DÉCISION de la Troisième Chambre de Recours du 25 avril 2001

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DÉCISION de la Troisième Chambre de Recours du 25 avril 2001
OFFICE DE L’HARMONISATION DANS LE MARCHÉ INTÉRIEUR
(MARQUES, DESSINS ET MODÈLES)
Les Chambres de recours
DÉCISION
de la Troisième Chambre de Recours
du 25 avril 2001
Dans l’affaire R 283/1999-3
Hollywood S.A.S.
11, rue de la Vanne
F-92120 Montrouge
France
Opposante et requérante
représentée par Mme Martine Dehaut, cabinet Ernest Gutmann-Yves Plasseraud S.A., 3,
rue Chauveau-Lagarde, F-75008 Paris, France
contre
Souza Cruz S.A.
Rua Candelaria, 66
Rio de Janeiro, RJ
Brésil
Demanderesse et défenderesse
représentée par Mark J. Hickey, cabinet Castle, 17 Lansdowne Road, Croydon Surrey,
CRO 2BX, Royaume Uni et Me Richard Gilbey, 90, rue d’Amsterdam, F-75009 Paris,
France
RECOURS concernant la procédure d’opposition numéro B 2073 (demande de marque
communautaire numéro 6775)
LA TROISIÈME CHAMBRE DE RECOURS
composée de S. Sandri (Président et Rapporteur), Th. Margellos (membre) et A. Bender
(membre)
Greffier: E. Gastinel
Langue de procédure: français
DÉCISION DU 25 AVRIL 2001 – R 283/1999-3 – HOLLYWOOD / HOLLYWOOD
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rend la présente
DÉCISION DU 25 AVRIL 2001 – R 283/1999-3 – HOLLYWOOD / HOLLYWOOD
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Décision
Faits et procédure
1
Le 1er avril 1996, Souza Cruz S.A. (la «demanderesse») a présenté à l’Office une
demande de marque communautaire n° 6775 sollicitant l’enregistrement de la marque
verbale
HOLLYWOOD
destinée à distinguer les produits suivants:
Classe 34 – Cigarettes, tabac, produits dérivés du tabac, articles pour fumeurs, briquets et
allumettes.
2
Cette demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 7/97 du 16
juin 1997.
3
Le 19 septembre 1997, Kraft Jacobs Suchard France, et son successeur Hollywood
S.A.S. (l’«opposante») a formé opposition à l’enregistrement de cette marque sur le
fondement de la marque française n° 1395012
HOLLYWOOD
enregistrée le 18 avril 1952. Cette marque couvre sur les produits suivants:
Classe 30 – chewing-gums.
4
L’opposante a basé son opposition sur l’article 8, paragraphe 5 du règlement (CE) n°
40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire (ci-après le
« règlement sur la marque communautaire »). Elle a soutenu que sa marque a acquis
une renommée en France et que, à la suite de campagnes publicitaires importantes,
cette marque en est venue à évoquer pour les consommateurs, et plus particulièrement
pour les jeunes, une image de dynamisme, de jeunesse, de santé et de vitalité. Pour
l’opposante, le fait que la demande contestée désigne des produits de tabac, qui par
leur nature nuisent à la santé, porterait préjudice à l’image et à la renommée de la
marque antérieure.
5
Par décision du 25 mars 1999 (ci-après la « décision attaquée »), notifiée aux partie
le même jour, la division d’opposition a rejeté l’opposition, en concluant :
«que les deux signes en conflit, reprenant exactement le même mot
HOLLYWOOD, sont des signes identiques,
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que la marque antérieure HOLLYWOOD jouit d’une renommée en France
pour des chewing-gums, au sens de l’article 8, paragraphe 5 du règlement, sans
pour autant que celle-ci invoque aux consommateurs une image de vitalité, de santé
et de bien-être, concept sur lequel sont basées les prétentions de l’opposant sur
l’avilissement de sa marque,
qu’à défaut de preuve d’une image évocatrice de santé et de bien-être de la
marque antérieure, aucune évaluation sur son éventuel avilissement n’est possible,
de même sur le préjudice potentiel de celle-ci,
et qu’enfin, à défaut de preuves sur l’utilisation effective en France des
marques HOLLYWOOD du demandeur pour des produits de tabac, le seul fait
que celles-ci coexistent au niveau du registre français avec la marque
HOLLYWOOD de l’opposant, ne constitue pas en soi un juste motif au sens de
l’article 8, paragraphe 5 du règlement ».
6
Le 25 mai 1999, l’opposante a formé un recours auprès de l’Office contre la décision
attaquée. Dans la partie « portée du recours » de l’acte de recours (voir point 31
dudit formulaire), la requérante a indiqué que: « l’opposant demande que la décision
soit reformée en ce qu’il considère qu’il importait que le déposant démontre que sa
marque était reconnue par les consommateurs comme symbolisant la santé, le
dynamisme, la jeunesse, le bien-être, dans la mesure ou ses prétentions quant à
l’avilissement de sa marque étaient fondées sur cette image et non pas sur la simple
renommée ; qu’à défaut d’avoir rapporté la preuve d’une telle image, aucune
évaluation sur un éventuel avilissement de cette dernière et sur le préjudice potentiel,
ne peut être effectuée. L’opposant forme son recours pour contester la décision
rendue sur ces deux points ».
7
Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé à l’Office le 23 juillet 1999.
La requérante y conclut à ce qu’il plaise aux chambres de recours de réviser la
décision attaquée aux motifs que:
-
« la marque Hollywood jouit en France d’une grande renommée ; en
particulier l’image de la marque auprès des consommateurs, liée à la santé, au
dynamisme, et à la jeunesse, a été dûment prouvée ;
cette image est indissociable de la renommée de la marque Hollywood et
l’usage sans juste motif d’une marque identique pour désigner des produits du
tabac affectera sans conteste l’image de cette marque, en brouillant négativement la
perception qu’en a le consommateur ;
le pouvoir d’attraction et donc la renommée de la marque Hollywood [de la
requérante] seront considérablement affaiblis de par sa coexistence avec la marque
Hollywood du déposant et qu’il en résultera une atteinte certaine à la valeur
économique de la marque Hollywood ;
une confusion pourrait naître dans l’esprit du consommateur susceptible de
penser que les produits du tabac portant la marque Hollywood ont été mis sur le
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marché avec le consentement de la société [requérante] par une entreprise ayant
des relations commerciales avec celle-ci ».
8
En page 7 de ce mémoire, il est ajouté que l’enregistrement de la marque opposée
permettrait au demandeur de profiter « indûment de l’exceptionnelle renommée de la
marque » antérieure.
9
À l’appui de ses conclusions, la requérante a déposé un certain nombre de nouveaux
documents et, en particulier, un sondage effectué par l’agence de publicité Euro
RSCG, des extraits d’une étude réalisée par la Société Etude et Stratégie en
Marketing et Communication Thema de 1997, la copie de la directive 98/43/CE du 6
juillet 1998 concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires
et administratives des États membres en matière de publicité et de parrainage en
faveur des produits du tabac, un sondage réalisé par l’Institut IPSOS en 1999, études
réalisées par l’Institut Sofres en 1999.
10
Le 5 août 1999, l’Office a envoyé à la défenderesse copie du mémoire exposant les
motifs du recours de la requérante, en lui donnant deux mois pour transmettre ses
observations. A la suite de la demande de la défenderesse, ce délai a été prorogé au
7 janvier 2000.
11
Les observations de la défenderesse en date du 7 janvier 2000 qui soulèvent
notamment le problème de la recevabilité de nouveaux moyens de preuve, mais non
pas celui de la recevabilité de nouveaux chefs de demande, ont été reçues par fax à
l’Office le 8 janvier 2000. Elles ont été transmises à la requérante qui a répondu par
de nouvelles observations le 26 avril 2000. La requérante a certes critiqué au fond les
observations de la défenderesse, mais elle a aussi et surtout appelé l’attention de la
chambre de recours sur l’irrecevabilité de ces mêmes observations, étant donné
qu’elles étaient parvenues à l’Office « après le délai » qui avait été octroyé à la
défenderesse.
