, les parents rapportent des signes de
stress chez des élèves de sept et de onze ans causé par de tels tests à grande échelle dans
les écoles (Ward, 2003). En 2001, un groupe d’éminents psychologues, psychiatres et
éducatrices et éducateurs américains, par l’intermédiaire de l’Alliance for Childhood
Œ 14 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
(Alliance pour l’enfance), a émis une déclaration de préoccupation et lancé un appel à
l’action concernant les tests à grands enjeux, citant des preuves que ces tests pouvaient
nuire à la santé des enfants. Le groupe déclarait que :
…les niveaux de stress et d’anxiété liés aux tests se manifestent chez les
enfants sous forme de maux de tête, de maux d’estomac, de troubles du
sommeil, de problèmes d’assiduité, de comportements agressifs et de
dépression. La pression politique en vue d’augmenter encore ces tests
standardisés s’est exercée sans tenir compte des conséquences néfastes de
telles politiques pour la santé.*
Les anecdotes au sujet d’enfants en pleurs ou même vomissant sur leurs feuilles
d’examen — et les mesures que prennent certaines écoles dans cette dernière éventualité
— serrent le coeur.
La déclaration de l’Alliance for Childhood mentionne en outre que les tests à grands
enjeux peuvent nuire au développement de relations sociales et d’attitudes positives face
à l’école et à l’apprentissage. Il est difficile d’imaginer une issue plus désastreuse du
mouvement de responsabilisation que celle de détourner de l’apprentissage de jeunes
esprits fertiles.
Le testage à grands enjeux crée une situation dans laquelle des élèves qui
éprouvent des difficultés dans certaines matières ou qui ont des besoins particuliers
sont perçus comme une gêne car leurs scores peu élevés font baisser les moyennes.
Qui plus est, de graves questions d’équité et d’autres problèmes gravitent autour des
tests à grands enjeux (FCE, 2000; Froese-Germain, 2001) :
• Le testage à grands enjeux encourage « l’enseignement en fonction du test » au
détriment d’un enseignement visant un apprentissage réel, ce qui résulte en un
programme d’études sans cesse plus axé sur les tests12.
• La pression qui s’exerce pour améliorer les scores aux tests à grands enjeux donne
lieu à une situation où le rendement obtenu au test dépend de facteurs autres que la
connaissance du contenu.
• Le testage à grands enjeux sert de base pour prendre des décisions concernant le suivi
des élèves, le passage à la classe supérieure ou le maintien dans la même classe.
• Le testage à grands enjeux crée une situation dans laquelle des élèves qui éprouvent
des difficultés dans certaines matières ou qui ont des besoins particuliers sont perçus
comme une gêne car leurs scores peu élevés font baisser les moyennes (on
développera ce point un peu plus loin).
• Le testage à grands enjeux amoindrit l’importance accordée aux matières « non
testées », appauvrissant ainsi les programmes. Il accorde en revanche trop
Œ 15 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
d’importance à certains aspects des matières testées (mathématiques, langue,
sciences).
• Le testage à grands enjeux sert à prendre des décisions de financement et d’autres
décisions majeures concernant des écoles entières ou des districts scolaires complets.
• Le testage à grands enjeux tend à transférer le contrôle sur le curriculum à
l’organisme qui contrôle le test.13
Enfin, le testage à grands enjeux perpétue l’idée qu’une
bonne éducation est synonyme de notes élevées aux tests.
• Le testage à grands enjeux sert à prendre des décisions au sujet de l’obtention du
diplôme d’études secondaires et, dans certains cas, au sujet de l’admissibilité des
élèves à une aide financière postsecondaire. Le Test provincial de compétences
linguistiques (TPCL), test qui, au Canada, est sans doute le plus déterminant,
illustre ce propos. Le TPCL, dont le coût est estimé à 40 millions de dollars, est un
instrument grossier qui sert à déterminer qui pourra obtenir son diplôme de fin
d’études. Robertson (oct. 2002) fait observer que les compétences linguistiques sont
trop fluides et complexes pour pouvoir être jugées de manière aussi nette14. Plus de
73 000 élèves, estime-t-on, ont échoué au TPCL depuis 2001. Les élèves d’anglais
langue seconde auraient, selon les rapports, un taux d’échec à ce test plus élevé que
les autres (People for Education, 2002). Un groupe de parents et d’élèves de
l’Ontario menace d’intenter des poursuites contre le gouvernement relativement à ce
test, soutenant qu’il devrait être aboli parce que les enjeux qui y sont rattachés sont
trop élevés et parce qu’il est discriminatoire envers les élèves handicapés, ceux et
celles qui appartiennent à des minorités visibles et ceux et celles du volet des cours
appliqués (Alphonso, 12 décembre 2003).
• Le testage à grands enjeux fait fréquemment état de préjugés défavorables envers
certains groupes d’élèves. Nombreux sont les tests standardisés qui ont révélé des
traits subtilement (ou plus ouvertement) discriminatoires au sujet de la race, de la
langue, de la classe sociale et du sexe. La notion que les tests sont exempts de
préjugés est fausse parce que, comme le fait remarquer Ollman (2003), vu le
caractère du processus même, l’attitude des personnes qui produisent un test et la
variété de gens — issus de tant de milieux différents — qui le subissent, il est
impossible d’arriver à un test qui ne soit pas entaché de sérieux préjugés (p. 100101).
• Enfin, le testage à grands enjeux perpétue l’idée qu’une bonne éducation est
synonyme de notes élevées aux tests.
Bartlett (2001) décrit comment les tests standardisés ont un effet négatif
disproportionné sur les enfants pauvres et issus de minorités :
Lorsque les écoles obtiennent de piètres résultats aux tests, elles font
l’objet de pressions accrues pour privilégier davantage l’apprentissage
par mémorisation. Comme les écoles ayant un effectif pauvre ou formé
avant tout de minorités tendent à avoir les résultats les plus faibles, un
Œ 16 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
plus grand pourcentage du temps de classe sera consacré à un
enseignement axé sur la mémorisation… Ainsi, les élèves pauvres ou
appartenant à une minorité entrent dans un cercle vicieux d’éducation
médiocre et de tests punitifs.*
En plus de réduire la qualité de l’éducation que reçoivent ces élèves, la pression exercée
par les politiques de testage à grands enjeux aurait aussi pour effet, comme on
commence à le constater, d’accroître le taux d’abandon scolaire chez les jeunes
marginalisés (Sirotnik, 2002; Amrein et Berliner, 2002).
La pression exercée par les politiques de testage à grands enjeux
aurait pour effet, comme on commence à le constater, d’accroître
le taux d’abandon scolaire chez les jeunes marginalisés.
Faisant référence aux enfants ayant un handicap ou des besoins particuliers, Robertson
(décembre 2002) évalue en toute franchise comment l’équité est sacrifiée dans un
système concurrentiel où la responsabilisation repose sur les tests et — fait encore plus
important — comment il ne peut en être autrement vu la nature même du système :
Quand des résultats de tests moyens déterminent la valeur d’une école
et que les écoles sont classées de « meilleure » à « pire », tout enfant qui
obtient une note inférieure à la moyenne devient pour son école un
désavantage puisqu’elle ou il lui nuit sur le plan de la compétition. En
fait, les écoles qui servent les enfants ayant le plus besoin de l’éducation
publique sont pénalisées pour vouloir accomplir leur mission, même si
elles l’accomplissent bien ou avec intégrité.*
Robertson décrit ce phénomène comme étant une nouvelle forme de préjugé — le
préjugé à l’égard de ceux et celles qui risquent d’être vus comme un poids mort pour la
productivité éducationnelle.
Kohn (2000) soulève la question des éducatrices et des éducateurs qui deviennent
compétitifs et se mettent sur la défensive dans un contexte où les enjeux sont élevés; de la
pression subie pour rehausser les notes des tests, qui débouche sur des cas de tricherie; du
testage qui amène des enseignantes et des enseignants à se surspécialiser dans les sujets
visés par les tests à grands enjeux (comme les mathématiques et les sciences); du testage
qui rétrécit la conversation sur l’éducation en ce qui concerne les objectifs généraux de la
scolarisation et ce que les écoles devraient accomplir (p. 26-29). Il met également en
garde contre la tendance obsessive au testage qui pousse de bons membres de la
profession enseignante et des directrices et directeurs d’école à quitter l’enseignement, ce
qui est particulièrement critique à un moment où s’annonce une pénurie de membres de
la profession.
Œ 17 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Malgré tout ce que l’on sait sur les effets néfastes des tests standardisés, l’intérêt pour
ceux-ci reste élevé. Robert Linn, codirecteur du National Center for Research on
Evaluation, Standards, and Student Testing (Centre national de recherche sur
l’évaluation, les normes et le testage des élèves) de Californie, dit que les tests ont été et
demeurent un instrument de responsabilisation et de réforme populaire chez les
responsables des politiques et ce, pour plusieurs raisons (telles que citées par l’American
Federation of Teachers, 2003) :
• Les tests sont relativement peu coûteux et rapides à mettre en oeuvre si on les
compare à d’autres changements comme la réduction de l’effectif des classes ou
l’amélioration de la préparation et du recrutement du personnel enseignant.
• Les résultats des tests sont visibles et attirent l’attention des médias parce que,
comme le signale Linn, de faibles résultats l’année où un nouveau programme de
testage est introduit sont d’habitude suivis de notes plus élevées les années
ultérieures, donnant l’impression que les écoles s’améliorent.
• Les tests peuvent servir à favoriser indirectement l’introduction en éducation de
changements autrement difficiles à imposer par la loi; des résultats de tests entachés
d’erreurs peuvent entraîner de mauvaises décisions politiques.
Le testage rétrécit la conversation sur l’éducation en ce qui concerne les objectifs
généraux de la scolarisation et ce que les écoles devraient accomplir.
Selon Rhoades et Madaus (2003), auteurs d’un récent rapport sur la nature et la
portée des erreurs humaines dans le testage standardisé, l’attrait exercé par les tests — et
la tentative de quantifier en général le rendement — réside en grande partie dans le fait
que les nombres générés par un outil de mesure tendent à donner une apparence de
justice, d’impartialité, d’autorité et de précision (p. 5). D’après eux, cette façade nous
cache la « faillibilité des tests » :
Comme tout instrument de mesure qui procure des résultats chiffrés —
que ce soit une simple mesure de la pression sanguine ou un test de
laboratoire complexe —, les tests contiennent des erreurs. La confiance
dans leur précision est si généralisée qu’on n’admet pas leur faillibilité
inhérente.* (p. 5)
Œ 18 Œ
Les erreurs peuvent entraîner pour l’enfant de sérieuses conséquences, y compris,
comme nous l’avons déjà mentionné, le fait de devoir redoubler sa classe ou de ne pas
pouvoir obtenir son diplôme d’études secondaires. Parmi les conditions qui risquent de
produire des erreurs dans les tests figurent le fait d’instituer des programmes de tests sans
avoir suffisamment de temps pour évaluer l’opération et de précipiter la mise à l’essai des
questions, ainsi qu’un fort volume de tests menés en très peu de temps (p. 29). Les
auteurs font valoir que ces préoccupations doivent être replacées dans le contexte d’une
industrie du testage en grande partie non réglementée (avec le manque de surveillance
qui en résulte) ainsi que de l’extraordinaire expansion des tests à grands enjeux aux ÉtatsUnis en vertu des dispositions rigides de la loi « aucun enfant laissé pour compte ».
Responsabilisation à visage humain en éducation
En somme, la tendance à privilégier une responsabilisation basée sur les tests à grands
enjeux et axée sur les mesures et les résultats — qui traduit les résultats de tests
standardisés en récompenses et en sanctions à l’égard des élèves, du personnel enseignant,
des écoles et de districts entiers — réduit la responsabilisation à un jeu de nombres qui
entraîne de graves conséquences en cas d’échec.
Œ 19 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Œ 20 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Faire de l’évaluation en classe une
priorité
Une autre approche éviterait de faire des tests standardisés la cheville ouvrière de la
responsabilisation et mettrait l’accent sur l’importance d’une évaluation de qualité en
salle de classe, qui incorporerait des formes authentiques d’évaluation des élèves. Il
s’agirait, comme le décrivent Supovitz et Brennan (1997), d’une évaluation étroitement
intégrée au curriculum et à l’enseignement, conçue non seulement comme produit final
mais comme épisode d’apprentissage (p. 474).
Le thème de l’intégration trouve un écho dans le travail de l’Assessment Reform
Group (ARG)15 (Groupe de réforme de l’évaluation) du Royaume-Uni, qui insiste sur
l’importance de distinguer entre l’évaluation de
l’apprentissage et l’évaluation pour l’apprentissage. La
Une autre approche à l’égard de la
première relève de la pratique plus traditionnelle de
responsabilisation mettrait l’accent sur
noter le travail des élèves, puis de consigner les résultats
l’importance d’une évaluation de
et de les communiquer. L’évaluation pour
l’apprentissage est décrite comme étant le processus
qualité en salle de classe, qui
utilisé pour rechercher et interpréter des donnéesincorporerait des formes authentiques
témoins afin d’aider les apprenantes et apprenants et
d’évaluation des élèves.
leurs enseignantes et enseignants à décider où en sont les
premiers dans leur apprentissage, quel but ils doivent
viser et le meilleur moyen d’y parvenir.
Cette dernière approche trouve de bonnes assises dans la recherche. Une synthèse
établie à partir des résultats de plus de 250 études établissant un lien entre l’évaluation et
l’apprentissage concluait que les initiatives conçues pour appliquer plus efficacement les
résultats de l’évaluation faite en classe à l’amélioration de l’apprentissage peuvent
rehausser le rendement des élèves, les plus faibles en tirant le plus grand profit (ARG,
1999, p. 4; voir aussi Black et William, 1998). Les facteurs clés permettant d’améliorer
l’apprentissage au moyen des évaluations comprennent :
• la communication aux élèves de commentaires valables et opportuns;
• la participation active des élèves à leur propre apprentissage;
• l’ajustement de l’enseignement en fonction des résultats de l’évaluation;
• une reconnaissance de la profonde influence qu’exerce l’évaluation sur la motivation
et l’estime de soi des élèves, deux aspects qui ont des répercussions cruciales sur
l’apprentissage;
• la nécessité pour les élèves de pouvoir s’autoévaluer et de comprendre comment
s’améliorer.
Des signes indiquent toutefois que l’usage des évaluations en salle de classe pour
rehausser l’apprentissage des élèves est un point faible dans la pratique actuelle du
personnel enseignant au Royaume-Uni. La situation mériterait qu’on y prête une plus
grande attention dans les programmes de formation initiaux des enseignantes et des
Œ 21 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
enseignants et dans leur perfectionnement professionnel continu. Ici même au Canada, il
vaudrait la peine d’examiner dans quelle mesure le corps enseignant pratique l’évaluation
pour l’apprentissage et reçoit la formation et le soutien nécessaires pour ce faire.
L’ARG a dégagé, grâce à ses recherches, dix principes d’évaluation pour l’apprentissage
en vue de guider les membres de la profession dans leur travail en classe (ARG, 2002).
L’évaluation pour l’apprentissage :
1. fait partie d’une planification efficace de la part de l’enseignante ou de
l’enseignant;
2. se concentre sur la manière dont s’effectue l’apprentissage des élèves;
3. est au coeur de la pratique en salle de classe;
4. est une compétence professionnelle clé;
5. exerce un impact émotif;
6. influe sur la motivation de l’élève;
7. favorise l’engagement envers les buts de l’apprentissage et les critères
d’évaluation;
8. aide les apprenantes et les apprenants à voir comment ils peuvent s’améliorer;
9. encourage l’autoévaluation;
10. reconnaît toutes les réalisations.
Les évaluations en salle de classe sont conçues et effectuées par les
enseignantes et les enseignants, estimées d’après leur jugement
professionnel et utilisées dans le but de soutenir l’apprentissage des élèves.
Respecter le jugement professionnel du personnel enseignant sur ce que les élèves
savent et ce qu’elles et ils peuvent faire, et se fier à ce jugement, fait partie intégrante du
processus. L’évaluation en classe oblige aussi à trouver des moyens novateurs de
communiquer cette information aux élèves, au corps enseignant, aux parents et
l’administration, entre autres. Elle nécessite aussi d’écouter les enseignantes et les
enseignants — les spécialistes en pédagogie — lorsqu’ils font état des répercussions
qu’ont les tests à grands enjeux sur le désir d’apprendre des élèves ainsi que sur leur
propre professionnalisme à eux et sur le plaisir que leur procure l’enseignement.
Le programme de testage a de lourdes conséquences pour la population enseignante
sur le plan du jugement personnel et professionnel. La perte apparente de confiance du
public dans la capacité qu’ont celles et ceux qui travaillent dans les classes et les écoles —
donc le plus près des élèves — de prendre des décisions peut seulement être décrite
comme un paradoxe. Meier (2002) écrit que :
Œ 22 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
cette initiative de testage a amené les enseignantes, les enseignants et les
parents à se méfier de leur propre capacité à percevoir et à observer leurs
propres enfants... Quand ils n’estiment plus être en mesure de juger
directement de la capacité de lire d’un enfant, quand ils pensent que la
preuve indirecte des tests est plus crédible, alors je crains pour la
relation qui existe entre les enfants et les adultes dont elles et ils doivent
dépendre pour bien se développer. Je m’inquiète également quand les
enfants eux-mêmes sont incapables de nous dire s’ils lisent bien ou pas
avant d’avoir vu leurs notes. Je sais alors que l’un des objectifs d’une
bonne éducation — connais-toi toi-même » — s’est perdu.* (p. 198)
De par leur nature, l’enseignement et l’apprentissage
concernent fondamentalement les relations humaines
et, comme tels, reposent sur la communication et la
confiance. Meier et d’autres éducateurs et éducatrices
croient que le respect pour les nombreux jugements
humains portés chaque jour, et à chaque heure du
jour, dans les salles de classe individuelles constitue
l’essence même de la responsabilisation. Il ne faut pas
que cette confiance tombe victime du plan de
standardisation en éducation, du culte du testage.
Les recherches suggèrent que
les évaluations effectuées en
classe jour après jour par le personnel
enseignant sont l’un des outils les
plus puissants qui soient pour
améliorer le rendement des élèves.
Maints éducateurs et éducatrices croient qu’il est plus que temps de revaloriser
l’évaluation en salle de classe, particulièrement dans le climat actuel de réforme.
Brièvement, ces évaluations :
• sont conçues et effectuées par les enseignantes et les enseignants, et estimées d’après
leur jugement professionnel;
• servent à soutenir l’apprentissage des élèves (par exemple, fournissent aux élèves une
rétroaction informée sur leur travail);
• montrent ce que les élèves savent et peuvent faire.
