croquis - Fondation Hainard
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croquis - Fondation Hainard
C R O Q U I S Ours. Au matin, ils étaient tous là. Le croquis n’est pour moi qu’une note en vue d’une réalisation plus complète. Il est la mise en place d’une gravure, conçue déjà en surfaces colorées; la notation d’un mouvement, d’un volume, total ou partiel, pour la sculpture. Un croquis pour la gravure est très différent d’un croquis pour la sculpture. Deux pélicans jouant Tracé sous le choc immédiat du réel, enregistrant un moment de grande tension, de découverte, le croquis a un accent inimitable. C’est un instrument dangereux. Grand-duc Va-t-on le traiter comme un simple tracé, à remplir par des tons plats, intellectuels et vides, du modelé conventionnel raisonné selon la théorie du tracé des ombres? Va-t-on en exécuter un laborieux fac-similé? Il enregistre en traits foncés les bonds de la main (j’ai d’ailleurs l’habitude de tenir le crayon souvent à plat, pour élargir le contact de la mine et couvrir des surfaces). Faut-il laborieusement réserver les traits du crayon avec l’outil qui trace, lui, des blancs, le contraindre, l’interrompre aux cent croisements du trait, s’astreindre à suivre la forme compliquée des vides? Ou faut-il laisser bondir l’outil sous la même impulsion qui mena le crayon? Le laisser tracer selon ses propres facilités? 1 L’image vaut ce que vaut la clarté et la puissance du souvenir, mais il n’est pas de mémoire sans lacunes. Le meilleur croquis est celui qui réveille le souvenir le plus complet, au-delà de ses propres traits. C’est le trahir alors que de le copier trop graphiquement. Là encore, la valeur de l’oeuvre dépend du difficile accord de tendances inconciliables, de la tension de désir que cet accord incomplet traduit. Une de mes gravures qui ont le mieux plu, les Truites frayant, allie assez complètement le respect du graphisme du croquis avec une impression bien sensorielle de l’eau courante et du jeu des transparences et des reflets sous l’oblique soleil d’hiver. Truites frayant – croquis Truites frayant - gravure Le croquis n’avait d’autre raison d’être que la gravure qu’il préparait. La gravure faite, il serait bien triste qu’elle n’ait rien ajouté au croquis, mais on n’obtient rien sans sacrifice et on ne considère jamais le croquis sans mélancolie pour ce qui n’a pas passé dans la gravure, ou s’y est atténué, simplement noyé dans d’autres qualités. Mais si même le croquis restait l’expression la plus intense, la gravure lui aurait au moins servi à s’oublier, à tendre au-delà de lui-même; elle lui aurait ôté le souci de s’exprimer, qui tue sûrement l’expression. Sanglier et marcassins Croquis et gravure de Robert Hainard - © Fondation Hainard mmdp/10.12.2007 2