12
Ces observations de la requérante ont été notifiées à la défenderesse le 6 juin 2000
par fax. Le 18 juillet 2000, cette dernière a répondu par fax en substance que: (a) au
cours de la soirée du 7 janvier 2000, « il n’a pas été possible d’accéder au disque sur
lequel les observations étaient enregistrées pendant plusieurs heures », l’ordinateur
étant tombé en panne; (b) la défenderesse s’est efforcée « de transmettre les
observations à l’OHMI et à 23h38 une transmission fut faite dont 24 pages, selon le
rapport de transmission, ont été effectivement transmises ». La défenderesse, qui a
déposé le rapport de transmission en question, a donc demandé que les premières 24
pages soient considérées comme étant transmises avant l’échéance du délai du 7
janvier 2000. En outre, elle considère que, en vertu de la règle 80, paragraphe 2 du
règlement (CE) nº 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant
modalités d’application du règlement sur la marque communautaire (ci-après le
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« règlement d’exécution »), l’Office aurait dû la prévenir que la première transmission
était incomplète et que, à défaut d’un tel avertissement, la chambre de recours devrait
accepter la transmission des documents dans leur intégralité.
13
Par ordonnance du 18 octobre 2000, la chambre de recours a ordonné la
convocation des parties à l’audience du 12 février 2001, appelant leur attention sur
les points qui allaient être discutés. Lors de cette audience, les parties ont plaidé ces
points sur le fond et ont répondu aux questions posées par la chambre de recours. La
partie requérante, avec l’assentiment de la défenderesse, a déposé des paquets de
chewing-gums commercialisés sous sa marque HOLLYWOOD ainsi qu’une copie de
la loi française nº 91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et
l’alcoolisme. De son côté, la défenderesse a aussi déposé quelques exemplaires de
tablettes de chewing-gum.
14
Entre-temps, le 11 janvier 2001, la partie opposante avait communiqué que la marque
en question avait été cédée à la société Hollywood S.A.S qui en est donc devenue le
titulaire.
Motifs
15
Le recours est conforme aux articles 57, 58 et 59 du règlement sur la marque
communautaire et à la règle 48 du règlement d’exécution. Il est dès lors recevable.
A. Sur la procédure:
a) les mémoires des parties
16
Pour des raisons de procédure, il convient de vérifier au préalable si les observations
de la défenderesse en date du 7 janvier 2000 peuvent être considérées comme
parvenues à l’Office dans le délai imparti du 7 janvier 2000.
17
En vertu de la règle 19 du règlement d’exécution, applicable mutatis mutandis à la
procédure devant les chambres de recours en vertu de la règle 50, paragraphe 1,
dudit règlement, l’Office communique le mémoire exposant les motifs du recours à la
partie défenderesse et l’invite à déposer ses observations dans le délai qu’il lui
impartit.
18
Dans la présente affaire, le 5 août 1999, l’Office a envoyé le mémoire à la
défenderesse, en lui donnant deux mois pour transmettre ses observations.
19
En se prévalant de la règle 19, paragraphe 2 du règlement d’exécution, la
défenderesse a demandé et obtenu la prorogation de ce délai au 7 janvier 2001, délai
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pendant lequel elle devait communiquer à l’Office ses observations en réponse au
mémoire de la requérante.
20
La chambre de recours rappelle qu’un acte peut être considéré comme dûment notifié
ou communiqué dès lors qu’il est reçu par son destinataire et que celui-ci est mis en
mesure d’en prendre connaissance (voir arrêt du Tribunal de première instance du 29
mai 1991 dans affaire T-12/90, Bayer AG c. Commission, point 19, Recueil 1991,
page II-219).
21
Il s’ensuit qu’un délai peut être considéré comme accompli dès lors que le document
à transmettre parvient au destinataire avant l’expiration dudit délai.
22
Dans la présente affaire, le 8 novembre 1999, la défenderesse, en conformité à la
règle 71 du règlement d’exécution, a sollicité une extension du délai précédemment
accordé pour présenter ses observations au mémoire de la requérante jusqu’au 7
janvier 2000. Cette prorogation a été octroyée par fax du 19 novembre 1999. Le
délai prorogé expirait donc le 7 janvier 2000 à 24h00. L’Office a reçu les
observations de la défenderesse datées du 7 janvier 2000 contenues dans un fax dont
la transmission a commencé à 23h38, heure de Greenwich. Néanmoins, des originaux
transmis par le greffe à la chambre de recours, il ressort qu’à cause du décalage
horaire entre Londres et Alicante, la réception de ce fax par l’Office n’a commencé
que le 8 janvier 2001 à 00h44, heure d’Alicante.
23
Il s’ensuit que les observations de la défenderesse en date du 7 janvier 2000 ne sont
arrivées à l’Office que le 8 janvier, c’est-à-dire après l’expiration du délai qui lui avait
été accordé pour ce faire. Dès lors, la chambre de recours n’est pas en mesure de
prendre en considération lesdites observations, dont la tardiveté a été invoquée par la
requérante.
24
Il est en outre incidemment noté que le fax arrivé à l’Office le 8 janvier à partir de
00h44 ne contient que les deux premières pages, les 22 autres étant complètement
blanches.
25
En l’espèce, la défenderesse ne peut pas se prévaloir de la règle 80, paragraphe 2 du
règlement d’exécution, qui suppose que la réception ait eu lieu dans les délais
impartis. En effet, les observations sont arrivées à l’Office après l’expiration dudit
délai.
26
Il convient également de rechercher s’il faut prendre en considération les observations
de la requérante en date du 26 avril 2000.
27
Aux termes de l’article 59 du règlement sur la marque communautaire, le mémoire
exposant les motifs du recours doit être déposé par écrit dans un délai de quatre mois
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à compter de la date de la notification de la décision contre laquelle le recours est
formé. En outre, aux termes de l’article 61, paragraphe 2 du règlement sur la marque
communautaire, il est prévu que la chambre de recours invite les parties, aussi souvent
que nécessaire, à présenter leurs observations sur les notifications qu’elle leur a
adressées ou sur les communications qui émanent des autres parties. Il s’ensuit que la
requérante, ne peut plus déposer de mémoire en dehors de ce délai de quatre mois,
sauf pour répliquer aux observations de la défenderesse et dans la mesure où une telle
réponse s’impose et est autorisée à le faire par la chambre de recours. Par
conséquent, les observations du 26 avril 2000, en tant que réplique à des
observations non-considérées par la chambre de recours, ne devraient pas être
considérées comme recevables, exception faite du chef relatif à la tardiveté des
observations du 7 janvier 2000.
28
Cependant, dans les procédures inter partes, les parties ont la maîtrise de la matière
litigieuse (voir décision du 23 janvier 2001 dans l’affaire R 687/1999-3 – POP
SWATCH / POL WATCH, paragraphe 28; décision du 21 juin 2000 dans l’affaire
R 615/1999-3 – NEGRETTO / NEGRITO, paragraphe 22). Cette approche est
confirmée par l’article 74, paragraphe 1, seconde phrase du règlement sur la marque
communautaire, qui dispose que « dans une procédure concernant des motifs relatifs
d’enregistrement, l’examen est limité aux moyens invoqués et aux demandes
présentées par les parties ».
29
Le principe de la disponibilité de litige a été établi par la Cour de justice dans son
arrêt du 14 décembre 1995 dans les affaires jointes C-430/93 et C-431-93, van
Schijndel, Recueil 1995, page I-4705, dans lequel elle a posé « le principe selon
lequel l’initiative d’un procès appartient aux parties », principe qui oblige « de s’en
tenir à l’objet du litige et de baser sa décision sur les faits qui ont été présentés » par
les parties, et repose sur « des conceptions partagées par la plupart des États
membres (…), protège le droit de la défense et assure le bon déroulement de la
procédure, notamment, en la préservant des retards inhérents à l’appréciation des
moyens nouveaux » (points 20 et 21).
30
En l’espèce, après avoir reçu les observations de la requérante du 26 avril 2000, la
défenderesse dans sa réplique du 18 juillet 2000 n’a nullement soulevé le problème de
leur recevabilité. La chambre de recours ne pourrait donc pas rejeter d’office des
arguments dont la recevabilité n’a pas été remise en question par la partie contre
laquelle ils sont adressés. Il en résulte que la chambre de recours prendra en
considération les observations en date du 26 avril 2000.