Dans Education Week, Olson (2002) écrivait :
Peu importe leur forme — interrogations hebdomadaires, tests de fin de
semestre, questions de l’enseignante ou de l’enseignant, commentaires
et notes données aux devoirs, présentations orales, projets ou portfolios
—, les évaluations en classe sont le genre de mesures le plus commun,
et certains diraient le plus négligé, dans le domaine de l’éducation.
Alors que, de nos jours, l’attention du public est fixée sur les résultats
des programmes de tests à grande échelle, des recherches suggèrent que
les évaluations effectuées en classe jour après jour par le personnel
enseignant sont l’un des outils les plus puissants qui soient pour
améliorer le rendement des élèves.*
Œ 23 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Bien faire ce genre de travail est autant un art qu’une science. S’adressant aux
délégations présentes à l’Assemblée générale annuelle de la FECB en 1998, Elliot Eisner
a fait des réflexions sur la nature subtile, continue et organique de l’évaluation en salle de
classe — et sur le rôle central joué par l’enseignante ou l’enseignant dans ce processus :
L’évaluation individuelle dans le contexte de l’enseignement s’appuie
d’ordinaire sur une grande variété de points de données. L’enseignante
ou l’enseignant qui évalue le rendement d’une ou d’un élève voit celuici dans de nombreuses situations en classe et en dehors de la classe.
L’enseignante ou l’enseignant ne voit pas seulement le travail que
produit l’élève dans un certain domaine d’études, mais aussi la manière
dont l’élève réagit, la nature de son engagement, le genre de questions
qu’elle ou il pose et sa disposition à prendre des risques, à spéculer, à
faire preuve de ténacité. Le portrait tiré est riche et se constitue peu à
peu à mesure que passent les semaines et les mois.*
L’évaluation individuelle dans le contexte de l’enseignement s’appuie d’ordinaire
sur une grande variété de points de données. L’enseignante ou l’enseignant qui
évalue le rendement d’une ou d’un élève voit celui-ci dans de nombreuses situations
en classe et en dehors de la classe.... Le portrait tiré est riche et se constitue peu à
peu à mesure que passent les semaines et les mois.
Contrairement à l’évaluation à grande échelle, les commentaires qui découlent d’une
évaluation en classe sont pertinents et faits en temps opportun. Ils permettent au
personnel enseignant d’utiliser l’information pour adapter l’enseignement aux besoins
des élèves et à leurs styles d’apprentissage. L’information peut être transmise aux élèves et
aux parents par des moyens formels ou non, par exemple des bulletins, des entrevues
parent-enseignant, des conférences menées par les élèves, des portfolios d’apprentissage,
des visites de l’école et de la salle de classe, des sondages effectués auprès des parents et
des élèves pour connaître leur degré de satisfaction et leur niveau d’engagement (dans ce
dernier cas, il pourrait s’agir notamment d’évaluer à quel point les parents s’investissent
dans l’éducation de leurs enfants, par exemple en suivant leurs progrès et en les aidant à
faire leurs devoirs, en parlant aux enseignantes et aux enseignants, en participant aux
activités scolaires, etc.). La description que fait Eisner de l’évaluation en salle de classe est
conforme à l’idée suggérée par Bracey (2000) qu’un bon enseignement est situationnel,
que les classes diffèrent d’année en année et que les enseignantes et les enseignants
diffèrent d’année en année et de condition en condition (p. 189).
Le National Center for Fair and Open Testing (Fair Test) (Centre national pour un
testage juste et ouvert) définit l’évaluation authentique ou évaluation de rendement
comme étant un terme général servant à décrire une activité d’évaluation dans laquelle
les élèves construisent des réponses, créent des produits ou font des démonstrations
illustrant leurs connaissances et leurs compétences (Neill et al., 1997). Une telle
évaluation couvre une vaste gamme d’initiatives qui comprend, sans s’y limiter d’aucune
manière, ce qui suit : exposés oraux, débats, expositions, recueils de travaux écrits des
Œ 24 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
élèves, vidéos d’activités et autres expériences d’apprentissage, constructions et modèles et
solutions apportées par les élèves à des problèmes, expériences et résultats d’enquêtes
scientifiques et autres, observations des enseignantes et des enseignants et inventaires des
travaux et du comportement des élèves individuels et travaux de groupe (DarlingHammond, 1994, p. 5-6). Une autre évaluation peut incorporer l’autoévaluation des
élèves (par la voie de portfolios et autres mécanismes) ainsi que l’évaluation par les
pairs16.
Mesurer et évaluer l’apprentissage d’élèves dont les antécédents raciaux, ethniques et
sociaux sont divers est complexe parce qu’il faut prendre en considération les différences
en matière de langue, de culture et de style d’apprentissage. L’évaluation authentique est
perçue comme ayant le potentiel de compenser les aspects négatifs des tests standardisés
sur le plan de l’équité parce qu’elle permet aux enseignantes et aux enseignants :
d’incorporer une variété de méthodes pour diagnostiquer les élèves dont
les styles d’apprentissage ne coïncident pas avec le paradigme du testage
standardisé...et la flexibilité de permettre aux élèves d’être testés dans
différents genres de contextes est également conforme à la
documentation sur la diversité culturelle, qui suggère l’existence de
préférences culturelles relativement aux différentes façons de participer
aux activités en salle de classe.* (Supovitz et Brennan, 1997, p. 477)
Mesurer et évaluer l’apprentissage d’élèves dont les antécédents raciaux, ethniques
et sociaux sont divers est complexe parce qu’il faut prendre en considération les
différences en matière de langue, de culture et de style d’apprentissage.
L’enthousiasme suscité par l’évaluation authentique a toutefois besoin d’être quelque
peu tempéré, selon Hargreaves et al. (2002) qui mettent en garde contre le fait de voir en
elle le « saint Graal » du changement éducationnel (p. 90). En plus d’exiger, de par sa
nature même, beaucoup de temps et de travail (pour les élèves comme pour le personnel
enseignant), ce genre d’évaluation soulève des questions de fiabilité et de validité et
repose aussi sur le postulat que les enseignants et les enseignantes ont les compétences et
les connaissances nécessaires pour le mener à bien. Jetant un regard postmoderne sur
l’évaluation en salle de classe, Hargreaves et al. font valoir que dans le monde complexe
et incertain d’aujourd’hui, il est impossible de connaître à fond les êtres humains (p. 88),
ce qui pose un défi unique en matière de mesure et d’évaluation des élèves.
Il est raisonnable de penser que l’évaluation doit être compatible avec nos
connaissances les plus actuelles sur la nature de l’apprentissage et du développement chez
l’enfant, qu’elle doit évoluer avec ces connaissances et suivre la pédagogie progressiste. La
chercheuse américaine en éducation Lorrie Shepard (2000) soutient cependant que les
pratiques traditionnelles de testage, qui sont enracinées dans des théories behavioristes de
l’apprentissage et des mesures scientifiques dépassées, sont déphasées par rapport à un
paradigme naissant dans lequel l’enseignement est façonné par des théories
d’apprentissage constructivistes sur le plan cognitif et social et par de nouvelles idées au
Œ 25 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
sujet de l’évaluation. Ce manque de concordance crée une scission entre évaluation et
enseignement. Pour arriver à réconcilier ces deux aspects, Shepard recommande que la
recherche sur l’évaluation en salle de classe se concentre sur trois secteurs : les questions
de fiabilité et de validité; les effets de l’utilisation sociale-constructiviste de l’évaluation
sur l’apprentissage et la motivation; le perfectionnement professionnel du personnel
enseignant.
Le fait d’avoir la « queue » (les tests) qui commande à la « tête »
(le curriculum et l’enseignement) ne fera qu’entraver les efforts en
vue d’instituer des formes plus progressistes de pédagogie axées
sur un enseignement favorisant la compréhension.
La profession enseignante se heurte à des défis énormes en passant de la théorie à la
pratique constructiviste, une approche pédagogique qui incarne une façon d’aborder
l’enseignement et l’apprentissage centrée sur l’élève, fondée sur des enquêtes, dans
laquelle les enfants acquièrent essentiellement de nouvelles connaissances sur la base de
celles qu’elles et ils possèdent déjà.
Pour commencer, Casas (2003) relève l’incongruité flagrante, dans les programmes de
formation pédagogique, du fait que la compréhension qu’ont les élèves de l’approche
constructiviste de l’enseignement et de l’apprentissage soit évaluée au moyen de tests
standardisés, outil d’évaluation qui prend racine dans le behaviorisme. De même, selon
Windschitl (2002),
les défis les plus profonds qui se posent au corps enseignant ne sont pas
seulement associés à l’acquisition de nouvelles compétences mais au fait
de trouver un sens personnel au constructivisme en tant que base de
l’enseignement, de réorienter les cultures des salles de classe pour
qu’elles soient conformes à la philosophie constructiviste et d’affronter
un conservatisme éducationnel envahissant, qui va à l’encontre des
efforts faits pour enseigner en vue de promouvoir la compréhension.*
(p. 131)
D’après le sondage de la FCE sur les Dossiers nationaux en
éducation (2002), les Canadiens et les Canadiennes accordent
beaucoup de valeur aux évaluations faites en classe.
Le fait d’avoir la « queue » (les tests) qui commande à la « tête » (le curriculum et
l’enseignement) ne fera qu’entraver les efforts en vue d’instituer des formes plus
progressistes de pédagogie axées sur un enseignement favorisant la compréhension.
Il semblerait toutefois que la situation actuelle concernant les tests autorise un
optimisme prudent. En effet, certaines indications pointent en direction d’un soutien
croissant du public en faveur des évaluations menées par l’enseignant ou l’enseignante.
Œ 26 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
D’après le sondage de la FCE sur les Dossiers nationaux en éducation (2002), auquel
ont participé près de 2 300 personnes à travers le pays, les Canadiens et les Canadiennes
accordent beaucoup de valeur aux évaluations faites en classe. Dans un rapport
significatif de deux à un, ils ont déclaré que les évaluations du travail des élèves effectuées
par l’enseignante ou l’enseignant — et non les tests standardisés à grande échelle —
constituent le meilleur moyen de mesurer le rendement des élèves et celui de l’école.
Un sondage d’opinion sur la responsabilisation, effectué plus tard en avril 2003, a
donné des résultats semblables. Les personnes interrogées se sont dites en faveur des
évaluations faites par le personnel enseignant et non par testage standardisé dans une
proportion supérieure à deux contre un, les parents ayant manifesté le plus fort soutien
en ce sens (FCE, 2003; Schmidt, 2003). Le sondage a par ailleurs révélé que les notes
obtenues aux tests jouent un rôle relativement mineur dans la façon dont le public évalue
les écoles de la communauté. La population canadienne accorderait beaucoup plus
d’importance à des facteurs comme l’interaction entre personnel enseignant et parents, la
nature du curriculum, l’effectif des classes et la maîtrise qu’ont les élèves de la langue
d’enseignement. En réponse à la question « À votre avis, quelle est la plus importante
raison de mesurer le progrès des élèves à l’école? », les Canadiens et les Canadiennes ont
répondu sans équivoque — à huit contre un (et dans un rapport encore plus élevé chez
les parents d’élèves des écoles publiques) — que la raison la plus importante est d’évaluer
l’apprentissage des élèves et non de classer ou de comparer les élèves et les écoles.
Plus les parents en savent au sujet des solutions de rechange au testage
standardisé et plus ils en ont fait l’expérience, meilleures sont les chances qu’ils
les appuient (Kohn, 2000). Ainsi, sensibiliser davantage les parents et le public à
la nature des évaluations de remplacement doit être intégré à toute stratégie
visant à promouvoir une responsabilisation authentique en éducation.
Hargreaves et al. (2002) nous disent qu’une décennie d’expérimentation avec le testage
standardisé en Angleterre et en Australie mène à des attentes moins rigides en matière de
curriculum imposé et d’évaluations ainsi qu’à un retour à des solutions plus souples,
axées sur l’apprentissage et centrées sur les élèves (p. 73). Une réaction défavorable
croissante à l’endroit des tests standardisés, sous forme de protestations, de boycottage et
de poursuites en justice, se produit actuellement dans certaines parties des États-Unis17
de même qu’au Canada. En Angleterre, les membres de la profession enseignante
envisagent de boycotter en 2004 les tests nationaux du curriculum, ce qui éprouvera plus
que jamais, selon Hatcher (2003), la capacité du gouvernement d’imposer sa vision du
monde des affaires au secteur de l’éducation. Les parents d’élèves d’une vingtaine d’États
américains, selon des rapports, choisissent de protester en gardant leurs enfants à la
maison les jours où les tests ont lieu pour éviter de les y soumettre (Fisher, 2003). Selon
Sirotnik (2002), quand un nombre substantiel d’élèves de la classe moyenne et
supérieure commenceront à échouer aux examens de sortie rigoureux, les protestations se
feront, selon toute probabilité, beaucoup plus véhémentes (p. 672).
Œ 27 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Plus les parents en savent au sujet des solutions de rechange au testage standardisé et
plus ils en ont fait l’expérience, meilleures sont les chances qu’ils les appuient
(Kohn, 2000). Ainsi, sensibiliser davantage les parents et le public à la nature des
évaluations de remplacement doit être intégré à toute stratégie visant à promouvoir une
responsabilisation authentique en éducation.
Œ 28 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Éducation publique, équité et démocratie
La responsabilisation doit figurer parmi les multiples objectifs de l’éducation
publique. La Charte de l’Enseignement Public18, par exemple, met l’accent sur
l’importance pour le système d’éducation publique d’offrir aux apprenantes et aux
apprenants une éducation générale qui ménage une place au développement esthétique,
artistique, culturel, émotif, social, intellectuel, scolaire, physique et professionnel afin
qu’ils puissent trouver et vivre leurs espoirs, leurs rêves et leurs passions. Elle soutient
aussi qu’il faut favoriser la pensée critique de sorte que les apprenantes et les apprenants
aient les outils voulus pour devenir des citoyens du monde réfléchis et dotés d’un esprit
analytique. Eisner (2003) adopte une position plus philosophique, notant que :
nous devons nous rappeler que les écoles ont une fonction plus ample
et plus profonde [que de récolter des notes de test élevées] et que ce qui
compte vraiment, c’est ce que les gens font de leur vie quand ils peuvent
choisir d’accomplir ce qu’ils veulent. En réalité, je soutiendrais que le
but principal de la scolarisation est de permettre aux élèves de devenir
les architectes de leur propre éducation pour pouvoir s’inventer au
cours de leur vie.* (p. 652)
La responsabilisation doit figurer parmi les multiples objectifs de l’éducation
publique....et doit être tributaire d’une forte vision du rôle que doit jouer
l’éducation publique dans la formation d’une société démocratique .
Dans son document de travail sur la responsabilisation, l’Association canadienne des
commissions/conseils scolaires déclare que l’un des éléments clés d’un cadre de
responsabilisation est la nécessité d’atteindre un consensus sur les buts et les objectifs de
notre système d’éducation parce que trop souvent, quand des mesures de
responsabilisation sont mises en place sans qu’il y ait un consensus clair sur les buts, les
résultats mesurés ont très peu de rapport avec ce qui est important ou pertinent (p. 3). Il
ne semble y avoir en fait aucun consensus général sur les buts de l’éducation, mais la
direction des écoles est de plus en plus modelée par les visées du secteur économique et
du marché du travail.
En outre, un cadre de responsabilisation doit être tributaire d’une forte vision du rôle
que doit jouer l’éducation publique dans la formation d’une société démocratique, une
vision également nourrie des principes d’équité, d’accessibilité, d’universalité et de
qualité. Dans quelle mesure les écoles préparent-elles les élèves à devenir des citoyens et
des citoyennes dans un monde où le rôle de citoyen est souvent éclipsé par ceux de
travailleur et de consommateur ou confondu avec ceux-ci? Dans sa critique de
l’influence diffuse profonde qu’a le secteur privé sur l’éducation publique, une influence
qui prend une myriade de formes, Kohn (2002) déclare que :
Œ 29 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
…nous pourrions même aller jusqu’à dire que l’une des tâches les plus
cruciales, dans une société démocratique, consiste à limiter le pouvoir
qu’ont les entreprises de déterminer ce qui se passe dans les écoles*
(p. 119).
Les intérêts des entreprises et les forces du marché restructurent en fait les systèmes
d’éducation de manière très fondamentale. Faisant référence à l’incidence de la
mondialisation néo-libérale sur le système scolaire britannique, Hatcher (2003) relève
l’émergence de trois visions interreliées, quoique distinctes, qui ont un écho bien au-delà
des frontières de l’Angleterre et que favorisent les systèmes de responsabilisation basés sur
des tests :
• une vision du monde des affaires par rapport à ce que l’école devrait accomplir :
d’abord et avant tout, constituer un capital humain compétitif dans l’économie
mondiale;
• une vision quant à la façon la plus efficace d’y arriver : adopter le modèle de gestion
et d’exploitation du monde des affaires;
• une vision exposant ce que le monde des affaires lui-même devrait faire au sein de
l’école : ouvrir les systèmes d’éducation d’État aux sociétés privées d’éducation à but
lucratif.
Il y a fort à parier que les pressions qui s’exercent pour une libéralisation accrue du
commerce des services d’éducation au moyen d’accords commerciaux pro-privatisation
tels que l’AGCS et la ZLEA, ajoutées à l’expansion rapide de l’industrie mondiale de
l’éducation tributaire de la technologie — qui représente des milliards de dollars —,
feront avancer ces visions, menaçant par le fait même l’éducation publique.
L’équité doit être au coeur de tout projet d’éducation publique car les enfants
défavorisés ont encore plus besoin que les autres de bonnes écoles.
