William Boyd L`Attente de l`aube
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William Boyd L`Attente de l`aube
15-Bibliotheque-dec_Mise en page 1 22/11/12 17:19 Page148 Bibliothèque tions et une exceptionnelle vitalité. Attaqué sur le plan politique, littéraire, intellectuel, moral, physiquement menacé, Rushdie a mené au cours de ces années de relative réclusion un combat permanent, infatigable. Il a créé un collectif, Article 19, en faveur de la liberté d’expression, pour faire pression sur les politiques. Il a contacté députés, ministres, chefs d’État, faisant valoir (à juste titre) que la cause qu’il incarne est cruciale en démocratie. Rappelons que les Versets sataniques sont un beau roman, baroque et complexe, que seuls ceux qui ne l’ont pas lu peuvent réduire à une insulte. Comme le jeune Asad, ex-chef de la société islamique de Coventry, qui, une dizaine d’années après le début de la fatwa, confie à Rushdie avoir changé d’avis : Carré, Roald Dahl et bien d’autres) estiment que le « fauteur de trouble » devrait présenter ses excuses ou du moins « faire profil bas » pour avoir « porté atteinte à une grande religion », et d’autre part, ceux qui comme Rushdie (et Martin Amis, Harold Pinter, Susan Sontag, Günter Grass, notamment) estiment qu’est en jeu un principe fondamental avec lequel il ne faut en aucun cas transiger. Rushdie ne doute pas du droit au doute, et il a raison. N’oublions pas que le traducteur japonais des Versets sataniques a été assassiné, son traducteur italien et son éditeur norvégien grièvement blessés, et que la récompense offerte pour le meurtre du romancier a été augmentée de 500 000 dollars en septembre dernier : il faut lire Joseph Anton, parce que ce témoignage alerte (comme on est « en alerte ») montre, de façon concrète et quotidienne, comment ne pas tolérer l’intolérance. Hargneux parfois, excellent tacticien, énergique, courageux toujours, Rushdie nous apprend par l’exemple comment défendre les valeurs auxquelles nous pensons tenir. Ève Charrin Il n’y a pas longtemps, s’écria-t-il, j’ai lu votre livre et je n’ai pas compris pourquoi on en avait fait toute une histoire ! Face aux philistins, Rushdie a toujours refusé de céder. Pour faire éditer en poche les Versets sataniques, pour écrire malgré le confinement (Haroun et la mer des histoires, le Dernier Soupir du Maure, la Terre sous ses pieds), surmonter les peurs de ses éditeurs et publier à nouveau, acheter une maison, sortir, parler en public, emprunter les avions de telle compagnie aérienne… le romancier s’est battu sur tous les fronts, attentif à tous les détails, soucieux jusqu’à l’obsession de défendre sa liberté d’écrire, sa liberté de vivre. Cette autobiographie de la fatwa est en réalité la chronique d’une dispute, au sens ancien du terme. Une dispute entre ceux qui (comme John Le William Boyd L’Attente de l’aube Paris, Le Seuil, 2012, 412 p., 22 € Par une magnifique journée de l’été 1913, Lysander Rief passe devant l’opéra de Vienne afin de se rendre à son premier rendez-vous chez le Dr Bensimon, psychanalyste anglais installé dans ce qui est encore la capitale de l’Empire austro148