31
Les plaidoiries prononcées lors de l’audience du 12 février 2001 seront prises en
considération dans leur intégralité par la chambre de recours dans la mesure où elles
faisaient uniquement référence aux points indiqués dans l’ordonnance de convocation
et avaient seulement pour objet de les éclairer. De la même façon, la chambre de
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recours admet le dépôt des preuves intervenu lors de l’audience, étant donné que les
parties l’ont expressément autorisé.
b) l’étendue du recours
32
Il est nécessaire de déterminer exactement l’étendue du recours formé en l’espèce. En
vertu du principe dévolutif et de la nature du recours prévu au Titre VII du règlement
sur la marque communautaire, les chambres de recours n’ont de compétence que
pour connaître des points de la décision attaquée qui ont été contestés en formant un
recours au sens des articles 57 à 62 du règlement sur la marque communautaire et ce,
en application du principe tantum devolutum quantum appellatum (voir décision
23 janvier 2001 dans l’affaire R 158/2000-3 – CAMOMILLA/CAMOMILLA,
paragraphes 15 à 20; décision POP SWATCH/POL WATCH, citée, paragraphe
29; décision 6 avril 2000 dans l’affaire R 620/1999-3 – PREMIX , paragraphe 14).
L’effet dévolutif étant limité par l’acte de recours, la chambre de recours ne peut
connaître que des chefs de demande qui lui sont soumis.
33
Par conséquent, étant donné que la décision attaquée a statué sur la notoriété de la
marque sur laquelle l’opposition est fondée, et puisque aucun recours n’a été formé
contre ce point de la décision, il demeure établi que la marque en question jouit d’une
renommée au sens de l’article 8, paragraphe 5 du règlement sur la marque
communautaire.
34
Par ailleurs, la chambre de recours relève qu’afin de déterminer l’étendue précise des
questions sur lesquelles elle est appelée à se prononcer, le recours doit être interprété
en prenant en considération non seulement la référence expresse que la requérante a
fait aux points contestés de la décision attaquée, mais aussi à toute autre demande qui
peut objectivement être tirée du recours et du mémoire exposant les motifs du recours
visé à l’article 59 du règlement sur la marque communautaire, laquelle permet
d’identifier avec certitude la volonté réelle de la requérante (voir décision PREMIX,
citée, paragraphe 15).
35
Les chefs de demande, tels que formulés, soit dans l’acte de recours, soit dans le
texte et les conclusions de l’exposé des motifs, peuvent être synthétisés en ce que la
chambre de recours devrait refuser la demande de marque aux motifs que:
-
A. il existe un risque d’association entre les deux marques, dans le sens que
le consommateur pourrait penser que les produits du tabac portant la marque
Hollywood ont été mis sur le marché avec le consentement de la société requérante
par une entreprise ayant des relations commerciales avec celle-ci;
B. l’image dont jouit la marque opposante auprès des consommateurs, liée à
la santé, au dynamisme, et à la jeunesse, a été dûment prouvée et l’usage sans juste
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motif de la marque proposée à l’enregistrement affecterait sans conteste cette
image;
C. l’usage sans juste motif de la marque proposée à l’enregistrement
affaiblirait considérablement le caractère distinctif et la renommée de la marque
opposante;
D. l’enregistrement de la marque en question lui permettrait de profiter
indûment de l’exceptionnelle renommée de la marque antérieure.
36
Certains de ces chefs de demande, notamment sous A. et D., apparaissent comme
tout à fait nouveaux par rapport au contenu de l’action devant la division
d’opposition, laquelle concernait exclusivement le préjudice à l’image de la marque.
37
Néanmoins, comme cela a été indiqué aux points 28 à 30 ci-dessus, dans les
procédures inter partes les parties ont la maîtrise de la matière litigieuse. Après avoir
reçu le mémoire exposant les motifs du recours, la défenderesse n’a nullement soulevé
le problème de la recevabilité des nouveaux chefs de demande et, en tout cas, même
si cette contestation avait été soulevée, elle n’aurait pas pu être prise en considération,
étant donnée l’irrecevabilité des observations tardives du 7 janvier 2000. La chambre
de recours ne peut donc pas rejeter d’office des demandes dont la recevabilité n’a
pas été remise en question dans le délai imparti par la partie contre laquelle elles sont
adressées. L’exception d’irrecevabilité soulevée lors de l’audience ne peut pas être
acceptée, étant donné qu’elle n’a pas été soulevée dans le délai imparti. Par
conséquent, dans la présente affaire, la chambre de recours prendra en considération
tous les chefs de demande formulés à l’occasion du recours.
c) nouvelles preuves
38
De la même façon, certaines preuves auxquelles l’opposante fait référence devant la
chambre de recours n’ont pas été invoquées ou déposées devant la division
d’opposition, notamment les preuves relatives au préjudice à la renommée de la
marque et à son image.
39
La chambre de recours estime que la partie à qui incombe la preuve d’un fait ou d’un
acte dans une procédure d’opposition, doit la rapporter devant la division
d’opposition et dans les délais qui lui ont été impartis, sous peine d’irrecevabilité (voir
décision du 18 octobre 2000 dans l’affaire R 550/1999-3 – DUKE/DUKE,
paragraphe 30; décision du 18 octobre 2000 dans l’affaire R 74/2000-3 – ELS/ILS,
paragraphe 18; décision du 5 juillet 2000 dans l’affaire R 462/1999-3 – BABY
BUBBLES/BUBBLY BABY, paragraphe 24). Il est néanmoins toujours possible de
déposer de nouveaux moyens que la partie n’était pas en mesure de déposer
auparavant pour des raisons indépendantes de sa volonté, à l’instar de certificats
officiels qui n’auraient pas été fournis en temps utile par faute de l’administration
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préposée à leur délivrance, ou bien qui se seraient révélés nécessaires pour la
première fois au cours de la procédure de recours.
40
En l’espèce, il incombait à l’opposante, dès le début de la procédure, de fournir les
preuves de l’existence de l’image de la marque et de son préjudice. Il s’ensuit que les
moyens de preuve, nouveaux par rapport à ceux qui avaient été déposés devant la
division d’opposition et qui à ce moment-là étaient déjà disponibles, ne pourraient
donc pas être considérés dans la présente procédure devant la chambre de recours.
Toutefois, en l’espèce, en vertu du principe de libre disponibilité du litige (voir
paragraphe 28 ci-dessus), ils le seront néanmoins ; l’autre partie n’ayant pas soulevé
d’objection à leur recevabilité dans le délai imparti.
B. Sur le fond:
a) le risque d’association
41
Il convient d’aborder le problème du risque d’association entre les deux marques qui
tendrait, d’après la requérante, à ce que le consommateur pense que les produits du
tabac portant la marque HOLLYWOOD ont été mis sur le marché avec le
consentement de la société requérante par une entreprise ayant des relations
commerciales avec celle-ci.
42
L’article 8, paragraphe 1, sous b) du règlement sur la marque communautaire dispose
que la marque demandée est refusée à l’enregistrement « lorsqu’en raison de son
identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la
similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un
risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque
antérieure est protégée; le risque de confusion comprend le risque d’association avec
la marque antérieure ».
43
La Cour de justice a, à plusieurs reprises, dit pour droit que « la notion de risque
d’association n’est pas une alternative à la notion de risque de confusion, mais sert à
en préciser l’étendue » (voir arrêt du 11 novembre 1997 dans l’affaire C-251/95,
Sabel BV c. Puma AG, points 22 et 23 des motifs, Rec. 1997, p. I-6191 (ci-après:
l’«arrêt Sabel»).
44
Il en résulte que l’article 8, paragraphe 1, sous b) du règlement sur la marque
communautaire couvre aussi bien le risque de confusion stricto sensu (c’est-à-dire la
possibilité que le consommateur considère que les produits ou services identifiés par
l’une et l’autre marque proviennent de la même entreprise) que le risque de confusion
lato sensu (qui comprend les hypothèses dans lesquelles le consommateur est
capable d’attribuer une origine distincte à chacun des produits en présence, mais
considère qu’il existe entre leurs titulaires un lien au niveau des entreprises – filiale ou
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association – ou un autre type de relation contractuelle – licence, parrainage, franchise
ou groupement).
45
Il convient de rappeler que le septième considérant du règlement sur la marque
communautaire, reprenant le dixième considérant de la directive sur les marques
(directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les
législations des États membres sur les marques, JO CE 1989, L 40, p. 1), énonce
« que la protection conférée par la marque communautaire, dont le but est notamment
de garantir la fonction d’origine de la marque, est absolue en cas d’identité entre la
marque et le signe et entre les produits ou services; que la protection vaut également
en cas de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services; il y a
lieu d’interpréter la notion de similitude en relation avec le risque de confusion, dont
l’appréciation dépend de nombreux facteurs et notamment de la connaissance de la
marque sur le marché, de l’association qui peut en être faite avec le signe utilisé ou
enregistré, du degré de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou
services désignés, constitue la condition spécifique de la protection ».