Pour ce qui est de la relation entre responsabilisation et équité, les divers partenaires
du secteur de l’éducation doivent assumer la responsabilité de fournir une éducation de
haute qualité à tous les enfants et, en particulier, être responsables de la qualité du service
offert aux élèves les plus vulnérables par le système d’éducation. L’équité doit être au
coeur de tout projet d’éducation publique car les enfants défavorisés ont encore plus
besoin que les autres de bonnes écoles. Grand défenseur de l’éducation publique,
Robertson (décembre 2002) soutient que :
les enfants n’ont pas tous besoin au même degré de l’éducation
publique. Si vous êtes un élève capable, physiquement apte, avec la
chance d’être né dans une famille aimante ayant les ressources
nécessaires pour remédier à une insuffisance quelconque dans votre
éducation; si vos parents savent comment défendre et faire valoir vos
intérêts; s’ils peuvent payer pour les activités sportives et musicales que
votre école a dû supprimer; si vous avez la chance d’être cet enfant, vous
Œ 30 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
pouvez survivre à un système scolaire en difficulté, à une enseignante ou
à un enseignant mal préparé à sa tâche ou à une pénurie de manuels. Si
vous n’avez aucun de ces avantages, une lacune dans l’éducation
publique n’est pas un inconvénient, c’est une tragédie dont vous risquez
de ne jamais vous remettre.*
Le sénateur américain récemment disparu Paul Wellstone, autre voix éloquente en
faveur de l’éducation publique, a exprimé son opinion sur la dure réalité des tests à
grands enjeux dans une allocution prononcée à New York il y a quelques années :
C’est tout simplement faire preuve de négligence que de forcer des
enfants à subir un test et de s’attendre à ce que les plus pauvres,
défavorisés sur tous les plans, obtiennent d’aussi bons résultats que ceux
qui jouissent de tous les avantages possibles. En agissant ainsi, nous
tenons les enfants responsables de notre propre inaction et de notre
réticence à tenir nos propres promesses et à remplir nos propres
obligations. Nous confondons leur échec avec le nôtre.* [italique ajouté par
la FCE] (Wellstone, 2002-2003, p. 6)
Il y a une connotation satirique dans le fait de vouer à l’échec les enfants les plus
vulnérables et de les blâmer ensuite d’avoir échoué. Ohanian (2002) mentionne une
situation précise survenue à Birmingham, en Alabama, dans laquelle plus de 500 élèves
afro-américains ayant un rendement médiocre ont été renvoyés de leur école secondaire
juste avant un test d’État à grands enjeux. Comme il fallait s’y attendre, les notes du
district ont monté parce que, comme le fait remarquer Ohanian, le moyen le plus facile
de relever les notes est de s’assurer que les élèves les plus faibles ne se présentent pas au
test et, incidemment, le surintendant a eu droit à une prime. De cette histoire et de
nombreuses autres sur les effets profonds et destructifs des tests, elle dit :
Il arrive parfois que les événements de la vie émoussent notre capacité à
reconnaître le côté satirique des choses. Peut-être même que la satire au
sujet des écoles, au vingt et unième siècle, n’est plus possible.* (p. 315)
C’est tout simplement faire preuve de négligence que de forcer des enfants à subir
un test et de s’attendre à ce que les plus pauvres, défavorisés sur tous les plans,
obtiennent d’aussi bons résultats que ceux qui jouissent de tous les avantages
possibles. En agissant ainsi, nous tenons les enfants responsables de notre propre
inaction et de notre réticence à tenir nos propres promesses et à remplir nos
propres obligations. Nous confondons leur échec avec le nôtre
nôtre.
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Responsabilisation à visage humain en éducation
Œ 32 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Ce qui marche — en salle de classe,
à l’école et au-delà
Quand nous tentons de répondre à la question « responsabilisation par rapport à
quoi? », un cadre de rechange doit être façonné par ce que nous savons sur les facteurs
qui favorisent le succès des élèves et qui font les bonnes écoles. Trop souvent, l’idéologie
politique éclipse les résultats de la recherche.
Un cadre différent de
En réalité, il existe un corpus croissant d’études de
responsabilisation doit être façonné
haute qualité menées dans le secteur de l’éducation sur
par ce que nous savons sur les facteurs
ce qui marche dans la salle de classe, à l’école et en
dehors de l’école (Leithwood, décembre 2002). Parmi les
qui favorisent le succès des élèves et
choses qui importent en salle de classe, mentionnons un
qui font les bonnes écoles.
effectif peu élevé19, surtout à l’élémentaire, et la qualité de
l’enseignement et du personnel enseignant, ainsi qu’une
éducation de haute qualité pendant la petite enfance de même que des soutiens et des
services pour les élèves ayant des besoins particuliers. Une culture de collaboration, un
perfectionnement professionnel intégré dans l’école, un climat sûr et sécuritaire pour
tous les élèves, un leadership scolaire efficace et une école de dimension réduite figurent
parmi ce qui compte le plus dans l’environnement scolaire.
Les responsables canadiens des politiques font fi des conclusions de
dizaines d’années de recherches qui montrent pourquoi les bibliothèques
scolaires et les enseignantes-bibliothécaires et enseignants-bibliothécaires
qualifiés sont un élément essentiel du programme de chaque école.
Les bibliothèques scolaires, décimées par des années d’insuffisance de fonds20, jouent
également un rôle important dans l’apprentissage des élèves. Haycock (2003), dans un
rapport de recherche réalisé à la demande de la Canadian Coalition for School Libraries
(Coalition canadienne pour les bibliothèques scolaires)21, plaide fortement en faveur
d’un réinvestissement dans les bibliothèques assaillies, présisant que :
des études menées récemment dans tous les États sur la relation qui
existe entre les bibliothèques d’école, les enseignantes-bibliothécaires et
les enseignants-bibliothécaires et le rendement des élèves... ont toutes
abouti aux mêmes résultats : dans les écoles qui possèdent une
bibliothèque bien fournie et bien équipée, gérée par un personnel
professionnel qualifié et motivé aidé d’un personnel de soutien, on peut
s’attendre à trouver des lecteurs et des lectrices capables et avides; des
apprenantes et des apprenants qui savent comment trouver
l’information recherchée; des enseignantes et des enseignants qui
s’associent avec l’enseignante-bibliothécaire ou l’enseignantbibliothécaire pour créer des expériences d’apprentissage de grande
qualité.* (p. 10)
Œ 33 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Vu l’abondance des constats pointant en direction d’un meilleur rendement des élèves
et d’une amélioration de leur capacité à lire et à écrire, Haycock trouve dérangeant que
les responsables canadiens des politiques fassent fi des conclusions de dizaines d’années
de recherches qui montrent pourquoi les bibliothèques scolaires et les
enseignantes-bibliothécaires et enseignants-bibliothécaires qualifiés sont un élément
essentiel du programme de chaque école.
Les élèves eux-mêmes, lorsqu’on leur pose la question, ont aussi fort à dire sur ce
qu’elles et ils ont besoin d’apprendre et veulent apprendre, sur ce qui facilite ou entrave
leur apprentissage. C’est ce qu’a fait l’Alberta Teachers’ Association (2003) dans une
étude qu’elle a menée récemment auprès d’environ 250 élèves de 9e et de 12e année. Cet
exercice d’écoute des apprenantes et des apprenants, à partir des réponses fournies par les
élèves lors de sondages et d’entrevues, a fourni d’importantes perspectives tournant
autour de plusieurs thèmes : contraintes de temps, relations avec le personnel enseignant
et les autres élèves, espace physique et social et expériences pédagogiques (définies dans
l’étude comme recouvrant les qualités de la relation entre l’enseignement et
l’apprentissage telle que la perçoivent les élèves ainsi que les pratiques qui, aux yeux des
élèves, favorisent la réussite de l’apprentissage (p. 27)). Les élèves ont également fait des
commentaires sur leur sentiment d’être une apprenante ou un apprenant dans sa
dimension physique — c’est-à-dire faisant l’expérience physique de l’école et de
l’apprentissage et désirant éprouver du plaisir en apprenant, avoir une expérience
pratique de l’apprentissage et sentir qu’elle ou il est un agent actif de son apprentissage.
Le milieu de la recherche en éducation sait depuis quelque temps que la situation
socio-économique de la famille compte pour plus de 50 p. 100 de la variation
dans les résultats des élèves dans l’ensemble des écoles.
Au-delà de l’école, la présence d’occasions diverses de perfectionnement professionnel,
l’existence de cultures de collaboration à l’intérieur du district scolaire et la taille du
district scolaire peuvent faire une différence. Leithwood souligne aussi l’importance qu’a
pour la réussite de l’élève une forte culture d’éducation au sein de sa famille, qui peut se
manifester par les lectures faites par les parents à leurs enfants, l’aménagement d’un coin
tranquille à la maison pour lire et faire les devoirs ou des conversations au moment des
repas sur les attentes et les aspirations des parents liées à l’école et au-delà.
Fait significatif, le milieu de la recherche en éducation sait depuis quelque temps que
la situation socio-économique de la famille compte pour plus de 50 p. 100 de la
variation dans les résultats des élèves dans l’ensemble des écoles, alors que de
12 à 20 p. 100 de cette variation est attribuable à des facteurs liés à l’école elle-même
(Leithwood, décembre 2002).
Pour Eisner (2003), créer de bonnes écoles exige, outre le fait de trouver et d’utiliser
les meilleurs résultats de recherche disponibles, la tâche difficile de remettre en question
les hypothèses qui semblent être admises depuis longtemps sur les buts et la structure de
l’éducation, ainsi que sur le curriculum, la pédagogie et les pratiques d’évaluation. Il
énumère une douzaine de ces hypothèses, entre autres, le système des années de scolarité
Œ 34 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
liées à l’âge; l’idée qu’amener tous les élèves au même point à peu près au même moment
est le but des écoles; le fait de changer d’enseignante ou d’enseignant d’une année à
l’autre; l’accent étroit mis sur la lecture et le calcul, au détriment d’autres modes
« d’expression non linguistique » de l’intelligence, et les inégalités qui peuvent en résulter
sur le plan de l’éducation; l’orientation unidisciplinaire du curriculum (par opposition à
multidisciplinaire); la croyance que la concurrence entre écoles peut améliorer la qualité
de l’éducation et que l’examen des notes obtenues aux tests est la meilleure façon de
déterminer quelles sont les bonnes écoles.
Selon Eisner, créer de bonnes écoles exige la tâche difficile de
remettre en question les hypothèses qui semblent être admises
depuis longtemps sur les buts et la structure de l’éducation, ainsi
que sur le curriculum, la pédagogie et les pratiques d’évaluation.
Œ 35 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Œ 36 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Gestion responsable
Un cadre différent reconnaîtrait que la gestion en éducation constitue une autre pièce
cruciale du casse-tête de la responsabilisation. L’Énoncé de convictions de la FCE déclare
que « la gestion des systèmes scolaires, à différents paliers, doit être confiée à des
personnes élues par le public et tenues de lui rendre des comptes ». Alors que ce principe
est à la base de la notion d’éducation publique, les formes démocratiques de
responsabilisation en éducation ont subi une érosion constante depuis dix ans, par
exemple, par une réduction du nombre et des pouvoirs des conseils/commissions
scolaires et, plus récemment, par la nomination de « superviseurs et superviseures » pour
remplacer l’ensemble des conseillères et des conseillers scolaires élus dans de grands
centres urbains de l’Ontario — Ottawa, Hamilton et Toronto. (Les conseillères et les
conseillers élus ont depuis réintégré ces conseils.)
L’Énoncé de convictions de la FCE déclare que « la gestion
des systèmes scolaires, à différents paliers, doit être confiée à des
personnes élues par le public et tenues de lui rendre des comptes ».
Selon un document de consultation de la FCE qui a servi de base à son énoncé
de 1999 intitulé Énoncé de vision de la FCE relatif à l’éducation publique, un certain
nombre d’hypothèses découlent de l’Énoncé de convictions ci-dessus :
• Les bénévoles ou les personnes qui ne sont élues que par un faible segment de la
population ne sont pas des substituts acceptables à des décisionnaires élus
démocratiquement et rendant compte au public;
• La profession enseignante doit protéger activement l’intérêt public en éducation et
soutenir le principe de la gestion publique de l’éducation. Elle doit également
appuyer des structures décisionnelles sous le signe de la transparence et de la
responsabilisation et s’opposer à celles qui ne le sont pas;
• Le principe de la gestion responsable des écoles publiques doit s’étendre du niveau
local au niveau national.
Pour ce qui est de la gestion locale de l’éducation, le document compare les conseils/
commissions scolaires dont les membres sont élus démocratiquement avec les conseils de
parents formés de bénévoles, faisant ressortir que :
L’éducation publique n’est pas nommée ainsi parce que son
financement est public, mais parce qu’elle sert le public et le crée tout à
la fois. En théorie, chaque personne, et non pas seulement le groupe de
parents d’une année, a un droit égal d’avoir son mot à dire dans les
décisions qui concernent les écoles. Ce principe découle du droit de
vote que possède chaque adulte : une représentation démocratique
justifie une taxation générale pour le soutien des écoles. Les
décisionnaires élus, au moins en théorie, sont liés par une obligation
Œ 37 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
formelle de rendre compte; cette obligation ne peut s’appliquer à des
bénévoles qui n’ont ni le mandat ni les moyens de le faire à un public
qui ne les a pas élus.... Contrairement aux conseils/commissions
scolaires, qui doivent assurer un équilibre entre les intérêts d’un grand
nombre d’écoles et une multitude de besoins différents, les conseils
d’école ne sont tenus de s’occuper que de « leurs » élèves. (p. 29-30)
Au sujet du besoin de rendre des comptes au niveau national, le document compare la
situation actuelle du pouvoir sans comptes à rendre du CMEC [Conseil des ministres de
l’Éducation (Canada)] et des initiatives non coordonnées, voire parfois clandestines, des
ministères fédéraux avec la demande réitérée d’instituer un office national de l’éducation
au sujet duquel la FCE a un principe directeur depuis un certain nombre d’années. Tout
en respectant la compétence provinciale en matière d’éducation, une telle entité fédérale
pourrait jouer divers rôles : consultation; coordination; orientation de la recherche et
diffusion des résultats; financement de l’innovation; facilitation des échanges; promotion
d’un débat national.
Toujours d’après le document de consultation, le défi que doit relever le corps
enseignant est de construire et de proposer :
un modèle de gestion des écoles qui maximise à la fois la participation
du public et la responsabilisation démocratique. Les organisations
enseignantes doivent admettre que la gestion, l’autonomie professionnelle et
la responsabilisation sont liées, et doivent reconnaître explicitement ces liens
dans les réformes proposées. [italique ajouté par la FCE] Il faut déterminer
un rôle utile pour les bénévoles, qui respecte à la fois leurs compétences
et les « frontières » professionnelles du personnel enseignant.
Œ 38 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Responsabilisation partagée
Depuis dix ans, ou même plus, la responsabilisation accapare l’attention
de ceux et celles qui façonnent les politiques éducationnelles à l’échelon de
l’État et à l’échelon fédéral. Bien qu’elle ait été considérée comme
l’apanage surtout des éducatrices, des éducateurs et des élèves, elle
s’applique à nous tous et toutes. La véritable responsabilisation signifie
une responsabilisation largement partagée non seulement parmi le
personnel de l’éducation et les élèves mais aussi parmi l’administration
scolaire, les responsables des politiques, les parents et les recherchistes en
éducation. La responsabilisation veut dire que nous partageons tous et
toutes la responsabilité d’améliorer l’éducation. De plus, si nous voulons
atteindre nos buts afin de pouvoir assurer le succès futur de notre société,
il nous faut améliorer les possibilités à tous les niveaux du système —
préscolaire, maternelle à 12e année, enseignement supérieur et éducation
permanente — et atteindre efficacement tous les segments de la
population.* (Linn, 2003, p. 10)
Les systèmes de responsabilisation doivent impliquer tous les
protagonistes…. Bien que les enseignantes, les enseignants et les élèves
soient les acteurs les plus importants de la réforme scolaire, il est
préférable, au bout du compte, de considérer l’éducation comme une
responsabilité de la collectivité dans son ensemble.*
(Gallagher, 2004, p. 358)
Il paraît évident, au personnel de l’éducation du moins, que la responsabilité de
l’apprentissage des élèves et de la qualité générale de l’éducation doit être répartie entre
de nombreux partenaires. Le personnel enseignant, quoique plus directement concerné,
figure parmi d’autres protagonistes. Linn (2003) rapporte que :
lorsqu’on a demandé à un groupe d’éducatrices et d’éducateurs de l’État
de Washington quels mots ou concepts devaient à leur avis être associés
à la notion de responsabilisation, le mot le plus fréquemment cité a été
« responsabilité », la notion de « partage » arrivant en deuxième place.*
(p. 3)
D’autres partenaires en éducation comprennent les élèves, les parents, les éducatrices
et les éducateurs de la petite enfance, le personnel de soutien, les administrations, les
conseils d’école, les conseils/commissions scolaires, les organisations de l’enseignement,
les facultés d’éducation, les communautés et plusieurs ordres de gouvernement.
Œ 39 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Comme ces différents partenaires ont des responsabilités différentes, il importe de
savoir clairement, comme l’explique Earl (1995), qui est responsable, à qui les comptes
doivent être rendus, de quoi il faut rendre compte, de quelle façon et dans quelles
circonstances. Le personnel enseignant, les organisations de l’enseignement et les
administrations scolaires doivent rappeler aux parents et au public que parler de
responsabilisation en éducation ne rime à rien, à moins que tous les partenaires soient
obligés de rendre compte de leurs divers rôles et responsabilités.
Une autre manière d’envisager la notion de responsabilisation partagée est de
considérer la responsabilisation sous l’angle de différents modes ou aspects — financier,
politique, démocratique, juridique, éthique, professionnel, scolaire/de l’apprentissage —
et à de multiples niveaux — individuel, institutionnel, local, provincial, régional,
national et mondial. Par conséquent, la responsabilisation, aux différents modes et
niveaux, incombera, avec un chevauchement considérable, à différentes entités.
Les systèmes de responsabilisation doivent impliquer tous les
protagonistes…. Bien que les enseignantes, les enseignants et les élèves
soient les acteurs les plus importants de la réforme scolaire, il est
préférable, au bout du compte, de considérer l’éducation comme une
responsabilité de la collectivité dans son ensemble.
Darling-Hammond (1999) note qu’à l’intérieur d’un système global de
responsabilisation en éducation, les différents protagonistes — des gouvernements
fédéral et provinciaux jusqu’à chaque école, à chaque enseignante et enseignant et enfin
jusqu’aux élèves, aux parents et à la communauté dans son ensemble — ont d’importants
rôles et responsabilités à remplir et ont aussi à en rendre compte. À titre d’exemple, la
province ou l’État doit assumer la responsabilité de fournir aux écoles les ressources dont
elles ont besoin pour donner une éducation adéquate, de s’assurer que ces ressources sont
distribuées équitablement et de faire en sorte que toutes les écoles du secteur considéré
disposent de personnel bien préparé et qualifié. Les districts scolaires locaux ont la
responsabilité de favoriser des pratiques qui appuient dans les écoles un bon
enseignement et un bon apprentissage, et des méthodes propres à soutenir ces pratiques.