46
Le risque de confusion dans l’esprit du public doit être apprécié globalement en tenant
compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (arrêt Sabel, point 22).
47
L’appréciation globale du risque de confusion, incluant le risque d’association,
implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, et notamment
la similitude des marques et celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un
faible degré de similitude entre les produits ou service désignés peut être compensé
par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (voir arrêt de la
Cour de justice du 29 septembre 1998, dans l’affaire C-39/97, Canon Kabushiki
Kaisha c. Metro-Goldwyn-Mayer Inc., point 17, Rec. 1998, p. I-5507 (ci-après
l’« arrêt Canon »)).
48
Le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque
antérieure s’avère important (arrêt Sabel, point 24). En conséquence, les marques qui
présentent un fort caractère distinctif, soit intrinsèquement, soit en raison de la
connaissance de celles-ci sur le marché, jouissent d’une protection plus étendue que
celles dont le caractère distinctif est moindre. Il en découle que, aux fins de l’article 8,
paragraphe 1, sous b) du règlement sur la marque communautaire, il peut y avoir lieu
de refuser à l’enregistrement une marque, malgré un moindre degré de similitude entre
les produits ou services désignés, lorsque la similitude des marques est grande et que
le caractère distinctif de la marque antérieure, et en particulier sa renommée, est fort
(arrêt Canon, points 18 et 19).
49
En dépit de cet affaiblissement de la règle de la spécialité, il demeure néanmoins
nécessaire, même dans l’hypothèse où il existe une identité avec une marque dont le
DÉCISION DU 25 AVRIL 2001 – R 283/1999-3 – HOLLYWOOD / HOLLYWOOD
13
caractère distinctif est particulièrement fort, d’apporter la preuve de la présence d’une
similitude entre les produits ou les services désignés (arrêt Canon, point 22).
50
Pour apprécier la similitude entre les produits ou services en cause, il y a lieu de tenir
compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits
ou services. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur
utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (arrêt Canon, point
23).
51
Dans la présente affaire et à la lumière des paramètres que l’on vient de rappeler, il
n’existe aucune similarité entre le tabac et le chewing-gum et il n’est pas possible de
les rapprocher.
52
En particulier, le fait qu’un buraliste puisse également vendre des chewing-gums n’est
pas suffisant pour établir qu’il existe une coïncidence dans les réseaux de distribution
et de vente des deux produits. En effet, il ressort des déclarations faites par les parties
lors de l’audience, qu’en France les cigarettes ne sont vendues que chez les buralistes
et qu’elles font l’objet d’un monopole d’État. En revanche, les chewing-gums sont
normalement et librement vendus dans d’autres circuits de distribution tels que les
grandes surfaces, les magasins d’alimentation au détail, les stations-service, les
cinémas, les cafés, etc. et seulement dans une mesure très limitée dans les bureaux de
tabac.
53
Il apparaît que la requérante n’a pas été en mesure de démontrer un lien plus étroit
entre ces produits. Il n’est pas possible de dire que les deux produits sont
complémentaires parce qu’ils satisfont la même exigence de satisfaction orale et de
défoulement. D’un côté, il est hautement improbable qu’une personne fume une
cigarette en guise de substitut à un chewing-gum. De l’autre, ce lien de
complémentarité n’est non plus démontré par l’affirmation faite à l’audience par la
requérante selon laquelle le chewing-gum serait le « substitut positif » des cigarettes.
S’il est notoire que certains fumeurs essayent de mastiquer des chewing-gums pour
espacer et réduire leur consommation de cigarettes, ceci ne saurait conférer à des
simples gommes à mâcher le rôle de substitut général des produits du tabac.
54
De la même façon, cette preuve n’est pas apportée par le simple fait que les chewinggums sous forme de dragée puissent être vendus dans des boîtes rectangulaires
(comme celles déposées à l’audience par la requérante) ressemblant vaguement aux
paquets de cigarettes.
55
La requérante ne fait pas valoir l’argument selon lequel certaines multinationales
contrôleraient tant la production de cigarettes que celle des denrées alimentaires
auxquelles le chewing-gum pourrait être éventuellement rattaché. D’ailleurs, ceci ne
DÉCISION DU 25 AVRIL 2001 – R 283/1999-3 – HOLLYWOOD / HOLLYWOOD
14
prouverait pas, en soi, l’existence d’un risque de confusion incluant un risque
d’association.
56
Il faut donc conclure que la requérante n’a pas été en mesure de démontrer une
similitude au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b) du règlement sur la marque
communautaire entre les produits désignés qui justifierait l’existence d’un risque de
confusion (comprenant le risque d’association) dans l’esprit du public du territoire
dans lequel la marque antérieure est protégée, même s’il n’est pas contesté que la
marque HOLLYWOOD jouit d’un pouvoir distinctif assez fort.
b) existence et renommée d’une image propre à la marque antérieure
57
En second lieu, la requérante se plaint du fait que l’usage sans juste motif de la
marque proposée à l’enregistrement affecterait l’image liée à la santé, au dynamisme
et à la jeunesse dont jouit sa marque auprès des consommateurs. Ce grief entre dans
le cadre d’application de l’article 8, paragraphe 5 du règlement sur la marque
communautaire. La requérante estime que sa marque, dont la renommée a déjà été
démontrée, serait compromise tant au niveau du caractère distinctif pris en lui-même
qu’au niveau de son image.
58
Pour répondre au chef de cette requérante, et en se limitant pour l’instant à l’éventuel
préjudice à l’image en question, il appartient de préciser la nature et le contenu du
droit de marque, notamment de la marque de renommée.
59
La version française de l’article 8, paragraphe 5 du règlement sur la marque
communautaire utilise le même terme de « renommée » pour définir à la fois la marque
protégée et l’objet du préjudice. Il dispose que « sur opposition du titulaire d’une
marque antérieure (…), la marque demandée est (…) refusée à l’enregistrement si elle
est identique ou similaire à la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée
pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la
marque antérieure est enregistrée, lorsque (…) elle jouit d’une renommée dans l’État
membre concerné et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait
indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou
qu’il leur porterait préjudice » (souligné par nous).
60
Dans d’autres versions linguistiques, une distinction entre les deux concepts est mise
en lumière. En particulier, les versions anglaise et allemande parlent de marque qui
jouit d’une « reputation » ou de « bekannte Marke » et de préjudice à la « repute » et
« Wertschätzung ». Dans certaines versions du règlement sur la marque
communautaire, une distinction serait introduite entre la notoriété de la marque
(« reputation ») et le bien protégé contre le préjudice résultant de l’enregistrement de
la marque demandée (« repute »).
DÉCISION DU 25 AVRIL 2001 – R 283/1999-3 – HOLLYWOOD / HOLLYWOOD
15
61
La chambre de recours estime que le fait qu’une marque jouisse d’une renommée
signifie simplement qu’elle est connue par une partie significative du public concerné.
Par contre, la renommée d’une marque, prise au sens de reconnaissance du signe, ne
préjuge pas d’une signification particulière que pourrait avoir cette renommée, prise
au sens de « repute », d’image et qui serait mise en péril par l’enregistrement de la
marque demandée.
62
Le fait que l’image de la marque constitue avec le caractère distinctif de la marque
l’objet de la protection en vertu de l’article 8, paragraphe 5 du règlement sur la
marque communautaire est confirmé par l’analyse de la jurisprudence de la Cour de
justice.
63
Il est constant que la fonction essentielle de la marque est de « garantir au
consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit marqué, en lui
permettant de distinguer sans confusion possible ce produit de ceux qui ont une autre
provenance » (voir arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes du 23
mai 1978, dans l’affaire C-102/77, Hoffmann-La Roche & Co. AG c. Centrafarm
Vertriebsgesellschaft Pharmazeutischer Erzeugnisse mbH, point 7, Rec. 1978, p.
1823, et du 30 novembre 1993, dans l’affaire Deutsche Renault AG. C. Audi AG,
point 14, Rec. 1993, p. I-6227). Le Tribunal de première instance a appliqué les
mêmes concepts pour la marque communautaire (voir arrêt du 8 juillet 1999, dans
l’affaire T-163/98, Baby Dry, point 14; et arrêt du 31 janvier 2001, dans l’affaire T135/99, Cine Action, point 24).
64
Que le législateur ait défini, à l’article 4 du règlement sur la marque communautaire,
les marques comme des signes distinctifs de produits ne signifie pas qu’il ait entendu
limiter au pouvoir distinctif de la marque le champ de protection couvert par le droit
exclusif reconnu au titulaire de la marque. Le considérant n° 7 du règlement sur la
marque communautaire, en disposant que « le but de la protection conférée par la
marque communautaire est notamment de garantir la fonction d’origine de la
marque », confirme implicitement la protection de fonctions autres que celle d’origine.