La responsabilisation contient aussi l’idée de veiller à ce que tous
les élèves aient des possibilités d’apprendre adéquates
adéquates.
Idéalement, comme le soulignait Linn plus haut, la responsabilisation devrait aussi
signifier la responsabilité partagée d’améliorer l’éducation à tous les paliers — du
préscolaire au postsecondaire, à l’éducation des adultes et au-delà —, élargissant le réseau
des protagonistes et reconnaissant que l’éducation est un continuum. On en revient au
concept de responsabilisation, évoqué auparavant, comme forme de contrat social entre
les écoles et d’autres établissements d’enseignement et leur communauté.
Œ 40 Œ
Une approche parallèle reconnaîtrait de plus la responsabilité collective que nous
avons (y compris celle des gouvernements) de fournir les différents « intrants » —
personnes qualifiées et pleinement engagées dans leur tâche, ressources matérielles,
Responsabilisation à visage humain en éducation
infrastructure, dollars — nécessaires pour donner une éducation publique de qualité.
Elle contraste vivement avec les tests à grands enjeux et la réforme à base normative qui
limitent la responsabilisation au seul aspect d’« extrants » mesurables. Elle contient aussi
l’idée de veiller à ce que tous les élèves aient des possibilités d’apprendre adéquates,
reconnaissant que la réalité de l’enseignement et de l’apprentissage dans une société
diversifiée est complexe mais aussi que les facteurs socio-économiques ont un effet direct
sur la capacité des enfants de profiter des possibilités d’éducation qui leur sont offertes.
Comme le fait remarquer Kuehn (2002), les enfants qui ont faim n’apprennent pas aussi
bien que ceux qui ont l’estomac plein, et les élèves qui n’ont pas l’appui de leur famille et
de leur communauté ne tirent pas pleinement profit de l’éducation (p. 4).
Le concept de la possibilité d’apprendre est un aspect important du modèle de
responsabilisation de la FECB. Selon cette organisation (2002), cette manière de
considérer la responsabilisation :
convient au système d’éducation publique, ... reconnaît la complexité
de l’enseignement et de l’apprentissage et… fait en sorte que tous les
niveaux aient à rendre compte des aspects de l’éducation qui relèvent
d’eux et dont ils sont responsables… À elles seules, les données de sortie
[comme les notes de tests] sont trop minces pour permettre au
personnel enseignant et à la communauté d’analyser les problèmes et
d’améliorer le système d’éducation publique. Il est important de fonder
le système de responsabilisation sur une gamme de données qui
examinent les possibilités d’apprendre offertes aux élèves ainsi que la
qualité de leur apprentissage. Dans les deux cas, il faut absolument faire
appel à de multiples indicateurs authentiques qui nous permettent
d’explorer l’enseignement et l’apprentissage dans leur complexité et
d’améliorer l’éducation.*
Les indicateurs doivent considérer des facteurs contextuels
comme la diversité ethnique/raciale de l’école et de la
communauté, les niveaux d’emploi, les conditions du marché du
travail, les taux de pauvreté, l’offre et les conditions de
logement ainsi que la situation socio-économique de la famille.
Dans le travail qu’elle a effectué avec le gouvernement provincial et d’autres
partenaires du secteur de l’éducation en vue de concevoir des indicateurs éducationnels
pour le Manitoba, la Manitoba Teachers’ Society souligne elle aussi l’importance de
s’appuyer sur de multiples indicateurs pour responsabiliser le système d’éducation. Les
indicateurs potentiels, qui incorporent les facteurs liés aux possibilités d’apprendre, se
regroupent en trois catégories de base22 :
• Les indicateurs qui mesurent les résultats éducationnels, par exemple le rendement
scolaire, le taux d’élèves qui obtiennent le diplôme de fin d’études, les attitudes face
aux questions de civisme, les connaissances médiatiques, l’engagement des élèves et
la proportion de la population ayant fait des études postsecondaires, pour ne
nommer que ceux-là.
Œ 41 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
• Les indicateurs qui évaluent les processus éducationnels ou « intrants » comme :
♦
le financement par élève
♦
l’effectif des classes
♦
la qualité et la quantité des ressources d’apprentissage comme les manuels
scolaires et les livres de bibliothèque
♦
l’état de la bibliothèque scolaire et la situation des enseignantes-bibliothécaires et
des enseignants-bibliothécaires
♦
l’accès à des programmes d’éducation et de garde de qualité pour la petite
enfance
♦
le corps enseignant et les services en éducation de l’enfance en difficulté
♦
le personnel enseignant et les programmes d’anglais langue seconde
♦
l’accès à du personnel de soutien professionnel comme des travailleuses et des
travailleurs sociaux et des psychologues
♦
la qualité des membres de la profession enseignante
♦
la participation des parents et de la communauté
♦
la disponibilité d’enseignantes et d’enseignants spécialisés (par exemple en
musique et en éducation physique) ainsi que d’aides-enseignantes et d’aidesenseignants
♦
la nature et la fréquence des activités parascolaires
♦
l’intensité des activités de collecte de fonds de l’école
♦
l’état des bâtiments scolaires et d’autres éléments d’infrastructure.
• Les indicateurs qui considèrent des facteurs contextuels comme la diversité
ethnique/raciale de l’école et de la communauté, les niveaux d’emploi, les conditions
du marché du travail, les taux de pauvreté (pauvreté infantile incluse23), l’offre et les
conditions de logement ainsi que la situation socio-économique de la famille.
Chacune de ces catégories pourrait accueillir d’autres éléments plus ou moins
nombreux, dont beaucoup seraient particuliers à une école ou à une communauté et
devraient pour cette raison être précisés par les personnes qui travaillent à l’échelon local.
D’autres initiatives notables faisant appel à des indicateurs parallèles ont également
cours.
People for Education, un groupe à but non lucratif de promotion et de défense de
l’éducation, mène des sondages annuels qui permettent de dresser un inventaire des
« ressources quantifiables » disponibles dans les écoles élémentaires et secondaires de
l’Ontario. Parmi les indicateurs qu’il utilise (dont certains sont énumérés plus haut)
figurent l’effectif des classes, le personnel administratif (directrices et directeurs d’école,
directrices adjointes et directeurs adjoints, personnel de bureau), les enseignantes et les
enseignants spécialisés, les ressources de bibliothèque, le personnel enseignant et les
services dans le domaine de l’éducation de l’enfance en difficulté, les services de soutien
professionnel, les aides-enseignants et les aides-enseignantes, les enseignantes et les
Œ 42 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
enseignants des programmes d’anglais langue seconde, les frais d’utilisation et les
activités de collecte de fonds, les bâtiments scolaires et les concierges, le transport par
autobus scolaire et l’utilisation des écoles à des fins communautaires. En suivant
l’évolution des indicateurs dans le temps, People for Education est parvenu à évaluer les
effets sur le système d’éducation publique des variations des politiques de financement et
autres ainsi qu’à dégager et à surveiller les tendances. Hargreaves (2003) est élogieux à
l’égard du réseau de parents People for Education dont les efforts, précise-t-il, ont
galvanisé l’opinion publique et gagné l’appui de la population et contribué à freiner les
progrès du fondamentalisme de marché et de la standardisation dans la réforme de
l’éducation en Ontario en décrivant publiquement ses effets sur le corps enseignant, les
écoles et les élèves (p. 206).
« Missing Pieces: An Alternative Guide to Canadian Post-Secondary Education »
utilise quatre indicateurs de base — l’accessibilité, l’équité, la qualité
et la responsabilisation à l’égard du public — pour évaluer
l’éducation postsecondaire de chaque province.
Un rapport de Campagne 2000 relève plusieurs indicateurs à l’intérieur de quatre
catégories pour évaluer les progrès accomplis au Canada en matière de services éducatifs
et de services de garde à la petite enfance24. Les indicateurs sont ventilés par province/
territoire :
• Dépenses publiques — Indicateur : dépenses publiques en services de garde
réglementés
• Disponibilité — Indicateurs : augmentation du nombre de places réglementées;
participation en proportion de l’ensemble des enfants
• Capacité financière — Indicateurs : critères d’admissibilité et manque à gagner entre
les subventions et les frais de garde assumés par les parents; coût de la garde en
proportion du budget familial
• Qualité — Indicateurs : salaire horaire du personnel chargé des services éducatifs à la
petite enfance comparativement au salaire minimal; formation et éducation du
personnel; rapports enfants-personnel; intégration
Missing Pieces: An Alternative Guide to Canadian Post-Secondary Education (DohertyDelorme et Shaker, 2003), publié annuellement par le Centre canadien des politiques
alternatives depuis 1999, a vu le jour en partie pour répondre au classement annuel des
universités publié par l’influent magazine Maclean’s. Missing Pieces utilise quatre
indicateurs de base — l’accessibilité, l’équité, la qualité et la responsabilisation à l’égard
du public — pour évaluer et « classer » l’éducation postsecondaire de chaque province.
Chacun de ces indicateurs comporte plusieurs sous-indicateurs, qui sont raffinés d’année
en année.
Œ 43 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Ainsi, l’accessibilité est mesurée à partir de facteurs comme les taux de participation
des étudiantes et des étudiants, leurs frais de scolarité et leur niveau d’endettement. Sur
le plan de l’équité, l’engagement se mesure en considérant le pourcentage de femmes
dans le corps professoral universitaire et le pourcentage d’étudiantes et d’étudiants
étrangers, les niveaux de chômage des diplômées et des diplômés et les frais universitaires
en pourcentage du revenu net d’impôt. La qualité est évaluée en fonction des dépenses
engagées pour l’éducation (par étudiant ou étudiante à temps plein et en tant que PIB
provincial), du rapport étudiants-membre du corps professoral et des salaires versés au
personnel enseignant. On évalue la responsabilisation, décrite comme étant la mesure
dans laquelle les gouvernements s’assurent que l’éducation postsecondaire reste soumise à
l’obligation de rendre compte au public, par opposition aux sources privées, en
examinant la proportion des budgets d’éducation provenant des frais payés par la
communauté étudiante et d’autres sources privées, ainsi que des subventions publiques.
Il s’agit d’un exercice intéressant et utile qui pourrait être adapté à l’éducation de la
maternelle à la 12e année.
Quelles que soient leurs racines idéologiques, les politiques ne doivent
pas contredire les meilleures données disponibles sur ce qui fonctionne.
Alors que les projecteurs de la responsabilisation semblent avoir été braqués sur le
corps enseignant et les élèves, les autorités politiques et les autres décisionnaires ont
trouvé refuge derrière le discours superficiel de la responsabilisation fondée sur le testage.
Leithwood (décembre 2002) propose de tenir les gouvernements véritablement
responsables de l’élaboration d’une politique en matière d’éducation par un jeu de
« normes » ou de lignes directrices axées à la fois sur le contenu des politiques et sur leur
processus d’élaboration :
Normes concernant le contenu des politiques
• À tout le moins, une politique éducationnelle ne doit pas nuire aux élèves ni réduire
leurs possibilités d’apprendre (décrite comme étant un genre de « Serment
d’Hippocrate » des responsables des politiques).
• Quelles que soient leurs racines idéologiques, les politiques ne doivent pas contredire
les meilleures données disponibles sur ce qui fonctionne.
• Les politiques doivent refléter les aspirations et les besoins économiques, sociaux et
culturels de la vaste majorité des citoyens et des citoyennes — autrement dit, au
moment de formuler les politiques, « l’équité n’est pas une affaire de choix ».
Normes concernant le processus d’élaboration des politiques
• Tous les groupes de citoyens et de citoyennes doivent être traités humainement et
respectueusement durant les phases d’élaboration et d’application d’une politique.
• Les citoyennes et les citoyens ne doivent pas être sciemment mal informés de la
nature ou des conséquences probables des nouvelles politiques.
• Le processus ne doit pas provoquer d’agitations excessives sur des périodes
prolongées.
Œ 44 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Accent sur la responsabilisation
professionnelle
Comme il a déjà été mentionné, les formes de responsabilisation bureaucratiques et
« de marché » prédominent dans le secteur de l’éducation. Le modèle de
responsabilisation professionnelle est très prometteur pour ce qui est d’améliorer
l’apprentissage des élèves ainsi que la qualité du personnel enseignant et de
l’enseignement et, de façon générale, pour ce qui est de faire progresser le
professionnalisme.
Les enseignantes et les enseignants devraient expressément rendre compte du
programme d’études qu’ils conçoivent, des méthodes pédagogiques et des
ressources d’apprentissage qu’ils choisissent ainsi que des stratégies d’évaluation
qu’ils appliquent. En ce sens, la responsabilisation dépend des décisions
professionnelles prises par les membres du corps enseignant et de la mesure dans
laquelle ces décisions répondent aux besoins individuels des élèves
élèves.
Autonomie professionnelle
Tout comme l’une des clés d’un apprentissage réussi consiste à créer les conditions
voulues pour que l’élève puisse prendre en charge son apprentissage, il faut, pour avoir
un enseignement réussi, donner au corps enseignant la possibilité de prendre en charge
son propre enseignement.
La FECB (2002) croit que les enseignantes et les enseignants devraient expressément
rendre compte :
du programme d’études qu’ils conçoivent, des méthodes pédagogiques
et des ressources d’apprentissage qu’ils choisissent ainsi que des
stratégies d’évaluation qu’ils appliquent. En ce sens, la responsabilisation
dépend des décisions professionnelles prises par les membres du corps
enseignant et de la mesure dans laquelle ces décisions répondent aux besoins
individuels des élèves.* [italique ajouté par la FCE]
L’accent est mis ici sur l’autonomie professionnelle, un moyen important pour les
enseignantes, les enseignants et d’autres membres de la communauté professionnelle de
montrer leur responsabilité. Chapman (2003) déclare que :
les membres du corps enseignant ont traditionnellement fait preuve
d’autonomie professionnelle et, depuis longtemps, la société s’attend à
ce qu’ils jouissent d’un certain degré d’autonomie professionnelle...
Parfois, peut-être parce qu’elle semble exister depuis toujours, nous
tenons cette autonomie pour acquise. C’est regrettable car l’autonomie
Œ 45 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
professionnelle est fondamentale tant pour la qualité de nos vies
professionnelles que pour notre capacité à être des enseignantes et des
enseignants efficaces.* [italique ajouté par la FCE] (p. 4)
Au coeur de l’autonomie professionnelle, comme nous l’avons déjà mentionné, réside
le droit de l’enseignante ou de l’enseignant de prendre des décisions qui lui permettent
de répondre aux besoins et aux aptitudes variés et changeants des élèves. Parmi les aspects
les plus gratifiants de l’enseignement figurent, selon Chapman (2003), les choses qui
exigent chaque jour de l’enseignante ou de l’enseignant une myriade de choix
professionnels, par exemple, les choix qui aident un ou une élève à apprendre, les choix
qui rendent accessible un concept difficile à saisir, les choix qui rendent intéressant et
attrayant le travail de cours (p. 4). L’auteure mentionne aussi que la plupart des
innovations éducationnelles comme l’éducation coopérative et l’évaluation du portfolio
des élèves résultent de l’autonomie professionnelle du personnel enseignant. La réforme
axée sur la standardisation va à l’encontre de cette autonomie et la menace.
Un sondage national effectué par la FCE sur les écoles et
la responsabilisation révèle que la qualité de l’enseignante
ou l’enseignant est le facteur déterminant le plus
important du succès scolaire d’un enfant.
Parce qu’ils connaissent leurs élèves et sont bien placés pour prendre des décisions
éducationnelles dans leur intérêt, les membres du corps enseignant doivent avoir la
liberté d’exercer leur jugement professionnel dans la classe et dans les écoles en général.
Qualité et perfectionnement professionnel du personnel enseignant
Le concept de responsabilisation professionnelle reconnaît le lien important qui existe
entre la qualité de l’enseignante ou de l’enseignant et le rendement de l’élève, lien
qu’atteste indubitablement la recherche. Il s’ensuit que les membres du corps enseignant
doivent pouvoir constamment accéder aux connaissances et au soutien nécessaires pour
prendre chaque jour des décisions éducationnelles sensées dans leur salle de classe en vue
d’améliorer l’apprentissage (Darling-Hammond et Berry, 1998). Comme l’explique
Darling-Hammond (1988),
…la principale raison de chercher à faire de l’enseignement une
profession est que cela accroîtra la probabilité que tous les élèves reçoivent
une bonne éducation parce que l’enseignement qui leur est donné est bon,
que le professionnalisme cherche à rehausser la responsabilisation en
investissant dans la connaissance et dans son utilisation responsable.*
[italique ajouté par la FCE] (p. 8)
Œ 46 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Le public semble d’accord. Un sondage national effectué par la FCE sur les écoles et la
responsabilisation révèle que la qualité de l’enseignante ou l’enseignant est le facteur
déterminant le plus important du succès scolaire d’un enfant (FCE, 2003).
Le perfectionnement professionnel joue un rôle
Le perfectionnement professionnel joue
essentiel dans l’amélioration de la qualité du
un rôle essentiel dans l’amélioration de
personnel enseignant. Le terme « perfectionnement
professionnel » couvre beaucoup plus que les activités
la qualité du personnel enseignant.
d’apprentissage officielles associées à la participation
des enseignantes et des enseignants à des conférences et à des ateliers. Selon l’Alberta
Teachers’ Association (ATA, 2001), le perfectionnement professionnel est :
…toute activité planifiée qui fournit aux membres du corps enseignant
la possibilité d’accroître leurs connaissances, leurs compétences et leurs
attitudes afin d’améliorer leur pratique de l’enseignement et
l’apprentissage des élèves. Cette large définition englobe toute une série
d’activités : lectures effectuées individuellement, exploration d’un site
Web ou encore recherche ou sondages faits en classe; conférences ou
cours sur de nouvelles compétences en enseignement auxquels les
enseignantes et les enseignants participent, seuls ou en groupe;
détermination d’un problème et conception et application d’une
solution en collaboration avec d’autres enseignantes et enseignants;
recherche-action ou autre forme d’investigation délibérée effectuée en
groupe; conseil spécialisé auquel siègent des groupes d’enseignantes et
d’enseignants; processus de mise en oeuvre du curriculum par des
groupes d’enseignantes et d’enseignants; établissement d’objectifs ou
détermination de besoins par le personnel des écoles, suivis de la
conception et de la mise en application par ce personnel d’un
programme en vue d’atteindre ces objectifs. Comme l’illustrent ces
exemples, un programme de perfectionnement professionnel peut
varier, allant de pratiques réflexives individuelles à des projets de
collaboration menés en groupes.*
La Fédération des enseignantes et des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario
estime que les activités de perfectionnement professionnel doivent avoir une
large portée pour pouvoir couvrir la diversité des besoins des élèves et que
les membres du corps enseignant doivent bénéficier de la souplesse voulue
pour choisir les activités de perfectionnement qui répondent le mieux à leurs
besoins individuels et soutiennent le travail qu’ils font auprès des élèves.