65
Le droit communautaire des marques attribue une importance particulière à la fonction
de détermination de l’origine, qu’il considère essentielle, mais sans pour autant exclure
la protection d’autres fonctions exercées par les marques. La Cour de justice a en
effet reconnu l’existence de certaines de ces fonctions, à l’instar de la fonction
d’indication de la qualité dans le sens que, dans un système de concurrence non
faussée, la marque doit constituer la garantie que tous les produits ou services qui en
sont revêtus ont été fabriqués sous le contrôle d’une entreprise unique à laquelle peut
être attribuée la responsabilité de leur qualité (voir arrêt du 17 octobre 1990 dans
l’affaire C-10/89, HAG II, points 13 et 14 , Rec. 1990, p. I-3711; arrêt Canon,
point 28), de la fonction publicitaire de la marque (voir arrêts du 11 juillet 1996 dans
les affaires jointes C-427/93, C-429/93 et C-436/93, Bristol-Myers Squibb et a. c.
DÉCISION DU 25 AVRIL 2001 – R 283/1999-3 – HOLLYWOOD / HOLLYWOOD
16
Paranova A/S, point 75, Rec. 1996, p. I-3457, et du 11 novembre 1997 dans
l’affaire C-349/95, Frits Loendershoot Internationale c. George Ballantine & Son
Ltd. et a., point 26, Rec. 1997, p. I-6227) au travers notamment de la fonction de
concentration du « goodwill » et du prestige acquis (voir arrêts du 4 novembre 1997
dans l’affaire C-337/95, Parfums Christian Dior BV c. Evora BV, points 44 et 45,
Rec. 1997, p. I-6013 (ci-après l’« arrêt Dior »), et du 23 février 1999 dans l’affaire
C-63/97, Bayerische Motorenwerke AG et BMW Nederland c. Ronald Karel
Deenik, points 40 et 52, Rec. 1999, p. I-905).
66
Dans l’arrêt Dior, la Cour a notamment reconnu que la valeur de la marque
comprenait « l’image de prestige des produits en cause » et « la sensation de luxe qui
émane de ceux-ci » (point 45). Ainsi, en sus d’être un indicateur d’origine, la marque
peut aussi fonctionner comme vecteur d’un message qui lui est associé et qui doit être
protégé avec elle.
67
La marque n’est donc pas seulement un signe apposé sur un produit pour en indiquer
l’origine commerciale, mais est aussi un véhicule de communication d’un message au
public et représente en elle-même une valeur économique. Ce message est incorporé
à la marque à travers un usage, essentiellement publicitaire, qui permettra que la
marque soit revêtue du message lui-même, que ce soit à titre informatif ou
symbolique. Le message peut faire référence aux qualités du produit ou bien à des
valeurs immatérielles comme le luxe, le style de vie, l’exclusivité, l’aventure, la
jeunesse, etc. Il peut être le résultat des qualités du produit ou du service pour
lesquels il est utilisé, mais aussi de la réputation de son titulaire ou d’autres éléments à
l’instar de la présentation particulière du produit ou du service ou de l’exclusivité de
circuits de vente.
68
À la lumière de ces éléments, il n’est pas possible d’exclure par principe que la
marque de la requérante soit porteuse d’un message de santé, de dynamisme et de
jeunesse, à la condition que la preuve en soit rapportée. Toutefois, pour être protégée
au sens de l’article 8, paragraphe 5 du règlement sur la marque communautaire, cette
image doit avoir acquis un niveau de renommée. La division d’opposition a en effet
considéré que la partie opposante avait apporté suffisamment de preuves quant à
l’existence de la renommée de la marque, mais que l’existence d’une image associée à
la marque jouissant de cette renommée n’avait pas été prouvée. La preuve à fournir
porte donc précisément sur l’existence de cette image associée à la marque qui jouit
de renommée.
69
Le public parmi lequel la marque antérieure doit avoir acquis une renommée est celui
de destination de cette marque. En fonction du produit ou du service commercialisé,
ce sera soit le grand public, soit un public plus spécialisé, par exemple un milieu
professionnel déterminé (arrêt de la Cour de justice du 14 septembre 1999 dans
l’affaire C-375/97, General Motors Corporation c. Yplon SA, Recueil 1999, page I-
DÉCISION DU 25 AVRIL 2001 – R 283/1999-3 – HOLLYWOOD / HOLLYWOOD
17
5421, point 24 (ci-après l’ « arrêt Chevy »)). Le degré de connaissance requis doit
être considéré comme atteint lorsque l’image de la marque antérieure est connue
d’une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par
cette marque.
70
L’examen de cette condition requiert la prise en considération de tous les éléments
pertinents, et notamment la part de marché détenue par la marque, la proportion du
public de destination qui connaît ou reconnaît l’image, l’intensité, l’étendue
géographique et la durée de l’usage fait en association avec ladite image, ainsi que
l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour promouvoir l’image
même et le fait que la question a fait l’objet de décisions des offices nationaux de
propriété intellectuelle ou d’arrêts de tribunaux nationaux.
71
Dans le cas d’espèce, la cassette vidéo retraçant l’historique des publicités
HOLLYWOOD, l’analyse effectuée par l’agence EURO RSCG, l’étude réalisée par
la Société THEMA et les documents sur le chiffre d’affaires et les investissement
publicitaires ne démontrent pas seulement l’effort stratégique fait par la requérante
pour construire l’image en question autour de sa marque, mais aussi l’échelle et
l’ampleur des investissements consentis pour promouvoir cette image.
72
La cassette en cause démontre, en outre, que le message en question a été diffusé et
rappelé par la publicité du produit dès l’apparition de la marque HOLLYWOOD sur
le marché il y a 50 ans, le tout sans interruption. Cette image a apparemment été
utilisée pour tous les produits commercialisés avec la marque HOLLYWOOD et
dans l’ensemble du territoire concerné.
73
Il faut en outre prendre en compte que l’image du chewing-gum, en tant que produit,
est intrinsèquement liée aux jeunes consommateurs.
74
La Revue des Marques constitue une source indépendante et qualifiée (voir décision
du 14 avril 2000 dans l’affaire R-254/1999-1 – marque tridimensionnelle nœud Vara,
paragraphe 22). Dans l’article dédié à la marque HOLLYWOOD tiré de cette revue,
il est notamment indiqué que « la marque s’identifie à quatre thèmes récurrents: la
musique, l’action, l’envie de vivre et l’amitié », que « les trois valeurs fortes de la
marque (sont) la liberté, l’échange et l’évasion », que « les consommateurs
s’identifient au style de vie proposé par la marque: liberté, sportivité et convivialité »,
que la marque est placée « sous le signe du sport, du culte du corps et du
dépassement de soi ».
75
Le fait que d’autres marques de chewing-gum pourraient aussi être porteuses de la
même image, voire l’être à un degré supérieur, ne saurait exclure pour autant
l’existence de cette image pour la marque HOLLYWOOD.
DÉCISION DU 25 AVRIL 2001 – R 283/1999-3 – HOLLYWOOD / HOLLYWOOD
18
76
Ce faisceau d’indices concordants quant à l’existence et à la renommée de l’image en
question aboutit à constituer une preuve convainquante qu’une image de santé, de
dynamisme et de jeunesse est effectivement associée à la marque HOLLYWOOD
par un nombre suffisant de consommateurs.
77
La chambre de recours estime que la requérante a fourni une preuve suffisante de
l’existence en France de l’image de santé, de dynamisme et de jeunesse indissociable
de la marque en question.
c) atteinte à l’image de la marque antérieure
78
La requérante a invoqué l’existence de l’image en question dans le cadre
d’application de l’article 8, paragraphe 5 du règlement sur la marque communautaire.
79
Le fait que la requérante ait échoué sur la base de l’article 8, paragraphe 1, sous b)
du règlement sur la marque communautaire, ne signifie pas qu’elle ne puisse pas
mener avec succès une action sur le fondement de l’article 8, paragraphe 5, dudit
règlement. En effet, les conditions d’application des deux dispositions sont différentes
et l’analyse de chaque motif de refus doit être menée de façon indépendante. Le
raisonnement du Tribunal de première instance quant à l’indépendance des motifs
absolus de refus peut être aussi étendu aux motifs relatifs de refus (voir arrêt du 26
octobre 2000 dans l’affaire T-345/99, Trustedlink, point 31).
80
Pour que l’article 8, paragraphe 1, sous b) du règlement sur la marque communautaire
s’applique, en présence de marques identiques ou similaires et de produits ou services
identiques ou similaires, il doit exister un risque de confusion dans l’esprit du public du
territoire dans lequel la marque antérieure est protégée.
81
Par contre, sous l’égide de l’article 8, paragraphe 5 du règlement sur la marque
communautaire, il n’est pas nécessaire de démontrer l’identité ou la similarité des
produits ou services, ni le risque de confusion. La simple identité ou similarité entre les
marques est suffisante. En revanche, d’autres conditions très strictes doivent être
remplies. La marque antérieure doit jouir d’une renommée dans le territoire concerné.
L’usage de la marque demandée doit être injuste. Il doit tirer indûment profit du
caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou doit leur porter
préjudice.
82
Ceci n’empêche pas qu’une marque de renommée ne puisse pas être protégée au titre
de l’article 8, paragraphe 1 du règlement sur la marque communautaire dont les
conditions sont plus faciles à remplir lorsqu’il existe une identité ou une similarité entre
les produits ou services désignés. De la même façon, le fait que le paragraphe 5 dudit
article n’exige pas la similitude entre les produits ou les services, n’empêche pas que
l’existence d’une similitude soit prise en considération dans le contexte du paragraphe
DÉCISION DU 25 AVRIL 2001 – R 283/1999-3 – HOLLYWOOD / HOLLYWOOD
19
5 dans la mesure où plus élevé sera le degré de similarité, plus grande sera la
probabilité qu’un profit indu ou un préjudice ait lieu.
83
Les conditions à remplir au titre de l’article 8, paragraphe 5 du règlement sur la
marque communautaire ne sont pas les mêmes que celles demandées au titre de
l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement à propos du risque d’association qui est
inclus dans le risque de confusion. Le fait que ces conditions ne soient pas remplies au
titre de l’article 8, paragraphe 1 du règlement sur la marque communautaire ne fait pas
obstacle à ce que la requérante démontre avec succès qu’elle peut remplir les
conditions énoncées à son article 8, paragraphe 5.
84
Ainsi, une fois démontrée l’existence d’une image associée à une marque qui jouit
d’une renommée, il faut encore démontrer l’existence d’un préjudice à cette image
porté par le signe contesté.
85
Il importe donc de démontrer que la marque est souillée ou dégradée par son
association avec quelque chose d’inconvenant. Ceci peut arriver quand la marque est
utilisée, d’une part, dans un contexte désagréable, obscène ou dégradant ou, d’autre
part, dans un contexte qui n’est pas intrinsèquement désagréable mais qui s’avère
incompatible avec l’image de la marque. Dans tous les cas, il s’effectue un
rapprochement nuisible à l’image de la marque, un ternissement de la marque, ce que
la terminologie anglaise appelle « dilution by tarnishment ».
86
Une marque sera ainsi ternie quand la capacité du consommateur de l’associer aux
produits ou services pour lesquels elle est enregistrée est diminuée par le fait :
-
-
-
a) qu’elle soit liée à des produits qui sont de mauvaise qualité ou qui donnent
lieu à des associations mentales indésirables ou douteuses qui se heurtent avec
les associations ou l’image générées par l’usage légitime de la marque par son
propriétaire ;
b) qu’elle soit liée à des produits incompatibles avec la qualité et le prestige
attachés à la marque, bien qu’il ne s’agisse pas en soi d’un usage malsain de la
marque ;
c) que sa partie nominale ou figurative soit modifiée ou altérée dans une
forme négative.
87
Le propriétaire de la marque antérieure doit donc démontrer que l’utilisation de la
marque de la demanderesse provoquerait des associations mentales malsaines ou à
tout le moins négatives, avec la marque de l’opposante, ou des associations
discordantes avec son image qui lui seraient préjudiciables.
88
Le préjudice en question peut n’être que potentiel dans la mesure où le signe contesté
n’a pas encore été enregistré et moins encore utilisé. Ceci est confirmé par un
DÉCISION DU 25 AVRIL 2001 – R 283/1999-3 – HOLLYWOOD / HOLLYWOOD
20
rapprochement les différentes expressions utilisées dans l’article 5, paragraphe 2, de
la directive sur les marques et dans l’article 8, paragraphe 5 du règlement sur la
marque communautaire. Si la directive, qui utilise les termes « tire indûment profit ou
leur porte préjudice », ne semble pas se satisfaire d’un risque potentiel de voir
remplies les conditions envisagées, en revanche le règlement sur la marque
communautaire en employant le conditionnel (« tirerait », « porterait ») accepte une
simple probabilité.
89
La preuve du préjudice requis peut se suffire d’une simple analyse logique et résulter
de déductions tirées de règles de probabilité. A cet égard, un sondage d’opinion,
néanmoins possible, n’est pas obligatoire et ne saurait se suffire à lui-même.
90
En l’espèce, les sondages soumis ne sont pas en mesure d’expliquer pourquoi et
comment une atteinte pourrait être portée à l’image de marque en question. Eu égard
au contexte dans lequel le sondage a été réalisé, le même échantillon de
consommateurs ayant été confronté successivement à des questions évoquant les
produits de la requérante, puis à des questions concernant les images associées à sa
marque et enfin à une requête pour un jugement de valeur sur la coexistence des
marques en conflit, sa valeur probatoire en est quelque peu diminuée.
91
La référence faite à la directive 98/43/CE du Parlement européen et du Conseil du 6
juillet 1998 concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires
et administratives des États membres en matière de publicité et de parrainage en
faveur des produits du tabac n’est pas pertinente, celle-ci ayant été annulée par l’arrêt
de la Cour de justice du 5 octobre 2000, rendu dans l’affaire C-376/98, Allemagne
c. Parlement européen et Conseil de l’Union européenne.
92
La référence faite à la loi française relative à la lutte contre le tabagisme n’est pas
davantage pertinente. Cette loi, en ses articles 2 et 3, interdit toute propagande,
directe ou indirecte, en faveur du tabac, et considère comme étant une propagande
indirecte toute propagande ou publicité faite en faveur d’un produit autre que le tabac
lorsque, par l’utilisation d’une marque, elle rappelle le tabac. En effet, l’application de
cette loi ne pourrait pas empêcher l’enregistrement de la marque demandée au cas
d’espèce, mais seulement en prohiber la publicité.
93
Il n’en demeure pas moins que les actes législatifs cités sont l’expression d’une culture
et d’une attitude générale négative et contraire à la consommation du tabac. Il est
scientifiquement démontré que le tabac est nuisible pour la santé et il est tout à fait
notoire que, au moins dans certains pays dont France, le tabac est aujourd’hui associé
à quelque chose de mauvais pour la santé. Cela est confirmé aussi par les
avertissements que les fabriquants sont obligés d’imprimer sur les paquets de
cigarettes.
DÉCISION DU 25 AVRIL 2001 – R 283/1999-3 – HOLLYWOOD / HOLLYWOOD
21
94
De plus, la consommation de tabac revêt des connotations négatives dans la mesure
où elle donne une mauvaise haleine et provoque le jaunissement des dents et des
doigts des fumeurs. En outre, au vu des dommages causés non seulement aux fumeurs
actifs mais aussi aux fumeurs passifs, la consommation de cigarettes peut comporter
des limitations à l’accès à certains endroits tels que restaurants et cinémas, et peut être
mal tolérée par d’autres personnes.
95
La connotation négative dont est porteur le tabac est donc frappante par son
contraste avec l’image de la marque HOLLYWOOD. Il n’est pas possible d’imaginer
un pire rapprochement pour un producteur de confiseries que celui qui est fait avec
des produits susceptibles de provoquer la mort. L’usage de la marque
HOLLYWOOD en corrélation avec des produits du tabac produirait un lien
regrettable avec les dangers à la santé et les autres sensations négatives que la
chambre de recours vient de rappeler.
96
Cette conclusion n’est pas contredite par le fait que, dans la pratique commerciale du
parrainage publicitaire, les marques de cigarettes sont souvent associées au monde du
sport, de la vitalité, de la joie de vivre. Il suffit de penser aux marques Marlboro,
Fortuna, Camel, Gauloises, Merit. Le fait que les propriétaires de ces marques aient
essayé de les revêtir d’une image de sportivité, de vitalité, etc. ne démontre pas qu’ils
y ont réussi. Surtout, cela ne démontre pas que, dans le pays de référence, le tabac
n’est pas associé à une image négative, image qui est précisément à l’opposé de celle
véhiculée par la marque HOLLYWOOD. Ceci correspond plutôt à la double
exigence de contourner les prohibitions légales de la publicité directe du tabac et de
rendre les produits du tabac plus séduisants, dans une tentative de récupérer une
image négative et de rassurer les consommateurs.