L’ATA a élaboré un cadre de perfectionnement professionnel pour la province
(« Framework for Professional Development in Alberta ») fondé sur des principes liés au
contexte, au contenu et au processus (voir Improving Public Education: Supporting
Teaching and Learning, 2002, p. 37).
Œ 47 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
La Fédération des enseignantes et des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario
(FEEO, 2002) estime que les activités de perfectionnement professionnel doivent avoir
une large portée pour pouvoir couvrir la diversité des besoins des élèves et que les
membres du corps enseignant doivent bénéficier de la souplesse voulue pour choisir les
activités de perfectionnement qui répondent le mieux à leurs besoins individuels et
soutiennent le travail qu’ils font auprès des élèves (p. 1).
Les membres du corps enseignant entreprennent plus d’activités
d’apprentissage formel et informel que d’autres groupes de
niveau de scolarité semblable et que le grand public.
L’accent de plus en plus fort mis sur le perfectionnement professionnel du personnel
enseignant découle en partie de ce que Bascia (1999) décrit comme un authentique désir
d’aider les enseignantes et les enseignants à apprendre à travailler plus efficacement avec
un effectif toujours plus diversifié sur les plans linguistique, culturel, racial et
économique, ainsi que de la conviction que le personnel enseignant devrait jouer un rôle
accru et mieux informé dans la mise au point de la pratique éducationnelle (p. 2). Elle
discute également de la nécessité de diversifier les approches adoptées en matière de
perfectionnement professionnel, qui pourraient aller d’occasions d’apprentissage formel
à des occasions d’apprentissage informel et d’apprentissage non formel.
Des recherches effectuées sur la participation du personnel enseignant aux activités
d’apprentissage liées à l’école indiquent un haut niveau d’engagement à l’égard d’une
croissance professionnelle continue. Dans le cadre d’une importante étude nationale du
Research Network on New Approaches to Lifelong Learning (NALL25) (Réseau de
recherche sur les nouvelles approches de l’apprentissage permanent) sur les pratiques
d’apprentissage informel chez les Canadiennes et les Canadiens, un sondage a été réalisé
conjointement avec la FCE et ses organisations Membres auprès de 2 000 enseignantes
Le modèle de communauté d’apprentissage professionnelle tente de
favoriser à l’intérieur des écoles une culture d’apprentissage collaborative.
et enseignants. Le sondage portait sur l’apprentissage formel et informel entrepris
volontairement par les membres du corps enseignant. Il a permis d’établir que ceux-ci
consacrent en moyenne 11,7 heures par semaine à un apprentissage formel en assistant à
des cours, à des ateliers, à des conférences, etc. L’étude a également révélé que les
enseignantes et les enseignants passaient en moyenne 10,3 heures par semaine à
apprendre par des voies informelles, par exemple par leurs contacts avec leurs collègues
de l’école, en faisant du bénévolat au sein de leur collectivité et par réseautage
électronique. Les domaines d’apprentissage informel incluaient l’élaboration des
programmes d’études et les politiques relatives à ces programmes, l’apprentissage lié à
une matière, l’acquisition de compétences en gestion de la salle de classe et en
communications et l’acquisition de connaissances et d’innovations par rapport à
Œ 48 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
l’enseignement (Clark, 1999). Les membres du corps enseignant entreprennent donc
comparativement plus d’activités d’apprentissage formel et informel que d’autres groupes
de niveau de scolarité semblable et que le grand public. NALL procède à un sondage de
suivi.
Dans la documentation qui existe au sujet du perfectionnement professionnel, le
concept de communautés d’apprentissage professionnelles (CAP) revient souvent comme
moyen de remédier à certaines faiblesses des activités traditionnelles de perfectionnement
professionnel — ateliers isolés, manque de suivi ou peu de soutien accordé au
changement, ou encore rapports peu évidents entre les activités et la pratique. Le modèle
de communauté d’apprentissage professionnelle tente de favoriser à l’intérieur des écoles
une culture d’apprentissage collaborative, transformant efficacement (et de manière
appropriée) l’école en organisation apprenante. L’ATA (2002) rapporte que :
D’après la recherche, les écoles efficaces — écoles où les élèves ont
régulièrement un rendement élevé — sont des communautés
d’apprentissage professionnelles. Une telle communauté est une école
dans laquelle les membres du personnel se prêtent mutuellement une
assistance concrète et soutenue afin d’améliorer l’enseignement et
l’apprentissage des élèves. Au sein de ces communautés d’apprentissage,
des équipes se réunissent régulièrement et assurent un soutien technique
et social. Ces équipes comprennent de quatre à huit personnes
provenant de la même année d’études ou de la même section, ou encore
de l’école ou du district* (p. 34).
Afin de bâtir de solides communautés d’apprentissage professionnelles, il sera
nécessaire de passer des politiques de systèmes qui cherchent à instaurer des
pratiques standardisées à des politiques qui visent à renforcer le jugement et
les possibilités d’apprentissage des enseignantes et des enseignants.
Le rapport de l’ATA fait état de certains résultats de recherches qui confirment les
avantages éducationnels liés à l’organisation des écoles en communautés d’apprentissage
professionnelles. Réfléchissant sur le travail effectué par l’ATA elle-même auprès des
écoles de l’Alberta participant au programme des CAP, Skytt (2003) affirme que le
développement de communautés d’apprentissage professionnelles peut améliorer les
conditions pour que le personnel enseignant puisse travailler au mieux avec les élèves, si
les ressources nécessaires sont fournies (p. 8).
Hargreaves (2003) puise dans son nouveau livre Teaching In the Knowledge Society
(enseigner dans la société du savoir) pour discuter des CAP dans le contexte de deux
grands principes de responsabilisation : la responsabilisation par la culture et la
responsabilisation par contrat26. Il soutient que nous sommes passés d’une société dans
laquelle la qualité était assurée — bien qu’imparfaitement — grâce à une culture de
relations à l’intérieur de laquelle les communautés étaient engagées et responsables les
unes envers les autres de la réalisation de buts communs (responsabilisation par la
Œ 49 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
culture), à un monde où la qualité est censée être assurée par des contrats externes et
officiels pour remplir des descriptions d’emploi et satisfaire à des attentes extérieures, et
pour atteindre des normes de rendement prescrites (responsabilisation par contrat). La
réforme de l’éducation est sans cesse davantage dominée par cette dernière.
Hargreaves (2003) oppose plusieurs types de régimes de contrats et de cultures en
éducation, mettant l’accent à des degrés divers soit sur l’aspect contrat, soit sur l’aspect
culture, et faisant ressortir en particulier les CAP.27 Une communauté d’apprentissage
professionnelle forte réunit les connaissances, les compétences et les dispositions des
enseignantes et des enseignants au sein d’une école ou de plusieurs écoles afin de
promouvoir un apprentissage et une amélioration partagés (p. 170). Elle est caractérisée
par le travail en équipe, l’investigation et l’acquisition continue du savoir par des
mécanismes comme les réseaux enseignants et les groupes de recherche-action.
Hautement critique à l’égard des conséquences d’une réforme axée sur des normes
pour le potentiel offert par le modèle de communauté d’apprentissage professionnelle,
Hargreaves estime que les CAP ne sont compatibles ni avec l’obligation d’obtenir des
résultats rapides quand il s’agit de rehausser les niveaux de rendement, ni avec la
standardisation sans âme des régimes de testage ou les cadres de programmes d’études
hautement normatifs (p. 175). Il ajoute que les CAP :
ne s’épanouissent pas dans les systèmes standardisés qui restreignent
sérieusement le pouvoir du personnel enseignant de prendre des
décisions à sa discrétion et d’introduire des changements de sa propre
initiative... la réforme éducationnelle axée sur la standardisation nuit
aux communautés d’apprentissage professionnelles au lieu de les rendre
plus fortes.* (p. 170)
Vu la situation, afin de bâtir de solides CAP, il sera nécessaire de passer des politiques
de systèmes qui cherchent à instaurer des pratiques standardisées à des politiques qui
visent à renforcer le jugement et les possibilités d’apprentissage des enseignantes et des
enseignants (McLaughlin et Talbert citées par Hargreaves, 2003, p. 171). Les
responsables des politiques devraient prêter attention à ce fait.
La recherche sur le perfectionnement professionnel continu
en cours d’emploi indique que celui-ci est associé
positivement à des progrès dans l’apprentissage des élèves.
Œ 50 Œ
L’apprentissage professionnel a des effets très bénéfiques sur le rendement des élèves.
Allant à l’encontre de la perception que les journées pédagogiques et de congé pour
activités professionnelles sont des « avantages indirects » qui grugent le temps
d’enseignement, la recherche sur le perfectionnement professionnel continu en cours
d’emploi indique que celui-ci est associé positivement à des progrès dans l’apprentissage
des élèves. Hargreaves (2003) souligne qu’il est de plus en plus reconnu qu’un
perfectionnement professionnel de haute qualité est indispensable au personnel
enseignant pour provoquer des changements profonds et durables dans le rendement des
élèves (p. 161).
Responsabilisation à visage humain en éducation
Selon Darling-Hammond (février 1998), les stratégies de perfectionnement
professionnel efficaces qui améliorent l’enseignement comportent les caractéristiques
suivantes (tirées de Darling-Hammond, 1998, p. 11; voir aussi Darling-Hammond et
McLaughlin, 1995) :
• elles sont expérientielles, faisant participer les enseignantes et les enseignants à des
tâches concrètes d’enseignement, d’évaluation, d’observation et de réflexion qui
éclairent les processus d’apprentissage et de perfectionnement;
• elles se fondent sur les questions, les investigations et les expérimentations des
participantes et des participants ainsi que sur la recherche menée dans toute la
profession;
• elles font appel à la collaboration, faisant intervenir un échange de connaissances
entre éducatrices et éducateurs et se concentrant sur les communautés de pratique
enseignante plutôt que sur les enseignantes et les enseignants individuellement;
• elles sont liées au travail effectué par l’enseignante ou l’enseignant auprès de ses
élèves ainsi qu’aux examens auxquels sont soumises les matières et les méthodes
d’enseignement, et elles en découlent;
• elles sont soutenues et intensives, et s’appuient sur des activités de modélisation,
d’entraide professionnelle et de résolution de problèmes portant sur des points de
pratique précis;
• elles sont reliées à d’autres aspects de la transformation des écoles.
Enfin, l’apprentissage et la croissance des élèves dépendent étroitement de
l’apprentissage et de la croissance de celles et de ceux qui leur enseignent.
Concernant le programme de recertification obligatoire du gouvernement de
l’Ontario, la FEEO (2002) a produit, dans le cadre d’une intervention visant à proposer
des solutions de rechange, un guide de travail sur le portfolio professionnel de
l’enseignante ou de l’enseignant. Ce portfolio décrit les activités de perfectionnement
professionnel entreprises volontairement par l’enseignante ou l’enseignant et vise à
montrer sa responsabilité professionnelle. Il sert, entre autres, à fournir des preuves
tangibles de son apprentissage et de sa croissance professionnelle dans le temps en vue
d’offrir aux élèves une éducation de qualité. Le guide suggère un vaste « menu » ou une
gamme d’expériences professionnelles susceptibles d’être intégrées à ce portfolio :
• programmes d’études — p. ex. cours offerts par les universités, les collèges, les
organismes d’enseignement ou d’autres établissements;
• activités de recherche — p. ex. enquêtes personnelles sur la pratique de
l’enseignement; travail en collaboration au sein d’une équipe de recherche;
investigation et application des résultats de recherches en éducation;
• réseaux professionnels — p. ex. contribution au travail d’associations s’intéressant à
une matière scolaire ou à celui d’organisations de l’enseignement; participation à des
conseils d’école et à des comités de l’école ou encore du conseil ou de la commission
scolaire;
• activités professionnelles — p. ex. constitution et tenue d’un portfolio professionnel;
Œ 51 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
lecture d’ouvrages et de revues traitant de l’éducation; participation à des ateliers et à
des conférences; participation à des projets touchant les programmes d’études et
l’évaluation;
• mentorat et réseautage — p. ex. mentorat auprès d’une ou d’un collègue ou stagiaire
en enseignement; planification coopérative avec des collègues; formation d’un
groupe d’étude et participation à ses rencontres;
• contributions professionnelles — p. ex. publication d’un article, de ressources ou d’une
étude; organisation d’une conférence ou d’un atelier professionnel;
• apprentissage par la pratique — p. ex. mise sur pied d’une unité ou de ressources du
curriculum; application d’une nouvelle stratégie d’enseignement ou d’évaluation;
gestion d’un projet de recherche-action; communication des résultats de recherches à
des collègues de l’école et d’autres personnes;
• apprentissage par l’engagement communautaire — p. ex. organisation d’une initiative
communautaire ou participation active à celle-ci; engagement à titre de membre du
conseil d’administration d’un organisme communautaire.
Comme le taux de départs à la retraite des membres du personnel
enseignant est à la hausse, il devient d’autant plus urgent de fournir aux
enseignantes et aux enseignants des moyens importants d’apprendre
mutuellement et de transmettre aux nouveaux membres les précieuses
connaissances et la sagesse accumulées tout au long d’une carrière.
Comme le taux de départs à la retraite des membres du personnel enseignant est à la
hausse, il devient d’autant plus urgent de fournir aux enseignantes et aux enseignants des
moyens importants d’apprendre mutuellement et de transmettre aux nouveaux membres
les précieuses connaissances et la sagesse accumulées tout au long d’une carrière.
Mentionnons simplement qu’en 2005, environ 50 000 des 124 000 enseignantes et
enseignants des écoles publiques ontariennes auront, estime-t-on, cinq ans d’expérience
ou moins (Harris, 2001).
Il semble donc clair que la meilleure voie à suivre pour rehausser la qualité du
personnel enseignant consiste à investir dans des approches plus générales et plus
diversifiées pour promouvoir le perfectionnement et la croissance professionnels de ses
membres. En pratique, cela signifie :
• améliorer la qualité des programmes de formation préalable à l’enseignement;
• porter une attention accrue au recrutement et au maintien en poste du personnel (il
faudra pour ce faire trouver des moyens de régler les questions de charge de travail et
de stress);
• soutenir fermement les nouveaux membres du personnel enseignant afin de faciliter
leur entrée dans la profession et les encourager à y rester, à l’aide notamment de
programmes d’initiation et de mentorat; la responsabilité envers le succès des
Œ 52 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
enseignantes et des enseignants doit se manifester entre autres par le mentorat de
celles et de ceux qui débutent dans la profession afin de réduire la vague de départs
qui se produisent au cours des premières années;
• investir dans le perfectionnement professionnel continu en cours d’emploi afin
d’aider les enseignantes et les enseignants tout au long de leur carrière;
• instituer des modèles d’évaluation du personnel qui incorporent une variété
d’approches, dont l’évaluation du rendement par des directrices et des directeurs
d’école formés et des formes authentiques d’évaluation comme l’observation
structurée en salle de classe et les portfolios professionnels (Miles, 2000)28;
• s’assurer que les membres du corps enseignant ont suffisamment de temps pour tirer
parti des occasions de perfectionnement professionnel qui se présentent, mais aussi
pour préparer leurs cours, consulter leurs collègues et planifier avec eux et elles.
À propos de la responsabilisation à l’égard de soi-même
En plus de devoir rendre compte directement aux élèves et à leurs parents, les
enseignantes et les enseignants ont également la responsabilité personnelle de relever
leurs connaissances professionnelles et de favoriser leur croissance. C’est un aspect
crucial étant donné que l’enseignement devient sans cesse plus complexe, que les
connaissances augmentent sur la manière dont les enfants apprennent et se développent
et que l’effectif scolaire se diversifie. La responsabilisation envers soi-même peut
renforcer la capacité des enseignantes et des enseignants de réagir et de s’adapter en cas
de difficulté ainsi que leur estime de soi, tout en leur permettant de souligner leur
identité professionnelle, sur le plan individuel comme sur le plan collectif.
Bien sûr, cela soulève la question de savoir qui doit rendre compte à l’enseignante et à
l’enseignant en ce qui a trait à sa formation, à ses possibilités d’apprentissage
professionnel, etc. La politique de la Fédération des enseignantes et des enseignants de la
Saskatchewan (FES) sur le succès du personnel enseignant, contenue dans le rapport
Enhancing Teacher Success (accroître le succès de la population enseignante), stipule
que la responsabilité de la réussite du personnel enseignant doit être partagée entre les
protagonistes clés du système d’éducation (p. 17). La politique précise les responsabilités
de chaque enseignante ou enseignant, de la profession enseignante et du milieu de
l’éducation dans son ensemble.
Par conséquent, le perfectionnement professionnel doit être assumé conjointement par
les membres de la profession individuellement, les administrations scolaires et les autres
membres du personnel des écoles, les organisations de l’enseignement, les conseils/
commissions scolaires, les ministères de l’Éducation et les facultés d’éducation. C’est ce
que soutient explicitement un document de la communauté de l’éducation catholique de
l’Ontario (dont fait partie l’OECTA), qui délimite un cadre d’apprentissage
professionnel pour le personnel enseignant. Ce cadre clarifie les rôles et les
responsabilités des différents partenaires qui interviennent dans l’apprentissage et le
perfectionnement professionnel de qualité du personnel enseignant — les principaux
partenaires dans ce cas étant les enseignantes et les enseignants, le gouvernement, les
conseils/commissions scolaires, les organisations de l’enseignement et l’Ordre des
Œ 53 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
enseignantes et des enseignants de l’Ontario (A Professional Learning Framework: An
Integrated Vision, 1999).
Le rapport de la FES, Enhancing Teacher Success, énonce des politiques ayant trait au
succès des membres du corps enseignant ainsi qu’à leur supervision et à leur évaluation.
Il renferme en outre des principes directeurs et mentionne les soutiens qui sont
nécessaires à une pratique de l’enseignement réussie, y compris ce dont les enseignantes
et les enseignants ont besoin pour remplir leur rôle et assumer leurs responsabilités
professionnelles. Précisément, le personnel enseignant de la Saskatchewan s’attend à
avoir :
• des conditions d’emploi conformes à ce que la profession enseignante entend
comme milieu de travail équitable, éthique, respectueux, sain et sécuritaire;
• des tâches d’enseignement et des fonctions ou responsabilités connexes qui
correspondent à ses connaissances, à ses compétences et à son expérience
professionnelles, compte tenu du contexte dans lequel il travaille;
• les périodes de temps réservées, les ressources et les soutiens pédagogiques définis par
la profession enseignante, qui lui permettent de créer et d’entretenir un milieu
d’apprentissage répondant aux besoins éducationnels variés des élèves. En particulier,
ces conditions englobent les fonds nécessaires aux programmes, services et ressources
éducationnels; des périodes adéquates et bien planifiées de préparation et de congé
pour activités professionnelles; le soutien parental et communautaire; d’autres
soutiens personnels (p. ex. des personnes professionnelles d’autres domaines et des
aides-enseignants et aides-enseignantes) et matériels que la profession enseignante a
désignés comme étant essentiels. Il faut aussi s’assurer que la culture, les politiques et
les pratiques des divisions scolaires et des écoles soutiennent une croissance
professionnelle continue par :
♦
la reconnaissance du fait que les enseignantes et les enseignants ont en matière
de croissance professionnelle des besoins et des intérêts divers qui dépendent de
facteurs comme le poste d’enseignement occupé et la tâche d’enseignement qui
leur est assignée, leurs antécédents personnels et professionnels, les besoins
d’apprentissage particuliers de leurs élèves, etc.;
♦
l’accès à des possibilités de croissance professionnelle appropriées, en temps
opportun;
♦
les fonds voulus pour les droits d’inscription, le matériel, le transport et les
autres frais connexes;
♦
des périodes de temps réservées à la croissance professionnelle pendant le jour de
classe;
♦
des processus permettant de partager s’il y a lieu les connaissances et les
compétences avec les collègues.
• une participation directe, en collaboration avec d’autres personnes du secteur de
l’éducation, aux processus d’élaboration, de mise en œuvre, d’évaluation et de
renouvellement du curriculum;
• une participation directe, en collaboration avec d’autres personnes du secteur de
Œ 54 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
l’éducation, aux processus décisionnels servant à définir et à réviser les objectifs et
l’orientation de l’éducation financée par les deniers publics.
(extrait de Enhancing Teacher Success, p. 12-14)
À propos des joies de l’enseignement
Les motivateurs intrinsèques revêtent pour les membres du personnel enseignant une
importance qui ne saurait être sous-estimée, et ils ont amené beaucoup d’entre eux à
choisir au départ de faire carrière en enseignement. Les recherches sur leur fort
engagement intrinsèque à l’égard de l’apprentissage des élèves abondent. La plupart des
enseignantes et des enseignants interrogés dans un sondage sur leur milieu de travail
effectué par la FCE (2001) affirmaient que le facteur qui avait le plus influencé leur
décision d’enseigner était leur amour des enfants et de l’enseignement. Un sondage mené
en 1999 par la National Union of Teachers (NUT) auprès
des membres du personnel enseignant d’écoles
élémentaires d’Angleterre et du pays de Galles a
La plupart des enseignantes et
également établi que travailler avec des enfants et
des enseignants interrogés dans
pouvoir faire une différence dans leur vie était l’aspect
un sondage sur leur milieu de
de leur travail qu’ils aimaient le plus. Beaucoup
travail effectué par la FCE
d’autres occupations souhaiteraient être pareillement
privilégiées selon Leithwood, Fullan et Watson (2003),
affirmaient que le facteur qui
qui déclarent que :
avait le plus influencé leur décision
d’enseigner était leur amour des
…pratiquement toutes les données pertinentes
enfants et de l’enseignement.
dépeignent chez les enseignantes et les
enseignants un niveau d’engagement
« intrinsèque » envers l’apprentissage de leur clientèle, que d’autres
organismes ne peuvent que rêver de voir chez leur personnel. Les
responsables des réformes gaspillent leurs ressources, si on en juge
d’après ces données, en accordant une importance excessive et exclusive
aux stratégies de motivation à grands enjeux... Ces ressources seraient
utilisées à meilleur escient pour améliorer les conditions de travail qui
importent en matière d’enseignement et d’apprentissage.* (p. 14-15)
Il conviendrait de prêter une plus grande attention au fait que les conditions de travail
du personnel enseignant ont un lien très étroit avec la satisfaction et la motivation au
travail, de même qu’avec les conditions d’apprentissage des élèves, l’autonomie
professionnelle, le recrutement et le maintien en poste29. L’érosion des conditions de
travail, causée entre autres par des charges de travail excessives et le stress qui s’ensuit, se
répercute négativement sur tous ces aspects et pourrait avoir un effet disproportionné sur
les femmes. La FECB rapporte que :
Le stress provoqué par le travail pourrait avoir chez les enseignantes des
conséquences plus graves que celles qui ont déjà fait l’objet de grandes
discussions, et certaines données indiquent l’existence d’une
Œ 55 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
discrimination systémique à l’endroit des femmes lorsqu’il a fallu
statuer sur des réclamations d’assurance-invalidité. Comme les femmes
représentent les deux tiers du corps enseignant, ces données sont
dérangeantes et pourraient focaliser l’attention des syndicats, des
employeurs et des gouvernements sur cet aspect relié au sexe lorsqu’ils se
pencheront sur les questions de charge de travail.* (Naylor, Schaefer et
Malcolmson, 2003, p. iv)
Parmi les facteurs contribuant à la forte charge de travail et au
stress figurent le nombre et la fréquence des réformes imposées de
l’extérieur, en particulier celles qui sont associées aux mesures
accrues de responsabilisation comme le testage à grande échelle.
Parmi les nombreux facteurs contribuant à la forte charge de travail et au stress
figurent le nombre et la fréquence des réformes imposées de l’extérieur, en particulier
celles qui sont associées aux mesures accrues de responsabilisation comme le testage à
grande échelle (Naylor, 2001). Il en sera question plus à fond dans la prochaine section.
Vision de la FCE relative à l’éducation publique
Adopté en 1999, l’Énoncé de vision de la FCE relatif à l’éducation publique met en
relief le rôle crucial que joue la profession enseignante dans la promotion d’un système
d’éducation publique fort, en faisant ressortir l’importance des connaissances, du
jugement et de l’autonomie professionnels :
• Une profession enseignante responsable, bien informée et engagée est essentielle à la
prestation de services éducationnels de qualité.
• La qualité des enseignantes et des enseignants repose sur leurs connaissances et leur
jugement professionnels, sur leur engagement à l’égard de leur travail professionnel,
et sur leur sens de la responsabilité envers leurs élèves, leur profession, leur
communauté et eux-mêmes.
• Les enseignantes et les enseignants doivent travailler de concert avec les parents et la
communauté, tout en jouissant de la liberté d’user de leur jugement professionnel.
• L’enseignement comprend un vaste éventail de décisions qui touchent, notamment,
les besoins des apprenants et apprenantes, la méthode à privilégier, la sélection et
l’organisation de la matière, l’emploi de matériel d’apprentissage, l’évaluation de la
réussite et l’orientation dans la poursuite de l’apprentissage.
• Le fondement et la justification d’une profession se trouvent dans les connaissances
et le jugement de ses membres.
Œ 56 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
• Les antécédents scolaires des enseignantes et des enseignants, leurs connaissances et
aptitudes professionnelles, leur analyse des résultats des recherches et leur expérience
doivent être à la base des décisions relatives à l’enseignement et à l’apprentissage.
• La profession doit veiller à ce que ses membres jouissent d’une autonomie suffisante
pour agir selon leur jugement réflexif en tant que professionnels et professionnelles
et qu’ils servent leurs élèves de façon responsable et sensible.
La qualité des enseignantes et des enseignants repose sur leurs connaissances et
leur jugement professionnels, sur leur engagement à l’égard de leur travail
professionnel, et sur leur sens de la responsabilité envers leurs élèves, leur
profession, leur communauté et eux-mêmes.
La profession doit veiller à ce que ses membres jouissent d’une autonomie
suffisante pour agir selon leur jugement réflexif en tant que professionnels et
professionnelles et qu’ils servent leurs élèves de façon responsable et sensible.
(Énoncé de vision de la FCE relatif à l’éducation publique, 1999)
Œ 57 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Œ 58 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Obstacles au professionnalisme du
personnel enseignant
…la plus grande menace à l’enseignement aujourd’hui est probablement
l’apparente indifférence que manifestent à l’égard de l’expérience des
enseignantes et des enseignants les personnes qui assument la plus grande
responsabilité envers l’établissement des politiques éducationnelles
[contemporaines] (Smith, 2000, p. 16).
Une confluence de facteurs menace le professionnalisme du personnel enseignant.
Parmi eux figurent les nouvelles technologies qui risquent de contribuer à la
déqualification de ses membres en réduisant leur nombre ou en modifiant radicalement
leur rôle; des charges de travail substantiellement accrues avec le stress qui en découle;
des programmes d’études plus normatifs; une baisse du temps et des fonds consacrés au
perfectionnement professionnel; une diminution du rôle des enseignantes et des
enseignants dans la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des initiatives de
réforme éducationnelle; comme nous l’avons mentionné ailleurs dans le rapport, le fait
de négliger le jugement professionnel des enseignantes et des enseignants dans la mesure
et l’évaluation des élèves, à mesure que les programmes externes de tests standardisés
deviennent la norme (Rodrigue, 1999).
À travers le panorama de l’éducation, le mouvement vers l’imposition de
normes marque un recul de la responsabilité du corps enseignant et de sa
capacité d’agir. L’uniformisation des programmes d’études, des stratégies
d’enseignement, des résultats et des techniques d’évaluation a pour effet de
réduire systématiquement les possibilités qu’ont les enseignantes et les
enseignants de décider en s’appuyant sur leur jugement professionnel.
Les systèmes de responsabilisation à grands enjeux et les autres types de « réforme »
éducationnelle (y compris le testage du personnel enseignant), même s’ils assurent une
bonne visibilité politique et sont plus faciles à appliquer que l’approche
pluridimensionnelle qu’exige une responsabilisation authentique, représentent une
sérieuse menace pour le professionnalisme et l’autonomie du corps enseignant. Ils
diminuent en effet les possibilités qu’ont les enseignantes et les enseignants de faire appel
à leur expérience et à leur jugement professionnels pour prendre des décisions
pédagogiques fondées sur les capacités et les besoins individuels des enfants. La critique
que fait Darling-Hammond de la responsabilisation bureaucratique et des contraintes
qu’elle exerce sur le professionnalisme, dans son livre The Right to Learn (1997), illustre
ce propos :
Œ 59 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Il nous a fallu près d’un siècle pour découvrir que la bureaucratie,
comme forme d’organisation, n’a pas les outils qu’il faut pour gérer un
travail complexe, faire face aux imprévus ou répondre aux besoins
particuliers de la clientèle. De par sa nature même, la gestion
bureaucratique est incapable de fournir une éducation appropriée aux
élèves qui ne correspondent pas au moule pour lequel les prescriptions
de pratique ont été pensées. À mesure que la standardisation s’étend aux
intrants, aux processus et à l’évaluation des résultats, les mailles du filet
à travers lesquelles les élèves risquent de passer se relâchent au lieu de se
resserrer, parce que les chances que chaque prescription successive
convienne à un enfant donné diminuent en même temps que la
capacité de l’enseignante ou de l’enseignant à adapter son enseignement
aux besoins des élèves. Les solutions bureaucratiques aux problèmes de
pratique rateront toujours leur cible car l’enseignement efficace n’est jamais
une affaire de routine, les élèves ne sont pas passifs et les questions de
pratique ne sont pas simples, prévisibles ou standardisées. Par conséquent,
les décisions pédagogiques ne peuvent pas venir d’en haut et être livrées
toutes préparées au personnel enseignant en aval.* [italique ajouté par la
FCE] (p. 66 et 67)
Le mouvement vers la standardisation crée-t-il un système d’éducation divisé, dans
lequel les enseignantes et les enseignants d’écoles publiques et privées bien nanties
peuvent utiliser leur créativité et leur autonomie, tandis que leurs collègues de
communautés plus pauvres et formées de populations minoritaires — et leurs
élèves — sont tenus de suivre des formes d’enseignement prescrites et homogènes?
Au sujet de la déprofessionnalisation de la population enseignante, Hatch (2002) note
également ce qui suit :
À travers le panorama de l’éducation, le mouvement vers l’imposition
de normes marque un recul de la responsabilité du corps enseignant et
de sa capacité d’agir. L’uniformisation des programmes d’études, des
stratégies d’enseignement, des résultats et des techniques d’évaluation a
pour effet de réduire systématiquement les possibilités qu’ont les
enseignantes et les enseignants de décider en s’appuyant sur leur
jugement professionnel. En instaurant des programmes fondés sur des
normes, on dit aux élèves, aux parents et à la société en général qu’on
ne fait pas confiance au personnel enseignant et qu’on ne le respecte
pas, et que des mesures de contrôle sur le plan technique et sur celui de
la gestion constituent la solution pour régler les problèmes que ce
personnel enseignant a contribué à créer. (p. 459)
Œ 60 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Des préoccupations se font également jour quant au risque de voir la réforme vers la
normalisation élargir, en raison de la déprofessionnalisation de la population
enseignante, le fossé qui existe à l’intérieur du secteur de l’éducation. Parmi les questions
soulevées à un symposium de l’Assemblée générale annuelle de l’American Educational
Research Association (AERA)30 en 2003 figurait celle de savoir si le mouvement vers la
standardisation crée un système d’éducation divisé, dans lequel les enseignantes et les
enseignants d’écoles publiques et privées bien nanties peuvent utiliser leur créativité et
leur autonomie, tandis que leurs collègues de communautés plus pauvres et formées de
populations minoritaires — et leurs élèves — sont tenus de suivre des formes
d’enseignement prescrites et homogènes. Cette réalité se vérifie à certains endroits.
Évoquant ce qu’il appelle l’« apartheid du perfectionnement professionnel », Hargreaves
(2003) analyse les approches différentes suivies à l’égard de l’amélioration des écoles et de
la croissance professionnelle du personnel enseignant, approches dans lesquelles les
districts pauvres avec des écoles en difficulté, dans ce cas au Royaume-Uni, risquent
davantage d’être soumis à des programmes étroitement prescrits, à des activités de
contrôle et d’inspection qui ne cessent de déranger et à des initiatives de formation
sectaire en vue d’améliorer la performance par des méthodes imposées d’enseignement
(sectes de formation en vue d’améliorer la performance) (p. 190).
Il serait alors utile de reprendre plus en détail la discussion déjà amorcée sur le testage
de vérification dans les écoles. Elliott (2002) décrit les répercussions profondes de ce
qu’il nomme la vérification intensive de la performance, du point de vue de
l’optimisation des ressources, des pratiques professionnelles en général, telle qu’elle est
appliquée plus expressément à l’enseignement et à celles et ceux qui le donnent. Comme
il l’explique, la vérification d’optimisation des ressources ne convient absolument pas au
contexte éducationnel parce qu’elle fait fi de la nature de l’enseignement et de
l’apprentissage en tant que processus holistiques et contextuels :
Les technologies prédominantes de vérification présupposent des
indicateurs de rendement fixes et immuables qui ne varient ni dans le
temps ni selon le contexte. Par exemple, elles ne permettent pas
vraiment de voir l’efficacité de l’enseignement comme un phénomène
lié au temps et au contexte. L’incidence de l’enseignement sur les élèves,
la chaîne d’effets qu’il crée dans des contextes particuliers, prennent du
temps à se manifester, et notre compréhension des rapports entre
processus et résultats fluctue par conséquent dans le temps et n’est
jamais parfaite. L’enseignement, soutient Strathern (2000), est vérifié
comme si « l’assimilabilité immédiate » était le but à atteindre.
Pourtant, nous savons que l’apprentissage a lieu sur une certaine
période de temps et « peut se manifester des semaines, des années, des
générations après que l’enseignement a eu lieu, et sous des formes tout à
fait différentes de ce qu’il était au départ », car « l’expérience de l’élève
introduira sa propre “indirection” »… La responsabilisation pour la
réalisation d’un enseignement véritablement de qualité est
conditionnelle au fait de faire confiance aux enseignantes et aux
enseignants en les laissant s’engager dans le processus sans avoir à subir
le regard implacable de la vérification. C’est qu’il s’agit d’un processus,
Œ 61 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
lequel échappe essentiellement à toute vérification parce qu’il est
invisible. Plus la technologie de la vérification — la création de
systèmes d’information et de pistes de vérification aux fins d’inspection
— empiète sur l’enseignement et l’apprentissage et les façonne, moins
les enseignantes et les enseignants ont d’espace pour rehausser la qualité
et devenir efficaces.* (p. 502-503)
Le regard implacable de la vérification a, en définitive, un effet diamétralement
opposé à celui que l’on voulait atteindre : il rend invisible les preuves de l’incidence
véritable de l’enseignement sur les élèves et ce faisant, masque la qualité (Elliott, p. 502).
Cette description rend compte adéquatement du classement annuel des écoles effectué
par le Fraser Institute et d’autres exercices de même acabit.
Les écoles américaines semblent être fermement maintenues
dans l’étau toujours plus serré de la responsabilisation à base
de testage et de la mentalité de la vérification.
Les écoles américaines semblent être fermement maintenues dans l’étau toujours plus
serré de la responsabilisation à base de testage et de la mentalité de la vérification. À ce
jour, 27 États classent les écoles à partir de résultats de tests, et 11 de ces États le font
exclusivement à partir de ces résultats; 18 exigent des élèves qu’ils réussissent des tests
d’État pour recevoir leur diplôme d’études secondaires et 6 autres prévoient adopter cette
exigence; 3 obligent les enfants à réussir à un test d’État pour passer à certaines classes
supérieures et 4 autres s’ajouteront à ce nombre en 2003 (Education Week, 2001). Le
Texas semble être à la tête de ce mouvement où les élèves passent des tests en lecture, en
langue et en mathématiques de la 3e à la 11e année, en sciences en 5e, 10e et 11e année,
et en sciences sociales en 8e, 10e et 11e année (Schmidt, 2002). Il n’est pas surprenant
que les États-Unis aient le discutable honneur d’être la nation la plus testée du monde,
réputation consolidée par l’adoption en janvier 2002 de la loi « aucun enfant laissé pour
compte ». Inspirée par le soi-disant « miracle du Texas », cette loi fédérale sur l’éducation
exige, comme nous l’avons mentionné précédemment, que les progrès de tous les élèves
de tous les États, de la 3e à la 8e année, soient suivis au moyen d’un test annuel.
Alors, que pensent les membres de la profession de cette frénésie de tests?