97
Il faut souligner que, dans le cas d’espèce, la marque communautaire n’a pas été
demandée seulement pour des « cigarettes, tabac, produits du tabac, articles pour
fumeurs », mais aussi pour des « briquets et allumettes ». Ces derniers peuvent être
utilisés dans les circonstances les plus diverses et en relation avec un grand nombre de
produits et non pas seulement pour allumer une cigarette. En tant que tels, les briquets
et les allumettes ne partagent pas la même image et la même association mentale que
le tabac. Ils ne peuvent pas être rapprochés immédiatement et directement au tabac. Il
s’ensuit qu’une atteinte à l’image de la marque HOLLYWOOD n’est pas démontrée
pour ce qui concerne ces produits.
d) manque d’un juste motif
98
Il faut rappeler que l’article 8, paragraphe 5 du règlement sur la marque
communautaire subordonne l’opposition de la marque antérieure jouissant d’une
renommée à l’absence d’un juste motif pour utiliser la marque demandée.
DÉCISION DU 25 AVRIL 2001 – R 283/1999-3 – HOLLYWOOD / HOLLYWOOD
22
99
Quel que ce soit le contenu à attribuer à l’expression « juste motif », en l’espèce, la
chambre de recours relève que la partie défenderesse n’a soulevé le problème de
l’existence d’un juste motif qu’à l’occasion de l’audience, sans en faire mention dans
ses mémoires.
100 Devant la division d’opposition, la demanderesse avait invoqué à titre de juste motif,
le fait qu’elle possède une marque française HOLLYWOOD qu’elle n’a jamais
utilisée pour des cigarettes ayant comme date de dépôt une date ultérieure à celle de
la marque de la requérante.
101 La chambre de recours estime que, pour qu’il y ait un juste motif, il faut généralement
poser comme condition qu’il y ait obligation pour le demandeur de la marque de faire
usage du signe en cause, de sorte que nonobstant le préjudice causé au titulaire de la
marque antérieure, il ne puisse pas être raisonnablement exigé du demandeur qu’il
s’abstienne de l’emploi de la marque ou que le demandeur ait un droit propre à faire
usage de ce signe qui ne soit pas primé par le droit du titulaire de la marque
opposante. En particulier, la condition de juste motif n’est pas remplie, en soi et à elle
seule, par le fait (a) que le signe soit particulièrement approprié pour désigner les
produits pour lesquels il en est fait usage, (b) que la demanderesse ait déjà fait usage
de ce signe pour ces produits ou des produits similaires à l’intérieur du territoire
communautaire de référence et/ou hors de celui-ci ou (c) que la demanderesse
invoque un droit qui résulte d’un dépôt qui prend rang après celui du dépôt du titulaire
de la marque qui fait opposition.
102 La chambre de recours n’aurait donc pas pu considérer comme juste motif le fait que
la demanderesse possède une marque identique enregistrée postérieurement en
France.
103 Dès lors, il faut conclure que l’enregistrement de la marque demandée pour des
« cigarettes, tabac, produits du tabac, articles pour fumeurs » dont l’usage serait fait
sans juste motif, porterait atteinte à l’image de la marque HOLLYWOOD, image
protégée aux sens de l’article 8, paragraphe 5 du règlement sur la marque
communautaire. En revanche, aucune atteinte à l’image n’est démontrée en cas
d’enregistrement de la même marque pour des « briquets et allumettes ».
e) atteinte au caractère distinctif de la marque antérieure
104 La requérante allègue aussi que l’enregistrement de la marque en question affaiblirait
considérablement le caractère distinctif de la marque opposante.
105 Il s’agit là de la forme classique de dilution dite dilution par brouillage ou encore
« dilution by blurring » selon la terminologie anglaise. Cette dilution prend forme,
quand les consommateurs identifient la marque utilisée par des tiers à différents
DÉCISION DU 25 AVRIL 2001 – R 283/1999-3 – HOLLYWOOD / HOLLYWOOD
23
produits ou services originaires d’autres provenances. Ceci dilue la capacité de la
marque à reconnaître une seule source de provenance sans que cela comporte un
risque de confusion quant à l’origine du produits ou service ou l’existence de rapports
contractuels ou similaires entre les titulaires du droit. Il se produit alors un
rapprochement appauvrissant ou amenuisant le caractère distinctif de la marque.
106 Le caractère distinctif d’une marque n’est pas une donnée statique mais peut par
contre évoluer dans le temps. Ainsi, le caractère distinctif d’une marque faible au
moment de l’enregistrement peut augmenter par l’usage qui en est fait. Inversement, le
caractère distinctif d’une marque forte peut diminuer par l’abus qui en est fait.
107 Les avantages que le droit exclusif sur la marque confèrent à son titulaire peuvent
comprendre le pouvoir qu’aurait la marque d’inciter à l’achat des produits pour
lesquels elle est enregistrée. Ce pouvoir peut aussi être atteint par le fait que d’autres
personnes que le propriétaire font un usage de la marque ou d’un signe similaire pour
des produits autres que ceux pour lesquels elle est enregistrée. Cette atteinte peut
consister dans le fait que la marque n’est plus susceptible, par la perte de son
caractère exclusif, de provoquer dans l’esprit du public une association immédiate
avec les produits pour lesquels elle est enregistrée et utilisée. Cet autre emploi peut
donc porter préjudice au titulaire de la marque.
108 Le préjudice peut consister dans la circonstance que l’emploi de la marque pour une
sorte déterminée de produits autres que ceux pour lesquels elle est enregistrée
réduirait l’attrait de la marque pour cette dernière sorte de produits. Tel sera le cas
quand cette autre sorte de produits, bien que n’influençant pas en tant que telle de
manière négative l’appréciation du public, l’influence néanmoins de manière telle que,
pour les produits qui ont fait l’objet de l’enregistrement, la marque est atteinte dans
son pouvoir d’incitation à l’achat. Il se produit alors une érosion du caractère distinctif
causée par la prolifération de marques «parasites » qui, bien ne dégradant pas la
marque d’origine, sont tellement nombreuses qu’elles privent la marque de son
caractère distinctif et donc de son impact.
109 La capacité de la marque d’inciter à l’achat dépend normalement du degré de
caractère distinctif et de notoriété dont elle jouit. La Cour de justice a statué, à
propos de l’article 5, paragraphe 2, de la directive sur les marques lequel se trouve
transposé à l’article 8, paragraphe 5 du règlement sur la marque communautaire,
qu’« il convient d’observer que plus le caractère distinctif et la renommée de celle-ci
seront importants, plus l’existence d’une atteinte sera aisément admise » (arrêt Chevy,
point 30).
110 Comme il a déjà été souligné au paragraphe 81, le préjudice en question peut n’être
que potentiel, étant donné que le signe contesté n’a pas encore été enregistré.
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111 La preuve requise ne peut être que de type logique et déductif résultant d’une analyse
de probabilité prenant en compte l’ensemble de toutes les circonstances du cas
d’espèce.
112 Cette preuve ne peut pas se limiter dans la simple existence de la renommée de la
marque de l’opposant et à son identité ou similarité avec la marque demandée à
l’enregistrement. Ceci entraînerait la reconnaissance automatique et aveugle d’un
risque de dilution pour toutes les marques qui jouissent d’une renommée et viderait de
son contenu la condition de la preuve du préjudice. Toute utilisation de la même
marque ou d’une marque similaire pour des produits et services dissemblables
pourrait alors entraîner une dilution et, par conséquence, être préjudiciable au
caractère distinctif de la marque antérieure. L’intention de l’article 8, paragraphe 5 du
règlement sur la marque communautaire n’étant pas d’empêcher l’enregistrement de
toute marque identique ou similaire à une marque de renommée, l’application de cette
disposition devra dépendre du degré de dilution. Une dilution nulle ou quasiment nulle
ne sera pas suffisante pour établir un risque de dilution au sens de l’article 8,
paragraphe 5 du règlement sur la marque communautaire.
113 Dans le cas d’espèce, la requérante s’est bornée à invoquer l’existence d’un risque de
dilution hypothétique sans fournir à la chambre de recours le moindre élément pour en
supporter l’existence comme le requiert l’article 8, paragraphe 5 du règlement sur la
marque communautaire. Au contraire, le fait que la requérante n’ait pas réagi à
l’enregistrement en France d’une marque HOLLYWOOD par d’autres entreprises
que la sienne constitue un indice, même faible, qu’il ne s’est pas trop soucié que les
consommateurs ne soient plus en mesure de faire une connexion unique entre la
marque et son produit.
114 De ce qui précède, la chambre de recours conclut que le niveau de dilution qui
résulterait de la vente des produits sous la même marque ne permettrait pas de
justifier l’opposition à l’enregistrement de la marque demandée au sens de l’article 8,
paragraphe 5 du règlement sur la marque communautaire.
f) profit indûment tiré de la renommée de la marque antérieure
115 La Cour de justice a jugé que « plus le caractère distinctif et la renommée de celle-ci
seront importants, plus l’existence d’une atteinte sera aisément admise » (arrêt Chevy,
point 30). La chambre de recours estime qu’un lien encore plus étroit doit exister
entre le niveau de renommée d’une marque et la possibilité qu’une marque identique
profite de cette renommée.
116 En l’espèce, la division d’opposition a établi que la marque de la requérante jouit de
renommée, mais n’a rien précisé quant à son importance au sens donné par la Cour
de justice.
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117 La chambre de recours estime que les preuves fournies par la requérante quant à la
part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique, la durée de
son usage et l’importance des investissements réalisés pour la promouvoir, ont
démontré que la renommée dont jouit sa marque est très importante au sens de l’arrêt
Chevy.
118 En outre, la marque est hautement distinctive. Elle est, d’un point de vue conceptuel,
lointaine des produits désignés, de leurs qualités ou de leurs caractéristiques.
119 L’existence d’une renommée ne peut pas être appréciée en des termes généraux. Une
marque familière à une grande partie du public jouira normalement d’une certaine
renommée et possédera donc une valeur ajoutée qui va au-delà de l’effet distinctif
propre à toutes les marques. Il est également possible qu’une marque ne soit utilisée
que dans un secteur limité du marché dans lequel elle jouit d’une importante
renommée et que, en raison de la spécificité de ce secteur, elle n’ait pas atteint un
niveau significatif de renommée parmi les consommateurs d’autres secteurs. Il en
découle que, en principe, il n’est pas possible de tirer profit de la renommée d’une
marque limitée à un secteur spécifique et qui n’est pas connue par les consommateurs
de produits ou services d’autres secteurs, pour lesquels la demanderesse a demandé
l’enregistrement.
120 En l’espèce, il n’est pas contesté que la marque HOLLYWOOD de la requérante
jouit d’une renommée en France et est connue du grand public, y compris les
fumeurs. Elle est une des marques de chewing-gum les plus vendues en France et est
devenue une marque familière à la quasi-totalité de la population.
121 La capacité d’une marque de renommée de renvoyer ou de reporter une image
déterminée d’un produit ou service sur un autre produit ou service conduit les tiers à
vouloir profiter de la valeur économique de cette renommée, dans la mesure où cette
utilisation de la marque de renommée en rapport avec des produits ou services
différents va faciliter la promotion de leur succès commercial.
122 La seule renommée de la marque de l’opposant, qu’elle soit identique ou similaire
avec la marque demandée à l’enregistrement, n’est toutefois pas suffisante pour
démontrer l’existence d’un profit indu. L’article 8, paragraphe 5 du règlement sur la
marque communautaire ne vise pas à empêcher l’enregistrement de toutes marques
identiques ou similaires à une marque de renommée. Aussi, l’application de cette
disposition dépendra-t-elle de la preuve de l’existence d’une probabilité sérieuse
qu’un profit soit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque
antérieure.
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123 A cet égard, il a déjà été souligné que la pratique commerciale et publicitaire des
marques de cigarettes les associe souvent au monde du sport, de la vitalité et de la
joie de vivre, ce qui correspond à une stratégie commerciale précise des producteurs
de tabac, comme cela a été mis en lumière lors de l’audience de la chambre de
recours.
124 Il est clairement établi que l’enregistrement de la marque demandée pour des
cigarettes et des produits du tabac permettrait de tirer indûment profit de la
renommée, en ce compris de l’image telle qu’elle a été décrite, de la marque
HOLLYWOOD. Il existe donc un fort intérêt pour la demanderesse de se glisser
dans cette ligne de politique commerciale et publicitaire par l’évocation de la
renommée et de l’image associée à la marque HOLLYWOOD de la requérante.
125 En revanche, un tel intérêt n’a pas été démontré pour les briquets et les allumettes. La
requérante n’a pas été en mesure de démontrer l’existence d’une probabilité qu’un
profit soit indûment tiré par l’enregistrement du signe demandé pour ces produits.
126 Il a déjà été indiqué, qu’en l’espèce, la demanderesse ne peut invoquer un juste motif
au sens de l’article 8, paragraphe 5 du règlement sur la marque communautaire. Il
sera simplement ajouté que, pour l’évaluation de l’existence de cette condition par
rapport au profit indu, il convient aussi d’apprécier si la marque communautaire
demandée serait descriptive ou suggestive des produits ou services revendiqués. Dans
ce cas, le consommateur qui entre en contact avec la marque, pourrait prêter
davantage attention à la signification descriptive de la marque plutôt que faire une
association mentale avec la marque antérieure de renommée.
127 Dans l’espèce, il est clair que la marque HOLLYWOOD n’apparaît nullement
descriptive ou suggestive des produits du tabac et que son utilisation ne pourrait être
justifiée d’aucune manière.
128 L’ensemble de ces éléments de fait et de droit conduisent à la conclusion que l’usage
de la marque demandée à l’enregistrement pour des « cigarettes, tabac, produits du
tabac, articles pour fumeurs » tirerait indûment profit de la renommée de la marque
antérieure. En revanche, il n’est pas démontré qu’un pareil profit pourrait être tiré par
l’enregistrement de la marque demandée pour des « briquets et allumettes ».
Conclusions
129 En résumé, après avoir déterminé l’étendue du recours en application des règles de
procédure, la chambre de recours estime que la renommée de la marque
«HOLLYWOOD» en France et que l’image de santé, de dynamisme et de jeunesse
qui lui est associée ont été prouvées par la requérante. La chambre de recours estime,
en outre, qu’il a été prouvé que l’enregistrement de la marque demandée pour des
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« cigarettes, tabac et produits dérivés du tabac » serait nuisible à l’image de la
marque; l’association avec une marque de tabac permettant à cette dernière de tirer
indûment profit de la renommée de la marque qui fonde l’opposition.
130 En revanche, aucune preuve n’a été fournie qui prouverait que l’enregistrement de la
marque demandée pour des « briquets et allumettes » porterait atteinte à l’image et au
profit tiré de la renommée de la marque antérieure opposante.
131 En conséquence, il n’est pas possible de donner suite à la demande d’enregistrement
de marque communautaire sollicitée par la demanderesse/défenderesse pour des
« cigarettes, tabac et produits dérivés du tabac ».
Frais
132 En vertu de l’article 81, paragraphes 1 et 2 du règlement sur la marque
communautaire, dans la mesure où chaque partie succombe pour partie dans le
recours, sans préjudice de la répartition des frais décidée dans la décision
d’opposition attaquée, étant donné le déroulement de l’affaire, la chambre de recours
estime que, dans le cas d’espèce et quant à la procédure de recours, l’équité exige
que chaque partie supporte ses propres frais. La chambre de recours a notamment
pris en considération la nouveauté et la complexité des questions posées ainsi que le
fait que la partie requérante a soulevé devant la chambre de recours des points qu’elle
n’avait pas soulevés devant la division d’opposition.
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Dispositif
Par ces motifs,
LA CHAMBRE
déclare et décide :
1.
La décision n° 105/99 de la division d’opposition du 25 mars 1999 est
annulée.
2.
Il est fait droit à l’opposition pour les « cigarettes, tabac, produits
dérivés du tabac et articles pour fumeurs ».
3.
L’opposition est rejetée pour les « briquets et allumettes ».
4.
Chaque partie supportera ses propres frais pour ce qui concerne la
procédure de recours, les frais de la procédure d’opposition restant à la
charge de l’opposante.
Prononcée en audience publique le 25 avril 2001 aux sens de l’article 75, paragraphe
3 du règlement sur la marque communautaire.
S. Sandri
Th. Margellos
A. Bender
Greffier:
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E. Gastinel
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