Certains membres du corps enseignant semblent y répondre en prenant la fuite. En
Alberta, 31 p. 100 des enseignantes et des enseignants, rapporte-t-on, ont décidé de ne
plus enseigner en 3e, 6e et 9e année pour éviter les tests de rendement provinciaux
(Couture, 2002). Aux États-Unis, un certain nombre d’entre eux quittent le réseau des
écoles publiques pour aller enseigner dans des écoles privées, parce que l’obligation de se
soumettre à des tests d’État leur donne l’impression de se compromettre en tant que
professionnels et professionnelles (Amrein et Berliner, 2002).
En Angleterre, les membres de la National Union of Teachers sont d’avis que le testage
national (sous forme de test d’habileté scolaire) fausse le programme d’études et
l’expérience éducationnelle offerte aux enfants et se répercute négativement sur la charge
Œ 62 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
de travail du personnel enseignant (Bangs, 2003). Les enseignantes et les enseignants
signalent aussi que le testage imposé en Angleterre exige qu’ils y consacrent un temps
démesuré en classe et en préparation de cours (Parker, 2003). Près de la moitié de celles
et de ceux qui ont répondu à un sondage sur l’enseignement des mathématiques au
Nouveau-Brunswick (mené par la New Brunswick Teachers’ Association en 2003) ont
indiqué que les évaluations externes modifiaient de manière négative la matière sur
laquelle ils axaient leurs cours (Cook, 2003).
Un sondage réalisé auprès d’enseignantes et d’enseignants d’expérience en Ohio a mis
en lumière une forte opposition au testage à grands enjeux, et la majorité des personnes
répondantes ont indiqué que les élèves appartenant à des groupes minoritaires, dont les
enfants de couleur, obtiennent un succès scolaire moindre à cause des tests standardisés
(Rapp, 2002, p. 217).
Une écrasante majorité d’enseignantes et d’enseignants ontariens s’oppose
au testage standardisé parce qu’il démoralise les élèves, ne contribue en
rien à améliorer l’apprentissage et est une piètre mesure du succès d’une
école ou de la performance de l’enseignante ou de enseignant.
Le corps enseignant de l’Ontario s’inquiète aussi de la prolifération des tests
standardisés. Le programme de testage de la province est conçu et administré par l’Office
de la qualité et de la responsabilité en éducation à un coût annuel de plus de 50 millions
de dollars. Un sondage commandé par l’Ordre des enseignantes et des enseignants de
l’Ontario (2003), auquel ont participé 1 027 enseignantes et enseignants ontariens, a
déterminé qu’une écrasante majorité s’oppose au testage standardisé parce qu’il
démoralise les élèves, ne contribue en rien à améliorer l’apprentissage et est une piètre
mesure du succès d’une école ou de la performance de l’enseignante ou de enseignant.
De la même façon, les réponses à un sondage national réalisé auprès de plus de
1 000 enseignantes et enseignants des écoles publiques américaines révèlent de sérieuses
réserves à l’égard des programmes de testage d’État à grande échelle (Education Week,
2001). Selon le rapport, les tests d’État prennent peut-être trop d’importance en salle de
classe et encouragent des pratiques indésirables. L’enquête révèle ce qui suit :
• Presque sept enseignantes ou enseignants sur dix disent que l’éducation accorde
« beaucoup trop » ou « plutôt trop » d’importance aux tests d’État.
• 66 p. 100 disent que les tests d’État les forcent à trop se concentrer sur la matière
testée au détriment d’autres sujets importants.
• Environ 29 p. 100 rapportent utiliser « dans une large mesure » des tests de pratique
d’État ou du matériel commercial de préparation aux tests pour exercer les élèves en
vue des examens d’État.
• Près de la moitié des personnes interrogées déclarent passer « beaucoup » de temps à
préparer leurs élèves à rehausser leur aptitude à passer des tests.
Œ 63 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Nul ne sera donc surpris que le testage à grands enjeux mine toute tentative
d’évaluation différente en classe et provoque en même temps une déqualification du
personnel enseignant. Des recherches à long terme effectuées sur l’enseignement
secondaire au Canada et dans l’État de New York par Hargreaves (2002) et ses collègues
révèlent certaines conséquences troublantes pour l’évaluation en salle de classe, faisant
ressortir les contradictions de politique notées plus tôt et le dilemme pratique auquel se
heurtent les enseignantes et les enseignants dans leur travail quotidien avec leurs élèves.
Ces recherches indiquent que le testage à grands enjeux :
amène les membres du corps enseignant soit à abandonner les pratiques
d’enseignement qui couvrent l’ensemble des besoins variés de tous leurs
élèves pour les remplacer par une préparation mécanique aux tests, soit
à s’épuiser à préparer leurs élèves aux tests tout en les aidant en vue
d’évaluations qui leur permettent de mettre en évidence un
apprentissage plus substantiel au moyen de performances et
d’expositions. (p. 84-85)
Également alarmante est la constatation que les enseignantes et les enseignants
d’expérience quittent la profession à cause des pressions exercées par le régime de
responsabilisation qui met l’accent sur le testage à grands enjeux, la préparation à ces
tests et des normes étroites en matière de programmes d’études. C’est là la principale
raison citée dans un récent sondage effectué auprès de membres de la collectivité
enseignante de la Californie ayant déjà laissé la profession (Tye et O’Brien, 2002). Cette
raison était aussi une des principales avancées par d’autres pratiquant encore mais
envisageant de partir. L’un d’eux a fait remarquer : « Je pensais que je pourrais utiliser les
nombreuses leçons que j’avais mises au point, mais à cause de la “responsabilisation
accrue”, j’ai dû me servir de matériel imposé par le district et l’État. » Et un autre de
dire : « Tous mes talents créatifs semblaient mis de côté à cause de l’exercice de dressage
destructif qu’ils m’obligeaient à faire pour le test de connaissances scolaires SAT-9
[Stanford Achievement Test, 9e édition]. » (Tye et O’Brien, p. 27)
Quand on considère les questions liées à l’intensification des tâches du personnel
enseignant, qui arrive au second rang sur la liste, en plus de la pression montante
provoquée par la responsabilisation, on obtient une combinaison potentiellement nocive
pour le professionnalisme. Un récent sondage sur le milieu de travail a révélé que
60 p. 100 des enseignantes et des enseignants canadiens trouvent leur travail de plus en
plus stressant, et la charge de travail a été citée comme l’une des principales raisons de
l’abandon de la profession (FCE, 2001). Quantité d’autres sondages et études ont eu lieu
au Canada et à l’échelle internationale, ces dernières années, sur la charge de travail et la
vie du personnel enseignant au travail31.
Le testage de la population enseignante est souvent brandi au nom d’une meilleure
responsabilisation, au même titre que d’autres éléments de réforme comme le salaire au
mérite (y compris le fait de lier la rémunération du personnel enseignant au rendement
que les élèves obtiennent aux tests). La FCE a rapporté que ce testage32 pourrait mener à
une érosion de la professionnalisation :
Œ 64 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Le testage du personnel enseignant — dont le point de mire est à
l’heure actuelle, pour emprunter les mots d’Apple, une gamme limitée
d’aptitudes techniques et génériques ou encore une liste atomisée de
« compétences » relativement faciles à mesurer qui pourraient ne pas
être des facteurs clés de la réussite d’une enseignante ou d’un
enseignant — pourrait amener les facultés d’éducation à enseigner selon
le test ou, comme le signale un observateur, mener à l’abrutissement de
la formation pédagogique. (Cette tendance semble déjà se dessiner au
Massachusetts, où les programmes de formation pédagogique adaptent
leur curriculum au test de certification du personnel enseignant de
l’État.) De même que le testage standardisé des élèves a pour effet de
rétrécir le curriculum des écoles, le testage standardisé du personnel
enseignant pourrait infléchir et réduire le contenu du curriculum des
programmes de formation pédagogique. En fait, le testage pourrait
dicter la définition d’un enseignement efficace. (Froese-Germain et
Moll, 2001, p. 7)33
La tendance à traiter les questions d’éducation complexes en y répondant par des
politiques techniques et normalisées comme le testage des enseignantes et des
enseignants contribue à la déprofessionnalisation de ces derniers.
Les éducatrices et les éducateurs ont une conscience aiguë du fait que l’enseignement
est beaucoup trop complexe pour être évalué de cette façon.
En général, la tendance qu’ont les décisionnaires à traiter les questions d’éducation
complexes en y répondant par des politiques techniques et normalisées comme le testage
des enseignantes et des enseignants contribue à la déprofessionnalisation de ces derniers.
Le corps enseignant est en faveur d’une responsabilisation accrue, sauf
si…
À propos de ce qu’il décrit comme la « poussée de la responsabilisation », l’éducateur
J. Amos Hatch (2002) s’inquiète de voir imposer à de très jeunes enfants une réforme
fondée sur des normes rigides34. Il énonce plusieurs conditions qui devraient être
remplies avant qu’il accorde son appui à l’application de normes scolaires à l’éducation
de la petite enfance. Ces conditions peuvent s’avérer utiles pour permettre d’accepter la
responsabilisation en éducation et ses effets sur tous les enfants et les jeunes, ainsi que
pour nourrir la réflexion sur ce qu’est la responsabilisation et ce qu’elle n’est pas. Plus
précisément, Hatch serait en faveur de normes appliquées à l’éducation de la petite
enfance…
• sauf quand leur mise en œuvre risque de faire en sorte que des enfants âgés
seulement de trois ou quatre ans se sentent soumis à des pressions en classe.
Œ 65 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
• à moins qu’elles ne soient utilisées de façon à contraindre les enseignantes et les
enseignants à abandonner leur mission d’enseigner aux jeunes enfants pour adopter
celle d’enseigner un ensemble de compétences de base.
• excepté dans les cas où le fait de passer à un curriculum basé sur des normes réduit
un riche ensemble d’expériences à une étroite séquence de leçons.
• à moins que les enfants, le personnel enseignant et les programmes soient
systématiquement désignés comme déficients en vue de les responsabiliser.
• aussi longtemps que les enseignantes et les enseignants ne sont pas dépouillés de leur
rôle de décisionnaires professionnels.
• sauf si elles montrent aux jeunes enfants à accorder plus d’importance à l’atteinte de
certains objectifs qu’à leur capacité d’apprendre.
À l’intérieur d’un modèle dicté par l’obsession de l’uniformité, la
diversité devient un problème, et les enfants de groupes différents
risquent de devenir des victimes simplement à cause de leur différence.
• sauf quand l’usage de normes nous porte à ne pas tenir compte des forces et des
besoins individuels des jeunes enfants.
• excepté dans les cas où les différences familiales et culturelles n’ont pas leur place
parce que les programmes mettent l’accent sur l’uniformité. (Dans un triste
commentaire au sujet de la réforme basée sur les normes, Hatch mentionne qu’à
l’intérieur d’un modèle dicté par l’obsession de l’uniformité, la diversité devient un
problème, et les enfants de groupes différents risquent de devenir des victimes
simplement à cause de leur différence (p. 461).
• à moins qu’il soit difficile de prouver que les jeunes enfants bénéficient réellement de
ce mouvement.
• à moins que cela ne signifie que les forces qui motivent le milieu américain des
affaires se retrouvent appliquées dans des classes de très jeunes enfants.
Œ 66 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Pour faire progresser la
responsabilisation en éducation
La discussion qui précède tente de montrer que l’instauration d’une véritable
responsabilisation dans le domaine de l’éducation n’est pas une mince affaire. Dans cette
« tapisserie » complexe, nombreux sont les fils qui doivent être identifiés et
soigneusement tissés ensemble. Les éléments individuels qui la composent seront moins
efficaces s’ils sont mis en oeuvre isolément et c’est pourquoi la cohérence des politiques
et l’intervention sur plusieurs fronts s’imposent.
L’instauration d’une véritable responsabilisation en éducation n’est pas
une mince affaire. Dans cette « tapisserie » complexe, nombreux sont les
fils qui doivent être identifiés et soigneusement tissés ensemble.
Un cadre global permettant d’instaurer une responsabilisation authentique en
éducation serait façonné par les concepts suivants :
• La responsabilisation à l’égard du public est un principe fondamental qui sous-tend
l’éducation publique.
• Comme les élèves sont au centre de l’éducation publique, il faut reconnaître que le
but premier d’un système de responsabilisation doit être de soutenir et d’améliorer
l’enseignement et l’apprentissage pour l’ensemble des élèves.
• Les enseignantes et les enseignants font bon accueil à la responsabilisation lorsqu’elle
est juste et équitable pour l’ensemble des élèves (FEEO, Adjusting the Optics,
2001).
• La responsabilité de l’apprentissage des élèves et de la qualité globale de l’éducation
doit être répartie entre de nombreux partenaires. Les membres du corps enseignant,
quoique plus directement concernés, figurent parmi d’autres protagonistes. La
responsabilisation doit en outre signifier une responsabilité commune d’améliorer
l’éducation à tous les paliers — du préscolaire au postsecondaire, à l’éducation des
adultes et au-delà.
• Les enseignantes et enseignants et les autres partenaires en éducation devraient
rendre compte de ce qui relève de leur autorité et de leur contrôle.
• Mettre l’accent sur le testage standardisé et le classement des écoles n’est pas un bon
moyen d’accéder à la responsabilisation. Le testage standardisé ne remplace pas une
véritable responsabilisation.
• Les régimes de responsabilisation à grands enjeux et les autres mesures standardisées
de « réforme » de l’éducation, y compris le testage du personnel enseignant, tout en
étant hautement visibles politiquement, menacent le professionnalisme et
l’autonomie des enseignantes et des enseignants. Ils réduisent les possibilités de ceux-
Œ 67 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
ci de faire appel à leur jugement et à leur expérience professionnels pour prendre des
décisions pédagogiques judicieuses fondées sur les capacités et les besoins individuels
des enfants.
• La responsabilisation doit être considérée dans le contexte des multiples buts de
l’éducation publique. Tout particulièrement, elle doit découler d’une forte vision du
rôle que joue l’éducation publique dans la formation des citoyens et des citoyennes
ainsi que de structures et de sociétés démocratiques, d’une vision de l’éducation
publique déterminée à part égale par les principes d’équité, d’accessibilité,
d’universalité et de qualité.
• La responsabilité de fournir de bonnes écoles doit se fonder sur une recherche
éducationnelle solide.
• On ne saurait trop insister sur le besoin d’indicateurs multiples pour évaluer les
élèves et le succès des écoles; un cadre global de responsabilisation reconnaîtrait le
besoin de rendre compte des résultats (y compris — mais sans s’y limiter —
l’évaluation de l’apprentissage des élèves au sens large), des processus et des facteurs
contextuels.
Le but premier d’un système de responsabilisation doit être de soutenir et
d’améliorer l’enseignement et l’apprentissage pour l’ensemble des élèves.
• L’éducation est un important service public produisant des avantages à la fois
individuels et collectifs. La société doit donc à son égard remplir sa responsabilité
collective de fournir les « intrants » — notamment des personnes qualifiées et
engagées, des ressources matérielles, une infrastructure, des fonds — nécessaires à la
prestation d’une éducation publique de qualité. Cette responsabilité englobe l’idée
de s’assurer que les élèves ont toutes et tous accès à des possibilités d’apprendre
adéquates, en reconnaissant que les facteurs socio-économiques ont une incidence
directe sur la capacité qu’a une personne de tirer parti des possibilités d’éducation
qui existent.
• Une évaluation de qualité émanant de la salle de classe — faisant appel à toute une
gamme de méthodes au fil du temps, incorporant des formes authentiques
d’évaluation des élèves et intégrée au curriculum et à l’enseignement — doit être un
élément central d’un cadre de responsabilisation différent. Les évaluations en salle de
classe :
♦
sont conçues et effectuées par les enseignantes et les enseignants, qui sont les
mieux placés pour mesurer et évaluer le rendement des élèves et en faire rapport;
♦
font appel au jugement professionnel du personnel enseignant;
♦
sont utilisées pour soutenir et améliorer l’apprentissage des élèves.
• La profession enseignante a besoin de soutien pour acquérir les compétences et les
connaissances nécessaires afin d’effectuer une évaluation de qualité en salle de classe.
La formation (préalable à l’enseignement ou en cours d’emploi) et le
perfectionnement professionnel sur la mesure et l’évaluation en salle de classe
doivent être une priorité. De plus, les enseignantes et les enseignants ont besoin
Œ 68 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
d’une période de temps adéquate pendant le jour de classe pour mesurer et évaluer
l’apprentissage des élèves et en rendre compte, particulièrement dans le cas d’élèves
ayant des besoins particuliers.
• La gestion d’une éducation responsabilisée est une autre pièce cruciale du casse-tête
de la responsabilisation. Les écoles publiques et les systèmes scolaires publics doivent
être gérés par des personnes qui sont élues et sont tenues de rendre des comptes à la
population.
• Un cadre de responsabilisation devrait reconnaître et renforcer la responsabilisation
professionnelle des enseignantes et des enseignants. Le concept de responsabilisation
professionnelle comporte un certain nombre de caractéristiques, y compris :
♦
le rapport positif entre la qualité de l’enseignante ou de l’enseignant et le
rendement de l’élève — d’où le besoin de fournir aux membres du personnel
enseignant un accès continu aux connaissances et au soutien nécessaires pour
qu’ils puissent prendre chaque jour des décisions éducationnelles éclairées dans
leur salle de classe, afin d’améliorer l’apprentissage de leurs élèves. Le
perfectionnement professionnel, qui recouvre une vaste gamme d’initiatives
comme les communautés d’apprentissage professionnelles, est indispensable
pour rehausser la qualité du personnel enseignant.
♦
l’amélioration des conditions de travail, qui se répercute sur les conditions
d’apprentissage des élèves, la satisfaction et la motivation reliée au travail,
l’autonomie professionnelle ainsi que le recrutement et le maintien en poste.
♦
l’autonomie professionnelle, au coeur de laquelle réside le droit de l’enseignante
ou de l’enseignant de prendre des décisions et de faire des choix responsables qui
lui permettent de répondre aux besoins divers et changeants des élèves.
♦
la reconnaissance cruciale du fait que la responsabilisation à l’égard du succès de
l’enseignante ou de l’enseignant est une responsabilité que doivent partager tous
les membres clés du système d’éducation (FES, 2002).
La Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants accueille
ouvertement tout apport à la discussion sur la nature de la responsabilisation
authentique dans l’éducation publique, et sur le rôle des organisations de
l’enseignement dans la définition et l’avancement de ce débat.
Rodrigue (2002) met les syndicats de l’enseignement au défi de dépasser le discours de
la critique pour entrer dans le discours de la possibilité, d’accepter la responsabilité de
faciliter une autre vision de l’éducation et de l’apprentissage (p. 36). Hargreaves (2003)
incite aussi les syndicats à devenir des chefs de file, en tant qu’agents de changement,
dans la création d’un mouvement social renouvelé, visionnaire, en faveur d’un système
d’éducation publique dynamique et inclusif à l’intérieur d’une société du savoir (p. 206).
La scientifique et philosophe canadienne renommée Ursula Franklin demande
simplement : « Que fait-on après avoir envisagé les choses d’un mauvais côté? ».
Œ 69 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Dans l’esprit de ce défi et conformément à l’idée de responsabilité commune inhérente
à la responsabilisation, élaborer et promouvoir un nouveau cadre de responsabilisation
coordonné doit en soi être une tâche partagée. Il existe sur la question une perspective
unique et cruciale, celle des enseignantes et des enseignants, qui doit être entendue. La
Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants accueille ouvertement tout
apport à la discussion sur la nature de la responsabilisation authentique dans l’éducation
publique, et sur le rôle des organisations de l’enseignement dans la définition et
l’avancement de ce débat.
Dans son plaidoyer aux membres du corps enseignant pour qu’ils reprennent la
responsabilisation en main pour ainsi dire, Gallagher (2004) déclare :
Il est temps pour ceux qui contrôlent réellement ou devraient contrôler
le système — les membres du corps enseignant — de nous dire ce qui
est meilleur pour les élèves du point de vue de l’éducation. Et il est
temps pour les enseignantes et les enseignants de renverser les rôles avec
les réformateurs et de les obliger à rendre des comptes en leur posant le
genre de questions qui importent réellement.* (p. 359)
Tout cela contribuerait sûrement beaucoup à conférer à la responsabilisation un visage
humain — et à promouvoir une responsabilisation éducationnelle authentique qui met
en première place l’enseignement et l’apprentissage.
* traduction libre
Œ 70 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
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Œ 80 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Notes en fin de texte
1
Michel Agnaïeff est secrétaire général du Groupe d’action sur les politiques en
apprentissage et en éducation de la Commission sur la mondialisation (créée par le
State of the World Forum), et ancien enseignant et directeur général de la Centrale de
l’enseignement du Québec (CEQ). Il a prononcé l’allocution principale sur l’avenir du
syndicalisme dans l’enseignement à la Réunion mixte du personnel des organisations
Membres de la FCE tenue en décembre 2002.
2
Dans son excellente analyse des mandats changeants de l’enseignement et de
l’éducation dans le contexte contemporain de la mondialisation, Smith (2000) note
que la période allant du début des années 1970 au milieu des années 1990 marque le
moment où la configuration de base des processus de mondialisation d’aujourd’hui
s’est concrétisée. Parmi les facteurs majeurs ayant contribué à cet état de choses figure
le remaniement des règles sur la taxation en faveur des intérêts économiques aux
dépens des intérêts sociaux et culturels, qui a souligné le changement le plus
fondamental et le plus profond survenu dans les sociétés occidentales depuis le milieu
des années 1980 et a provoqué en grande partie l’érosion graduelle de toutes ces
institutions publiques et sociales qui avaient prospéré pendant la longue période de
croissance qui a suivi l’Accord de Bretton Woods de 1945 (p. 12).
O’Sullivan (1999) soutient que deux grands paradigmes ont dominé le débat sur
l’éducation canadienne au cours des trois dernières décennies – la compétitivité
économique mondiale qui soutient que la connaissance est devenue l’avantage
concurrentiel des nations industrialisées dans l’économie planétaire et que des
principes utilitaires devraient guider nos réformes en matière d’éducation;
l’interdépendance mondiale qui soutient que nous devrions reconnaître que nos
besoins et nos responsabilités mondiaux sont interdépendants et que cela devrait
guider nos réformes éducationnelles (p. 311). Le paradigme de la compétitivité
économique mondiale est l’une des grandes forces qui influe sur la réforme de
l’éducation.
3
Dans le cadre de sa série controversée de « bulletins scolaires », le Fraser Institute
élabore et publie des classements d’écoles secondaires en Colombie-Britannique depuis
1998, et en Alberta depuis 1999. Des classements pour les écoles secondaires du
Québec et de l’Ontario ont été publiés en 2000 et en 2001 respectivement. Le Fraser
Institute a plus récemment entrepris de coter et de classer les écoles élémentaires de
l’Alberta (2002, 2004) et de la Colombie-Britannique (juin 2003), ainsi que de classer
les écoles sur la base des notes d’examen des élèves autochtones. Sur la côte est,
l’Atlantic Institute for Market Studies (AIMS), organisme « de droite », a publié son
premier classement annuel des écoles secondaires de la région de l’Atlantique au début
de 2003.
4
Voir par exemple l’analyse de Philip Nagy sur le classement des écoles secondaires de
l’Ontario faite par le Fraser Institute, ou l’analyse réalisée par Robert Crocker du
« bulletin scolaire » de l’AIMS sur les écoles secondaires du Canada atlantique.
Œ 81 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Œ 82 Œ
5
La loi « aucun enfant laissé pour compte » exige que toutes les écoles soumettent à un
test annuel de lecture et de mathématiques tous les élèves de la 3e à la 8e année (des
tests en sciences viendront s’ajouter pendant l’année scolaire 2006-2007). De plus,
comme l’explique Bracey (2003), les écoles doivent démontrer des progrès annuels
adéquats. Pour qu’une école puisse être considérée comme ayant fait de tels progrès,
tous les groupes ethniques, tous les groupes socio-économiques majeurs, les élèves
apprenant l’anglais langue seconde et les élèves en difficulté sont classés à part. Quatrevingt-quinze pour cent des élèves de chaque groupe doivent être testés et si l’un de ces
groupes ne fait pas de progrès, c’est l’école dans son ensemble qui échoue… Les écoles
doivent continuer à faire des progrès jusqu’à ce que, d’ici à 2014, 100 p. 100 des élèves
d’une école puissent avoir la cote “compétent” (p. 149). Certains ont mentionné que la
loi aurait pu s’intituler « aucun enfant non testé ».
6
Voir aussi Leithwood, 2001.
7
La responsabilisation en éducation étant un vaste sujet, les éléments discutés ici
n’entendent pas être exhaustifs ni définitifs. Ce rapport tente de peindre à grands traits
un cadre de rechange.
8
Par exemple, parmi les nombreuses qualités impossibles à évaluer à l’aide de tests
standardisés figurent la pensée critique, la créativité, la motivation, le civisme, la
conscience de soi, l’autodiscipline, l’enthousiasme, la compassion et l’humour (Gerald
Bracey cité par Holt, 2002, p. 268).
9
Kohn (2001) cite une recherche propre à faire réfléchir ayant établi une association
statistique entre des notes élevées aux tests standardisés et un niveau de pensée
relativement superficiel... en règle générale, il est plus probable qu’à des résultats
d’examens standardisés élevés corresponde une approche superficielle de
l’apprentissage plutôt qu’une compréhension profonde (p. 349-350). Les tests
standardisés n’encouragent pas l’esprit critique des élèves et favorisent la
déqualification du personnel enseignant.
10
Par exemple, des recherches récentes sur le développement du cerveau des
adolescentes et des adolescents suggèrent que celui-ci, loin d’être complètement
développé comme on le croit généralement, serait en un sens encore « en
construction », avec des poussées de croissance très rapide accompagnées de périodes
d’« élagage ou d’éclaircissage » des cellules cérébrales. Les cellules « élaguées » le
seraient, semble-t-il, en fonction des activités de la personne – lire, écouter de la
musique ou pratiquer un sport, ou regarder la télévision et jouer à des jeux vidéo.
Cette nouvelle façon de voir a des incidences pédagogiques car elle pourrait servir à
déterminer le stade de développement cérébral où en sont les élèves afin d’adapter
l’enseignement en conséquence (Valpy, 2003). Selon Valpy (2003), c’est une approche
qui ne cadre pas facilement avec les programmes d’études et les classements rigidement
normalisés (p. F8).
11
Kristjanson et Dyer (2003) fournissent une bonne analyse de la partialité qui entache
les tests à choix multiples, en particulier ceux qui touchent les élèves de sexe féminin et
les apprenantes et les apprenants d’anglais langue seconde.
Responsabilisation à visage humain en éducation
12
Dans une étude de 16 États ayant adopté des politiques de testage à grands enjeux
(dans ce cas des tests requis pour l’obtention du diplôme d’études secondaires),
Amrein et Berliner (2002) ont trouvé que les enseignantes et les enseignants des écoles
urbaines étaient de plus en plus nombreux à « enseigner en fonction du test », ce qui
consiste, comme ils le décrivent, à limiter l’enseignement aux éléments qui figureront
certainement dans les tests, à obliger les élèves à passer des heures à mémoriser des
données et à leur faire faire des exercices afin qu’elles et ils puissent réussir aux tests.
13
Le problème se pose particulièrement quand un tel organisme n’est pas constitué de
membres élus ou n’est pas tenu de rendre compte à un électorat, mais qu’il influe sur
les décisions de politique éducationnelle comme, par exemple, l’Organisation de
coopération et de développement économiques (OCDE) et son Programme
international pour le suivi des acquis des élèves (PISA). En avril 2003, le Conseil des
ministres de l’Éducation (Canada) (CMEC) a annoncé qu’un nouveau programme de
testage national, le Programme pancanadien d’évaluation (PPCE), sera introduit en
2007 et remplacera le Programme d’indicateurs de rendement scolaire. Selon un
communiqué de presse du CMEC, le PPCE « s’intègre également parfaitement avec
les évaluations internationales que nous entreprenons par l’entremise de l’OCDE ».
Cette harmonisation est également évidente dans une nouvelle étude, publiée par
Statistique Canada, destinée à élaborer des procédures techniques permettant aux
ministères de l’Éducation d’établir un lien entre les tests provinciaux et les tests
nationaux et internationaux afin de pouvoir comparer les normes et présenter les
résultats selon une échelle commune. L’étude examine en particulier la liaison entre les
tests de lecture de la B.C. Foundation Skills Assessment (FSA) et PISA (Cartwright et
autres, 2003).
14
La FECB est partenaire d’un projet de recherche sur la multi-alphabétisation financé
par le Conseil de recherches en sciences humaines et coordonné par la Faculté de
l’éducation de la University of British Columbia. Ce projet, qui fera intervenir des
enseignantes et des enseignants dans des initiatives de recherche-action et des pratiques
réflexives, traite de l’alphabétisation comme un processus complexe et
multidimensionnel, remettant en question l’approche étroite de l’alphabétisation que
reflètent les tests standardisés comme ceux de la FSA.
15
Le but déclaré de l’Assessment Reform Group est de veiller à ce que la politique
publique à tous les niveaux tienne compte de la recherche pertinente en matière de
pratiques d’évaluation. Adresse Web : http://www.assessment-reform-group.org.uk/.
16
Bower et Rolheiser (2000) présentent un bon survol de l’évaluation par portfolio, qui
énonce les domaines clés de prise de décision pour le personnel enseignant et les élèves.
17
Les préoccupations publiques au sujet du Massachusetts Comprehensive Assessment
System (MCAS) ont poussé l’American Civil Liberties Foundation du Massachusetts
(ACLFM) à émettre un avis au public sur des questions liées au programme de testage
comme la discrimination et le droit de protester. L’ACLFM a souligné l’importance de
permettre au débat sur l’usage discutable d’un examen discutable d’être entendu.
Adresse Web : http://www.aclu-mass.org/youth/studentrights/mcasadvisory.html.
Œ 83 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
Œ 84 Œ
18
La Charte de l’Enseignement Public est l’aboutissement d’un processus de consultation
publique qui a eu lieu pendant cinq mois en Colombie-Britannique, au cours duquel
un panel indépendant de membres de la collectivité a visité plus d’une quarantaine de
communautés, entendu au-delà de 620 exposés officiels et engagé des discussions avec
un millier de participants et de participantes au sujet des valeurs les plus importantes
que partagent les habitants et les habitantes de la province en matière d’éducation
publique.
19
En plus de permettre à l’enseignante et à l’enseignant d’accorder une plus grande
attention aux besoins individuels des élèves et aux différences qui existent entre eux et
elles, les recherchistes ont constaté que le fait de réduire l’effectif des classes peut
résulter en une couverture plus approfondie des matières par l’enseignante ou
l’enseignant, en un apprentissage meilleur et en un plus grand engagement des élèves, à
des relations plus personnalisées entre le personnel enseignant et les élèves et à des
écoles plus sûres et présentant moins de problèmes de discipline (Schwartz, 2003).
Pour de plus amples renseignements au sujet de la recherche sur l’effectif des classes,
voir le site Web de la FECB à http://www.bctf.bc.ca/education/ClassSize/.
20
Selon Roch Carrier, auteur bien connu et administrateur général de la Bibliothèque
nationale du Canada, la situation de nos bibliothèques scolaires peut seulement être
qualifiée de désespérée dans presque chacune des provinces (Haycock, 2003, p. 13).
Voici quelques exemples qui en disent long : seulement 10 p. 100 des écoles
élémentaires de l’Ontario ont une enseignante-bibliothécaire ou un enseignantbibliothécaire à temps plein, comparativement à 42 p. 100 il y a 25 ans. En Alberta, le
nombre d’enseignants-bibliothécaires et d’enseignantes-bibliothécaires (à mi-temps ou
plus) est tombé de 550 en 1978 à 252 en 1998, puis à 106 en 2000. En l’an 2002, la
Nouvelle-Écosse en comptait 9, contre 103 en 1990.
21
Le site Web de la Canadian Coalition for School Libraries se trouve à http://
www.peopleforeducation.com/librarycoalition/.
22
Voir « Educational Indicators » dans le site Web de la Manitoba Teachers’ Society à
http://www.mbteach.org/indicators.htm; voir aussi les rapports de suivi de People for
Education à http://www.peopleforeducation.com/index.html.
23
Pour des données à jour sur la situation de la pauvreté infantile, voir le rapport de
2003 La pauvreté des enfants au Canada de Campagne 2000 à http://
www.campaign2000.ca/.
24
Cela inclut les services de garde à l’enfance réglementés, les programmes de ressources
pour la famille, la prématernelle et les activités de transition vers l’école élémentaire
(Campagne 2000).
25
Les documents de travail et les autres ressources du Research Network on New
Approaches to Lifelong Learning sont disponibles à http://www.oise.utoronto.ca/
depts/sese/csew/nall/.
Responsabilisation à visage humain en éducation
26
Ce sera le sujet de l’allocution principale qu’il fera à la Conférence nationale de la
FCE sur la responsabilisation, qui aura lieu à Ottawa en mai 2004 et a pour thème
« Du culte du testage à une culture de la responsabilisation professionnelle ». Parmi les
autres conférenciers et conférencières figurent Alfie Kohn, Lorna Earl, Maurice Holt,
Lise Charland, Anne Rodrigue et Ken Leithwood.
27
Les autres régimes sont décrits comme suit : individualisme permissif, individualisme
corrosif, cultures de collaboration, collégialité forcée et sectes de formation en vue
d’améliorer la performance.
28
Miles (2000) insiste beaucoup sur le fait que les termes « testage du personnel
enseignant » et « évaluation du personnel enseignant » ne sont pas synonymes.
29
Un nombre important d’enseignantes et d’enseignants qui débutent dans la carrière
quittent la profession au cours des trois à cinq premières années. La situation se
complique encore davantage du fait que beaucoup de nouvelles diplômées et de
nouveaux diplômés en éducation optent pour d’autres emplois (souvent mieux payés,
dans le secteur privé) avant même d’avoir mis les pieds dans la salle de classe.
30
« Standardized Reforms; Unique Lives », symposium interactif parrainé par le Special
Interest Group on the Lives of Teachers, le mercredi 23 avril 2003 (Assemblée annuelle
de 2003 de l’American Educational Research Association, à Chicago) – Membres du
panel : Andy Hargreaves, Ann Lieberman et June Gordon.
31
Les organisations de l’enseignement ont effectué une quantité considérable de
recherches sur les questions liées à la charge de travail du personnel enseignant. Voir
par exemple http://www.bctf.ca/info/research/workload.html.
32
Le programme de testage du personnel enseignant de l’Ontario a quatre grandes
composantes : un Test d’entrée à la profession enseignante; un Programme de
perfectionnement professionnel; un Système d’évaluation du rendement du personnel
enseignant; un programme d’initiation. Il en coûte au-delà de 2,7 millions de dollars
pour concevoir et faire passer le Test d’entrée aux diplômées et aux diplômés de la
Faculté d’éducation.
33
Réduire l’enseignement à des ensembles de compétences atomisées semble être une
caractéristique du nouveau Système d’évaluation du rendement du personnel
enseignant de l’Ontario. Introduit en septembre 2002, le SERP se fonde sur
16 normes d’exercice de la profession enseignante élaborées par l’Ordre des
enseignantes et des enseignants de l’Ontario. Aux fins d’application du système
d’évaluation du rendement du gouvernement, ces normes d’exercice sont devenues
16 « énoncés de compétences de base », qui ont ensuite donné lieu à pas moins
de 133 « points à rechercher » ou indicateurs de rendement. Les directrices et
directeurs d’école auront pour tâche d’évaluer leur personnel enseignant en utilisant
cette approche qui, prévoit-on, alourdira substantiellement leur charge de travail déjà
importante (Amato, 2002). Une vérification globale de la politique de l’Ontario en
matière d’éducation a conclu que l’approche actuelle du testage des enseignantes et des
enseignants est un gaspillage de ressources éducationnelles déjà insuffisantes
(communiqué de presse de la University of Toronto, 2003). Le gouvernement libéral
Œ 85 Œ
Responsabilisation à visage humain en éducation
nouvellement élu à la tête de la province a annoncé en décembre 2003 qu’il déposerait
un projet de loi pour annuler la composante controversée de recertification des
enseignantes et des enseignants du Programme d’apprentissage professionnel
(Alphonso, 2003).
34
Œ 86 Œ
Par exemple, aux États-Unis, plus d’un demi-million d’enfants de quatre ans subissent
dans le cadre du programme Head Start (bon départ), destiné aux jeunes enfants, des
tests standardisés de mathématiques, d’aptitude à lire et à écrire et de vocabulaire
(Head Start est conçu pour aider les enfants pauvres à se préparer à la maternelle). Il
s’agit du plus grand programme de testage préscolaire à ce jour aux États-Unis (Rimer,
2003). Comme le signalait un observateur, voilà bien les « plus petits testés » que l’on
puisse trouver (Brenna, 2003).